Dame-Marie-les-Bois
Le nom de cette commune, située au nord-est du département, près de la forêt de Blois, qui, à l’époque gauloise, faisait partie du territoire des Carnutes, apparaît pour la première fois en 1059, dans une charte du comte de Blois Thibaut III (1019/1089), sous la forme Villa Domna Maria (Domaine Dame Marie).
Histoire
Ce toponyme indique qu’il y avait là un domaine, qui avait peut-être pris la suite d’un domaine agricole gallo-romain (villa*) ; un autre domaine se trouvait sans doute à Villechenard (au nord du bourg), où l’on retrouve aussi le terme « villa ».
La découverte de scories de fer dans le Bois de la Forge, sans doute à l’est du bourg, où les bois sont nombreux, signalée par Jean-Mary Couderc* dans DCT, laisse supposer qu’il y avait là une activité sidérurgique remontant à l’époque gauloise ou gallo-romaine.
L’origine de la paroisse remonte au défrichement, au 11ème siècle, à l’initiative du chapitre de la cathédrale de Tours, de la vaste forêt de Blémars, qui marquait la frontière entre Touraine et Blésois. Un oratoire est donc créé, dédié à Notre Dame, pour répondre à la présence des défricheurs. À la même époque, une motte castrale existait sans doute au lieu-dit La Butte du Moulina, au nord-est de La Guérinière (voir ci-après).
La châtellenie de Dame-Marie-les-Bois fut achetée au 16ème siècle par les seigneurs de La Guérinière.
Au cours du 18èmesiècle, l'histoire de la commune est marquée par la présence inquiétante de loups dans les bois se situant à proximité de son centre-bourg. Quelques battues sont organisées, sans grand résultat semble-t-il, en raison notamment de la difficulté des juridictions de Blois et Tours, qui se partagent le territoire de Dame-Marie, à agir de manière concertée.
En 1857, un braconnier tua de plusieurs coups de feu le garde-chasse de La Guérinière. Le maire de l'époque, Mathurin Bertin (maire de 1835 à 1865) lui-même fut inquiété pour ne pas avoir refusé à l'assassin le droit de détenir de la poudre, mais il garda finalement sa place.
La guerre franco-allemande de 1870 marqua profondément la commune. L'approche des Prussiens est signalée le 9 décembre et, le 22, plusieurs milliers de soldats investissent la commune et pillent les fermes ; ils partent le lendemain. D'autres troupes, encore plus nombreuses, arrivent le 17 janvier 1871 mais les faibles réserves de la commune ne permettent pas de répondre à leurs ordres de réquisition — les récoltes ont été mauvaises. Ce sont donc le canton et les communes qui participent solidairement aux besoins des habitants et aux demandes de l'ennemi.
À voir dans le bourg
L’église Notre-Dame :
La partie la plus ancienne, la moitié de la nef du côté du chœur, remonte au début du 12ème siècle. Le chœur lui-même semble avoir été entièrement reconstruit au début du 13ème siècle comme le montrent l’arc brisé qui en marque l'entrée et la très belle voûte d’ogive. Dès l’origine, sur son pignon, le mur extérieur du chœur disposait d’un petit pigeonnier à deux trous de boulin.
D'autres remaniements eurent lieu au 16ème siècle au cours duquel l’église reçut son clocher, puis au 18ème siècle quand le seigneur de La Guérinière fit construire une chapelle latérale au nord du chœur.
Mais les modifications les plus importantes prennent place au milieu du 19ème siècle, au moment où il fallut allonger l’église devenue trop petite. C’est alors qu’on supprima le porche et la galerie en bois qui donnait sur l’ancien cimetière pour agrandir de 8 mètres la nef et reconstruire une nouvelle façade, de style roman. Parallèlement, on rééquilibra l’édifice par l’adjonction d’une seconde chapelle latérale au sud et on édifia une tribune au fond de la nef pour y loger les écoliers.
Les travaux opérés depuis 150 ans se sont efforcés de conserver l’édifice en bon état (couverture, redressement du clocher, enduits extérieurs, pose de nouveaux vitraux, refonte de la cloche...)
La façade de l’église, d’allure romane, porte la date de 1848. C’est en effet à cette date que la nef a été allongée pour loger une population en vif accroissement. On ne sait rien de la façade primitive.
La voûte du chœur est la partie la plus intéressante de l’église. Elle est bombée conformément au style angevin qui se développe dans la région à la fin du 12ème siècle. Elle repose sur deux nervures qui elles-mêmes s’appuient sur des culots sculptés. La clef de voûte est décorée dans chaque angle par quatre têtes dont l’une est couronnée.
Le clocher en bois semble avoir été édifié au 16ème siècle. La cloche, offerte en 1770, par le seigneur du village, Gatien Rangeard de La Boissière (voir La Guérinière), fut fondue pendant la Révolution. Mais à cette époque, l’église avait bénéficié d’une petite cloche provenant de l’abbaye de Fontaine-les-Blanches toute proche (Autrèches). Cette dernière, fêlée, a été refondue à Orléans en 1953.
Sur le mur ouest de la chapelle seigneuriale est apposée la plaque funéraire de Nicolas Jean Baptiste Ravot d’Ombreval, seigneur de La Guérinière (voir ci-après).
Il y avait dans l’église un tableau représentant un thème biblique assez courant dans la peinture du 18ème siècle, la décapitation du général assyrien Holopherne par la jeune juive, Judith. Ce tableau provenant du château de La Guérinière avait été classé en 1921. Malgré cela, il se trouvait en 1995 dans un état de délabrement avancé. Il a pu bénéficier d’une campagne de restauration d’œuvres d’art effectuée par le Département avec l’aide de l’État. N’ayant pu être réinstallé à son emplacement d’origine, il a intégré les collections du Département. Par contre, une reproduction est présentée aujourd’hui en lieu et place de l’original sur le mur ouest de la chapelle seigneuriale où le tableau se trouvait depuis la construction de cette chapelle.
Le lavoir (la Fosse Neuve, dans le bourg, au sud-est) :
Il existait au 19ème siècle, à la limite nord du bourg, le lavoir dit « de la Cour », qui était sur les terres de La Guérinière et où les villageois n’avaient qu’un simple droit de lessive. En 1884, Désiré Diot, qui avait déjà été maire de 1870 à 1871 en remplacement du châtelain Anatole Herry de Maupas (voir La Guérinière) prit de nouveau la place de maire (jusqu’en 1904) et la commune décida de creuser un lavoir « républicain », appelé la Fosse Neuve, sur un terrain à la sortie sud-est du bourg, fourni gratuitement par le maire.
En 1902, on aménagea un abri en charpente pour les lavandières et on agrandit la fosse avec deux plateaux réglables en hauteur à l’aide de cabestan en fonction du niveau de l’eau, variable selon les précipitations. Ce lavoir fut utilisé jusque dans les années 1970 et toujours entretenu ; la commune l’entretient avec soin. En 2009, il a servi de cadre à une représentation théâtrale sur le thème de la lessive.
À voir au nord
La Guérinière (nord-est) :
Cette châtellenie, qui relevait de Château-Renault appartenait, en 1426, à Jean de Châtillon, dit Jean de l’Aigle (1393/1454), comte de Penthièvre. Elle passa, plus tard, à Louis II d’Orléans (1462/1515) alias Louis XII, fils de Charles I d’Orléans (1394/1465), petit-fils de Louis I d’Orléans (1372/1407), arrière-petit-fils de Charles V. Sa fille, Claude de France (1499/1524) fut la première épouse de François 1er.
Après avoir appartenu à la famille Robertet, parmi laquelle on peut citer le secrétaire d’état Florimond II Robertet (1531/1567), La Guérinière fut la propriété de la famille de Rigné.
Florentin de Rigné, cité en 1570 comme seigneur de Dame-Marie-les-Bois et de La Guérinière fut le père de Jacques de Rigné, qui épousa en 1597 Esther Forget, fille de Pierre Forget, dit le Jeune (né vers 1516), notaire et secrétaire du roi. Ces derniers furent les parents de Barthélémy de Rigné, cité en 1620 et de Claude de Rigné, citée en 1639, qui épousa Joseph de Faverolles, cité en 1606 comme seigneur de Bléré.
Vers 1700, Jean Baptiste Guillard (1670/1713), membre du Grand Conseil de Louis XIV, acheta 1869 La Guérinière, puis la revendit à Nicolas Jean Baptiste Ravot d'Ombreval (1680/1729), lieutenant général de police de Paris de 1724 à 1725 puis intendant de la généralité* de Tours de 1725 à 1726 (voir l’église). Son épouse, Thérèse Gabrielle Bréau (1678/1769) vendit le domaine, en 1730, à Marie Mathié, épouse de Joseph de Villeneuve-Trans, marquis de Villeneuve.
Devenu propriétaire de cette châtellenie, Gatien Rangeard de La Boissière (1719/1794), procureur du roi à la Chambre des comptes de Blois, rendit hommage au seigneur de Château-Renault, le 21 avril 1760. Sa fille, Catherine Julie Rangeard de La Boissière (1757/1788) épousa Bernard Gabriel Herry de Maupas (né en 1733) et leur fils, Auguste Henry Herry de Maupas (1788/1869), devint vicomte de La Guérinière en 1828. Ce dernier sera maire de la commune en 1815 puis de 1821 à 1830 ; son fils Anatole Herry de Maupas (1814/1898), pour sa part, sera maire de 1865 à 1870 puis de 1871 à 1884.
Un premier château, attesté dès le 13ème siècle, qui a gardé ses douves et deux tours d’angle fut remplacé au 17ème ou 18ème siècle par un vaste château de style classique, connu seulement par quelques photographies de la fin du 19ème siècle. Ce second château sera lui-même détruit en 1903 pour être remplacé par l’actuelle maison de maître, elle-même aujourd’hui abandonnée. Le pigeonnier n’est autre qu’une des tours médiévales du château et la métairie actuelle bien restaurée, avec son colombage, peut dater du 17ème siècle.
Sur le cadastre de 1835, on distingue bien la plate-forme du château féodal entourée de ses douves toujours en eau, les 3 tours d’angle et l’emplacement de l’entrée et du pont-levis. Le château classique a été construit à l’écart et la chapelle un peu plus loin.
Les dernières photographies du château classique montrent un bâtiment déjà plus ou moins à l’abandon. Parfaitement symétrique avec son corps central et ses deux ailes, il possède 3 niveaux, une douzaine de pièces à chacun des niveaux et 74 ouvertures.
En 1903, la nouvelle propriétaire, Léontine Sornas-Fresnay (1859/1939) (voir la Maison Sornas à Château-Renault), n’envisageant pas de pouvoir entretenir une telle bâtisse, fit procéder à la démolition du château, non sans avoir auparavant fait transférer les boiseries et les panneaux peints dans le pavillon qu’elle avait fait aménager à proximité.
Une série de cartes postales éditée en 1910 montre les bâtiments de la ferme qui subsistent encore aujourd’hui : deux tours dont la plus grosse a servi de pigeonnier. Le vieux château classique a disparu mais au bout des bâtiments de la ferme a été aménagé, au début du 20ème siècle, le pavillon des nouveaux propriétaires.
À voir au sud
La Pinsonnellerie (sud-ouest) : cet élégant pavillon de chasse a été construit en 1879, au milieu des bois de Corneau, par Augusta Herry de Maupas (1813/1893), fille d’Auguste Henry, qui avait épousé Anatole de La Pierre de Frémeur, (1803/1842). On lui a adjoint plus tard une salle pour le repas des chasseurs. Le chalet existe encore aujourd’hui mais l’ensemble qui n’a jamais été restauré est aujourd’hui très dégradé.