Nouâtre
Le nom de cette commune, située sur la rive droite de la Vienne, en amont de L’Île-Bouchard et de Chinon, est mentionné pour la première fois sous la forme Nogastrum castrum à propos d’un synode diocésain (assemblée des ecclésiastiques d’un diocèse) réuni à Tours en 925 par l’archevêque Robert (archevêque de 916 à 932) afin de régler un conflit entre deux curés. Nogastrum castrum, c’est-à-dire « le château (appelé) Nogastrum » peut être traduit, selon certains, par le château des Noyers sauvages, Nogastrum étant alors une déformation de nucastrum dérivé du latin nux, nucis = la noix ou le noyer ; mais selon d’autres, par le Nouveau château ou Châteauneuf, Nogastrum étant alors une contraction de novum castrum.
Histoire
Préhistoire et antiquité :
Le site, comme toute la vallée de la Vienne, fut habité au moins depuis le paléolithique inférieur (- 300 000) ainsi que le montre un coup de poing roulé trouvé en 1947 « dans une exploitation de sable et de cailloux, située près de la Vienne, au droit du bourg de Nouâtre » (voir BAVC 5.9).
Du néolithique récent (- 3500), date le menhir appelé La Pierre Fitte, signalée par Louis Bousrez (1848/1912) in Étude sur les monuments mégalithiques de Touraine (BSAT 10 1895) à la Fosse d’Ansert (aux Maisons Rouges, voir ci-après) et qu’il identifie avec la Petra Fixa signifiant « pierre enfoncée » citée dans la charte 4, de 1032, du Cartulaire de l’abbaye de Noyers ; c’est un bloc de grès couché de 4,60 m. de longueur sur 1,60 m. de large et 0,80 m. d’épaisseur.
Près des Maisons Rouges, les photographies aériennes, faites par Alain Kermorvant (université de Tours) accompagné de Philippe Delauné, ou par Jacques Dubois (voir BSAT n° 50) ont révélé de nombreux vestiges du néolithique final (- 2 500 ans), notamment près de la Fontaine Blanche, source qui a donné son nom à une série d’étangs entre Noyers et Les Maisons Rouges.
La protohistoire est bien représentée avec des vestiges révélés par les photographies aériennes, notamment des cercles indiquant des fossés à la Fontaine blanche, près des Maisons Rouges, ainsi qu’une nécropole au lieu-dit la Grippe (Noyers).
Notons aussi que les fouilles réalisées à l’occasion des travaux de la LGV ont permis la découverte de l’existence d’une ferme gauloise au lieu-dit les Arrentements (les Maisons Rouges).
À l’époque gallo-romaine, Nogastrum était une agglomération située en bordure d’une voie importante allant de Limonum (Poitiers), oppidum gaulois des Pictons, jusqu’à Caesarodunum (Tours), ville fondée à la fin du 1er siècle avant JC par l’empereur Auguste à côté de l’oppidum des Turons, à Fondettes.
C’est la présence de cette voie ainsi que l’existence d’un gué sur la Vienne, qui a donné naissance à cette agglomération, attestée par des bâtiments, vus, dans le bourg actuel, par des photographies aériennes, notamment à la Croix d’Argenson, aux Coutures et au Moulin du Temple ainsi qu’au Clos du Bourg (aujourd’hui Espace Coluche). Là s’élevait un vaste bâtiment, peut-être une auberge destinée à accueillir les voyageurs empruntant la voie gallo-romaine, comme peut le faire supposer la découverte de très nombreux tessons de vaisselles noires à pâte fine trouvés lors du creusement des fondations du gymnase Marie-Amélie Le Fur.
Il y avait aussi, au lieu-dit Nardugeon, une importante nécropole (ou « cité des morts »), qui accueillait les inhumations et les restes des crémations. Des poteries et des moules ont été découverts à La Richardière (voir ci-après), laissant supposer que là se trouvaient des fours de potiers. Un temple se dressait peut-être à la Pierre du Faon (voir ci-après).
Histoire ancienne :
À la fin du 7ème siècle le corps de Leodegarius (Saint Léger), qui avait été évêque d’Autun et conseiller du roi mérovingien Childéric II (roi de 662 à 675), puis assassiné en 678, fut transféré d’Artois jusqu’au monastère poitevin de Saint-Maixent, dont il avait été abbé ; le corps du saint passa et séjourna à Nouâtre, où des reliques furent conservées.
Au 9ème siècle, lors des invasions normandes, le corps de Saint-Révérend fut, à son tour, déplacé de Bayeux vers Poitiers et resta longtemps à Nouâtre, où l’église Saint-Révérend fut fondée en 940 par Aymon, abbé de Saint-Cyprien de Poitiers (voir ci-après).
Le fief de Nouâtre :
Le premier seigneur connu est Guennon, cité comme seigneur de Nouâtre dans les Chroniques des comtes d’Anjou. Après la conquête de la Touraine par Foulques Nerra*, il devint vassal de ce dernier.
Son fils Marric, mort en1023, cité dans la charte 36 du cartulaire de Marmoutier, fut aussi seigneur de Nouâtre. Il eut au moins deux fils :
- Malran (990/1035), nommé dans la charte 1 du cartulaire de l’abbaye de Noyers* car c’est lui qui, en 1030, donna à Hubert de Noyant la petite église de la Sainte-Trinité à Noyers pour y fonder une abbaye (voir ci-après).
- Archambault le Long, seigneur de la Motte et grand-père de Dame Odile, épouse d’Yvon, seigneur de Tavant, dont les fils (les Fils-Yvon) ont, pendant longtemps, donné leur nom au château de la Motte (voir Marcilly-sur-Vienne).
Malran fut le père de :
- Ganelon, mort vers 1060, seigneur de Nouâtre et vassal de Geoffroy II d’Anjou, dit Geoffroy Martel (1006/1060), fils de Foulques Nerra. Après sa mort, il fut enseveli dans l’abbatiale de Noyers et comme il n’avait pas d’enfant, c’est son frère qui devint seigneur de Nouâtre.
- Cléopas, seigneur de Nouâtre et vassal de Foulques de Nevers, dit Foulques l’Oison (1011/1066), comte de Vendôme, petit-fils de Foulques Nerra. Comme Cléopas était lui aussi sans enfant, les biens de la seigneurie de Nouâtre furent alors partagés entre plusieurs membres des très nombreux descendants de cette famille (voir ci-après) et le seigneur en titre de Nouâtre devint alors le suzerain qui était alors Guy de Nevers, (mort en 1084), frère de Foulques l’Oison et tuteur de Bouchard II de Nevers (mort en 1085), fils de Foulques l’Oison.
- Hersende (1020/1065), épouse d’Abélard Bardon (1015/1064), seigneur de Marmande.
Parmi les membres de la famille de Nouâtre, on peut citer trois membres, très présents dans le Cartulaire de Noyers* :
- Agathe de Nouâtre, nièce de Ganelon, et son époux, Ervisus Cabruns, qui, avec Simon de Nouâtre, donna à l’abbaye de Noyers l’église d’Antogny-le-Tillac, qui leur appartenait.
- Simon de Nouâtre, fils d’Adraud petit-fils de Malran, et de Sophie ou Sophise de Marmande, sœur aînée de Zacharie de Marmande (1050/1122) et petite-fille de Malran. Son épouse était Audeburge, surnommée Borille, fille d’Hubert Persil de Montbazon, important donateur de l’abbaye (voir Marcé-sur-Esves). Simon de Nouâtre entra en conflit avec son oncle Zacharie de Marmande, qui s’était réfugié auprès de lui et il l’emprisonna dans le château de Nouâtre.
- Urie de Nouâtre, demi-frère de Simon, était le fils de Sophise de Marmande et de son premier mari, Bernard Queue-de-Vache.
Histoire moderne :
Le 15ème siècle fut sans doute l’âge d’or de Nouâtre, que l’on appelait alors « la ville de Nouâtre », ceci grâce à Jean Du Fou (ou Faou) et à son épouse Jeanne de la Rochefoucauld, une des filles d’Aymar IV de La Rochefoucauld, seigneur de Montbazon, Sainte-Maure et Nouâtre, qui devint « dame de Nouâtre » après la mort de son père et de ses autres sœurs.
Jean Du Fou (mort en 1492), seigneur de Rostrenen et Rustéphan (dans le Finistère), capitaine de Cherbourg, sénéchal (gouverneur) de Bretagne, chambellan du roi Louis XI, bailli (gouverneur) de Touraine de 1480 à 1483 puis de 1489 à sa mort, devint donc coseigneur de Nouâtre, du fait de son épouse. Il termina la restauration du château de Nouâtre, précédemment entreprise par son beau-frère Jean d’Estouteville, chambellan du roi Charles VII et coseigneur de Nouâtre du fait de son épouse Françoise de la Rochefoucauld.
Jean Du Fou obtint de Louis XI le droit de guet et de garde sur les habitants de Nouâtre « à cause que les dits chastel et place fort de Nouastre, anciennement close et fermée, sont de présents en bon état et réparation pour le retrait et reffuge des habitans de la chastellenie ».
En 1469, il eut l’autorisation d’établir à Nouâtre un marché tous les lundis et quatre foires par an. Le roi Louis XI lui rendit visite en 1471 ; il alla prier devant les reliques de saint Révérend dans l’église paroissiale puis séjourna dans son château, où il dicta une lettre pour le duc de Milan le 8 juillet 1471.
Sa fille, Renée Du Fou, dame de Nouâtre, épousa d’abord Louis III de Rohan-Guémené (mort en 1498) puis Guillaume de La Marck (mort en 1516). Son frère, Yves ou Yvon Du Fou (mort en 1488), qui était seigneur du Fou et baron du Vigan ou du Vigean, comme tous les aînés de cette famille, fut grand veneur de France en 1471 et 1485 et sénéchal du Poitou. C’était un lettré qui commanda plusieurs manuscrits enluminés. Une de ses filles : Hilaire du Fou du Vigan (1460/1529) épousa en 1482 François de Bourdeille et fut la grand-mère de Pierre de Bourdeille, plus connu sous le nom de Brantôme (1540/1614).
Un autre frère de Jean Du Fou : Raoul du Fou (mort en 1510) fut évêque de Périgueux de 1468 à 1470, puis évêque d’Angoulême de 1470 à 1479 et enfin, de 1479 à sa mort, évêque d’Évreux où il fit construire le palais épiscopal ; ses armes étaient celles de la famille Du Fou mais accolées d’une crosse avec la devise Caritas numquam exidit (la Charité ne m’a jamais fait défaut). Il fut également, à partir de 1470, abbé commendataire de l’abbaye de Noyers.
Les seigneurs de Nouâtre, qui étaient également seigneur de Sainte-Maure et de Montbazon, n’habitaient pas régulièrement dans le château de Nouâtre, confié à un gouverneur, chargé également de rendre la justice en tant que sénéchal. Au 15ème siècle, ce sénéchal-gouverneur est Aimar de la Jaille, qui, en 1464, rend aveu* dans le château de Nouâtre pour « la place de son hostel et hébergement en la ville de Nouâtre, jouxte le chemin par lequel l’on va de Sainte-Maure au port, et son port sur la Vienne, au dit Nouastre » (c’est-à-dire la Richardière).
La justice seigneuriale de Nouâtre était rendue par une cour présidée par le sénéchal-gouverneur du château. Les archives ont gardé le souvenir de Pierre Forget (1606/1681), sieur de la Pommeraye à Ports (Ports-sur-Vienne) et « sénéchal de la baronnie de Nouâtre » ainsi que celui de son fils Pierre Forget (1665/1727), gouverneur du marquisat d’Argenson et également sénéchal de Nouâtre. La fille de ce dernier : Marie Forget (1696/1758) épousa René Tourneporte (1680/1754), sieur du manoir de Bonnivet, à Chinon, qui fut sénéchal de la baronnie de Nouâtre et du marquisat d’Argenson ; après sa mort, il fut inhumé dans l’église de Nouâtre « sous la chaire proche le mur » (voir ci-après).
Le dernier seigneur de Nouâtre fut Henri Louis Marie de Rohan-Guémené, dit le Prince de Rohan, né en 1745, célèbre pour ses prodigalités et pour la banqueroute retentissante qu’il fit en 1783 ; il mourut en 1809, à Prague, où il avait émigré. La devise de cette famille prétentieuse était : « Roi ne puis, Duc ne daigne, Rohan suis. »
Après la Révolution de 1789, les biens des Rohan furent saisis comme biens nationaux : les restes du château de Nouâtre, déjà en ruines, furent vendues à un certain Pierre Jahan «ci-devant employé dans les gabelles », les maisons et les terres, à différentes personnes, dont notamment aux deux notaires de Nouâtre : Louis François de Vaulivert (1764/1828), administrateur du département en 1792, commissaire aux armées en 1793, et Pierre-Émery Forest, dit le Jeune, qui sera maire de Nouâtre de 1800 à 1843.
Les dirigeants des communes, créées par la loi du 14 décembre 1789, sont élus au suffrage censitaire à partir de janvier 1790 et le premier maire de Nouâtre est Jacques Honoré Marchant, ancien avocat au Parlement et ancien Président de l’élection* de Chinon, qui avait épousé en 1762 Marie Madeleine Elisabeth Tourneporte (1746/1823), fille de René Pierre Tourneporte (1713/1778), lui-même fils de René (voir ci-dessus).
Le premier registre de la Municipalité de Nouâtre commence le 24 brumaire an III (14 novembre 1794). La première délibération est signée par le maire Louis Venault, qui était le curé de Nouâtre, depuis janvier 1782. Après la Révolution, il accepta la Constitution civile du clergé et resta curé de Nouâtre, dont il devint le maire en 1794, à la place de l’avocat Jacques Honoré Marchant, devenu suspect suite à l’immigration de son fils. Il fut remplacé en 1795 et on perd sa trace après 1797, année au cours de laquelle il effectua encore des actes religieux en fraude de la loi.
De 1800 à 1843, le maire fut Pierre Émery Forest, dit le Jeune, fils de Pierre Émery Forest dit l’Ancien (1732/1792), notaire de la baronnie de Nouâtre, qui habitait la grande maison (appelée La Cour) maintenant située au 17 rue de la Liberté.
Honoré René Marchant (1764/1816), fils aîné de l’ancien maire Jacques Honoré Marchant, deviendra Intendant Général de la Grande Armée et baron d’Empire en 1813. C’était un ami de la famille Balzac, qui lui vendit leur maison de Tours.
La commune de Noyers fut réunie en 1832 à celle de Nouâtre.
Histoire contemporaine :
La Seconde République ayant instauré le suffrage universel, Mathieu André Chabert de Prailles (mort en 1851) est élu en 1848 par 35 voix sur 35 votants parmi les 130 inscrits !
Sous le mandat de Cyprien Fuseau, qui fut maire de 1888 à 1908, les chemins de fer de l’ouest, construisirent une ligne qui allait de Port-Boulet (commune de Chouzé-sur-Loire) à Port-de-Piles (Vienne), dont la gare est à La Celle-Saint-Avant ! Cette ligne fonctionnera jusqu’à la seconde guerre mondiale pour le transport des passagers et jusqu’aux années 1980 pour le transport des marchandises.
Après la dramatique saignée provoquée par la première guerre mondiale, la vie normale reprit peu à peu. En 1917 une annexe du camp de prisonniers de Tours avait été installée à Nouâtre pour que les prisonniers allemands aillent travailler dans les fermes dont les hommes étaient à la guerre. Après la guerre ce camp devient un établissement militaire d’abord affecté au génie, puis au matériel et transmission (ECMT) ; actuellement 14ème BSMAT (Base de soutien du matériel de l’armée de terre).
Dans les années 30, le bac, dit « passage de Nouâtre » fut remplacé par un pont, inauguré le 31 juillet 1932 par le ministre de l’intérieur Camille Chautemps (1885/1963), maire de Tours de 1919 à 1925, Président du Conseil en 1930 puis de 1933 à 1934. Ce pont fut «déconstruit » en septembre 2007 après avoir été remplacé par le pont actuel en février 2007, a été (voir Marcilly-sur-Vienne).
Le 19 juin 1940, a lieu l’évacuation du camp militaire, suivie, le 21 juin, de l’arrivée des troupes allemandes, qui allèrent attaquer le pont de Nouâtre, défendu par des tirailleurs algériens ainsi que par quelques habitants qui avaient amené des madriers et des machines agricoles pour barrer le passage mais les Allemands avaient des canons et les défenseurs, pris à revers par des troupes arrivées de Pouzay, sur la rive gauche, se rendirent ; il y eut 7 soldats français tués, dont 6 algériens.
Par la suite s’organisa dans la région un groupe du Réseau Vengeance, dirigé par l’abbé Henri Péan (1901/1944), curé de Draché et de La Celle-Saint-Avant, dont on entendait la moto, la nuit ; arrêté par la gestapo le 13 février 1944, alors qu’il célébrait la messe à La Celle-Saint-Avant, il mourut à Tours sous les tortures et fut enterré clandestinement. Son corps, retrouvé par la suite, est maintenant dans le cimetière de Draché.
L’horrible massacre de Maillé, qui eut lieu le 25 août 1944, est encore présent dans les mémoires de tous les anciens de Nouâtre, dont beaucoup avaient de la famille dans ce village voisin.
Les derniers soldats allemands quittent le camp de Nouâtre le 30 août 1944. Peu après les FFI arrivent et investissent le camp ; du charbon, qui y est entreposé, est distribué aux cultivateurs pour que ceux-ci puissent faire les battages. Le drapeau français flotte sur le mât de la place de l’école le 10 septembre 1944 et le 13 mai 1945 un nouveau maire est élu : Alexandre Garnier (1886/1972), cultivateur à Noyers, qui sera maire de Nouâtre jusqu’en 1971.
À voir dans le Bourg
L’église Saint-Léger :
Cette églis, dédiée à Saint Léger, fut construite vers 1483 par Jean Du Fou et son épouse Jeanne de La Rochefoucauld (voir Histoire du fief) ; elle a remplacé une église dédiée à Saint Révérend, fondée en 940 par Aymon, abbé de Saint-Cyprien de Poitiers « in castro Nocastro » (dans la place forte de Nouâtre). Selon la légende, Saint Révérend, né à Bayeux, serait mort à Nouâtre, où il était devenu ermite et où il s’était installé près d’une source : la Fontaine Saint-Révérend, devenue miraculeuse à son contact.
De cette église primitive, il reste les fonts baptismaux, utilisés comme bénitier, à gauche en entrant et un chapiteau, retrouvé lors de la restauration de l’église en 2016 et placé dans la chapelle de la Vierge (à droite).
À gauche de l’église, entre l’épicerie et le bar-tabac, une petite porte aboutissait dans la chapelle Saint-Joseph, qui était la chapelle seigneuriale.
Les murs de la nef sont décorés par une fresque murale du 15ème siècle, illustrant en 12 tableaux accompagnés de légendes explicatives, la vie de Saint Révérend. Elle a été réalisée dans le style ogival riche, caractérisé par la maigreur des formes, l’absence de perspective et l’inégalité dans les proportions des personnages. Cette fresque fut offerte par Sylvain des Aubuis (né en 1430), seigneur de Talvois (au nord du bourg), dont le blason, en partie effacé, se trouve dans une scène funéraire, à gauche de la chaire, installée en 1719
Cette fresque commence à droite, après la Messe de Saint-Grégoire ; le 9ème tableau était accompagné de la légende suivante : « Comment St Révérent, pour échapper aux honneurs, (ou aux hommes) quitta son pays, trouva une petite ville appelée Noastre, où il parvient à une grande sainteté, loin de la vie du monde ». On voit sur ce tableau l’église de Nouâtre, avec les différentes mottes castrales. Cette fresque, actuellement très dégradée, a été reproduite par le peintre Henri Burin (1936/2013).
Tout autour de la nef, on distingue les vestiges d’une ancienne litre seigneuriale, détériorée pendant la Révolution ; cette litre, dite aussi litre funèbre, est constituée d’une large bande noire, sur laquelle étaient peintes, lors de leurs funérailles, les armes des différents seigneurs de Nouâtre.
Sur le mur sud, dans la 3ème travée, une peinture, en partie effacée, représente la Messe de Saint-Grégoire. Il s’agit d’un célèbre sujet iconographique, datant du 8ème siècle et représentant le pape Grégoire le Grand (540/604) célébrant la messe à Rome, dans l’église Sainte-Croix, avec en face de lui le Christ martyrisé, apparu en réponse à sa prière pour convertir une personne doutant de la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie. Le sommet de la vénération pour cette scène est atteint lors de l’Année Sainte 1500, date à laquelle il est probable que cette Messe ait été représentée sur le mur de l’église Saint-Léger.
Dans la chapelle Saint-Joseph, à gauche, on peut admirer un triptyque en bois du 15ème siècle avec cinq scènes représentant la passion du Christ, encadrée par Saint-Jacques et Sainte-Barbe ; l’ensemble contient 43 sculptures en albâtre, finement sculptées ; ce triptyque, appelé la Judée, fut sans doute fabriqué par un atelier de Nottingham, célèbre pour ce genre de production depuis le 14èmesiècle.
Parmi les vitraux, du 19ème siècle pour la plupart, on peut remarquer, dans la chapelle de la Vierge, un petit médaillon du 15ème siècle, représentant Saint Nicolas ressuscitant les trois petits enfants mis dans un saloir.
Le grand retable, au fond de l’église, avec les statues de Saint Léger à gauche et de Saint Révérend à droite encadrant le grand autel, fut installé au 17ème siècle ; cette disposition permit la création d’une sacristie, qui n’existait pas auparavant, les ornements et les objets sacerdotaux étant conservés dans des coffres.
Le château :
Le premier château de Nouâtre, mentionné pour la première fois en 925 (voir Histoire ancienne), était vraisemblablement un édifice fortifié, en bois, construit sur une motte castrale : butte circulaire de terre rapportée, entourée d’un fossé.
Un « nouveau château » fut édifié en pierre, par Foulques Nerra au 11ème siècle et utilisé tel quel jusqu’au 15ème siècle, époque où il fut en grande partie reconstruit par Jean d’Estouteville puis par Jean Du Fou (voir Histoire du fief).
Ce château était protégé par cinq tours : trois grosses tours, aux angles des murailles et deux plus petites, de chaque côté de l’entrée, à laquelle on parvenait par un pont-levis, dont il reste quelques traces ; à l’intérieur du château (transformé en jardin), il ne reste qu’un puits, qui aboutissait dans une citerne, vaste salle voutée, dans laquelle on peut maintenant entrer grâce à une ouverture située sous l’ancien pont-levis et grossièrement percée, sans doute au 19ème siècle.
Après la Révolution, le château fut vendu comme bien national à un certain Pierre Jahan (voir Histoire moderne) mais laissé à l’abandon, il servit de carrière de pierre et se détériora rapidement.
Outre le château, le système défensif de Nouâtre comprenait un donjon, qui se trouvait à la pointe du triangle formé par les douves, sur une motte encore bien visible au 19ème siècle mais on ne voit plus maintenant que quelques traces dans une ancienne ferme, qui abrite maintenant de belles chambres d’hôtes (voir La Clé des Jardins : https://www.lacledesjardins.com/) ainsi qu’un autre fort, sur la rive gauche de la Vienne (voir le château de la Motte à Marcilly sur Vienne).
L’ensemble était protégé par des douves alimentées par le Biez qui fut divisé pour protéger le donjon et par des fortifications ; l’entrée des fortifications était défendue par un fortin, lui-même entouré de douves et de murs, situé à la Pierre du Faon (voir ci-après). L’ensemble des fortifications englobait l’église, des basses-cours, des logements, des granges, un moulin banal, etc.
Le chêne de la Liberté :
Près de l’église et du château, un arbre de la Liberté est dit avoir été planté le 14 juillet 1790 pour célébrer la Fête de la Fédération, premier anniversaire de la prise de la Bastille mais en réalité il fut planté en 1848 pour célébrer la révolution qui mit fin au règne de Louis-Philippe et instaura la Seconde République. Il y eut bien un arbre de la Liberté en 1790 mais on choisit alors un vieil ormeau planté sur les Chaumes et vendu en 1795 pour la marine nationale en même temps que les autres arbres des Chaumes. L’arbre actuel est un chêne pédonculé de 3,50 m. de diamètre et de 25 m. de haut.
La Pierre du Faon :
Cette construction était au 15ème siècle, comme l’indique un aveu* de Jean Du Fou un « hostel, entièrement fermé, vallé et circuité à grandes murailles (entouré d’un rempart et d’un fossé) et ou soulait avoir (il y avait, selon la coutume) chapelles qui de présent sont démolies et ruinées par terre avecque la fuye (pigeonnier) assise au-dedans du dit circuit et droit de garenne ».
Le nom « Pierre du Faon » n’a pas eu d’explication satisfaisante jusqu’à ce jour ; il se pourrait que « faon » soit une déformation de « fan » venant du latin « fanum » signifiant temple ; en effet ce même toponyme existe à Marcé-sur-Esves et des restes d’un temple y sont avérés ; par ailleurs, cet endroit est situé en haut du bourg et il est fort possible qu’il y ait eu un temple à l’époque gallo-romaine car les Templiers, qui s’implantaient très souvent à l’emplacement des anciens cultes païens, étaient, au 12ème siècle, installés près de là, d’où les noms, dans le quartier, de « rue des templiers » et de « rue de la commanderie ».
Il y avait, en effet, à Nouâtre une commanderie de Templiers qui ne fut réunie à l’importante commanderie de L’Île-Bouchard. Le commandeur avait droit de justice sur quelques maisons de ce bourg. Cette commanderie, remplacée par une ancienne maison, appelée les Chapelles, dont l’entrée principale se trouve 6 rue des templiers, possédait aussi le moulin du temple à Nouâtre, un autre moulin à Balesmes (Descartes) et des biens à Draché ( voir Tantan).
Ce moulin se situait près de l’ancienne voie romaine, actuellement Allée romaine et des bâtiments gallo-romains y ont été repérés par des photographies aériennes (voir Préhistoire et Antiquité) ; il était alimenté par un petit cours d’eau, le Ruisseau du Moulin du Temple, se jetant dans le Biez tout proche ; il fut remplacé par une ferme, aujourd’hui restaurée.
À voir à Noyers (2 km au sud du bourg)
Les informations concernant Noyers sont tirées de l’excellent site de Bernard Danquigny, historien local (voir https://www.noyers-nouatre.fr/)
Abbaye Notre-Dame :
L’abbaye bénédictine Beata Maria de Nuchariis fut fondée en 1030 par Hubert de Noyant, au bord de la Vienne. Ébrard, abbé de Marmoutier, fut également nommé abbé de cette nouvelle abbaye et, en compagnie de quelques moines de Marmoutier, il entreprit la construction du monastère avec des pierres extraites de la carrière ouverte sur le coteau de l’autre côté de la Vienne. L’église abbatiale fut terminée en 1032 et consacrée par Arnoul, archevêque de Tours de 1023 à 1052.
Au cours du 12ème siècle, l’abbaye fut fortifiée et devint très importante. Richard 1er Plantagenêt, dit Cœur de Lion (1157/1199) confirma la liberté de l’abbaye et demanda à son sénéchal de la prendre sous sa protection. Un ancien linteau de l’abbaye, portant ses armes, a été repéré par Bernard Danquigny, dans la rue Pierre Cantault.
Dès sa création, l’abbaye étendit ses possessions dans la région. Selon la coutume de l’époque, de nombreux seigneurs, nobles, soldats, propriétaires donnèrent des terres, églises, prieurés, droits, dîmes, serfs, etc. pour se faire enterrer dans l’enceinte de l’abbaye, ce qui leur assurait le paradis ! Dans la dernière charte du cartulaire, il est précisé que Noyers possédait dans le diocèse de Tours, 19 églises paroissiales, 8 prieurés et 5 chapelles et dans le diocèse de Poitiers 7 églises paroissiales et 10 prieurés.
En 1372, Isabelle de Craon (morte en 1394), dame de Sainte Maure et de Nouâtre, permit aux religieux de transférer leurs fourches patibulaires au Bois aux Moines (à l’est de Noyers en direction de Maillé, peu avant l’autoroute), à condition que l’abbé lui offrît chaque année un chapeau de fleurs.
En 1446, Louis XI, qui avait 23 ans mais n’était encore que le dauphin passa la nuit du 5 octobre à l’abbaye de Noyers. Il reviendra à Nouâtre en tant que Roi le 8 juin 1471.
L’invasion anglaise au 14ème et 15ème siècle fut source de calamités et le monastère en souffrit. L’abbé Raoul du Fou du Vigean, frère de Jean du Fou, dut reconstruire le cloître vers 1474 et fit apposer sur les piliers les armoiries de sa famille.
Vers 1544, l’Abbé François de Mauny reconstruisit le logis de l’abbé et termina le jubé de l’église, qui était orné d’un grand crucifix et des images peintes des quatre évangélistes.
L’abbaye fut évidemment touchée par les guerres de religion et Noyers fut ravagée par les protestants en 1562 puis par les catholiques en 1589. On peut s’interroger sur les raisons de cette attaque catholique contre une abbaye catholique : est-ce parce que le seigneur de Nouâtre et de Sainte-Maure était alors Hercule I de Rohan-Guémené (1568/154), ami d’Henri de Navarre, le futur roi Henri IV, qui avait séjourné à l’abbaye en 1587 ?
En 1659, l’abbaye entra la Congrégation de Saint Maur mais, malgré cela, l’abbaye perdit de son influence et, en 1697, il ne restait que 9 religieux. Pourtant, une importante reconstruction intervint en 1760 et tous les bâtiments claustraux furent rebâtis.
La révolution sonna le glas de l’abbaye, qui fut vendue en 1791, au lieutenant-colonel Jacques Sonolet ; les biens appartinrent ensuite à sa fille Jeanne Sonolet (morte en 1808) puis à son fils Jules (né en 1797), qui avait été à Tours le condisciple de Balzac et on peut penser que c’est la raisons pour laquelle celui-ci cite l’abbaye de Noyers parmi les biens du Père Grandet dans Eugénie Grandet.
Jules Sonolet revendit l’abbaye en 1827 à Edmond Baillou de la Brosse (1807/1877), qui vendit les pierres de l’église abbatiale et du cloître ! Il ne reste actuellement que trois corps de bâtiments, tous perpendiculaires à la rivière.
On ne peut donc aujourd’hui qu’imaginer ce que fut cette importante abbaye mais sans doute le sous-sol recèle-t-il encore des restes des fondations ; en 1962 on découvrit une parcelle du pavage de la salle du chapitre, dont un fragment est dans l’église paroissiale.
Le souvenir le plus caractéristique de l’abbaye est la porte monumentale qui porte l’écu royal. L’écusson fut mutilé à la révolution mais reconstruit par le propriétaire du bâtiment auquel il a ajouté la couronne, dont il dit avoir vu la trace.
L’église Saint-Jean :
L’église paroissiale de Noyers est un petit édifice roman qui porte les caractères des constructions des 11ème et 12ème siècles. La façade et le chœur ont été refaits au 18ème siècle. La nef est éclairée de chaque côté par quatre petites fenêtres en plein cintre accompagnées à l’intérieur de deux colonnettes engagées dont les chapiteaux sont décorés de feuillages ou d’animaux fantastiques. Cette nef était autrefois voutée comme en témoignent les colonnes engagées dans ses murailles, colonnes qui ont perdu leurs chapiteaux et qui divisent le vaisseau en quatre travées. La poussée de ces voutes fit incliner en dehors le mur méridional, inclinaison encore visible, et elles durent s’écrouler car ces voutes en pierre ont été remplacées par une couverture en charpente lambrissée.
Les fonds baptismaux datent du 12ème siècle. Il s’agit d’une cuve en tronc de pyramide renversée et d’une piscine de même forme montée sur une colonnette. Sur le mur droit se trouve une partie du pavement de l’abbaye.
Le clocher très simple ressemble à celui de Ports-sur-Vienne, c’est un clocher-mur à deux baies constituant l’amortissement du mur de façade. Dans le clocher se trouve une des six cloches de l’église abbatiale ; elle porte l’inscription « CONFLATA SVM ADVSUM ABBATIAE MARIAE DE NVCERIIS ANNO 1738 » (J’ai été coulée à l’usage de l’abbaye Marie de Noyers en 1738).
Sur le mur extérieur droit, dans le cimetière, on peut voir de remarquables graffitis : cavalier avec heaume et lance, bateaux de Vienne, oiseaux et formes géométriques du Moyen-Âge, cavalier avec heaume et lance (graffiti inscrit aux monuments historiques et représentant, peut-être, un templier).
À voir aux Maisons Rouges (4,5 km au sud du bourg)
Les Maisons Rouges constituent un hameau d’une trentaine d’habitations. Ce toponyme, qui apparaît sous la forme la Maison Rouge sur la carte de Cassini*, est très fréquent dans toute l’Europe romanisée ; il indique souvent un ancien lieu d’étape, situé près d’une ancienne voie, où une auberge, soit peinte en rouge pour être bien vue, soit recouverte de tuiles, accueillait les voyageurs ; ces lieux étaient parfois situés près d’une carrière d’argile permettant la fabrication de briques et de tuiles ; ces caractéristiques correspondent tout-à-fait à ce lieu-dit de Nouâtre, puisque la voie romaine Poitiers-Tours (voir Préhistoire et antiquité) passait non loin de là et qu’il y avait bien une carrière d’argile, dont le souvenir a été conservé dans l’ancien toponyme, la Varenne d’Embrée, du latin imbrex, signifiant tuile, aujourd’hui les Varennes.
La Rivaudière :
Cette ancienne ferme, aujourd’hui GAEC des deux rivières, est située près du Bec-des-deux-eaux (confluent de la Creuse et de la Vienne). Son nom vient, soit de « rivault », signifiant ruisseau, soit d’une famille Rivault, qui possédait cette propriété, appelée antérieurement « la fresche de la Pouilleuse », du nom d’une source, appelée « la Fontaine Pouilleuse » (aujourd’hui Fontaine Saint-Jean), citée dans la charte 85 (de 1081) du cartulaire de l’abbaye de Noyers*.
Ces noms apparaissent aussi dans un texte de 1450, où il est dit que la dîme de cette « fresche » appartient à Guillaume de Chauvigné, abbé de Noyers de 1411 à 1459. Il reste de cette ferme un pigeonnier, un beau portail double, avec une porte charretière et une porte piétonne, sur lequel se trouvent de nombreux graffiti, dont une croix de Malte.