Histoire de Nouâtre
Pendant la préhistoire :
Toute la vallée de la Vienne fut habitée au moins depuis le paléolithique inférieur (- 300 000) et un coup de poing roulé fut trouvé en 1947 « dans une exploitation de sable et de cailloux, située près de la Vienne, au droit du bourg de Nouâtre ».
Plus près de nous, au néolithique récent (- 3500), le peuplement se renforce, comme le montrent les très nombreux mégalithes de la région. À Nouâtre, seul subsiste le menhir appelé la Pierre Fitte, cité sous le nom de Petra Fixa (Pierre Plantée) dans la charte 4 du cartulaire de Noyers et située aux Maisons Rouges.
la Pierre Fitte (photo PMD 2009)
La protohistoire, période située « avant l’histoire » et allant de – 3 000 à -500 (correspondant à la fin du néolithique et aux âges du cuivre, du bronze et du fer), est bien représentée à Nouâtre, avec des vestiges révélés par les photographies aériennes, notamment des cercles indiquant des fossés à la Fontaine blanche, près des Maisons Rouges, ainsi qu’une nécropole au lieu-dit la Grippe (Noyers).
Pendant les époques gauloise et gallo-romaine :
Durant le second âge du fer, dit aussi la Tène (- 500 à – 50), la tribu celtique des Turones (les Costauds) s’installa dans la région, qui devint plus tard la Touraine ; une hache en fer de cette époque a été trouvée lors de la construction du premier pont en 1932 ; il y avait aussi, à l’actuel lieu-dit Les Arrentements, près des Maisons Rouges, une exploitation rurale gauloise, où Les fouilles faites en 2011 lors de la construction de la LGV ont permis la découverte de plusieurs objets, dont une faisselle en fer prouvant qu’on y fabriquait déjà du fromage.
La Grippe (photo Jacques Dubois, annotations PMD)
Les photographies aériennes et les fouilles archéologiques ont montré qu’il y avait, à l’époque gallo-romaine (du 1er au 4ème siècle après JC), dans la région de Nouâtre, plusieurs voies, dont la plus importante allait de Limonum (Poitiers), oppidum gaulois des Pictons,jusqu’à Caesarodunum (Tours), ville fondée à la fin du 1er siècle avant JC par l’empereur Auguste. Cette voie principale existe toujours : c’est un large chemin bien tracé et bordé de fossés, qui passe près de la Pierre Fitte puis sur le territoire des Maisons Rouges. Une partie de cette voie a été découverte en 2011 par le Service de l’Archéologie de département d’Indre-et-Loire (SADIL) à l’occasion des travaux de la LVG.
C’est vraisemblablement l’existence d’un gué sur la Vienne (voir l'article sur La Vienne), qui a donné naissance à l’agglomération de Nogastrum. Au-dessus de ce gué, une luxueuse villa (La Richardière aujourd’hui) possédait des thermes, dont une partie fut découverte lors de fouilles effectuées à la fin du 19ème siècle, qui ont aussi mis à jour des poteries et des moules permettant la confection de figurines par des potiers dont les fours devaient se trouver à proximité.
Il y avait dans cette agglomération, outre les habitations, dont il ne reste rien :
- Une nécropole, dans l’actuel lieu-dit Nardugeon, dans laquelle ont été découvertes des poteries, dont certaines contenaient des cendres.
- Un temple (la Pierre du Faon, aujourd’hui).
- Une auberge, sur l’ancien Clos du Bourg, aujourd’hui Espace Coluche.
- Des ateliers ; dans l’actuel lotissement des Coutures, une fosse a livré plus de 8 kg de déchets métallurgiques issus d’une activité de forgeron.
Poteries de la nécropole (source BAVC)
Pendant le moyen-âge (476/1492)
Le nom de Nouâtre est mentionné pour la première fois sous la forme Nogastrum à propos d’un synode diocésain (assemblée des ecclésiastiques d’un diocèse) réuni à Tours en 925 par l’archevêque Robert afin de régler un conflit entre deux curés. Ce toponyme peut être traduit, soit par « le Nouveau château », Nogastrum étant alors une contraction de novum castrum, soit, plus vraisemblablement par « le château des Noyers sauvages », Nogastrum étant alors une déformation de nucastrum, dérivé péjoratif du latin nucis (le noyer).
Une première église, consacrée à Saint Révérend, fut édifiée en 940 (voir l’église Saint-Léger, ci-après).
L’abbaye bénédictine Sainte-Marie de Noyers fut fondée en 1030 tandis que l’église de la paroisse fut construite au 12ème siècle (voir l'article sur Noyers).
Église de noyers (photo PMD déc. 2012)
Le 15ème siècle fut sans doute l’âge d’or de Nouâtre, que l’on appelait alors « la ville de Nouâtre », ceci grâce à Jeanne de la Rochefoucauld, « dame de Nouâtre », et à son époux : Jean Du Fou (ou Faou), mort en 1492, chambellan du roi Louis XI et gouverneur de Touraine de 1480 à 1483 puis de 1489 à sa mort.
Ce dernier obtint de Louis XI l’autorisation d’établir à Nouâtre un marché tous les lundis et quatre foires par an. Le roi lui rendit visite en 1471 ; il alla prier devant les reliques de saint Révérend dans l’église paroissiale puis séjourna dans son château, où il dicta une lettre pour le duc de Milan le 8 juillet 1471 (voir le château, ci-après).
Les seigneurs de Nouâtre, qui étaient également seigneur de Sainte-Maure et de Montbazon, n’habitaient pas régulièrement dans le château de Nouâtre, confié à un gouverneur, chargé également de rendre la justice en tant que sénéchal.
La Richardière, ancien manoir au 18ème siècle (photo PMD juin 2017)
Pendant l’époque des Rohan (16ème/18ème siècle) :
La fille de Jeanne de La Rochefoucauld et de Jean Du Fou, Renée Du Fou, épousa Louis III de Rohan-Guémené et dès lors la destinée de Nouâtre fut aux mains de cette grande famille, qui ne s’intéressa pas souvent à cette petite seigneurie.
Parmi eux, un des plus connus est Hercule de Rohan (1568-1654), duc de Montbazon, artisan de la paix entre le roi Henri III et Henri de Navarre, le futur roi Henri IV, avec qui il combattit contre la Ligue ; présent, dans le carrosse du roi Henri IV lorsque celui-ci fut assassiné, il fut lui-même blessé.
Son fils : Louis VIII de Rohan épousa sa cousine germaine : Anne de Rohan (1606-1685) et ils eurent deux fils : Charles de Rohan, mort fou en Belgique en 1699 et Louis de Rohan, dit le Chevalier de Rohan, décapité en 1674 pour avoir comploté contre Louis XIV. Anne de Rohan mena une vie tumultueuse avant de devenir janséniste en 1640. C’est elle qui fit reconstruire les Halles de Sainte-Maure et qui fut à l’origine de la première restauration de l’église de Nouâtre, au 17ème siècle (voir église Saint-Léger, ci-après).
Le dernier seigneur de Nouâtre fut Henri Louis Marie de Rohan-Guéméné, dit le Prince de Rohan, né en 1745, célèbre pour ses prodigalités et pour la banqueroute retentissante qu’il fit en 1783 ; il mourut en 1809, à Prague, où il avait émigré. La devise de cette famille prétentieuse était : « Roi ne puis, Duc ne daigne, Rohan suis. »
Pendant la période 1789/1800 :
Après la Révolution, les Rohan émigrent et se battent contre la France ; leurs biens sont saisis comme biens nationaux : les restes du château de Nouâtre, déjà en ruines, sont vendues à un certain Pierre Jahan «ci-devant employé dans les gabelles », les maisons et les terres, à différentes personnes, dont notamment aux deux notaires de Nouâtre : Louis François de Vaulivert « notaire de la baronnie de Nouâtre » et Pierre-Émery Forest le jeune « notaire public à Nouâtre ».
Les dirigeants des communes, créées par la loi du 14 décembre 1789, sont élus au suffrage censitaire à partir de janvier 1790 et le premier maire de Nouâtre est Jacques Honoré Marchant, ancien avocat au Parlement et ancien Président de l’élection de Chinon (juridiction jugeant les procès liés aux impôts royaux), qui avait épousé en 1762 Magdelaine Elisabeth Tourneporte (inhumée à Nouâtre le 8 décembre 1823), fille de René Pierre Tourneporte (1713/1778), gouverneur-sénéchal de Nouâtre.
Le 14 juillet 1792, la Vienne connut la crue la plus importante de son histoire ; à Chinon plus de 40 maisons furent détruites et la digue du quartier Saint-Lazare fut emportée ; à Marcilly la Vienne monta à 10,50 mètres au-dessus de son lit ; à Nouâtre l’eau envahit l’église et le village ; dans le passage qui menait à l’église, entre l’épicerie et le bar-tabac, une marque à deux mètres du sol indique la date et le niveau de la crue.
Inondation de 1926 (cp, collection Philippe Gautron
En 1794, le maire Jacques Honoré Marchant, devenu suspect suite à l’immigration de son fils, fut remplacé par Louis Venault, qui était le curé de Nouâtre depuis janvier 1782 et qui avait accepté la Constitution civile du clergé.
En 1795, les « agents nationaux » prirent la place des maires et André René Deniau, officier de vaisseau, époux de Marie Félicité Tourneporte, petite- fille de René Pierre Tourneporte, occupa la fonction de 1795 à 1800.
Né en 1764, Louis François Devaulivert devint notaire à Nouâtre en 1789 et s’installa dans la grande maison située en face de la mairie actuelle. Ardent jacobin, il fut élu commandant de la garde nationale de Nouâtre puis il devint, à 28 ans, en 1792, l’un des onze administrateurs du département. Nommé en 1793 commissaire aux armées, il fut chargé de recruter et de conduire une armée contre les Vendéens, qui avaient occupé Chinon. Inculpé en 1795 pour une fusillade qui avait eu lieu deux ans auparavant à Chinon, il fut finalement amnistié et reprit son étude à Nouâtre. Nommé juge au tribunal de Sainte-Maure en 1807, il mourut en 1828.
De 1800 à 1918 :
Fils de Pierre Émery Forest l’ancien (1732-1792), notaire de la baronnie de Nouâtre, Pierre Émery Forest le jeune (1768/1849), notaire public à Nouâtre et accusateur public près le tribunal criminel du département en 1798, fut maire de Nouâtre pendant 43 ans, de 1800 à 1843. La famille Forest habitait la grande maison maintenant située au 17 rue de la Liberté.
La maison des Forest vers 1930, annotations PMD (cp, collection Philippe Gautron)
Le 15 août 1820, un recensement de la population indique qu’il y a à Nouâtre 54 garçons, 72 filles, 37 hommes mariés, 37 femmes mariées, 5 veufs et 14 veuves, ce qui fait 219 personnes plus 2 « militaires aux armées ».
La commune de Noyers ayant été réunie à celle de Nouâtre, en 1832, un nouveau conseil municipal est nommé, avec Pierre Émery Forest comme maire et, en tant qu’adjoint, Pierre Duchesne, « métayer de Monsieur Louis Jacques Jahan », fils sans doute du François Duchesne, qui est cité dans le recensement de 1794 (voir l'article sur Noyers).
Pour les conseils municipaux consacrées aux questions budgétaires, il faut aussi convoquer « les dix plus imposés » de la commune, parmi lesquels on trouve M. Baillou de la Brosse (propriétaire de l’ancienne abbaye de Noyers) et M. Jean François Marie Tourneporte (1760/1843), propriétaire de La Cossonnière, ancien prêtre réfractaire et juge de paix à Sainte-Maure, fils de Jean-Émery Tourneporte (1732/1774), frère René Pierre Tourneporte.
En 1833, fut aménagée une école primaire, dans laquelle étaient aussi scolarisés les enfants de Maillé, de Marcilly et de Pouzay.
Un nouveau nom apparaît en 1842 parmi les « dix plus imposés » ; il s’agit de Mathieu André Chabert de Prailles (1787-1851), qui sera nommé maire de Nouâtre le 2 avril 1843 avec Pierre Duchesne comme adjoint. Ancien chef de bataillon (commandant) et propriétaire du château de La Champonnière à Veigné ainsi que de la Maison des Chapelles, rue des Templiers (ancienne commanderie des Templiers).
En 1846, Mathieu André Chabert de Prailles est renommé maire, toujours avec Pierre Duchesne pour adjoint. Une délibération du 28 mars 1847 se fait l’écho de la crise économique que connaît la France en 1846/48, au cours des dernières années du règne de Louis-Philippe, puisque cette délibération vote des fonds afin de faire faire des travaux « pour occuper la classe ouvrière, qui a besoin qu’on vienne à son secours en raison de la cherté des grains ». Peu après, le 27 mai 1847, le Conseil Municipal vote la somme de 80,40 francs « destinée à acheter du pain pour être distribué aux indigents de la commune ».
La Seconde République ayant instauré le suffrage universel ainsi que l’élection des membres des conseils municipaux, Mathieu André Chabert de Prailles et Pierre Duchesne sont élus maire et adjoint le 28 août 1848 par 35 voix sur 35 votants parmi les 130 inscrits !
Mathieu André Chabert de Prailles décéda le jeudi 21 août 1851 et son adjoint, Pierre Duchesne fit fonction de maire jusqu’en 1852 puis fut nommé maire le 25 juillet 1852. Le 5 décembre 1852, le maire lit publiquement le décret nommant Louis Napoléon Bonaparte Empereur des français et l’ensemble du Conseil crie « Vive l’empereur ». En 1853, la municipalité fournit du travail à 32 habitants « dans le besoin et sans travail ».
En 1854, Pierre Duchesne eut des démêlés avec Louis Chabert de Prailles, frère de Mathieu André Chabert de Prailles, qui l’accusa d’avoir fabriqué une fausse délibération à propos d’une demande d’alignement qu’il avait faite et qui obligeait la commune à lui racheter un morceau de terrain. Le préfet suscita alors sa démission et, le 1er octobre 1854, il nomma Ambroise Cyprien Barbier maire de Nouâtre.
C’est sous son mandat que la municipalité acheta, en 1858, une maison « sur le bord de la rue principale et à 150 m. de l’église » pour en faire un presbytère ; il s’agit de l’ancienne maison des Forest, divisée aujourd’hui en appartements.
Elle acheta également pour y installer la mairie et l’école une maison qui appartenait à la famille Pagé ; cette maison, (qui abrite aujourd’hui le Bureau de Poste) sera occupée entièrement par l’école après le transfert de la mairie dans un nouveau bâtiment construit en 1930 à cet effet (aujourd’hui salle municipale Henri Burin).
L'ancienne mairie vers 1930 (cp, collection Philippe Gautron)
Ambroise Cyprien Barbier démissionna en 1860 et, après lui, Séverin Pagé (né en 1818), ancien adjoint, fut maire de 1860 à 1870.
Le 19 juillet 1870, la France déclara la guerre à la Prusse et le 9 août 1870 Séverin Pagé organisa une quête à domicile « pour les besoins de la guerre », qui rapporta 330,50 francs (1 500 euros environ).
Après la défaite de Sedan et la capitulation de Napoléon III (septembre 1870), le gouvernement de la Défense nationale, qui s’était réfugié à Tours, signa l’armistice le 28 janvier 1871. Un peu avant une commission administrative provisoire avait été nommée pour remplacer Séverin Pagé, démis de ses fonctions ; cette commission comprenait, entre autres le notaire Victor Houette, fils de Jean Victor Houette, Émile Pagé (propriétaire de La Richardière) et Pierre Étienne Duchesne (né en 1824), fils de Pierre Duchesne.
En novembre 1870 le préfet nomma Victor Houette « aux fonctions de maire de la commune de Nouâtre » ; ce dernier fut remplacé en 1871 par Charles Dien. Cette année-là, une violente épidémie de « petite vérole » (la variole) fit 28 victimes dans la commune, surtout à Noyers, et elles furent inhumées le jour même de leur mort par crainte de la contagion.
En 1875, Charles Dien organisa lui aussi, « au profit des victimes des inondations dans le Midi », une quête à domicile, qui rapporta 340 francs. Charles Dien démissionne en 1876 et le préfet accepte cette démission « étant donnée l’animosité entre le maire et la majorité de son conseil ».
Le 8 octobre 1876, Pierre Étienne Duchesne fut élu maire puis réélu en 1881. C’est sous son mandat que la municipalité eut plusieurs conflits violents avec la famille Pagé, propriétaire de la Richardière et du pré où se trouvait la fontaine Saint-Révérend, que les Pagé avaient acheté vers 1830 à Mme Devaulivert, veuve de Louis-François.
Sous le mandat du maire suivant : Cyprien Fuseau, qui fut maire pendant 28 ans (de 1888 à 1908), les chemins de fer de l’ouest, à la fin 19ème siècle, construisirent une ligne qui allait de Port-Boulet à Port-de-Piles (voir la catégorie correspondante), permettant ainsi de relier la ligne Paris/Nantes à la ligne Paris/Bordeaux. Cette ligne fonctionnera jusqu’à la seconde guerre mondiale pour le transport des passagers et jusqu’aux années 1980 pour le transport des marchandises. Il y avait une gare à Nouâtre, située en fait sur la commune de Maillé, qui est maintenant une propriété privée ainsi que, à côté, une grande auberge, qui appartint un temps à François Gautron, le gendre de Pierre Duchesne.
La loi de séparation de l’église et de l’état (9 décembre 1905) entraîna la mise sous séquestre des biens de « la fabrique » de Nouâtre, chargée de l’administration de ces biens.
Fils d’Émile Champigny, adjoint en 1865, et propriétaire foncier à Noyers comme lui, Émile Champigny (1863/1920) fut élu contre Cyprien Fuseau en 1908 et réélu jusqu’à sa mort. C’est sous son mandat que Nouâtre vécut, comme toutes les communes de France, la dure épreuve de la première guerre mondiale.
Les réfugiés, en provenance de la Belgique ou du nord de la France, affluent tandis que tous les hommes sont progressivement mobilisés. Les différents recensements font état de 439 habitants en 1886 et de 362 habitants en 1920 (- 77), de 103 hommes présents en 1880 mais de 36 hommes en 1917 (-67). Sur ces 67 mobilisés, 16 (c’est-à-dire 25%) ne reviendront pas.
De 1918 à nos jours :
Après la dramatique saignée provoquée par la première guerre mondiale, la vie normale reprend peu à peu. En 1917 une annexe du camp de prisonniers de Tours avait été installée à Nouâtre pour que les prisonniers allemands aillent travailler dans les fermes dont les hommes étaient à la guerre ; une note du commandant du dépôt « rappelle une dernière fois que les P.G. [prisonniers de guerre] doivent être astreints aux mêmes horaires de travail que les civils » ! Travaillaient-ils plus ou moins que les civils ? Moins sans doute car les archives mentionnent plusieurs punitions pour refus de travail.
Après la guerre ce camp devint un établissement militaire d’abord affecté au génie, puis au matériel et transmission (ECMT) ; c’est actuellement le 14ème BSMAT (Base de soutien du matériel de l’armée de terre). Au début, les habitants et la municipalité n’acceptèrent pas de gaité de cœur la présence à Nouâtre de ces militaires, dont beaucoup étaient d’origine indochinoise ou maghrébine ; les archives municipales font état de nombreuses plaintes, le plus souvent pour dégradation des chemins par les véhicules militaires mais aussi, parfois, pour du tapage ou des bris de lampes dans le bourg et même, une seule fois, pour des faits de violence.
Le camp militaire occupé par les allemands (cp, collection Philippe Gautron)
Peu à peu cependant les relations entre le camp et le village s’améliorent ; progressivement un grand nombre de militaires sont remplacés par des civils et « l’établissement », comme on l’appelle encore, devient le plus gros employeur de la région, contribuant ainsi, d’une façon indéniable, au développement de la commune.
Année après année, le progrès s’étend aux campagnes ; le téléphone était arrivé avant la guerre suivi d’une agence postale puis d’un bureau de facteur-receveur ; puis viennent, dans les années 1925, l’électrification de la commune ainsi que l’installation d’un cinématographe communal dans l’école : l’instituteur : M. François Vidal, « est autorisé à faire des conférences avec projections fixes ou cinématographiques dans la salle de classe de l’école ».
Mais il faudra attendre les années 1950 pour que l’eau courante arrive à Nouâtre, l’alimentation en eau étant assurée auparavant par des puits, très nombreux dans le village, et par des fontaines publiques (une pour Nouâtre, dans l’actuelle rue du Vieux Lavoir) et une autre pour Noyers, qui existe toujours, rue Pierre Cantault).
Parallèlement le nombre d’habitants et le nombre d’enfants augmentent ; en 1930 « une école mixte de trois classes avec préaux et cabinets d’aisance » est construite dans le centre du bourg : les enfants des Maisons Rouges et de Noyers venaient à l’école à pied et se retrouvaient à la Croix de Noyers pour se battre avant de faire le chemin ensemble. En face de la Pierre du Faon, un café, tenu par Mme Gouron, vendait aux élèves, le midi, de la soupe chaude.
Après bien des discussions, l’immémorial « passage de Nouâtre » est remplacé par un pont, inauguré le 31 juillet 1932 par le maire de Tours et ministre de l’intérieur, Camille Chautemps (voir l'article sur la Vienne, ci-après) ; La butte sur laquelle s’élevait au moyen-âge le donjon est nivelée pendant l’hiver 1929-1930 pour assurer les terrassements nécessaires à la route menant à ce pont, qui, après la construction d’un nouveau pont inauguré en février 2007, a été «déconstruit » en septembre 2007, avec beaucoup de précautions, pour protéger la margaritafera auricularia ou grande mulette, grande moule d’eau douce devenue très rare dans les rivières françaises.
Le premier pont (cp, collection Philippe Gautron)
À partir des années 1930 la commune se développe et passe de 603 habitants en 1926 à 1008 habitants en 1968 ; il y a alors plusieurs épiceries (dont deux à Noyers) et plusieurs cafés (dont un à Noyers), une boulangerie et une boucherie avec son abattoir, appelé « tuerie particulière », un garde-champêtre, un cordonnier, un menuisier, un maréchal-ferrant, à Nouâtre (M. Debout, dit Bouzou, après la seconde guerre mondiale) et un à Noyers, ainsi que plusieurs autres commerces.
En 1936, une partie du « clos du bourg » est louée à l’Union sportive et gymnique de Nouâtre, présidé par M. Chazal, « pour le transformer en terrain de jeu » ; deux plages sont aménagées : une « plage scolaire » sur la rive droite, à l’emplacement de l’ancien bac et une « plage militaire », en face, sur la rive gauche (commune de Marcilly), où se trouve l’actuel camping.
Il existe alors, sur la commune, une vingtaine de fermes, avec des terres comprenant parfois une vigne, quelques vaches laitières et quelques bœufs, un cheval souvent, quelques cochons et des volailles ; le travail y est rude et les distractions sont rares ; ce sont, pour l’essentiel, des bals qui se déroulent, soit dans les grandes salles de deux cafés, soit dans des « parquets », constructions provisoires en bois, installées lors des « assemblées » (fêtes locales) ou lors des banquets, comme celui des laboureurs. À la belle saison, les familles vont pique-niquer au bord de la Vienne ou à la fontaine Saint-Révérend, dans laquelle les jeunes se baignent.
Cette vie tranquille va être complètement bouleversée par la seconde guerre mondiale, qui débute à Nouâtre le 8 juin 1940 par « la décision du Conseil de préfecture interdépartemental, notifiant la déchéance de Mr. Bernon membre d’une organisation communiste », Pierre Bernon (1876/1956) faisant effectivement partie, avec René Delalande (1897/1974), le mari de l’institutrice, des communistes bien connus de Nouâtre. Il retrouvera son mandat de conseiller municipal en 1945.
Le 19 juin, a lieu l’évacuation du camp militaire, suivie, le 21 juin, de l’arrivée des troupes allemandes, qui, avant d’aller attaquer le pont, tuent le jeune André Saulquin (17 ans), ayant eu le malheur de mettre la tête à la lucarne du grenier de ses parents, qui tenaient une épicerie, à l’emplacement de l’actuelle boulangerie, pour voir ce qui se passait.
Le pont de Nouâtre était défendu par des tirailleurs algériens ainsi que par quelques habitants qui avaient amené des madriers et des machines agricoles pour barrer le passage ; une « ratèle » (râteau à foin tiré par un cheval) tomba dans la Vienne lors de cette attaque et y resta longtemps ; mais les Allemands avaient des canons et les défenseurs, pris à revers par des troupes arrivées de Pouzay, sur la rive gauche, se rendirent ; il y eut 7 soldats français tués, dont 6 algériens. À une petite fille qui habitait à Marcilly, près de ce pont, et qui était en larmes après avoir assisté à cette bataille, l’un des soldats allemands dit « dans 8 jours, Angleterre kaput et guerre finie » !
Les Allemands s’installent ensuite dans l’école, les fermes et les maisons ; après la signature de l’armistice, le 22 juin 1940, et, contre toute attente, Nouâtre se retrouve en zone occupée, la ligne de démarcation passant à l’est entre Descartes et le Grand Pressigny ; le camp militaire est occupé ; des baraquements en bois sont construits, sur les jardins des instituteurs et sur le terrain de sport pour le logement des troupes ; dans un bâtiment en dur sont installés bains et douches ; acheté en 1946 par la commune, ce bâtiment abritera ensuite, à partir de 1950, les douches municipales (cantine municipale actuellement). Ils aménagent également un hôpital dans l’ancienne abbaye de Noyers.
L’école est devenue l’Ortskommandantur (commandement local) ; la croix gammée flotte au haut d’un mât planté sur la place de l’école (aujourd’hui Place du 8 mai 1945) et des soldats en armes montent la garde sur cette place, qu’une des institutrices, Mlle France Cormier, bien connue par ailleurs pour son moignon et pour son mauvais caractère, traverse tous les jours, au moment de la relève de la garde, pour aller vider son seau hygiénique, non couvert, en grommelant des injures.
Par la suite un réseau de la Résistance, « le réseau Vengeance », s’organisa dans la région ; il comprenait quelques habitants de Nouâtre, dont Norbert Rémérand, qui fut arrêté alors qu’il voulait passer la ligne de démarcation et qui mourut en déportation à Lubin, en Pologne ; on dit aussi que le maire de l’époque, Ludovic Bouchet (maire de 1925 à 1945) ainsi que le futur maire, Alexandre Garnier, faisaient partie de ce réseau, dont les membres les plus connus furent Marie-Thérèse de Poix (1894-1970), châtelaine de la Roche-Ploquin, à Sepmes, qui fut arrêtée, torturée à Tours puis déportée à Ravensbürck ainsi surtout que le bien connu abbé Péan, curé de Draché et de La Celle-Saint-Avant, dont on entendait la moto, la nuit ; arrêté par la gestapo le 13 février 1944, alors qu’il célébrait la messe à La Celle-Saint-Avant, il mourut à Tours sous les tortures et fut enterré clandestinement. Son corps, retrouvé par la suite, est maintenant dans le cimetière de Draché.
À partir de février 1944, les alliés commencèrent à bombarder la région. Le 6 juin 1944 (jour du débarquement en Normandie) des avions anglais lancent à deux reprises des bombes sur le pont de Nouâtre, sans le toucher ; plusieurs tombèrent dans la Vienne, tuant de nombreux poissons qui servirent de ravitaillement aux habitants mais le commandant du camp : le « fringant lieutenant Schmitt de Nouâtre » comme l’appelle Jean Manceau, instituteur à Sorigny pendant la guerre, tira, sans le toucher heureusement, sur un jeune du village qui était en barque en train de ramasser des poissons.
L’horrible massacre de Maillé, qui eut lieu le 25 août 1944, est encore présent dans les mémoires de tous les anciens de Nouâtre, dont beaucoup avaient de la famille dans ce village voisin. Ce jour-là 124 hommes, femmes et enfants furent tués dans des conditions atroces, victimes de la barbarie nazie, et le village fut entièrement détruit.
Les derniers soldats allemands quittent le camp de Nouâtre le 30 août 1944. Peu après les FFI arrivent et investissent le camp ; du charbon, qui y est entreposé, est distribué aux cultivateurs pour que ceux-ci puissent faire les battages. Le drapeau français flotte sur le mât de la place de l’école le 10 septembre 1944 et le 13 mai 1945 un nouveau maire est élu : Alexandre Garnier (1886/1972), cultivateur à Noyers, qui sera maire de Nouâtre jusqu’en 1971.
Alexandre Garnier avec son épouse et sa fille (collection privée)
Après avoir atteint son apogée en 1968, époque où furent installés un centre commercial (aujourd’hui en partie désert) et un collège (déplacé ensuite dans des bâtiments du camp militaire), Nouâtre vit sa population diminuer, en partie suite au rétrécissement de ce camp militaire, dont une grande partie fut désaffectée et aménagé en zone industrielle.
Les maires suivants furent le docteur Michel Camboulives, passionné d’archéologie, de 1971 à 1983 ; puis, de 1983 à 1995, André Boutault, imprimeur à Sainte-Maure, à qui l’on doit notamment la transformation de l’ancien terrain de sport en jardin public ainsi que l’aménagement du stade et de la mairie actuelle. C’est aussi sous son mandat que fut créé, en 1983, par son adjoint Jean Charrier, le toujours renommé triathlon de Nouâtre.
Le maire suivant : Pierre-Marie Dubois, démissionna avec la majorité de son conseil en 2000, suite à un malentendu avec la population au sujet d’un projet d’installation d’une usine d’enrobés dans la zone industrielle de Talvois ; il fut remplacé par André Barillet, maire de 2000 à 2008, puis de 2008 à 2014 par Philippe Tabutaud. De 2014 à 2023, le maire fut Pierre-Marie Danquigny (administrateur de ce site).