Marcilly-sur-Vienne
Le nom de cette commune, qui se trouve sur la rive gauche de la Vienne, apparaît pour la première fois en 1091 dans la charte 208 du cartulaire de Noyers. On pense généralement que ce nom vient du gallo-romain Marcilliacus, signifiant « le domaine agricole de Marcillius » ; cependant certains historiens, considérant qu’il existe 25 toponymes de ce type en France, pensent que ce nom pourrait venir du gallo-romain marosigliacum, signifiant « le domaine du grand marais » du gaulois maro (grand) et siglen (marais). Cette hypothèse est confortée par le fait qu’il existait à Marcilly la ferme du Marais, dépendant du château de la Motte (voir ci-après).
À l’époque gallo-romaine plusieurs voies traversaient le territoire de la commune, notamment une voie allant de Dangé-Saint-Romain à Candes-Saint-Martin en suivant la rive gauche de la Vienne et deux voies allant vers le loudunais, dont une passait à côté de la villa de Cambraye, du gallo-romain Camaracum ou « domaine de Camaros » (patronyme grec signifiant le Crabe).
Il y avait également un gué permettant la communication entre l’importante agglomération gallo-romaine se trouvant à l’emplacement de Nouâtre et cette région « d’outre-Vienne » qui plus tard formera un des trois archidiaconés du diocèse de Tours.
Au moyen-âge, ce gué fut remplacé par un bac qui fonctionna jusqu’à la construction d’un premier pont en 1932. On voit encore les chaussées empierrées qui permettaient aux véhicules de rejoindre ce bac ainsi que la maison du passeur, qui date du 15ème siècle. Un des derniers passeurs fut monsieur Bourreau, surnommé le père Ratapoil, qui tenait buvette et vendait ses poissons dans cette maison.
Le travail de passeur n’était pas sans danger et la veuve Burgault demanda un secours à la mairie de Nouâtre car son mari, adjudicataire du passage d’eau, s’était noyé en janvier 1878. Le passage, lui aussi, présentait des risques et en 1929, le jeune Roger Potrel se noya, étant tombé dans la Vienne, en embarquant avec son vélo ; sa mère Eugénie Guitton attaqua le passeur Fouquet, qui, malgré la nuit, n’avait pas de lanterne.
Entre 1929 et 1932, un pont, aux arches caractéristiques, fut construit entre Nouâtre et Marcilly pour remplacer le bac, que les lourds chargements ne pouvaient pas emprunter ; devenu vétuste ce pont a été remplacé par un autre, plus moderne, entre 2005 et 2007 puis a été « déconstruit » , avec beaucoup de précautions, cependant, pour protéger la grande mulette (margaritafera auricularia), une grande moule perlière qui ne se trouve plus que dans la Charente et dans la Vienne.
Le bac est resté présent dans la mémoire des habitants de la région et de nombreuses cartes postales en gardent un souvenir pittoresque. En 1802, les tarifs étaient les suivants : 7 centimes pour une personne et 10 centimes pour un cheval lorsque la Vienne était basse, 15 centimes pour une personne et 20 centimes pour un cheval lorsque la rivière était haute.
Au bord de la Vienne, le château de la Motte est une ancienne motte féodale faisant partie, sur la rive gauche, du système défensif de la seigneurie de Nouâtre (voir ci-après).
Le Prieur de Marcilly, qui habitait près de l’église, fut assassiné en 1752 (voir ci-après) ; quelques années plus tard, en janvier 1764, un autre crime eu lieu dans l’église même, où un jeune apprenti charpentier du nom de Plisson fut agressé par un journalier nommé Jean Leson ; il est probable qu’il mourut de cette agression car Jean Leson fut condamné à mort et exécuté le 30 mai 1764. La justice était expéditive à cette époque !
À la sortie de Marcilly, quand on va vers Ports-sur-Vienne, une falaise calcaire, sur la droite, a été exploitée au 19ème siècle. Quatre fours à chaux furent d’abord construits ; au début du 20ème siècle, une usine avec une machine à broyer équipée d’un moteur vertical employait une trentaine d’ouvriers ; une voie ferrée étroite, de type Decauville (0,60 m. de largeur) et un petit train de wagonnets tiré par un cheval jusqu’en 1949 puis par un petit locotracteur permettaient le transport de la pierre ; cette usine fonctionna jusqu’en 1962. Depuis 2013, un de ces wagonnets se trouve au rond-point situé au bout du pont.
Notons enfin, pour la petite histoire, qu’en 1954 des ouvriers travaillant à la carrière de sable des Varennes affirmèrent, avec force détails, avoir vu se poser à côté d’eux une soucoupe volante occupée par un petit être, haut de 1,50 m. Après avoir été pris au sérieux pendant quelques temps, ces « visionnaires » avouèrent qu’ils avaient tout inventé.
Carte de la commune
Église Saint-Blaise
Elle fut bâtie au 15ème siècle, à l’emplacement d’une église antérieure, pour la famille de la Jaille, qui avait sa chapelle particulière (à gauche de la nef) avec une entrée privée et une vue de biais sur le chœur. La plaque commémorative de l’assassinat de Jean d’Armagnac, qui est maintenant sur le mur à la droite du chœur était à l’origine dans cette chapelle.
Une autre chapelle, à droite, est dédiée à Saint Blaise qui vécut en Arménie au 4ème siècle et qui est évoqué pour la guérison des maux de gorge.
Cette église est souvent ouverte dans la journée ; sinon les clés peuvent être demandées à la mairie. Sur les murs extérieurs de l’église, du côté de la Vienne, de nombreuses inscriptions gardent le souvenir des crues, souvent dévastatrices ; l’inscription la plus ancienne date de 1530. Voir http://www.marcillysurvienne.fr/histoire-et-patrimoine/histoire.html
À Marcilly, le débit moyen de la rivière, qui est de 200 m³ en temps ordinaire, peut parfois atteindre 3 000 m³ en période de crue ; de cet endroit un sentier a été aménagé le long de la rivière et il permet de suivre le cours jusqu’au pont.
La Ferme du Marais et les lavoirs
La ferme seigneuriale du Marais, qui dépendait de ce château, se trouve au bout de la rue du Marais (en face de l’église), à gauche ; l’entrée se trouve au rez-de-chaussée de la tour carrée, avec deux étroites meurtrières qui protégeaient le portail dont la clé porte un bel écusson non sculpté. Une corniche supporte le toit d’ardoises à quatre pans et tout le premier étage était un colombier dont les centaines de boulins[1] sont intacts.
La commune possède deux anciens lavoirs : l’un près du bourg au bout du chemin de la Fontaine et l’autre aux Mariaux.
Le Prieuré et La Rochellerie
Non loin de l’église, du même côté, l’ancien prieuré de la bienheureuse Marie-Madeleine (15ème s.) est maintenant une belle demeure privée et rien n’y rappelle le meurtre du prieur. Il fut vendu comme bien national en 1791 et acquis par Pierre-Émery Forest, notaire à Nouâtre.
La route qui continue le chemin de la Fontaine monte au-dessus du village, en offrant de beaux points de vue sur la vallée ; après les Perrières, un chemin carrossable conduit à la Rochellerie, qui est un ancien manoir dépendant de Doucé (voir Rilly-sur-Vienne), fief qui fut une des premières possessions de l’abbaye de Noyers, citée dès la première charte en 1030.
C’est une propriété privée, que l’on ne peut pas visiter mais selon André Montoux, la tour carrée, qui avait conservé une fenêtre à encadrement mouluré, contenait un escalier de pierre ne comptant plus que huit marches ; la date de 1692 était gravée sur le pied droit d’une fenêtre de l’étage.
Le château de la Motte
Situé sur la rive gauche de la Vienne, ce château est sur Marcilly-sur-Vienne mais il faisait partie du système de défense de Nouâtre, Foulques Nerra[2] ayant élevé de chaque côté de la rivière deux énormes mottes de défense pour s’assurer le libre passage de la Vienne.
Celle de la rive gauche : la motte de Sulion, fut occupée par un château appelé La Motte-au-fils-Yvon ou La Motte Yvon du 11ème au 18ème siècle. À propos de ce lieu, Pierre Souty écrit dans La famille Ivon de Tavant et de Nouâtre (BAVC. VI-1) : « Le premier ascendant connu nous est révélé par le cartulaire de Noyers (…). Nous savons par plusieurs chartes qu’il s’appelait Ivon et qu’il était de Tavant (…). Nous connaissons davantage son épouse. Celle-ci s’appelait Odile (…) elle était originaire de Nouâtre (…). Nous voyons souvent intervenir dans les chartes un chevalier appelé Ansterius de la Motte ; il serait le frère d’Odile. D’après une ancienne généalogie Ansterius et Odile avaient pour père Archambault le long de Nouâtre, lui-même fils de Marric de Nouâtre (…). Nous connaissons les cinq enfants d’Odile. Deux d’entre eux, Aimeri et Girard, seront fréquemment cités dans le cartulaire de l’abbaye de Noyers, leur nom étant accompagné de la désignation « Fils d’Ivon » (…). La butte féodale qui se dressait en face de Nouâtre, sur la rive gauche de la Vienne, devait s’appeler pendant des siècles « La Motte au-fils-Ivon » ou « Motte-Yvon ». (…) Du 14ème au 16ème s. le fief de la Mothe-Ivon est aux mains de la famille de la Jaille, tirant son nom de la seigneurie angevine appelée « la Jaille-Yvon » ; le premier de leur lignée se nommait Yvon (…) on le range parmi les fidèles du comte Foulque Nerra (…). Ces deux dynasties n’auraient-elles pas la même origine, ou faut-il n’y voir qu’une simple coïncidence ? ».
Au 14ème s. le château appartenait à Pierre III de la Jaille (1360-1420), « seigneur des Roches (Maillé) et de la Mothe-Yvon » (sur cette famille, voir La Tour Saint-Gelin, pages xx et xx).
Il fut ensuite la propriété de Charles II de la Jaille (1400-1453) « seigneur des Roches, de la Mothe, de Draché et de la Tour Saint-Gelin » puis de Pierre IV de la Jaille (décédé en 1490) Une de ses descendantes : Catherine de la Jaille (décédée en 1528), « dame de la Mothe » épousa Jean II de Crevant (décédé en 1491) et leur cinquième fils : Claude de Crevant, qui fut blessé en 1525 à Pavie, devint le seigneur de la Mothe ainsi qu’un des Trois Seigneurs de Pouzay ; plus tard, la petite fille de ce dernier : Léonore de Crevant (née vers 1550) « dame de la Mothe » épousa Charles II Turpin de Crissé (né vers 1545).
Selon un aveu[3] de 1540, le château était entouré de fortifications et protégé par un fossé. Au bord de la Vienne, un monticule indique l’emplacement du colombier dont l’assise est encore visible sous les ronces.
La construction actuelle date du 17ème s. À cette époque, par l’intermédiaire de Louise d’Aviau de Piolant (décédée en 1684) « dame de la Mothe » et descendante des Turpin de Crissé, le château devint la propriété de Jean II d’Armagnac qu’elle avait épousé en 1628. Ce Jean II d’Armagnac est bien connu : il fut gouverneur et bailli de Loudun vers 1627 ; il y fit connaissance du curé Urbain Grandier[4] qui, avant de périr sur le bûcher, vint sans doute au château de la Motte pour y déguster « les excellents melons de Touraine » dont le gouverneur parle dans une des 47 lettres qu’il lui adressa.
Jean II d’Armagnac, pour sa part, fut assassiné à Paris en 1635 par Jean Duluc, son ancien valet de chambre, avec qui il était en conflit. Dans l’église de Marcilly, une plaque de marbre noir, qui était à l’origine dans la chapelle seigneuriale et qui est maintenant sur le mur à droite de l’autel, indique, en latin, « (…) Louise d’Aviau, sa très chère épouse, le sang vengé et le meurtrier ayant subi le supplice de la roue, pleurant ces événements douloureux et affligée pour toujours a pris soin avec ses trois enfants de faire apposer cette inscription. »
Après 1684, la propriété passa à Mathieu-Pierre d’Armagnac (né en 1675), fils de Jean III d’Armagnac (1631-1684) et petit-fils de Jean II d’Armagnac ; celui-ci fut « seigneur de la Motte, Pussigny, la Douce, la Heurtelière, et autres lieux », capitaine de chevaux légers et lieutenant des maréchaux de France. Il mourut sans enfants et le château de la Motte devint la propriété des Rabault de Lansonnière, descendant de Jacques de Rabault, qui avait épousé, en 1602, Marie d’Armagnac, soeur de Jean II d’Armagnac.
En 1752, Jacques Rabault de Lansonnière, fils de Louis Rabault de Lansonnière et de Marie-Rose de Veltat, fut accusé du meurtre du prieur de Marcilly : messire René Huet, assassiné en février 1752 en même temps que son valet : François Archambeau. Jacques Rabault et sa mère prirent la fuite et ce dernier finit par se faire cordelier à Angoulême mais près de 20 ans après, en mars 1771, un certain Charles Bureau, baptisé à Noyers en 1716, ancien garde-chasse et sergent de la baronnie de Sainte-Maure, condamné à être pendu pour meurtre, avoua au pied du gibet qu’il était l’assassin du prieur.
La propriété du château fut alors usurpée par Jean Rabault des Rollands, qui en 1764 le vendit à Anne-Perrine de Gréaulme (voir Antogny-le-Tillac), veuve d’Armand Gazeau de la Bouère, qui comparut par fondé de pouvoir comme dame de Marcilly à l’assemblée électorale de la Noblesse en 1789.
Après avoir été réhabilité, Jacques Rabault de Lansonnière réussit à récupérer son bien avec l’aide de René-Louis de Tourneporte, alors gouverneur du château de Nouâtre ; le château de la Motte fut ensuite vendu, en 1784, à Guillaume François Marie Martin d’Anzay, (né en 1752), procureur au Parlement de Paris.
Le fils de ce dernier : Louis Marie Martin d’Anzay (1785-1853), avocat à Paris, devint maire de Marcilly et conseiller général ; sa tombe est dans le cimetière du village (à droite en entrant). Il fut le dernier propriétaire de l’ensemble du château qui fut ensuite morcelé en plusieurs parties. Pendant quelques années la partie centrale fut utilisée comme mairie et comme école. L’aile droite de ce château est actuellement en vente.
Voici une description du château de la Motte, faite par Alfred Barbier, dans Jean II d’Armagnac, gouverneur de Loudun, et Urbain Grandier (1885) « Ce vieux manoir s’élève à quelques centaines de mètres du bourg tourangeau de Marcilly, en descendant la rive gauche de là Vienne. Il est d’apparence modeste et, quoique défiguré par des réparations successives et maladroites, il conserve encore un certain cachet de gentilhommière. A l’intérieur, on remarque un bel escalier, large, facile et pourvu d’une rampe en fer forgé ayant du style et délicatement ouvragée. Le jardin du castel forme une haute terrasse sur la Vienne, assez rapide et peu profonde à cet endroit. Voilà pour l’aspect actuel. Quant à l’état ancien, la description sommaire en a été conservée dans un aveu[5] de 1540 : le château était pourvu de fortifications importantes et entouré de fossés ; on y pénétrait par un seul pont-levis. Derrière la forteresse (à 40 mètres et au nord) était une motte défendue également par des fossés qui, depuis, a été détruite pour combler les douves. Enfin, il existait dans l’intérieur du château une chapelle dont le titulaire était nommé par l’abbé de Noyers qui résidait à quelques kilomètres de Marcilly. De l’autre côté de la Vienne et presque en face de la Motte, on découvre un paysage charmant. C’est l’antique commune de Nouâtre que semblent défendre encore les grosses tours rondes, largement effondrées, d’un château du 15ème siècle, appuyées sur les solides assises d’une forteresse du 10ème s. À droite de ces ruines intéressantes, un énorme tumulus[6] projette son dôme verdoyant au-dessus des rustiques habitations de la petite ville de Noastrum. »
[1] Voir note xx, page xx.
[2] Foulques III, dit Nerra (le Noir), (965-1040), comte d’Anjou, conquit le Maine et la Touraine, où il édifia de nombreux châteaux : Langeais, Loches, Montbazon, Nouâtre, Sainte-Maure de Touraine, etc.
[3] Voir note xx, page xx.
[4] Urbain Grandier (1590-1634) : accusé de sorcellerie et en butte à l’hostilité de Richelieu, il fut brûlé vif.
[5] Voir note xx, page xx.
[6] Il s’agissait, en fait, d’une motte féodale, qui portait le donjon et qui fut détruite en 1936, lors de la construction du pont.