Charnizay
Le nom de cette commune, située dans le sud-est du département, apparaît en 900, dans une charte du roi des Francs Robert 1er (860-923), sous la forme Carnisiacus ou « domaine de Carnutius ».
Histoire
Le dolmen néolithique appelé La Pierre-Levée, ou les Palets-de-Gargantua, ou encore les Pavés-de-Gargantua, composé de trois énormes blocs, dont l’un est resté au sol, est situé au Champ-de-l’Ormeau, au nord-est du bourg, à côté de Rigné (voir ci-après), à une hauteur de 143 mètres. Il semblerait que le projet des bâtisseurs était d’élever deux dolmens car la table restée au sol est de la même dimension que celle qui ne repose que sur un support. Selon la légende, ces pierres auraient été des palets que Gargantua devait lancer vers un but, qui était, soit La Pierre-Levée de Civray-sur-Esves, à 30 km, soit La Pierre-Percée de Draché, à 40 km.
Ont été découverts :
- Un gisement d’outils néolithiques dans la grotte de Rouenceau, au nord-ouest du bourg.
- Une hache plate en cuivre de l’âge du bronze, trouvée en 1952 entre les hameaux La Riffoire et le Rocher, également au nord-ouest du bourg.
- Un dépôt d’une cinquantaine de pièces gauloises en argent ; selon l’AAT (53ème supplément à la RACF) ; ce serait le seul dépôt de ce genre trouvé chez les Turons.
Outre le domaine indiqué par le nom de la commune, d’autres domaines agricoles existaient probablement à Limeray (au sud-est du bourg), venant de Limiriacus ou « domaine du germain Liutmarus », à Rigné (au nord-est du bourg), venant de Reginiacus ou « domaine du gaulois Reginius » et à Saunay (à l’est du bourg), venant de Solonacus ou « domaine du gaulois Solonis ».
Il est possible qu’une voie gallo-romaine, qui, selon la tradition, traversait la Claise à Preuilly-sur-Claise et se dirigeait vers Verneuil-sur-Indre, ait franchi l’Aigronne à un gué situé au nord-ouest du bourg mais, à ce jour, on n’a pas retrouvé des vestiges certains de cette voie.
Histoire du fief
Le premier seigneur connu, cité en 1442, Jean VII de Menou (1405/1473), chambellan de Charles VII puis de Louis XI (voir Boussay), fils de Pierre I de Menou (1380/1414), amiral de Charles VII. Son fils, Philippe de Menou (1435/1520) fut aussi chambellan de Louis XI puis de Charles VIII. Il épousa en 1474 Antoinette de La Touche, fille d’Hardouin (mort en 1475), seigneur des Roches-Tranchelion à Avon-sur-Roches et panetier de Louis XI.
Leur fils, René de Menou (1480/1546), premier échanson de Claude de France puis d’Éléonore de Hasbourg, épousa en 1509 Claude Du Fau, dame de Manthelan, fille de François Du Fau et petite-fille de Jean Du Fau, seigneur du Fau (Reignac) et de Jeanne de Bourbon (voir Bournan).
Les seigneurs suivants furent François de Menou (mort en 1604), fils de René, puis un autre René de Menou (mort en 1651), conseiller de Louis XIII, dont le fils, Charles de Menou d’Aulnay (1604/1650) fut gouverneur de l’Acadie, puis Armand François de Menou (1627/1703), petit-fils de François, puis André de Menou (1687/1754), fils d’Armand François. La fille de ce dernier, Charlotte Françoise de Menou (1722/1802) épousa en 1747 l’officier de marine Jean Antoine de Charry des Gouttes (1713/1790), qui fut le dernier seigneur de Charnizay.
Les héritiers de Charlotte Françoise de Menou vendent le château à Philippe Claude d’Arthuys (1765/1828), président de la cour d’appel d’Orléans, qui sera fait baron de Charnizay par Napoléon en 1811. Son fils, Philippe Amable d’Arthuys (1798/1890), sera maire de Charnizay de 1831 à 1846.
En mai 1868, une invasion de courtilières, insecte fouisseur qui s’attaque aux racines des plantes en cherchant sa nourriture, ravagea la région. Voici quelques extraits de la relation qu’en fit l'abbé Stanilas Hersant, curé de la paroisse : « Les blés étaient détruits par une multitude d'insectes qu'on nomme ici fumerolles. Ces animaux malfaisants tranchaient la tige par le pied, et des champs entiers paraissaient complètement ravagés. »
À la vue de ce désastre, une délégation de paroissiens vint prier son curé de bénir les blés. Ce dernier en référa à l'Archevêché d'où il obtint l'autorisation d'accéder au désir de la population. « Je fis donc cette bénédiction, en me transportant sur divers lieux de la Commune. »
Quelques jours après une trombe d'eau vint s'abattre sur le pays ; l'eau venant des hauteurs descendait vers la rivière avec la rapidité d'un torrent. Ce fut tout d'abord une véritable panique. Mais la pluie ayant cessé, on put constater ce fait surprenant : la rivière était couverte de ces insectes dont on avait imploré la destruction. « L'eau en est toute noire, disaient les gens témoins de ce spectacle inouï, et partout où la rivière a débordé la terre est jonchée de leurs cadavres. » Les terres en effet avaient été débarrassées de ces animaux malfaisants : les blés repoussèrent et donnèrent encore une demi-récolte, lorsque tout espoir semblait perdu. « Ce résultat, conclura l'abbé Hersant, n'a point produit un grand étonnement dans le pays, le contraire, ce me semble, eut davantage surpris. »
À voir dans le bourg
Église Saint-Martin : elle appartenait au 10ème siècle à la collégiale de Saint-Martin-de-Tours et fut reconstruite au 12ème. Le transept et la fenêtre du chevet plat datent du 15ème siècle. Le chœur est carré et voûté sur huit nervures. Primitivement plus large, la nef à vaisseau unique est aujourd’hui voûtée et garnie de boiseries. Elle est prolongée à l’ouest, en respectant les murs gouttereaux du vaisseau du 12ème siècle, au 19ème siècle lors de la reconstruction d’une nouvelle façade. Le clocher, élevé au 12ème siècle au-dessus de la croisée du transept, est percé de fenêtres en plein cintre à l’étage du beffroi. Elle abrite une bannière de saint Martin, une statue et un vitrail présentant saint Martin en évêque, ainsi que deux tableaux classés du 17ème siècle figurant des apparitions de Jésus. Un pignon a été partiellement abattu par une tempête en 2017.
Ancien château : situé au cœur du bourg, cet ancien logis seigneurial du 15ème siècle servit très longtemps de ferme. La famille de Menou qui l'occupa jusqu'en 1802. Détruit partiellement en 1971, il en reste des vestiges de fortifications et un corps de logis quadrangulaire avec une tourelle d’escalier carrée en encorbellement.
Le prieuré (6 rue du 11 novembre) : Il reste, de ce prieuré du 16ème siècle, le logis contenant une ancienne forge.
Lavoir (au nord-est du bourg, rue du stade) : édifié en 1923 et alimenté par l’Aigronne.
À voir au nord
Les moulins sur l’Aigronne :
- Moulin de la Croix (nord-est) : ce moulin date du 15ème siècle ; un des bâtiments actuels a été construit au 18ème siècle. Le moulin a été désaffecté en 1958 et propose actuellement des chambres d’hôtes. Voir https://www.moulindelacroix-touraine.fr/fr
- Moulin Girault (nord-est) : ce moulin figure au 18ème siècle, sur la carte de Cassini*, sous le nom de Moulin Giraud.
- La Grande Roue (à l’extrémité nord-est de la commune).
- Moulin du Rouenceau (nord-ouest) : ce moulin construit avant le 15ème siècle a été modernisé vers 1850. L'activité de ce moulin à farine pour animaux s'est arrêtée en 1956. Il est alimenté par le Rouenceau, qui prend sa source à la butte du Rocheron, et est renforcé par un collecteur qui récupère les eaux de ruissellement des pentes des deux coteaux. La roue hydraulique, abritée, est reliée par l'intermédiaire d'un arbre au rouet de fosse et entraîne deux paires de meules grâce à divers organes de transmission, ce mécanisme d'entraînement est très bien conservé (source NR).
Saint-Michel-des-Landes : il ne reste que quelques vestiges de l’église de cette ancienne commune, qui fut supprimée en 1794 et rattachée en grande partie à Charnizay en 1813. Dans le hameau de La Cornetterie, qui dépendait aussi de ce village, un puits en pierre a été construit en 1861 par René Lamberton, maçon à Saint-Flovier.
À voir au sud
Le Colombier : le pigeonnier-porche de la ferme de ce hameau a été muré.
Le nouveau château (sud-est) : les premières traces historiques de ce château remontent au Moyen-Age. À l’emplacement du château actuel il y eut une forteresse, appelée le Jauget, dépendant du système défensif de la baronnie de Preuilly-sur-Claise. Au début du 17ème siècle, le château est acheté par Martin Martineau, baron de Thuré (dans la Vienne), cité en 1608 et en 1614, notaire secrétaire du roi Henri IV. On suppose qu’alors le château est formé d’un corps de logis avec deux tours.
En 1661, Armand-François de Menou (voir Histoire du fief) achète les terres de Charnizay et du Jauget. En 1713, son fils, André de Menou, fait agrandir le château. D’après un plan de 1773, le château comprend alors deux nouveaux bâtiments se faisant face et perpendiculaires à l’ancien, des allées cavalières dans le parc et un jardin dans la pente à l’ouest du château. Les héritiers de Charlotte-Françoise de Menou, fille d’André, vendent le château à Philippe Claude d’Arthuys.En 1844 le château est acheté par Pauline Duroux (1823/1864), épouse de Thierry de Montesquiou-Fezensac (1824/1904). Ce sont eux qui vont donner au château sa physionomie actuelle et qui font construire la chapelle. Leur fils, l’homme de lettres Robert de Montesquiou-Fezensac (1855/1911), qui séjournera souvent au château, sera le modèle de Des Esseintes dans À Rebours de Joris Karl Huysmans (1848/1907) et du baron de Charlus dans l’œuvre de Marcel Proust. On peut actuellement y louer des chambres d’hôtes. Voir https://www.chateaudecharnizay.com/
Bois Bernay (sud-est) : une tuilerie, construite avant 1812 et en activité jusqu’en 1877, existait dans ce hameau ; elle était déjà en ruines en 1890 et il n’en reste aujourd’hui que quelques vestiges du four.