Noyers (église, abbaye, village)
N. B.] Les textes suivants doivent beaucoup (pour ne pas dire presque tout) aux travaux de mon frère, Bernard Danquigny, qui peuvent être consultés sur le site http://www.noyers-nouatre.fr
Église Saint-Jean
Cette église romane, présenrant les caractéristiques des constructions des 11ème et 12ème siècle, comporte une nef unique, orientée vers l’est avec quatre travées marquées par des pilastres de plan demi-circulaire. La nef est éclairée par des baies romanes.
Église Saint-Jean (photo PMD sept. 2009)
Au milieu du 19e siècle, les voûtes en pierre ont été remplacées par une charpente en chêne à chevrons formant ferme, avec une couverture en ardoise. La charpente sert de support à un plafond lambrissé voûté en larges planches chaulées.
À l’extérieur, les murs gouttereaux nord et sud sont rythmés par des contreforts qui, autrefois, contrebutaient les poussées de la voûte.
On peut voir à l’intérieur :
Quatre petites fenêtres romanes en plein cintre, accompagnées de deux colonnettes engagées dont les chapiteaux sont décorés de feuillages ou d’animaux.
Chapiteau (photo Bernard Danquigny)
Les fonds baptismaux, du 12ème siècle, constitués d’une cuve en tronc de pyramide renversée et d’une piscine de même forme montée sur une colonnette.
Fonts baptismaux (photo Bernard Danquigny)
Une partie du pavement en terre cuite émaillée, découvert en 1962, provenant de la salle capitulaire de l’abbaye (voir ci-après).
Fragment du pavage de l'abbaye (photo PMD sept. 2009)
Dans le clocher se trouve une des six cloches de l’église abbatiale qui porte l’inscription « CONFLATA SVM ADVSUM ABBATIAE BEATAE MARIAE DE NVCERIIS ANNO 1738 » (J’ai été fondue pour l’abbaye Bienheureuse Marie de Noyers année 1738).
Grafitti sur le mur de l'église (photo PMD juillet 2013)
À l’extérieur, sur le mur, côté cimetière, sont gravés de remarquables graffitis : cavalier avec heaume et lance (inscrit aux monuments historiques), bateaux de Vienne, oiseaux et formes géométriques du Moyen Âge Ces graffitis sont estimés dater des 12ème et 13ème siècle. Celui représentant un cavalier muni d’une lance est inscrit aux monuments. Voir fiche PM37001371.
Abbaye Notre-Dame de Noyers :
Cette abbaye bénédictine fut fondée en 1030 par Hubert de Noyant, au bord de la Vienne. Ébrard, abbé de Marmoutier, fut également nommé abbé de cette nouvelle abbaye et, en compagnie de quelques moines de Marmoutier, il entreprit la construction du monastère avec des pierres extraites de la carrière ouverte sur le coteau de l’autre côté de la Vienne. L’église abbatiale fut terminée en 1032 et consacrée par Arnoul, archevêque de Tours.
Plan de l'abbaye 1658
De nombreux membres de la famille de Sainte Maure furent inhumés dans l’abbaye et il restait autrefois quatre statues sur les murs de l’église abbatiale : celles de Hugues II de Sainte-Maure, dit Hugues l’ancien (1035/1115), de son épouse Aénor de Montreuil-Bellay, de son fils, Goscelin II de Sainte-Maure (mort en 1115) et de l’épouse de ce dernier Cassinotte, dame de la Haye (aujourd’hui Descartes).
Au cours du 12ème siècle, l’abbaye fut fortifiée et devint très importante. Richard 1er Cœur de Lion confirma la liberté de l’abbaye et demanda à son sénéchal de la prendre sous sa protection. L’abbaye, qui constituait un fief relevant de la seigneurie de Nouâtre (voir l'article ci-dessus) avait droit de haute justice (c’est-à-dire pouvait prononcer des peines capitales).
L'abbaye sur le cadastre 1827
Dès sa création, l’abbaye étendit ses possessions dans la région. Selon la coutume de l’époque, de nombreux seigneurs, nobles, soldats, propriétaires donnèrent des terres, églises, prieurés, droits, dîmes, serfs, etc. soit « pour le salut de leur âme », soit pour se faire enterrer dans l’enceinte de l’abbaye, ce qui était très recherché, soit pour se faire pardonner diverses fautes, jusqu’au meurtre. Sur les terres reçues, l’abbaye créait des villages et, très vite, elle posséda des domaines dans toute la région et même au-delà ; dans la dernière charte du cartulaire, il est précisé que Noyers possédait, dans le diocèse de Tours, 19 églises paroissiales, 8 prieurés et 5 chapelles ainsi que, dans le diocèse de Poitiers ,7 églises paroissiales et 10 prieurés.
En 1372, Isabeau de Craon (morte en 1394), dame de Sainte Maure et de Nouâtre, permit aux religieux de transférer leurs fourches patibulaires (gibet) au Bois aux Moines (à l’est de Noyers en direction de Maillé), à condition que l’abbé lui offrît chaque année un chapeau de fleurs.
En 1446, Louis XI, qui avait 23 ans mais n’était encore que le dauphin, passa la nuit du 5 octobre à l’abbaye de Noyers. Il revint à Nouâtre en tant que Roi le 8 juin 1471 (voir Histoire de Nouâtre).
L’invasion anglaise au 14ème et 15ème siècle fut source de calamités et le monastère en souffrit. L’abbé Raoul Du Fou du Vigean, abbé commendataire de 1470 à 1488, frère de Jean Du Fou (voir La seigneurie de Nouâtre, ci-dessus), dut reconstruire le cloître vers 1474 et fit apposer sur les piliers les armoiries de sa famille.
Vers 1544, l’Abbé François de Mauny reconstruisit le logis de l’abbé et termina le jubé de l’église abbatiale, qui était orné d’un grand crucifix et des images peintes des quatre évangélistes.
L’abbaye fut évidemment touchée par les guerres de religion et fut ravagée par les protestants en 1562 puis par les catholiques en 1589. On peut s’interroger sur les raisons de cette attaque catholique contre une abbaye catholique mais le seigneur de Sainte-Maure était alors Hercule de Rohan, ami d’Henri de Navarre, le futur roi Henri IV, qui séjourna à l’abbaye en 1587.
Le plus ancien document officiel est un plan de 1658. Un dessin plus explicite date des environs de 1687. Il figure dans le célèbre Monasticon Gallicanum, recueil de 168 planches représentant en élévation-perspective les principaux prieurés et abbayes bénédictines affiliés à la Congrégation de Saint Maur, dans laquelle l’abbaye entra en 1659. Malgré cela, l’abbaye perdit de son influence et, en 1697, il ne restait que 9 religieux.
L'abbaye sur le Monasticon Gallicanum (annotations PMD)
Pour des raisons que nous ignorons, une importante reconstruction intervint en 1760 et tous les bâtiments claustraux furent rebâtis. La révolution sonna le glas de l’abbaye, qui fut vendue en 1791, au lieutenant-colonel Jacques Sonolet ; les biens appartinrent ensuite à sa fille Jeanne Sonolet (morte en 1808) puis à son fils Jules (né en 1797), qui avait été à Tours le condisciple de Balzac et on peut penser que c’est la raison pour laquelle celui-ci cite plusieurs fois l’abbaye de Noyers dans Eugénie Grandet.
Ancien bâtiment conventuel (photo PMD déc. 2009)
Jules Sonolet revendit l’abbaye en 1827 à Edmond Baillou de la Brosse (1807/1877), qui vendit les pierres de l’église abbatiale et du cloître. Il ne reste actuellement que trois corps de bâtiments, datant du 18ème siècle ; la porte d’entrée monumentale portait l’écu royal, qui fut mutilé à la révolution puis reconstruit dans les années 1950.
Ancien bâtiment conventuel (photo PMD déc. 2009)
On ne peut aujourd’hui qu’imaginer ce que fut cette importante abbaye mais sans doute le sous-sol recèle-t-il encore des restes des fondations ; en 1962 on découvrit une parcelle du pavage de la salle du chapitre, dont un fragment est dans l’église paroissiale (voir ci-dessus).
Abbaye reconstituée (panneau touristique, annotations PMD)
Le cartulaire (ensemble des chartes) de l’abbaye, qui est un document précieux pour l’histoire de la Touraine et du Poitou, comprend 658 chartes des 11ème et 12ème siècle et fut publié en latin par l’abbé Casimir Chevalier dans Mémoires de la Société archéologique de Touraine, tome XXII. 1872. Il fut ensuite traduit entre 1982 et 1992 par un professeur de latin, Paul Letort puis publié en 2017 par Bernard Danquigny.
Le village :
La commune de Noyers, créée en 1790, fut réunie à celle de Nouâtre en 1832. En 1789, elle comprenait 65 « feux » (maisons) et, en 1793, 220 habitants (213 à Nouâtre la même année).
La loi du 14 décembre 1789 décréta que les paroisses seraient désormais des communes gérées par des élus. Pour être électeur, il fallait payer un impôt au moins égal à trois journées de travail et pour être élu, un impôt au moins équivalent à dix journées de travail. Les élections eurent lieu au 1er trimestre 1790 et Jean Denis Bruère, fondé de pouvoir de l’abbé d’Andigné de Mayneuf, fut élu premier maire de la commune.
L’organisation de 1789 fonctionna jusqu’en 1795, année où la constitution du 22 août 1795, ayant créé « des municipalités cantonales », Noyers fit partie, avec les autres communes du secteur, de la municipalité cantonale de Sainte-Maure.
Rue Pierre Cantault, à gauche n° 16 actuel (cp collection Philippe Gautron)
La loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800) rétablit partout des maires et des conseils municipaux. La règle devenait un maire, un adjoint et un conseil de 10 membres dans toute commune au-dessous de 2500 habitants, le maire et l’adjoint étant nommés par le préfet. Le premier maire nommé, en 1801, fut Pierre Cantault, qui resta maire jusqu’à son décès le 11 juillet 1830, puis fut remplacé par Pascal Lebert (maire de 1830 à 1832).
Au moment de la fusion des deux communes, Noyers avait 223 habitants et Nouâtre 236 ; le conseil municipal de la nouvelle commune avait Pierre Émery Forest (notaire à Nouâtre) comme maire et, en tant qu’adjoint, Pierre Duchène, « métayer de Monsieur Louis Jacques Jahan » à Noyers, fils sans doute du François Duchesne, qui apparaît dans le recensement de 1794.
Rue Pierre Cantault, à gauche n° 3 actuel (cp collection Philippe Gautron)
À la fin de ce siècle, commença la modernisation du bourg et le 14 février 1897 était voté un budget de 1362 francs pour installer des caniveaux dans les rues de Noyers. C’est en 1924 que l’électricité fut installée à Nouâtre et à Noyers grâce à un emprunt de 60 000 francs que fit la commune (voir Histoire de Nouâtre).
L’adduction d’eau ayant été décidée en 1949 par le conseil municipal, il fallut quelques temps pour que tous les hameaux soient desservis. Noyers le fut en 1951 et la pompe de la rue Pierre Cantault devint un vestige d’une époque révolue.
Rue Pierre Cantault en 2021 (photo PMD mai 2021)
Noyers, qui était encore, au début du 20ème siècle, un village vivant, avec des cafés et des commerces, est aujourd’hui un paisible hameau, où il y a beaucoup de résidences secondaires.