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Les passages sur la Creuse


La Creuse prend sa source sur le plateau de Millevaches et coule vers le nord-ouest en parcourant 263 km jusqu’à son confluent avec la Vienne, au Bec-des-Deux-Eaux, entre Ports-sur-Vienne et Nouâtre. En Indre-et-Loire, elle traverse les communes suivantes : Tournon-Saint-Pierre, Yzeures-sur-Creuse, Chambon, Barrou, La Guerche, Abilly, Descartes, La Celle-Saint-Avant, Ports-sur-Vienne et Nouâtre.

Cette rivière servit de frontière entre le Poitou et la Touraine, puis entre la Vienne (86) et l’Indre-et-Loire et accessoirement, pendant la seconde guerre mondiale, entre la zone libre (rive gauche) et la zone occupée (rive droite). Cette situation entraîna de nombreux passages clandestins, soit, sous l’ancien régime, du fait des faux-sauniers, car la rive gauche était dans le Poitou, qui était « une province rédimée », où l’on ne payait plus d’impôt sur le sel, tandis que la Touraine était encore soumise à la gabelle, soit, pendant l’occupation, du fait des résistants (voir les chapitres suivants).

Des passages d’une rive à l’autre existèrent :

  • À Yzeures-sur-Creuse
  • Entre Lésigny (86) et Barrou
  • Entre Mairé (86) et Barrou
  • Entre La Guerche et la rive gauche
  • Entre Abilly (Rives) et Saint-Rémy-sur-Creuse (Port de Rives, 86).
  • Entre Descartes et Buxeuil (86)

Entre les deux rives à Yzeures-sur-Creuse

Il y avait trois passages entre les deux rives de la Creuse, qui étaient d’est à l’ouest :

  • Le passage de Thais, entre Thais (rive gauche) et la rive droite,
  • Le passage de Baratière, entre Baratière (rive droite) et la rive gauche
  • Le passage de Cirande, entre la rive droite et Cirande.

Le passage de Thais :

Ce hameau, à cheval sur les communes d’Yzeures-sur-Creuse et de Néons-sur-Creuse (dans l'Indre), fut le berceau de l’illustre famille Gédouin de Thaix.

Le bac, surveillé sur la rive droite par le château de Gaudru (limite Yzeures-sur-Creuse/Tournon-Saint-Pierre), est cité dès 1488, avec pour fermier et « pontonnier » Pierre d’Argenton ; comme le disent les archives municipales de Néons-sur-Creuse « ces lieux de passage n’étaient jamais bénéfiques pour les usagers, ou si peu (…) on s’y noyait aux jours de crue, on s’y battait sans pitié ».

En outre, les bateaux étaient cadenassés la nuit pour éviter qu’ils soient utilisés par les faux-saulniers (voir ci-après).

Le fief (et le bac) furent achetés vers 1696 par François de Mallevaud (1665/1731), propriétaire également du fief de Marigny et arrière-grand-père de François Henri Charles de Mallevaud (1771/1860), maire d’Yzeures de 1815 à 1821.

01 La Creuse rive gauche à Thais photo PMD1sept. 2024

La Creuse, rive gauche, à Thais (photo PMD sept. 2024)

En 1823, un courrier du directeur départemental des contributions indirectes au préfet d’Indre-et-Loire indique que ce passage « situé au-dessous d’un moulin, a été établi par les ancêtres de M. de Malveau, ancien maire d’Yzeures, et sert surtout à ce dernier ».

Le passeur payait un fermage de 30 francs et disposait d’une petite maison, dans laquelle il habitait ; il utilisait un petit bateau, estimé à 140 francs mais dont les réparations furent évaluées à 500 francs.

Le passage de Baratière :

Sous l’ancien régime, il y avait dans ce hameau un poste d'employés des gabelles, commandés par un officier portant le titre de capitaine.

Ce passage appartenait également à « M. de Malveau » et lui permettait de relier sa maison de Marigny (sur la rive gauche) au bourg sur la rive droite.

03 La Creuse rive gauche à Baratière photo PMD sept. 2024

La Creuse, rive gauche, à Baratière (photo PMD sept. 2024)

En 1823, Le fermier payait une redevance de 80 francs et bénéficiait d’un logement ainsi que du revenu « d’une île voisine », qui apparemment n’existe plus. Il disposait d’un grand et d’un petit bac, d’une valeur de 800 francs mais leurs réparations étaient estimées à 1 000 francs.

De 1832 à 1849, le passeur Louis Roy (voir Cirande ci-après) versait un fermage de 17 francs, qui passa à 21 francs pour la période 1850/1858 mais ce bac fut supprimé en 1855, après la construction du pont de Cirande (voir ci-après).

Le passage de Cirande :

On retrouve dans ce toponyme le suffixe gaulois « randa » signifiant « frontière » (voir Ingrandes). Le fief était possédé dès le 14ème siècle par la famille Isoré. À la Révolution, Ie fief et le passage furent déclarés biens nationaux et vendus en 1791 au notaire Jacques Brun, maire d’Yzeures de 1801 à 1803.

Ce passage mettait en relation le bourg, sur la rive droite de la Creuse, où il y a aujourd’hui une cale de mise à l’eau, avec les hameaux et les communes situés sur la rive gauche (Cirande, Marigny, Thais, Néons-sur-Creuse).

05 La Creuse à Cirande Yzeures sur Creuse cp

La Creuse à Cirande (cp)

En 1823, le passage, qui appartenait alors à Jean Louis Montaubin jeune (maire de 1837 à 1848), dont la famille avait été héritière de Jacques Brun, ne rapportait que 30 francs par an mais le passeur disposait d’un bateau en bon état, estimé à 1 200 francs.

De 1841 à 1849, le fermier, Florent Bourguignon, payait une redevance de 18 francs ; son fils ou son frère Jacques Bourguignon lui succéda pour la période 1850 à 1859, avec un fermage de 21 francs, la caution ayant été fournie par Louis Roy, passeur du bac de Baratière (voir ci-dessus), qui avait hypothéqué des immeubles situés à La Revaudière (au nord-ouest du bourg), d’une valeur de 2 000 francs.

04 La Creuse rive droite en amont du pont de Cirande photo PMD sept. 2024

La Creuse, rive droite, en amont du pont de Cirande (photo PMD sept. 2024)

Mais ce passage fut supprimé en 1855, année où fut inauguré un pont suspendu sur la Creuse, entre le bourg et Cirande ; ce pont fut détruit par un bombardement de l’armée française en juin 1940 ; pour permettre le passage d'une rive à l'autre, l'armée allemande construisit une passerelle provisoire avec des bateaux amarrés les uns aux autres, qui était surnommée le Pont aux bateaux.

Comme on le voit donc, compte-tenu de leur peu d’importance, ces passages avaient été laissés à leurs anciens propriétaires après la Révolution mais en 1823, l’État se préoccupa de cet état de chose, d’où le courrier mentionné plus haut (voir le passage de Thais), dans lequel le directeur estimait que ces trois passages devaient être repris et affermés par l’État ou supprimés.

Le préfet, André Tassin de Nonneville (1775/1834), qui venait d’arriver dans le département, décida alors de les supprimer, ce qui suscita de nombreuses réactions :

Monsieur de Mallevaud indiqua que le passage de Thais ne servait qu’à sa famille et à ses domestiques ; il demanda donc à le conserver pour son usage personnel et l’exploitation de son domaine situé sur les deux rives du Cher.

Monsieur de Montaubin rappela que le « port de Cirande » était nommément mentionné en 1791 dans l’acte d’achat de Jacques Brun et que l’État ne pouvait donc se l’approprier.

Le maire, René Louis Ambroise de La Poëze d’Harambure (1781/1851), maire de 1821 à 1830 puis en 1848/49, après s’être plaint de n’avoir pas été consulté, montra au préfet qu’il ne connaissait pas le dossier : le bac de Cirande, en effet, placé au bas du bourg, était d’une nécessité absolue, non seulement pour les habitants de la rive gauche mais aussi pour une grande partie des habitants du bourg ayant des propriétés de l’autre côté de la rivière. Quant à celui des Baratières, c’était à tort que l’on avait prétendu qu’il ne servait qu’à M. de Mallevaud car il permettait la communication entre le canton de Preuilly et la ville d’Angles, dans la Vienne (aujourd’hui Angles-sur-Anglin).

Le préfet revint donc sur sa décision : d’une part, il privatisa le passage de Thais au profit de M. de Mallevaud, d’autre part, il prit possession des passages de Baratière et de Cirande puis les afferma. Les anciens propriétaires furent adjudicataires de1824 à 1831, avec un fermage de 16 francs pour chaque passage, sans caution, étant donné que le matériel leur appartenait.

07 La Creuse rive droite en aval du pont de Cirande photo PMD sept. 2024

La Creuse, rive gauche, en amont du pont de Cirande (photo PMD sept. 2024)

En 1831, ce matériel se composait :

Pour le passage de Cirande, d’une charrière de 10 m. sur 2,65 m. datant de 1821 et valant 550 francs ainsi que d’une petite charrière de 8,40 m. sur 1,60 m. datant de 1826 et estimée à 250 francs.

Pour le passage de Baratière, d’une grande charrière de 11,90 m. sur 3,20 m. datant de 1824, d’une valeur de 1 100 francs et d’une petite charrière de 9,40 m. sur 2 m. datant de 1828, valant 500 francs.

N.B. Un passage, dit du Breuil, existait aussi entre la rive droite de la Gartempe, cours d’eau qui se jette dans la Creuse à Yzeures-sur-Creuse et Le Breuil, dans la commune de La Roche-Posay (86), sur la rive gauche. Il fut pris par le département et donné à la commune d’Yzeures en 1858.

Entre la rive gauche (86) et Barrou

Il y avait deux passages sur la Creuse, entre Barrou et la rive gauche, située anciennement dans le Poitou et depuis la Révolution dans le département de la Vienne, l’un venant de Lésigny, l’autre de Mairé mais en fait ceux-ci dépendaient de ces deux communes du 86, où les ports étaient beaucoup mieux aménagés.

Le passage entre Lésigny et Barrou :

Ce passage partait d’un port situé, sur la rive gauche, en amont du pont de Lésigny, où il y a maintenant une cale de mise à l’eau et arrivant à un port d’abordage se trouvant, sur la rive droite, au bord d’un chemin se trouvant en dessous de La Petite-Tourette, à l’est du lieu-dit le Bout du Pont, à Barrou.

10 Mise à leau de Lésigny photo PMD sept. 2024

Mise à l'eau de Lésigny (photo PMD sept. 2024)

Il est signalé, au 17ème siècle, comme appartenant au vicomte de La Guerche (voir ci-après à propos de cette commune).

Quatre personnes y travaillaient : un patron adjudicateur (le fermier) et trois mariniers qualifiés.

Ce bac fonctionna jusqu’en 1835, année où fut inauguré un pont suspendu (actuelle D 60). Depuis l'apparition, en 1937, d'un trou béant sur le pont suspendu, un nouveau pont fut reconstruit à proximité immédiate de l'ancien mais celui-ci fut détruit le 22 juin 1940 par l'armée française afin de freiner l'avancée allemande.

11 La Creuse vue de la rive droite en amont du pont entre Lésigny et Barrou photo PMD sept. 2024

La Creuse, vue de la rive droite, en amont du pont entre Lésigny et Barrou (photo PMD sept. 2024)

Reconstruit par les allemands, il supportait en son milieu une guérite marquant la frontière entre la zone occupée (Barrou) et la zone libre (Lésigny) ; il fut détruit de nouveau le 29 août 1994 par les Alliés pour contraindre un convoi allemand à emprunter le pont de La Roche-Posay. Quelques jours plus tard, le convoi fut décimé par la Royal Air Force sur la route de La Roche-Posay. Le pont actuel fut reconstruit en 1947.

Le passage entre Mairé et Barrou :

Ce passage, qui est représenté sur le cadastre napoléonien, allait du Port de Mairé (au bout du chemin du Vieux-Port actuellement, au nord-est du bourg) à un port d’abordage situé aux Rioms (commune de Barrou), au bout de l’ancien « chemin de Mairé à Barrou et Pressigny ».

12 Plan de Mairé cadastre napoléonien annotations PMD

Le bac de Mairé, cadastre napoléonien (annotations PMD)

Sous l’ancien régime, il était très surveillé par les gabelous (officier chargé de la perception de l’impôt sur le sel, dit la gabelle) car les habitants de la Touraine devaient payer cette taxe tandis que ceux du Poitou étaient exemptés, la gabelle ayant été supprimée pour eux en 1549 par Henri II (roi de de 1547 à sa mort en 1559), après la « jacquerie des Pitauds », en 1548.

Le passage appartenait au seigneur de Mairé et, selon le site de la commune, le passeur devait laisser passer gratuitement « ce seigneur et sa maison » ; son fermage consistait en « 15 ou 20 livres (7,5 ou 10 kg environ) de poissons ».

15 Le port de Mairé photo PMD avril 2018

Le port de Mairé en 2018 (photo PMD avril 2018)

À cause de sa pente importante, l'accès à la cale de Mairé par le chemin du vieux port n'était pas pratique pour les voitures et les charrettes. De plus, les passagers débarquaient à Barrou dans un port « en très mauvais état et mal entretenu ».

16 Le port de Mairé photo PMD sept. 2024

Le port de Mairé en 2014 (photo PMD sept. 2024)

En 1816, un habitant de Mairé signala à la municipalité que le passeur faisait traverser la rivière dans un bac « d’une grande vétusté » ; ceci fut confirmé par une inspection, après laquelle le préfet décida d’arrêter le passage jusqu’à ce qu’une nouvelle embarcation soit achetée.

En 1823, le passage, qui appartenait à la commune, fut transféré au département de la Vienne.

En 1845, le bac coula et la traversée fut de nouveau arrêtée jusqu’à la construction d’un grand bac de 12,40 m. de long sur 4,25 m. de large pour les voitures et les charrettes ; le fermier disposait aussi alors d’un passe-cheval* de 9,85 m. sur 2,60 m. pour les piétons et les bestiaux.

À partir de 1850, le service s’améliora avec l’achat d’un batelet de 7 m. de long, réservé aux piétons et la restauration de la cale d’abordage.

En 1862, la charrière fut remplacée par un nouveau bateau, réalisé par un certain Jean Bruneau, charpentier en bateau à Cenon.

Cependant, le fermier n'entretenait pas les bateaux et de l'herbe poussait à l'intérieur du bac. Vu sa dégradation et le fait que les charrettes et les voitures utilisaient le pont de Lésigny, la décision fut prise de ne plus utiliser le bac et de se contenter du batelet pour faire traverser les piétons.

En 1888, le service n'avait lieu qu'entre 8 h. à 9 h. du matin et 5 h. à 6 h. du soir et le passeur n'acceptait plus que les piétons sans chargement. Le même contrat fut reconduit jusqu'en 1903.

17 Mairé La maison du passeur en 1916

Mairé : la maison du passeur en 1916 (panneau municipal)

Le passeur du bac étant décédé en 1913, le bail de 9 ans qu’il venait de signer à compter du 1er janvier 1913, fut transféré à son neveu, M. Glain, qui était aussi coiffeur, barbier, sacristain, pêcheur et vendeur d’anguilles (!), passeur sans doute jusqu’en 1922. Un panneau, indique que sa maison, qui existe toujours, était à gauche de la rue du Vieux-Port et que les personnes voulant traverser l’appelaient en criant « Au bateau ! Au bateau ! ».

18 La maison du passeur aujourdhui photo PMD sept. 2024

La maison du passeur en 2024 (photo PMD sept. 2024)

En 1940, étant donné que la ligne de démarcation se trouvait entre le Poitou et la Touraine (voir ci-dessus), le bateau de 1862 fut utilisé pour des passages clandestins (voir ci-après).

Entre La Guerche (rive droite) et la rive gauche (la Petite-Guerche et Leugny

Le château de La Guerche, qui occupait probablement la position d'un ancien poste militaire romain, est cité en 1040 comme commandant un passage (à gué ?) entre la Touraine et le Poitou ; il fut reconstruit à la fin du 15ème siècle.

La Petite-Guerche, sur la rive gauche, dépendant autrefois de La Guerche, est aujourd’hui à cheval sur les communes de Mairé et de Leugny.

Il y avait deux passages sur la Creuse :

  • Celui du bourg
  • Celui de Ville-Plate, à 3 km en aval du bourg.

Il est vraisemblable qu’à l’époque gallo-romaine il existait en face du château actuel un gué qui mettait en relation la voie suivant la rive gauche de la Creuse et celle longeant la rive droite (voir l’article sur Les voies longeant la Creuse dans la catégorie Les voies gallo-romaines). Un premier pont en pierre en dos d’âne, comprenant 3 arches et une porte fortifiée, du côté du château, y fut construit en 1203. Il fut détruit en 1569 sur ordre de Charles IX (né en 1550, roi de 1560 à sa mort en 1574) pour empêcher les protestants du Poitou de venir en Touraine. Reconstruit en 1628, il fut de nouveau détruit par une crue en 1636.

À partir de cette époque, la traversée de la rivière se fit au moyen d’un bac, signalé en 1677 dans les registres de la paroisse, qui mentionnent également la profession de fermier du port entre 1678 et 1688 ainsi que celle de batelier ou « maître passeur d’eau » en 1757.

19 La Guerche Emplacement du passage de La Fontaine photo PMD juillet 2024

La Guerche : emplacement du passage de La Fontaine (photo PMD juillet 2024)

Le premier passage, dit de la Fontaine, qui figure sur une carte établie par les Ponts et Chaussées en 1858 ainsi que sur la carte d’état-major, partait de la fontaine (aujourd’hui rue des Innocents), à l’emplacement du pont actuel et arrivait, sur la rive gauche, à La Petite-Guerche (côté Mairé).

Par la suite, le port du bac changea d’emplacement et fut implanté au lieu-dit de l’abreuvoir, à 100 m. en amont (impasse de l’abreuvoir actuellement), là où il y a aujourd’hui une cale de mise à l’eau.

22 Passage de labreuvoir vu de La Petite Guerche photo PMD juillet 2024

Passage de l’abreuvoir, vu de La Petite-Guerche (photo PMD juillet 2024)

Ce passage, dit de l’abreuvoir arrivait, sur la rive gauche, là où il y a aussi une mise à l’eau, moins bien aménagée que celle de la rive droite.

Au moment de la Révolution, le passage appartenait à Marc René Marie de Voyer de Paulmy d’Argenson (1771/1842), dit le marquis d’Argenson, propriétaire du château des Ormes (voir Antogny-le-Tillac/Les Ormes dans https://turonensis.fr/categories/passages-eau-indre-et-loire/les-passages-sur-la-vienne et https://turonensis.fr/categories/communes-de-touraine/antogny-le-tillac) et de celui de La Guerche ; le département s’en empara en exécution de la loi du 6 frimaire an VII (27 novembre 1799) et, en 1806, le marquis d’Argenson demanda en vain « d’être renvoyé en possession du bac ».

Un rapport de 1804 sur « l’état des bacs et des abonnements » dans le département indique que « la rampe du passage, sur la rive gauche, est assez rude mais praticable. »

21 Passage de labreuvoir vu du pont de La Guerche photo PMD juillet 2024

Passage de l’abreuvoir vu du pont de La Guerche (photo PMD juillet 2024)

De 1814 à 1822, le fermier, André Roy, payait une redevance de 60 francs et disposait d’un bac de 12 m. sur 3,36 m. pour 30 personnes ou 5 à 6 gros animaux ainsi que d’un bateau de 2 m. de large, pour 20 personnes ; son cahier des charges précise que le passage devait être pris en charge par « trois mariniers ». Ce dernier fut encore adjudicataire de 1823 à 1831 avec un fermage de 61 francs.

En 1837, le « receveur à cheval » du Grand Pressigny, fonctionnaire qui percevait les taxes et qui, comme son nom l’indique, se déplaçait au 19ème siècle à cheval dans les campagnes, se plaint dans un rapport du mauvais état du passage.

De 1865 à 1870, le fermier, le marchand de bois Marc Henry Champigny, qui payait un fermage de 60 francs, avait pour matériel un grand bac de 12,50 m. sur 3,10 m. pour 50 personnes ou 10 animaux et d’un bateau, dit bâtard, de 10 m. sur 2 m., avec 2 perches ferrées de 5 m. de long, pour 15 personnes.

Cependant, ces deux bateaux furent interdits très rapidement, sur demande du maire, « pour cause de sûreté publique » ; la charrière, qui était alors inutilisée à Reignac (voir https://turonensis.fr/categories/passages-eau-indre-et-loire/les-passages-sur-lindre-et-sur-lindrois) fut alors transportée à La Guerche, pour un coût de 500 francs.

Marcel Larcher, fermier pour la période 1871/1876, mourut le 15 mai 1871 et sa veuve « dans le plus complet dénuement » fut « hors d’état de continuer le service » ; le bail fut alors résilié et une nouvelle adjudication attribua le passage au sabotier Augustin Roy (fils d’André ?).

Ce passage fonctionna jusqu’à la construction du pont en 1886/87 ; celui-ci fut détruit le 10 juin 1940 « sur ordre de l’État-Major pour arrêter les Allemands à La Guerche et permettre de déplacer l’or de la banque de France, entreposé à POITIERS, en toute sécurité », comme le dit un texte fixé sur une grosse pierre de ce pont déposée sur la Place de la Mairie.

Une passerelle en bois, réservée aux piétons et établie peu après sur les débris du pont par « les Autorités Allemandes », dut être détruite pour le déblaiement du lit de la Vienne ; « sur l’intervention des autorités d’occupation », un bac à moteur de 7 m. sur 4 m. se déplaçant au moyen d’un treuil placé sur la rive droite et d’un câble, fut installé en 1942 mais il fallait un laisser-passer des allemands pour pouvoir l’emprunter car La Guerche était en zone occupée et la rive gauche en zone libre.

Le service du bac était assuré par les frères Henri (mort en 2018) et René Blanchet, mécanicien à La Guerche, qui avaient fait traverser la rivière, avant la mise en place du bac avec une embarcation leur appartenant.

Plaque Place de la Mairie photo PMD juillet 2024

Plaque sur des pierres de l'ancien pont, Place de la Mairie (photo PMD juillet 2024)

Cette famille Blanchet, dont fit aussi partie le coureur cycliste André Blanchet (1918/1966) et Georgette Blanchet (1922/2008), fut reconnue par l’état d’Israël en 1991 « Justes parmi les Nations », car elle avait permis à plus de mille juifs persécutés de franchir la ligne de démarcation ; c’’est Georgette Blanchet notamment, qui fit traverser la Creuse à Serge Kochman (1939/2004), futur doyen de la faculté de médecine de Reims, en le tenant sur ses genoux et en lui recommandant de bien se taire ! Après la guerre, les Blanchet tinrent un restaurant dans une maison du 15ème ou 16ème siècle, située rue du Four Banal.

D’abord envisagée comme payante, la traversée fut finalement gratuite et il était interdit aux usagers « de donner un pourboire au personnel affecté à ce passage ». Les dépenses étaient assurées aux 3/5 par le département d’Indre-et-Loire et aux 2/5 par celui de la Vienne « sur le territoire duquel habitent environ 50% des usagers ».

Il existait aussi un autre passage sur la Creuse, indiqué sur la carte d’état-major et situé à Ville-Plate, toponyme venant de villa plata càd « domaine agricole plat », à 3 km en aval ; il partait de la rive droite, là où il y a aussi aujourd’hui une cale de mise à l’eau et arrivait sur la rive gauche à Leugny (86).

23 Passage de Ville Plate vu du pont de Lésigny photo PMD juillet 2024

Passage de Ville-Plate, vu du pont de Lésigny (photo PMD juillet 2024)

Entre 1678 et 1688, ces deux passages furent la propriété de Gilles Fouquet (1637/1692), vicomte de La Guerche. frère cadet du surintendant Nicolas Fouquet (1615/1680), 

Entre Abilly (Rives, rive droite) et Saint-Rémy-sur-Creuse (les Tuileries, rive gauche)

En 1117 Robert d’Arbrissel, fondateur de l’abbaye de Fontevraud, créa un prieuré de femmes et d’hommes, sur la maison seigneuriale de Rives (au confluent de la Claise et de la Creuse, à l’ouest du bourg). Il y avait là aussi, dépendant du prieuré, un moulin sur la Claise, dit le moulin de Rives, acheté, au 19ème siècle par Alexandre Conty (1787/1860), conseiller général d'Indre-et-Loire et maire d'Abilly de 1819 à 1827. Un de ses arrière-petits-fils, le résistant Michel Conty (1915/1944) créa un maquis dans la région avec Émile Freslon (1923/1944). Ce moulin fonctionna jusqu’en 1914 ; il abrita ensuite la chocolaterie Alfred Neau (citée en 1920) puis une laiterie privée jusqu’en 1929 et enfin une laiterie coopérative de 1945 à 1981. Voir https://turonensis.fr/categories/communes-de-touraine/abilly

26 Le port des Tuileries photo PMD sept. 2024

Le port des Tuileries (photo PMD sept. 2024)

Le passage, dit des Tuileries était situé entre le Port des Tuileries à Rives, sur la rive droite (commune d’Abilly), qui figure sur la carte de Cassini ainsi que sur le cadastre napoléonien et un lieu-dit appelé les Tuileries, sur la rive gauche (commune de Saint-Rémy-sur-Creuse. On y arrive en prenant l’actuel chemin de Chizay, à droite sur la D 750 quand on va en direction de Rives

En 1678, le bac fut la propriété du vicomte de La Guerche, qui était alors Gilles Fouquet (voir ci-dessus).

27 La Creuse à Saint Rémy sur Creuse en face de Rives photo PMD avril 2018

La Creuse à Saint-Rémy-sur-Creuse, en face de Rives (photo PMD avril 2018)

Ce passage dépendait de la métairie de Chisay ou Chizay, toponyme venant du gallo-romain Casiacus ou « domaine agricole de Casius », qui fut vendue comme bien national le 9 floréal an VI (28 avril 1798).

Entre Descartes (rive droite) et Buxeuil (86) (faubourg Saint-Jacques, rive gauche)

Il y avait dans l’antiquité, entre les communes actuelles, un gué, mettant en relation les deux voies gallo-romaines qui longeaient les rives de la Creuse (voir l’article correspondant), puis à partir du 13ème siècle, un pont, situé sur la route Paris/Bordeaux. Ce pont fut détruit en 1569 sur ordre du roi Charles IX (voir La Guerche, ci-dessus).

28 Le passage à Descartes au 19ème s. cp

29 Le passage à Buxeuil au 19ème s. cp

Les passages à Descartes et à Buxeuil au 19ème siècle

Le 22 juin 1940, les troupes françaises en retraite détruisirent deux arches du côté de la ville. Le 31 août 1994 Henry Blanchet (1922/2018), membre des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) et du réseau Conty-Freslon (voir ci-dessus) fit sauter le pont du côté Buxeuil. Une passerelle provisoire permit la traversée de la Creuse jusqu’à la reconstruction du pont en 1958.

Un bac est signalé au 19ème siècle. Il partait de la rive droite, d’une cale, qui existe toujours (actuellement rue de la Saulaie), en amont de la papeterie (construite en 1857) et du barrage (aménagé en 1861) pour arriver au faubourg Saint-Jacques (Buxeuil) sur la rive gauche. Il fut probablement remis en service quand le pont était inutilisable.

30 Ancien port dabordage à Descartes photo PMD juillet 2024

31 Ancien port dabordage à Buxeuil photo PMD juillet 2024

Anciens ports d’abordage à Descartes et à Buxeuil (photo PMD juillet 2024)

 

 


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