Chisseaux
Le nom de cette commune, située sur la rive droite du Cher, près de Chenonceaux et à l’est de Bléré, apparaît pour la première fois vers 590, dans Histoire des Francs de Grégoire de Tours sous la forme Cisomagensis vicus, venant du gallo-romain Cisomagos ou « marché (magos) du gaulois Cisos ». On trouve ensuite Chisello au 12ème siècle, Chissiau en 1219, Chisseau en 1232, Chisseau sur Cher lez Montrichard en 1540 et Chisseaux à partir de 1840.
Chisseaux (cp)
Histoire
Préhistoire, antiquité et histoire ancienne :
Le toponyme Le Chillou (à 2,5 km au nord du bourg) laisse supposer qu’il y avait là un mégalithe néolithique.
La voie gallo-romaine qui longeait la rive droite du Cher passait sur le territoire de cette commune, qui est maintenant à la limite entre l’Indre-et-Loire et le Loir-et-Cher mais, à l’époque gallo-romaine, la frontière entre les Turons et les Bituriges Cubes se trouvait plus à l’est, sans doute entre Montrichard et Thésée-la-Romaine. Voir https://turonensis.fr/categories/voies-gallo-romaines-chez-les-turons/04-les-voies-sur-la-rive-droite-du-cher
L’abbé Casimir Chevalier (1825/1893) écrit dans son Histoire de Chenonceau (réédition EDR 2016) : « On trouve (à Chisseaux) près du cimetière et au lieu des Gibets [Les Justices, actuellement], des murs en petit appareil gallo-romain bien caractérisé, avec des tuiles courbes et des tuiles à rebords d’une origine non moins évidente » mais il s’agit peut-être selon ATT, des vestiges d’une enceinte protégeant une agglomération secondaire.
Il ajoute : « on remarque aussi, sur le chemin qui monte à l’église, un aqueduc en béton encore en place, qui conduisait à quelque villa les eaux du ruisseau [Ruisseau de La Charvière aujourd’hui]. » Dans MSAT 11, 1851, il précise :« cet aqueduc [largeur 60 cm, hauteur 40 cm avec un canal de 17 cm] se montre dans le chemin qui monte de la route à l’église ; il affleure le sol et est en partie brisé par le passage des voitures ; il traverse le chemin obliquement sur une longueur de 7 à 8 m. ». Il indique aussi qu’un bloc de cet aqueduc sert de support à une croix, insérée dans le canal, au sommet du coteau de Chisseaux. Selon lui, il en reste des vestiges dans les soubassements de la nef de l’église (voir ci-après).
Un atelier Monétaire y est établi dès l’époque mérovingienne.
Du moyen âge subsistent deux souterrains refuges découverts aux lieux-dits le Grand- Noyer (en bas de la Buissonnière, au nord-est du bourg) et les Besnarderies (entre la rue des Justices et la voie communale de Chisseaux à Chissay en Touraine (Loir-et-Cher), à l’est du bourg). Ceci est confirmé en 1913 par Louis de Grandmaison (1864/1940), qui informa la SAT (voir BSAT 19, 1913-1914) qu’un affaissement s’était produit à Chisseaux, au lieu-dit les Justices et qu’il avait fait découvrir des galeries curieuses [le souterrain-refuge] et de vieilles poteries.
Plan du souterrain-refuge des Justices (source Touraine insolite)
Histoire moderne et contemporaine :
Au 16ème siècle, la seigneurie appartenait à Jacques Bérard, petit-fils de Pierre Bérard (mort en 1478), voir aussi Bléré, Chenonceaux, La Croix-en-Touraine, Monnaie et Saint-Martin-le-Beau ; ce dernier la vendit en 1536 à Antoine II Bohier (1492/1565) (voir Chenonceaux), qui la céda à son frère, Guillaume Bohier, maire de Tours en 1549/50 et 1553/54. Le fief fut acquis entre 1540 et 1542 par Adam de Hodon (1510/1579) (voir aussi Beaumont-en-Véron, Cravant-les-Coteaux et Francueil), ambassadeur de Renée de France (1510/1574), duchesse de Ferrare et fille de Louis XII, également seigneur de Cravant (Cravant-les-Coteaux), qui, en 1555, le revendit à Diane de Poitiers (1499/1566) (voir aussi Bridoré, Chenonceaux, Civray-de-Touraine et Loches) ; celle-ci le réunit à la châtellenie de Chenonceau en 1557 et dès l’histoire de ces deux fiefs est confondue.
Bac de Chisseaux (photo PmD juillet 2024)
Au 19ème siècle, un bac sur le Cher, dit de Port-Olivier, cité en 1804 et figurant sur le cadastre napoléonien, était situé en aval du barrage (voir ci-après) ; il circulait entre Port-Olivier, à Francueil, sur la rive gauche, lieu de passage sur le Cher depuis le 16ème siècle, là où il y a actuellement le camping du Moulin-Fort et un port d’abordage se trouvant sur la rive droite, en aval de l’écluse du barrage au sud du bourg de Chisseaux. Voir https://turonensis.fr/categories/passages-eau-indre-et-loire/les-passages-sur-le-cher-liste.
Barrage de Chisseaux (photo PmD juillet 2024)
Entre 1836 et 1841, le Cher fut canalisé entre Chisseaux et Saint-Avertin. 16 barrages à aiguilles doublés d’écluses furent alors construits sur son cours. Ces barrages à aiguilles, conçus par l’ingénieur Antoine Poirée (1735/1873), consistent en un rideau de madriers mis verticalement côte à côte barrant le lit du fleuve. Ces madriers ou aiguilles d’une section de 8 à 10 cm et longues de 2 à 4 m, selon les barrages, viennent s’appuyer contre un butoir (ou heurtoir) du radier (sur le fond) et sur une passerelle métallique constituée de fermettes. Ces fermettes peuvent pivoter pour s’effacer sur le fond en cas de crue et laisser le libre passage aux eaux. Les fermettes sont reliées entre elles par une barre d’appui qui retient les aiguilles et une barre de réunion, de plus elles constituent la passerelle de manœuvre. Les aiguilles à leur sommet présentent une forme qui permet une saisie aisée.
Sur une des deux berges, la maison éclusière était composée de 2 logements. Le premier abritait la famille du barragiste, la seconde celle de l’éclusier. On peut voir, au niveau du porche central de la façade de la maison éclusière, les marques de la grande crue de 1856 et celle du 10 mai 1940.
Concurrencée par le rail et la route, la navigation fluviale fut peu à peu abandonnée et le Cher canalisé fut rayé de la nomenclature des voies navigables dans les années 1950.
Pont de Chisseaux (photo PmD juillet 2024)
Ce bac fut sans doute supprimé après la construction, à la fin du 19ème siècle, du pont sur le Cher entre Chisseaux et Francueil (D 80 aujourd’hui) ; celui-ci fut presque intégralement détruit en 1940 par le génie militaire pour freiner la progression des Allemands, et le bac fut remis en service jusqu’à la reconstruction du pont en 1955 sur les appuis restants.
Pendant l’occupation, la ligne de démarcation suivait le Cher et Francueil se retrouva en zone libre ; le bac et le barrage rendirent alors de grands services aux résistants et aux personnes fuyant la zone occupée (voir aussi Civray-de-Touraine).
Plaque souvenir de ligne de démarcation (photo PmD juillet 2024)
Il est possible, de mai à septembre, de faire une promenade en bateau sur le Cher, à partir de la maison éclusière de Chisseaux. Promenade très agréable faite le 14 juillet 2024. Réservation https://www.labelandre.com/croisiere-promenade/.
À voir dans le bourg
Église Saint-Pierre (rue de l'église ou 53 rue Nationale) :
Selon la tradition, une première église aurait été fondée par Saint Martin au 4ème siècle ; elle fut reconstruite au 10ème siècle et certains voient dans le mur nord de la nef un vestige de cette première construction. Au 12ème siècle, l'abside à cinq pans fut remplacée par une travée supportant un clocher. Le chœur a été reconstruit au 18ème siècle.
Église Saint-Pierre (photo PmD juillet 2024)
Elle fut agrandie au 19ème siècle par Gustave Guérin et le portail ouest a été refait en 1904 d'après les plans des architectes tourangeaux Paul Bataille (1862/1938) et Ernest Marie Boué (né en 1863).
Église Saint-Pierre (photo PmD juillet 2024)
Dans la nef, sur le parement du mur nord, subsistent des vestiges de peintures murales du 12ème siècle.
Église Saint-Pierre, La Cène (peinture) (photo 2011 Guy du Chazaud)
C'est en réalisant l'inventaire du patrimoine de la commune que Martine Lainé (voir N. R. du 01/07/2017) a trouvé un bel objet d'art dans un placard de la sacristie. Une statuette de Louis Dejean (1872/1953) créée entre 1903 et 1905. « Je l'ai trouvée parmi les éléments de la crèche, or il ne s'agit pas d'une vierge, j'ai constaté qu'elle était estampillée et j'ai effectué les recherches. Cette statuette porte le nom de « Sortie de bal », elle représente une Parisienne en grand manteau ». Selon moi, il s’agit plutôt d’une copie de cette sculpture puisque l’original se trouve au Petit Palais, à Paris et je me demande si ce ne serait pas plus simplement une statuette de la Vierge.
Église Saint-Pierre, statuette (source patrimoine -centre-val-de-Loire)
L'ancien presbytère (4 rue de l’église) (source https://fr.geneawiki.com/wiki/37073_-_Chisseaux#Le_presbyt%C3%A8re)
Le presbytère a été, selon Carré de Busserolle, presque entièrement reconstruit en 1765 pour Claude Dupin (1686/1769), seigneur de Chenonceaux et de Chisseaux. Un plan non signé ni daté, mais dont l’échelle est en toises, nous renseigne sur l'emplacement et la distribution du presbytère au cours de la seconde moitié du 18ème siècle. Il comprend alors deux bâtiments parallèles orientés est-ouest, délimitant une cour fermée à l'est par un mur la séparant du jardin attenant à l'église. A l'ouest, la cour est délimitée par deux pièces en retour d'équerre de part et d'autre des bâtiments principaux, tout en ménageant une porte donnant accès à la cour. L'écurie, la grange et la cuisine occupent l'aile nord tandis que les pièces habitables : vestibule, grand salon, salle-à-manger, deux chambres dont une à cheminée, et garde-manger sont placés dans l'aile sud.
Ancien presbytère (photo PmD juillet 2024)
Un plan daté du 26 mars 1881, dressé par Ernest Chauvigny, architecte à Montrichard, en vue de la construction d'une chambre de bonne, renseigne sur les évolutions réalisées entre ces deux dates. Ainsi au nord, l’écurie a disparu ; la grange est conservée mais la cuisine a fait place à une basse-cour avec deux poulaillers. Des lieux d’aisance ont été installés. Dans l’aile sud, le vestibule disparaît, laissant place à un corridor longitudinal et une nouvelle cuisine empiétant sur la cour est créée. La chambre de bonne à construire communique avec cette cuisine.
Actuellement les bâtiments, qui abritent la bibliothèque, ont conservé leur disposition.
Château de Pontcher (2 rue de la Forêt, au nord-est de la mairie) (voir aussi https://fr.geneawiki.com/wiki/37073_-_Chisseaux#Le_ch%C3%A2teau_de_Pontcher) :
La première mention du lieu apparaît en 920 sous le nom de Pont Caris. Le château actuel n'est pas mentionné par Carré de Busserolle et a été, sinon totalement reconstruit, du moins en grande partie remanié au cours du 19ème siècle ou au début du 20ème siècle. Un plan non daté mais que l'on peut considérer de la seconde moitié du 18ème siècle et antérieur à la Révolution, montre : un corps de logis orienté nord-sud, en retrait du chemin ; un bâtiment lui faisant face, aligné sur le chemin, qui correspond vraisemblablement aux communs ; un jardin aménagé au sud ; un verger ou un espace boisé au nord. La propriété a appartenu à Étienne François de Choiseul (voir Amboise).
Château de Pontcher (cp)
Le corps de logis de plan rectangulaire comprend 4 travées. Lui est accolée une tour demi hors œuvre, de plan carré, elle-même reliée à un pavillon en retour d'équerre. L'ensemble est construit en moellon enduit, à l'exception des encadrements qui sont en pierre de taille. Les baies du corps de logis sont surmontées de quatre lucarnes, ornées de frontons triangulaires.
La Pillette (impasse de La Pillette, au nors-est de la mairie) source https://patrimoine.centre-valdeloire.fr/gertrude-diffusion/dossier/IA37005529 :
La Pilette (photo 2017 de Martine Laîné pour pop-cuture)
Le domaine de la Pillette dit également au 16ème siècle Grand-maison de Vauldran, est un ancien fief relevant de Chissay (Loir-et-Cher). Il est mentionné en 1401 pour un différend qui oppose son propriétaire à celui du moulin de la Pillette. Il appartenait en 1496 à Gilles de Hollefeuille ; en 1565, à Pierre de Hollefeuille ; en 1650, à René Martin ; en 1745, à Nicolas de Brossard (1719/1753), marié à Marguerite de Boutillon (1728/1752), qui furent les parents de Marguerite Élisabeth de Brossard (morte en 1773) et de Nicolas Charles de Brossard (1752/1827). En 1792, le château fut acheté par Charles Marie Reverdy (1754/1832), qui fut maire de Chisseaux, fils de Charles Alexandre Reverdy (né en 1718), président au grenier à sel de Tours, et par son épouse Béatrice Ribot (1767/1858), fille d’Ambroise Ribot (1725/1787), intendant du duc de Choiseul (voir Azay-sur-Cher). Ces derniers acquirent également en 1804 le moulin de la Pillette (aujourd’hui détruit).
La Pilette, pigeonnier (photo 2017 de Martine Laîné, pout pop-culture)
Sur le plan cadastral de 1824 figurent un bâtiment orienté nord-sud (logis) d’où partent deux allées d’arbres, un bâtiment orienté est-ouest (dépendances) au sud duquel est tracé un petit bâtiment carré (pigeonnier). Toutes ces parties existent encore de nos jours dans l’enceinte du domaine, où une nouvelle maison a été construite en 1850-1851, au sud du pigeonnier. Celui-ci, couvert d'un toit en pavillon en tuile plate, possède des boulins en pierre de taille sur ses quatre faces, mais les six derniers rangs sont des pots en céramique.
La Pilette, maison bâtie vers 1850 (photo 2017 de Martine Laîné, pour pop-culture)
Le moulin-fort, dit aussi le Moulin des Dames (au sud de la mairie et à l'ouest du barrage) :
Situé sur une île du Cher, il a été construit au 16ème siècle par Adam de Hodon après de nombreuses négociations avec la corporation des marchands de la Loire et de ses affluents. Acheté par Diane de Poitiers, favorite du roi Henri II durant 20 ans, il est récupéré par Catherine de Médicis en 1560 à la mort du roi. Voir Histoire.
Le Moulin-Fort (photo in Tourainissime)
Comme son nom l’indique il s’agit d’un moulin à eau banal fortifié, avec ses éléments de défense : machicoulis, archères et tours.
En 1825, à l’apogée de l’activité de tannerie en Touraine, il fut transformé par René François Vallet de Villeneuve (1777/1863) (voir le château de Chenonceau) et il devint un moulin à tan. En 1840, à la suite de la « canalisation » du Cher (voir ci-dessus), la tannerie fut démantelée et sa roue pendante enlevée. Le pont de la rive droite fut supprimé et on rejoignait l’ile en bateau plat tracté par une poulie accrochée à un câble traversant la rivière. Le site fut laissé à l’abandon jusqu’à sa reconstruction par la famille Dupin à la fin du 19ème, époque où il fut relié de nouveau à la rive droite par un pont métallique. Finalement il fut complétement restauré vers 1920 par la famille Menier, propriétaire du château de Chenonceau.
Le Moulin Fort (photo PmD juillet 2024)
En 2015, il fut restauré par Patrick Kalita, compagnon du Devoir du Tour de France, qui a gravé dans une pierre d’origine de la façade le monogramme de Diane de Poitiers. Si l’ancien moulin fortifié reste une propriété privée, on peut toutefois l’admirer depuis la rive droite du Cher, quelques centaines de mètres à l'ouest de l’écluse de Chisseaux, et apercevoir la sculpture en façade.
Voir aussi https://www.moulinsdefrance.org/publications/patrimoine-dindre-et-loire-le-moulin-fort-de-chisseaux/ ethttps://www.jaimemonpatrimoine.fr/fr/module/81/1103/article-le-moulin-des-dames.