Manthelan
Le nom de cette commune, située à mi-chemin entre Sainte-Maure-de-Touraine et Loches, apparaît, sous la forme Mantalomagensis vicus, vers 590 dans Histoire des Francs de Grégoire de Tours, qui indique que cette agglomération fut fondée par Saint Volusien, évêque de Tours de 494 à 498, mais son nom, qui renvoie à Mantalomagos, signifiant « le marché de la route », laisse supposer qu’il y avait déjà un bourg gallo-romain, là où trois voies anciennes se croisaient (voir ci-après).
Histoire
Préhistoire et antiquité
Des silex polis du néolithique ont été trouvés à Grand-Champ (nord-est), au Petit-Bray (nord-ouest) et à La Soleillerie (nord-est)
Selon Louis Dubreil-Chambardel* (voir La Touraine préhistorique, 1923) un cromlech, aujourd’hui dispersé et constitué de 3 cercles de grosses pierres, avait été vu à La Chauvellière, à 3,5 km à l’est du bourg.
À 300 m. à l’est de La Roche (nord-est) se trouvent les ruines du dolmen de La Roche, fouillé en 1956 par Gérard Cordier*, qui y a découvert les restes de 22 squelettes, des fragments de poteries, des objets de parures et des pointes de flèches.
Le site néolithique le plus important est l’abri sous roche du Vigneau, au nord-est du bourg, découvert en 1898 et fouillé par Louis Bosseboeuf* (voir BSAT, XI, 1898), qui y trouva les restes de 9 squelettes, des silex taillés, des haches polies, un polissoir mobile, des débris de poteries, des ossements travaillés, des pointes de flèches et des objets de parure ; certains de ces objets peuvent être vus au Musée du Grand Pressigny.
Jean-Jacques Bourassé* écrit dans MSAT VII : « en 1854 on trouva sur la commune de Manthelan plusieurs objets de bronze bien conservés, tels que hachettes, bracelets, anneaux, etc. Ces objets attribués à l’époque celtique ont été acquis par M. Boileau, qui a bien voulu en déposer plusieurs dans notre musée. » Gérard Cordier*, dans son Inventaire des trouvailles de l’âge du bronze en Indre-et-Loire, publié dans Gallia Préhistoire, 4, 1961, précise que ces pièces n’ont pas été retrouvées au musée de la SAT.
Des domaines agricoles gallo-romains (villae*) existaient probablement à Aubigny (nord-est), venant d’Albinicus ou « domaine du Blanc », à Azay (sud-est), venant d’Avitiacus ou « domaine de l’Aïeul », au Chauché (nord-est), venant de Calpiacus ou « domaine de Calpius », à Fretay (fief dans le bourg selon des documents du 17ème s.), venant de Frittiacus ou « domaine de Frittius » et à Morignan (nord-est), venant de Moriniacus ou « domaine du Maure ». Les traces d’une villa ont aussi été vues par Jacques Dubois*, grâce à la photographie aérienne, au lieu-dit Monfoué (nord-est).
Trois voies gallo-romaines se croisaient au centre de cette commune :
La plus importante reliait Poitiers à Amboise, via La Celle-Saint-Avant, Sepmes et Bossée. Venant de Bournan, elle rejoignait la D 50 à Bel-Ébat. Après la sortie de Manthelan, elle est reprise par la D 58, appelée : via publica au 10ème siècle, Ancien chemin de Saint-Jacques au moyen-âge, Grand chemin du Fau (Reignac) au Port-de-Piles en 1674, ou encore Chemin de Paris à Bordeaux au 17ème siècle. Se dirigeant vers Reignac, la voie passait à côté d’Aubigny (voir ci-après) puis, peu après, franchissait le Quincampoix sur un gué, remplacé ensuite par Le Pont-Billard, lors de la construction duquel des pièces de monnaie de Constantin 1er* ont été trouvées. Elle passait ensuite entre Monfoué, où il y avait une villa gallo-romaine et Le Vigneau, où une grotte néolithique a été découverte (voir ci-dessus).
Mais selon une autre hypothèse, cette voie est reprise par la route se dirigeant vers Saint-Bauld, qui passe près du dolmen de La Roche et qui franchit l’Échandon au Moulin-du-Pré, où il y avait un gué.
Une seconde voie Sud/Nord, allant de Tournon Saint-Pierre au Mans, via Ligueil, est continuée par le Chemin pavé de Louis XI, qui coïncide avec la limite entre La Chapelle-Blanche-Saint-Martin et Vou/Manthelan, puis par la D 50, qui passe par Bel-Ébat, où elle rejoignait la voie précédente, puis, après le centre de la commune, elle se dirigeait vers le Petit-Bray, sur la commune du Louroux.
Enfin, une troisième voie Est/Ouest, allant de Chinon à Loches, plus hypothétique, passait peut-être à Mazères et au Grand-Bray (commune du Louroux), puis, est reprise, après le centre, par la D 760, qui se dirige vers Loches, près de laquelle, se trouve, à droite le menhir de la Haute-Borne, sur la commune de Chanceaux-près-Loches.
Au nord-est du bourg, près du Vigneau, on peut voir la Fontaine-Saint-Martin qui avait la réputation de guérir les rhumatismes des jambes ; selon la légende, il existait un bénitier au fond de cette fontaine et lors d’un nettoyage, il y a quelques années, on a découvert au fond du petit étang, une vasque de calcaire, percée de trous, entourée de quelques grosses pierres, vestiges de marches permettant de descendre dans la fontaine ; on ne sait pas s’il s’agit d’un aménagement antique lié au culte de l’eau ou d’une réalisation chrétienne.
La première église fut fondée au 5ème siècle par Saint Volusien, évêque de Tours de 491 à 496 ; exilé à Toulouse par les Wisigoths.
Histoire ancienne, moderne et contemporaine :
Au moyen-âge, il y avait de nombreux fiefs, dont Aubigny, qui, à une époque, fut une paroisse, dont la dame était en 1639 Bonne Dalonneau (1576/1639), veuve de Bertrand de Grateloup (mort en 1629), également dame de la Rable (Manthelan) et de la Croix de la Chaume à Dolus-le-Sec. Voir aussi Chambourg-sur-Indre.
Manthelan constituait une châtellenie relevant de Fau (Reignac). Le premier seigneur connu fut François Du Fau, dont la fille : Claude Du Fau épousa en 1509 René de Menou (1480/1546), seigneur de Boussay, mort en 1546, échanson de la reine Claude de France, épouse de François 1er (voir aussi Charnizay).
La seigneurie resta dans la famille de Menou jusqu’en 1627, époque où le seigneur fut Bertrand de Grateloup, seigneur du Fau (Reignac) et de Sennevières (voir ci-dessus) puis son fils Gabriel de Grateloup, gouverneur de Loches en 1642.
À partir de 1760 le fief appartint à François Balthazar Dangé d’Orsay (1696/1777) puis à son neveu, René François Constance Dangé d’Orsay (1733/1795). Voir Bossée.
Jean Mandé Sigogne (1763/1844) né à Beaulieu-lès-Loches, curé de Manthelan, émigra au Canada après la Révolution, où il fut connu pour ses activités missionnaires auprès des acadiens.
Le carnaval de Manthelan, qui attire encore beaucoup de monde aujourd’hui, fut créé en 1869 par la cafetière Clémentine et le menuisier Augustin Branger, dit Pipelet ainsi que par Théodore Fontaine, dit Cocodache, peintre en bâtiment, qui décora le café, en 1888, ave des peintures représentant des scènes de la vie locale et des paysages.
Ce café ferma en 1954 mais en 1999, Éliane Branger, petite-fille d’Augustin légua cet édifice à la mairie, qui fit restaurer les peintures. C’est maintenant la Maison du Carnaval. Cet établissement peut être visité, en général, le 3ème dimanche de chaque mois.
À côté de cet ancien café, une maison a été donnée à la municipalité par Joseph Brault (1862-1932), éditeur de cartes postales
Après l’église, sur la droite, part la rue André Gaby, qui porte le nom d’un ancien fermier de la seigneurie de Manthelan, maire de Manthelan sous le Premier Empire.
La ligne de démarcation passait à Manthelan et la commune garde le souvenir de Maria Murzeau (1891/1871), qui a fait franchir la ligne à de nombreuses personnes.
Le 20 août 1944, les Allemands, en représailles d’attentats qui seraient partis de cet endroit, incendièrent le château de Kerleroulx (à 5 km à l’est du bourg) et la ferme qui en dépendait après avoir fusillé le fermier Émile Guidoux et ses deux domestiques : Fernand Lusseault (1899/1944) et Raymond Le Pautremat ainsi que le garde-forestier Prosper Douard (1906/1944). Émile Guidoux cependant survécut et put raconter par la suite ce qui s’était passé ; une cérémonie commémorative a lieu chaque année, le 3ème dimanche du mois d’août.
À voir dans le bourg
Église Saints-Gervais-et-Protais-et-Saint-Volusien, qui a été reconstruite en 1868 selon les plans de l'architecte Gustave Guérin. Deux absidioles ont ensuite été ajoutées par l’architecte Ferdinand Collet (voir Loches). De l'église d'origine (12ème siècle), il ne reste que le clocher-porche qui a été restauré. À l’intérieur piéta en bois du 15ème siècle et vitrail de Lux Fournier représentant La Charité Saint-Martin.
Rue François Rabelais, derrière l’église se trouve l'ancien presbytère, des 17ème et 18ème siècle. Vendu comme bien national, il fut ensuite acheté par la municipalité en 1814 ; cèdre du Liban séculaire dans le jardin.
Rue Nationale :
- Monument aux morts (près de la mairie), inauguré le 2 juillet 1922 et sculpté par Georges Delpérier (1865-1936), sculpteur installé à Tours.
- N° 11, ancienne maison du 15ème siècle, restaurée en 1626 et défigurée par un étage en brique, Elle a servi de mairie au 19ème siècle. L’arrière de cette maison est visible dans la rue François Rabelais, parallèle à la rue Nationale.
- N° 8, grande maison, qui a gardé l’enseigne de l’hôtel Le vieux tilleul. on peut maintenant y louer des chambres d’hôtes ; voir https://www.chambresdhotes.org/Detailed/14451.html
Rue André Gaby :
- N°11, grande bâtisse ornée d’un cartouche portant les initiales BL et la date de 1892.
- N° 13, ancienne boulangerie, qui a gardé son enseigne, inspirée par celui de la maison précédente, et présentant deux outils de boulanger : un rouable et une pelle en sautoir, noués d’un ruban avec les lettres ML et la date de 1894. Ce sont les initiales des propriétaires : Eugène Maingault et Marie Limouzin. Cet Eugène Maingault était compagnon du Devoir sous le nom de Poitevin la Douceur ; il était en effet né dans la Vienne en 1854 et il mourut en 1896, à l’âge de 42 ans. Il avait pris la succession de Gustave Pellé, dit Tourangeau la Bonté, mort en 1889, à l’âge de 48 ans.
À voir en dehors du bourg
La Grande Marche (nord-est) : ce fief appartint, du 16ème au 17ème siècle, à la famille Baudet ; Gabriel Baudet, cité en 1554, époux de Catherine de Betz, fut notamment le père de René Baudet, cité en 1572 et de Françoise Baudet, qui épousa Jean II Des Aubuis, seigneur de Talvois à Nouâtre.
En 1658, la propriété fut vendue à Georges des Roches, Président au Présidial* de Loches. Le dernier seigneur fut, en 1789, François Henri de Mallevaud, également seigneur de La Grande Couture à Courçay et de Marigny à Yzeures-sur-Creuse, commissaire ordonnateur à Tours.
Le manoir, des 16ème et 17ème siècle, a conservé, au sud, une grande fenêtre à croisée de pierre ainsi qu’une grande salle, pavée de carreaux rouges, avec une cheminée Renaissance.
Le Breuil (nord-est) : le fief du Breuil était le seul en Touraine à pouvoir exercer « le Droit du seigneur ou Droit de cuissage » selon un aveu rendu le 8 mars 1514, rendu par Louis Du Han, écuyer, seigneur du Breuil, au Chapitre de Saint-Martin de Tours. En fait, ce droit ne consistait pas, comme le dit la légende, à avoir la possibilité de prendre le pucelage des jeunes mariées mais, dans le cas du Breuil, comme le précise l’aveu indiqué ci-dessus, à recevoir à diner et, le jour de la Saint-Gervais, douze deniers et un « esteuf » (petite balle utilisée au jeu de paume).
Par la suite, le fief passa à René de Razines (mort vers1601), qui fut le père de Jehan de Razines (mort vers 1635) et de Renée de Razines, qui fut l’épouse de Georges Baudet, seigneur de La Grande Marche (voir ci-dessus), cité en 1602. Claude de Razines, fils de Jehan, vendit la propriété, en 1637, à Claude Luthier (voir Armançay au Louroux), qui fut le père de Gaillard Claude Luthier (mort vers 1683). Le fils de ce dernier, Claude Pierre Luthier, vendit Le Breuil, en 1710, à Jean Louis Barberin, (voir Reignac).
Le fief suivit dès lors la destinée des nombreux biens de ce seigneur et le dernier possesseur du fief fut le célèbre Lafayette, fils Marie Louise Julie de La Rivière, arrière-petite-fille de Jean Louis Barberin.
Il reste une partie des douves de cet ancien manoir, aujourd’hui bien modeste, fortifié au 15ème siècle et dans lequel on entrait par un pont-levis
La Bichetterie (au sud, près du bourg) : château construit en 1870 dans le style empire, qui a servi de poste de douane pour la ligne de démarcation.
Les Usages (au sud-est) : château du 17ème, restauré au 19ème.