Le château d'Argenson à Maillé
Le premier seigneur connu, du fief d’Argenson, qui relevait de la châtellenie de Nouâtre, fut un certain Jean Baillou, cité en 1392, également seigneur de Balesmes (voir Descartes) ; ces deux fiefs appartinrent ensuite à la famille Gueffault : François Gueffault, cité en 1510, fut le père de Jeanne Gueffault, née vers 1510, qui épousa, en 1538, Jean III de Voyer de Paulmy (1500/1571), seigneur de Paulmy, de La Roche-de-Gennes (commune de Vou) et de Balesmes, petit-fils de Pierre II de Voyer de Paulmy, qui avait épousé en 1471 Jeanne Des Aubuis, fille de Sylvain Des Aubuis, seigneur de Talvois (à Nouâtre) .
Ce Jean III, qui devint seigneur d’Argenson après son mariage, fut le père de Charles René de Voyer de Paulmy (1539/1586), seigneur de Paulmy, dont descend la famille de Voyer de Paulmy, et de Pierre III de Voyer de Paulmy d’Argenson (mort en 1616), grand bailli de Touraine, ancêtre de cette célèbre famille, qui fut seigneur de Maillé et des Ormes (86).
René I de Voyer de Paulmy d’Argenson (1596/1651), fils de Pierre III, ambassadeur à Venise, fut lui-même le père de René II (1634/1700), ambassadeur à Venise comme son père, qui reconstruisit le château de Maillé (voir ci-après).
René II eut pour enfants Marc René I (1652/1721), Antoinette Catherine (née en 1654), qui épousa en 1667 Louis II de Valory, seigneur de Destilly à Beaumont-en-Véron, et François Hélie (1656/1728), qui fut archevêque de Bordeaux.
Marc René I, lieutenant-général de police à Paris de 1697 à 1718 puis garde des sceaux de 1718 à 1720, fut le père de René Louis (1694/1757), secrétaire d’état aux affaires étrangères de Louis XV de 1744 à 1747, auteur d’œuvres philosophiques et historiques, père lui-même d'Antoine René (1722/1787), éphémère secrétaire d’état à la guerre de 1757 à 1758, ambassadeur en Pologne, ainsi que de Marc Pierre (1696/1754) ; ce dernier, le plus célèbre de la famille, fut le secrétaire d’état à la guerre de Louis XV de 1743 à 1757 ; disgracié suite à l’hostilité de Mme de Pompadour, fut exilé sur ses terres des Ormes (Vienne), qu’il avait achetées en 1729 et où il fit reconstruire le château. Ami des « lumières », il accueillit Voltaire dans ce château et Diderot lui dédicaça l’Encyclopédie. Il fut le père de Marc René II.
Marc René II (1722/1782), lieutenant-général des armées et directeur général des haras, épousa en 1747 Marie Jeanne Constance de Mailly d’Haucourt (1734/1783), fille du maréchal de France Augustin Joseph de Mailly d’Haucourt (né en 1708, guillotiné en 1794), et épistolière célèbre. Ils eurent notamment pour enfants Marie Marc Aline (1764/1812), épouse du comte Paul Hippolyte de Murat (voir La Tourballière à La Celle Saint-Avant) et Marc René III (1771/1842), qui prit parti pour la Révolution et fut député progressiste de 1815 à 1824 puis de 1830 à 1834 ; il fut le père de Charles Marc René (1796/1862), conseiller général de la Vienne de 1834 à 1840, archéologue et membre de la SAT, grand-père du capitaine Pierre Marc (1877/1915), maire des Ormes et député de la Vienne, mort pour la France.
Le château de Maillé fut donc reconstruit au 17ème siècle par le pieux René II (voir ci-dessus), qui obtint que ses terres d’Argenson soient érigées en paroisse malgré l’opposition du prince Charles II de Rohan-Guémené (1633/1699), seigneur de Montbazon, Sainte-Maure et Nouâtre, dont l’inspecteur-général René Froger de La Carlière se plaignait que le comte d’Argenson eût « usurpé une partie des habitants de Maillé et de Nouâtre pour donner des paroissiens à son chapelain » (voir abbé Michel Bourdérioux : Épisode de la vie paroissiale en Touraine (Argenson- -1768) in BAVC 6.8, 1963/64 (pages 429/434).
En février 1666, au cours d’une de ses nombreuses retraites, René II « reçut la grâce de bâtir à Argenson une église dédiée au Père éternel ». La construction de l’église, dans laquelle il fut enterré, commencée en 1667 dura cinq ans.
L'église et le presbytère (photo PMD juin 2010)
Cette église, de style classique, présente une façade couronnée par un fronton. Le transept était accompagné de deux chapelles dont ne reste que celle du nord. En 1678 fut ajoutée la chapelle du calvaire ; Un presbytère fut construit en 1736, grâce à un legs d’un fils de René II, François Hélie, archevêque de Bordeaux (voir ci-dessus).
Le château en 1947 (photo Robert Ranjard)
Ce château, classé aux monuments historiques, comprend aussi deux pavillons et un pigeonnier (construit en 1683) ; il est vraisemblable qu’il accueillit l’écrivain Jean-Louis Guez de Balzac (1597/1654) qui était un ami du comte d’Argenson et qui vivait dans son château de Balzac, près d’Angoulême.
Le château en 1973 (photo Touraine insolite)
À droite de l’entrée actuelle, transformé en bâtiment agricole, se trouvait l’auditoire de justice où l’on distingue encore la trace laissée sur l’entablement par les lettres de la devise : IN JUSTICIA JUDICABO (« je jugerai avec justice »). La fuie cylindrique date de 1683.
Le château en 1991 (photo Touraine insolite
Très délabré, ce château fut progressivement restauré, à partir de 1959, après être entré en possession de Thérèse de Goulaine (1927/1990), descendante par sa mère de Marc René III de Voyer de Paulmy d’Argenson, et de son mari Anne François d’Harcourt (né en 1928) ; depuis le décès accidentel de Mme d’Harcourt en août 1990, son fils Olivier d’Harcourt, qui réside souvent dans le château, continue l’œuvre entreprise pour sauver cette demeure de la ruine.
Le château et la fuie en 2016 (photo PMD oct. 2016)