Le Louroux
Le nom de cette commune, située au nord de Manthelan, apparaît au 11ème siècle sous les formes « villa quae vocatur Laureolum » (domaine agricole appelé du Laurier) mais aussi « apud villam ejusdem Sancti Martini quae Loratorium dicitur » (près d’un domaine agricole ayant appartenu à Saint Martin appelé de L’oratoire).
Histoire
Le site fut occupé à l’époque gallo-romaine : deux voies, allant du sud vers le nord et de l’est vers l’ouest, traversaient le territoire et les lieudits Mazères, du latin maceria signifiant murs de pierres sèches ainsi qu’Armançay, du latin Hermantiacum ou domaine d’Hermantius (patronyme germanique) (voir ci-après), indiquent qu’il y avait là des constructions anciennes.
En 1058, Geoffroy III d’Anjou, dit le Barbu (1040/1096), fils de Geoffroy II de Gâtinais et d’Ermengarde d’Anjou (fille de Foulques III Nerra), comte de Touraine, fonda à côté de l’église, un prieuré (voir ci-après), dépendant de l’abbaye de Marmoutier. Peu après la fondation, un différend opposa le prieur au seigneur de Sainte-Maure, qui revendiquait des redevances ; l’épreuve du fer chaud donna raison au prieur.
Vers 1220 Hugues de Rochecorbon (mort en 1250), abbé de Marmoutier de 1210 à 1227, fit construire une maison fortifiée, servant de résidence au prieur et appelée le château (voir ci-après).
La châtellenie du Louroux appartint d’abord aux abbés de Marmoutier puis aux archevêques de Tours.
À voir dans le bourg
Le prieuré : fondé au 12ème siècle et vendu comme Bien National en 1791, il comprend :
- L’église prieurale
- Le logis du prieur
- Les bâtiments
- Le pigeonnier.
L’église prieurale :
Fondée, selon la tradition, au 10ème siècle, puis devenue au 12ème siècle église prieurale, l’église Saint-Sulpice, reconstruite au 13ème siècle et restaurée au 18ème, contient notamment une statue de Saint-Sulpice (sans tête) du 15ème siècle et un Christ en croix du 18ème siècle.
D'après un graffiti sur le mur extérieur de l'église, le grand retable aurait été édifié en 1711. Lors d'un embellissement, en 1847, les niches et l'autel ont été modifiés.
Le tabernacle fut acheté en 1729, conformément au testament de Louis Boisseau, ancien notaire royal et fermier de la seigneurie du Louroux.
D'après l'inscription sur son pied, l'ostensoir fut offert à la paroisse par Napoléon III. C'est un modèle créé par Charles Eugène Trioullier, orfèvre actif entre 1844 et 1873, dont on retrouve un exemplaire presque identique à Saint Senoch.
La maison du prieur :
Ce manoir tourangeau du 16ème siècle a succédé à un château roman dont on voit des traces (baie géminée murée à droite de la tourelle nord-est).
On peut notamment remarquer la tour polygonale, à droite, contenant un escalier à vis agrémenté de banquettes de pierre aménagées dans l’épaisseur des murs ainsi qu’une loggia reposant sur un porche donnant accès à l’habitation.
Sur la tourelle nord-est, au toit en poivrière, dans laquelle se trouvait l’oratoire du prieur, on peut voir une meurtrière en forme de croix de Lorraine, qui, selon certains historiens montrait que le prieuré soutenait, pendant les guerres de religion, la Sainte-Ligue, dirigée par les Guise, ducs de Lorraine ; l’orifice de cette meurtrière, d’un diamètre de 6 cm, permettait le passage du canon d’une arquebuse.
Les bâtiments :
Le grand bâtiment en face de la maison du prieur servait de dortoir aux moines. Devant, il y a un grand mur aveugle uniquement percé de 2 lucarnes avec fronton triangulaire. Au pignon de la grange dîmière on peut voir les fenêtres qui éclairent les étages et l'escalier qui les dessert. Les marches et contremarches de ce dernier sont taillées dans un seul et même morceau de bois et s'emboîtent parfaitement dans le pilier central, en bois, lui aussi.
Contre le mur nord de l’église, a été placé la margelle d'un puit ou d'une citerne, de presqu’un mètre de diamètre, qui se trouvait dans la deuxième cour ; la gargouille servant à l'écoulement de l'eau représente une tête de lion ; malheureusement cette margelle a été cassée en deux par un camion, il y a quelques années.
Le pigeonnier :
Positionné à l’écart du prieuré, (d’où l’appellation de fuye, du verbe fuir) ce pigeonnier a été rénové dans le respect des traditions et en respectant l'aspect d'origine qui est propre à la région.
C'est un bâtiment circulaire d'environ 8 mètres de diamètre avec des murs d'un mètre d'épaisseur en moellons enduits. L'intérieur est resté tel quel. Il y a l'arbre tournant ainsi que l'échelle pour accéder aux trous de boulins en pierre de taille qui sont disposés sur 5 travées de bas en haut avec sous les dernières rangées un triple rang de poteries à orifice circulaire (assez rare).
Le village :
Devant le prieuré, se trouvent, à gauche de l’entrée, une maison ancienne, abritant la maison de pays, qui fut occupée, au 19ème siècle, par la famille Cathelin ainsi que l’ancien presbytère, achetée en 1817 par le général Charles Henry Delacroix (1779/1845) ; son frère cadet, le peintre Eugène Delacroix (1798/1863), y séjourna en 1820 puis en 1822 et y peignit deux tableaux s’inspirant du village : le général Delacroix devant sa maison (collection particulière) et l’étang de Beauregard (musée du Louvre). Voir aussi Cinq-Mars-la-Pile.
Devant le cimetière, au nord-ouest du prieuré, a été dressée, au 15ème siècle, sur un socle imposant orné de têtes de mort et d’un écusson portant les initiales K. F. (Katerin Febvrier, mort en 1549, curé du Louroux), une croix hosannière, avec, d’un côté le Christ crucifié, entouré des statuettes de la Vierge et de Saint-Jean, ainsi que, de l’autre côté, une Vierge à l’enfant. Le terme « hosannière » vient probablement de l’hébreu « Hosanna » (de grâce), qui, à partir du 14ème siècle, désignait le dimanche des Rameaux, jour où l’on chantait un hymne commençant par « Hosanna » et où l’on déposait des rameaux de buis sur les tombes. Voir aussi la lanterne des morts à Cormery et le cimetière de Louans.
Rue des Moulins (en face de la mairie), ancienne rue principale ; on peut y voir :
Avant le pont, sur la gauche, au n° 11, une maison du 17ème siècle, qui a servi d’école jusqu’en 1912, puis, aux n° 7 et 9, une autre maison du 17ème siècle, ancienne auberge et relais de poste, portant la date de 1631, gravée au-dessus d'une fenêtre.
Juste avant le pont, sur la droite, une petite maison du 15ème siècle, qui a conservé une partie de ses colombages, sa pierre d'évier et sa cheminée.
Un pont, du 15ème siècle, sur le Louroux, avec trois arches en arc brisé et des becs aigus qui protègent les piliers, face au courant. Les parapets du pont étaient protégés des roues des charrettes par des bornes de pierre, à chaque extrémité.
Après le pont, le moulin banal, du 15ème siècle, avec ses corbeaux massifs. Un ingénieux système de bondes et de tringles, actionné depuis le moulin, permettait à l'eau de s'échapper de l'étang des roseaux et de s'écouler ensuite par un long canal jusqu'au bief et de pénétrer dans le moulin, pour actionner les deux roues ; ce moulin a fonctionné jusqu’à la veille de la Seconde guerre mondiale. L’eau s’écoule ensuite sous le dallage, traverse la rue puis ressort à l’air libre (canalisée) dans les jardins, avant de passer sous la route et de rejoindre le petit ruisseau du Louroux, qui longe encore les remparts du prieuré.
À voir au nord
La Hubaudière (nord-est) :
Le fief appartenait à la collégiale Saint-Martin de Tours.
Le manoir, du 16ème siècle, construit sur une cave voutée, présente une entrée, avec un linteau orné d’une moulure, des fenêtres à meneaux et une grande cheminée au 1er étage. Il fut vendu comme bien national à la Révolution.
Armançay (nord-est)
Ce toponyme apparaît pour la première fois en 1182 dans le cartulaire de Cormery, sous la forme Hermantiacum (voir Histoire).
Le premier seigneur connu fut, en 1289, Hardouin V de Maillé (mort en 1306), seigneur de Chançay et de nombreux autres fiefs (voir aussi Saint-Bauld), qui fut le père d’Hardouin VI (1300/1349) et le grand-père d’Isabeau de Maillé (1325/1361), épouse de Jean III de Beaumont-Bressuire (1320/1391), ancêtre de Guy de Beaumont-Bressuire, cité comme seigneur d’Armançay et de Saint-Bauld en 1424.
Ce dernier fut le père de Marie de Beaumont-Bressuire, qui épousa Guy de Chourses (mort en 1461), cité en 1439.
En 1526, Georges de Vercle, maire de Tours en 1529, acheta le fief à Nicolas de Couesmes, cité en 1489.
De 1566 à 1577, le fief appartint à Hélie de Odeau (ou Deodeau) (mort en 1584), maire d’Amboise de 1558 à 1562, également seigneur de Paradis, à La Croix-en-Touraine.
En 1618, la propriété fut achetée par Claude Luthier (1584/1643), lieutenant-général de Loches, père d’Adrien Luthier (baptisé en 1613), lui-même père de François Luthier (1650/1719) (voir La Fontaine d’Orfonds à Ferrière-sur-Beaulieu), qui mourut sans enfant et qui vendit Armançay, en 1710, à Jean Louis Barberin de Reignac et, dès lors, le domaine suivit la destinée des nombreuses propriétés de ce seigneur, qui donna son nom au fief du Fau, qu’il avait acheté également en 1710 (voir Reignac).
Le logis seigneurial a disparu et il ne reste que la grange des 15ème et 16ème s.
À voir au sud
Beauvais (sud-est), en face de l’étang des Roseaux :
La Grange de Beauvais (16ème et 17ème) présente un portail en arc brisé.
L’étang des roseaux, dit aussi étang de Beaulieu (sud-ouest) :
Ce vaste étang de 55 hectares, dont on peut faire le tour, a été aménagé à partir du 11ème siècle par les moines du prieuré, qui construisirent une digue permettant de recueillir les eaux dans une cuvette naturelle. Ils purent ainsi y élever des carpes, qui constituaient l’essentiel de leur nourriture pendant le carême.
Aujourd’hui cet étang est une réserve naturelle pour les poissons et un refuge pour les oiseaux d’eaux (rousserolles, guifettes, canards, oies, etc.).
Un système de vannes permet, tous les trois ans, à l’automne, de vider l’étang afin d’aérer les vases ; les poissons non reproducteurs sont alors péchés et vendus.
Cet étang alimente un petit cours d’eau : le Louroux, qui faisait tourner les roues du moulin et remplissait les douves du château.
On peut encore voir les vestiges du hangar abritant les bateaux des moines.