Les voies sur la rive droite de la Loire (voies 1.1)
Venant d’Orléans (anciennement Cenabum, une des deux capitales des Carnutes), la voie principale passait par La Chaussée-Saint-Victor, où il y avait au 2èmesiècle une villa gallo-romaine, à l’emplacement du cimetière actuel, et par Blois, ancien oppidum des Carnutes, situé au carrefour des voies Orléans-Angers et Chartres-Bourges. Elle longeait ensuite la Cisse, affluent de la Loire, qu’elle suivait de près, en traversant les communes actuelles de Chouzy-sur-Cisse et d’Onzain, avant d’arriver sur le territoire des Turons à Cangey.
Communes traversées : Cangey, Limeray, Pocé-sur-Cisse, Nazelles-Négron, Noizay, Vernou-sur-Brenne, Vouvray, Rochecorbon, Tours Sainte-Radegonde et Saint-Symphorien, Saint-Cyr-sur-Loire, Fondettes, Luynes, Saint-Étienne-de-Chigny, Cinq-Mars-la-Pile, Langeais, Saint-Michel-sur-Loire, Saint-Patrice, Ingrandes-de-Touraine, Restigné, Benais, Bourgueil et Saint-Nicolas-de-Bourgueil.
Cangey : première commune d’Indre-et-Loire, quand on vient du Loir-et-Cher, conserve des traces du néolithique, notamment la Pierre-de-David, nom christianisé de la Pierre-Lée (ou Pierre-Levée). Ce menhir, de 2,20 mètres de haut, enfoui de 3,50 mètres dans le sol, auquel sont rattachées de nombreuses légendes, a donné son nom au Moulin-de-Lée (sur la Cisse) et est situé près de la limite entre les deux départements, qui était aussi, probablement, la frontière entre les Carnutes et les Turons.
La Pierre de David (photo Touraine Insolite)
La voie entrait chez les Turons, soit près du Moulin-de-Lée, soit plus à l’ouest, au niveau de la Maladrerie, lieu qui est à la limite entre Cangey et Limeray, c’est-à-dire à la frontière entre l’ancien comté de Blois et la Touraine.
Ancienne voie entre Cangey et Limeray (photo PMD mai 2012)
Limeray : en suivant la D 1, qui longe la Cisse et qui a pris la place de la voie gallo-romaine, on arrive, juste avant Limeray, au lieu-dit la Maladrerie, où, au moyen-âge, une léproserie accueillait les malades, qui, venant du comté de Blois, voulaient entrer dans le comté de Tours ; en effet la limite entre les deux comtés correspond à celle entre les deux communes et il est fort vraisemblable que la frontière entre les Carnutes et les Turons coïncidât avec cette limite et non avec celle entre les deux départements.
Des outils du néolithique (haches polies, poignard, polissoir mobile) ont été découverts au Buisson (à l’ouest du bourg), au Petit-Perrier (au nord-ouest) et au Luat (au sud-ouest). Une enceinte protohistorique a été repérée à la Pierre-Coulée (au nord-ouest, près d’Avisé), toponyme, qui, par ailleurs, évoque la présence d’un mégalithe.
Des sites gallo-romains ont été découverts aux Mardelles (au sud-ouest), du latin margella signifiant « petite rive », où des tuiles ainsi que de la céramique commune et sigillée du 1er siècle après JC ont été trouvées, au Moulin-à-Vent (au sud-est) anciennement Bordebure, qui a fourni de la céramique très abondante des 1er et 2e siècles, à La Marchaison (au sud du bourg, près des Grillons), à La Pièce-des-Vignes-Blanches (à l’ouest du bourg, près du Buisson), où il y avait une villa gallo-romaine, dans laquelle ont été vus des vestiges de murs avec des enduits peints, des tuiles et de la céramique du 1er siècle après JC.
La voie reprise par la D 1 traversait tout le territoire de cette commune d’est en ouest en passant par les sites du Buisson, de Moncé et du Luat (voir ci-dessus). Limeray se trouvant d’ailleurs à 30 km de Blois et de Tours, on pense qu’il y avait là une étape (mansio), où les voyageurs pouvaient s’arrêter.
Par ailleurs, une route qui s’étend en ligne droite entre la Cisse et la Loire, passe à proximité de plusieurs sites gallo-romains : Le Moulin-à-vent, La Marchaison, Les Mardelles (voir ci-dessus), puis Les Fougerets, à Pocé sur-Cisse et conduit directement au Chemin-des-Poulains à Nazelles-Négron, réputé pour être une ancienne voie gallo-romaine ; cette route, longée par une ligne haute tension, est fort probablement une ancienne voie gallo-romaine ou même gauloise, antérieure sans doute à la voie précédente, mais présentant l’inconvénient d’être inondée quand la Loire débordait de son lit, ce qui explique la réalisation de l’autre voie, continuée ensuite par la route d'Espagne , utilisée, du 14ème au 18ème siècle, par les diligences, comme l’indique le relais de poste, dit la Vieille Poste, au Haut-Chantier à Limeray.
Pocé-sur-Cisse : en continuant notre trajet sur la D 1, on arrive à Pocé-sur-Cisse, toponyme qui apparaît en 775 sous la forme Pociacum* ou « domaine agricole de Pocius ».
La voie gallo-romaine, aménagée ensuite pour échapper aux crues de la Loire, passait à Fourchette, puis au Ménard, au Château-de-Fourchette, dans le bourg, à La Mazère (du latin maceriae = ruines) et à Perreux ; elle est reprise en partie par la D 1, mais aussi par des chemins plus anciens, comme celui situé entre Fourchette et Le Ménard ou comme, avant La Mazère, la rue du Cheval-Rouge, bordée d’habitations troglodytiques.
La voie gauloise antérieure, quant à elle, passait par Les Fougerets, lieu occupé depuis le néolithique, où une nécropole gauloise a été utilisée du 1er siècle av. J.-C. jusqu’au 3e siècle après JC, puis par La Varenne, Le Prieuré et La Ramée.
Nazelles-Négron : on arrive ensuite sur la commune de Nazelles-Négron. Entre Nazelles (où il y eut, dit-on, un port romain sur la Cisse, comme le suggère l’étymologie de cette commune) et Négron, le Chemin-des-Poulains est, dit-on, un vestige de la voie antique et en a gardé la rectitude. Là passait une voie secondaire, qui partant d’Amboise et traversant la Loire à gué, se dirigeait vers Saunay, où elle rejoignait la voie allant de Tours à Chartres (voir 21 de Rochecorbon à Villeporcher).
Vernou-sur-Brenne : après être passée sur la commune actuelle de Noizay, la voie arrivait sur la commune de Vernou-sur-Brenne, où il y avait, au nord-est du bourg, un établissement agricole turon, des 2e et 1er siècles av. J.-C., connu sous le nom de Butte-du-Trésor et pratiquant l’élevage intensif du porc. Les fouilles ont livré de très nombreux témoignages de la Tène III : deux potins gaulois : un des Carnutes et un des Turons, de très nombreux fragments de céramique, d’animaux ainsi que plusieurs fibules en bronze ou en fer. Les photographies aériennes de Jacques Dubois ont montré qu’il y eut là aussi, vers le haut de la butte, une villa gallo-romaine.
La Butte du Trésor (plan Jean-Claude Marquet)
L’ancienne voie était certainement située à l’emplacement de l’actuelle rue Neuve, en contrebas du coteau, où des silex polis du néolithique ont été trouvés, qui était prolongée par un gué permettant de franchir la Brenne, mais peu avant ce franchissement, une voie secondaire montait vers le nord en suivant la rive gauche de la Brenne et en passant à La Thierrière, où une sépulture néolithique a été découverte en 1928.
Voie secondaire Vernou-sur-Brenne/Saunay
Communes traversées : Vernou-sur-Brenne, Chançay, Reugny, Neuillé-le-Lierre et Saunay.
Cette voie, venant probablement d’Amboise passait près du domaine de Charmigny* (Carminicum) sur la commune actuelle de Chançay, site occupé au néolithique, où l’on a trouvé une villa gallo-romaine du 1er siècle après JC, avec un bassin à mosaïque.
Elle suivait la rive gauche de la Brenne et elle a été bien repérée sur la commune actuelle de Reugny* (Rubiniacum), après Le Moulin-du-Puits et La Poltrie, aujourd’hui route de Valmer prolongée par la route de la Vallière, car c’est là que fut édifiée au 12e siècle, une forteresse qui devint ensuite un château appartenant à la famille de Louise de la Vallière, première favorite de Louis XIV.
C’est sur cette dernière commune que fut découvert un vase funéraire en verre, du 1er ou 2e siècle après JC.
La voie continuait sur la rive gauche de la Brenne, en passant à Pomigny* (Pomiciacum) et à La Roche, sur la commune actuelle de Neuillé-le-Lierre, puis longeait les ruines actuelles du prieuré de Saint-Rigomer, qui, selon certains, pourrait avoir été fondé au 6e siècle et avoir remplacé un lieu sacré gallo-romain.
Il est bien évident que la construction de l’autoroute A 10 a modifié le paysage, mais, selon Pierre Audin, après Saint-Rigomer, l’ancienne voie passait à La Chaumine et La Haute-Métairie, avant de rejoindre la voie de Rochecorbon à Villeporcher, en traversant le Bois de La Couarde et elle est toujours visible, après La Grange-Rouge, au franchissement de D 766.
Retour à la voie principale
Vouvray : quant à la voie principale, elle se poursuivait sur la commune actuelle de Vouvray par une série de rues tracées au-dessus de la D 46 et aboutissant au lieu-dit La Croix Buisée, après lequel on arrive dans la rue Victor Hérault.
Cette rue, la plus ancienne de la commune, passe le long de l’église (du 11e siècle) ainsi qu’en dessous du Vigneau où s’élevait la place forte de Vouvray. Devant cette église, on peut voir une pierre d’attente des morts, où étaient exposés les cercueils et sur laquelle se négociaient les ventes jusqu’en 1792.
Une autre voie, sans doute gauloise, repérée plus au nord, passait à Pinchat et au Haut-Lieu.
Il est bien évident qu’après le bourg de Vouvray l’ancienne voie n’est pas continuée par la N 152, qui est une route-digue moderne, mais plutôt par la rue du Petit Coteau, au-dessus de cette nationale, qui passe au pied du château de Moncontour « la maison du comte », bâti au 15e siècle par Charles VII pour Agnès Sorel à la place d’une ancienne forteresse dépendant, au 4e siècle après JC, de l’évêché de Tours. Elle continuait ensuite par l’actuelle rue de Sens, qui conduit directement à l’oppidum de Château-Chevrier (voir ci-après).
Rochecorbon : peu après le château de Moncontour, le lieu-dit les Pâtis, au confluent de la Cisse et de la Loire, se trouve exactement à la limite entre Vouvray et Rochecorbon. Il est possible que là était le Portus Rupium « le Port-des-Roches » qui, selon une charte de l’abbaye de Marmoutier, aurait été un ancien port gallo-romain sur la Loire, situé entre Vouvray et Rochecorbon.
Il y avait deux itinéraires à Rochecorbon :
Le plus ancien empruntait les actuelles rues du Sentier des Patys, Saint-Roch, du Moulin (où se trouvait un gué ou un port sur la Bédoire) et des Basses Rivières mais il était inondable en cas de crue.
Le second est aujourd’hui repris par les rues de Sens, du Peu-Boulin, du Moulin, des Basses-Rivières, de Beauregard, à Saint-Georges, ancienne commune rattachée à Rochecorbon en 1808, où les restes d’un aqueduc, peut-être gallo-romain, ont été vus dans des caves du domaine Le Capitaine, avant d’arriver à Marmoutier, sur l’ancienne commune de Saint-Symphorien, rattachée à Tours en 1964.
Une autre voie montait vers le nord en longeant l’oppidum par la droite ; elle est continuée maintenant par la rue Vauvert puis par un chemin suivant la limite entre Rochecorbon et Parçay-Meslay ; elle passait ensuite aux Souchots et à la Blanchetière, avant d’arriver sur la commune actuelle de Monnaie.
Rochecorbon fut occupé dès l’antiquité et l’oppidum de Château-Chevrier est considéré comme l’une des cinq grandes places-fortes des Turons. C’était un éperon barré entre la Loire et la Bédoire, dont l’entrée se trouve en face du château d’eau dans la rue du Peu Boulin.
Oppidum de Château-Chevrier (photo PMD mai 2011)
Le rempart de cet oppidum, du type murus gallicus, qui offre de belles vues sur la vallée de la Loire, et son castrum sont encore nettement marqués dans le paysage ; des poteries et des pièces de monnaie y ont été trouvées.
Comme à Limeray, il y avait de nombreux domaines agricoles, notamment à Baugé* (Balbiacum), Les Rosnay* (Rutanacum), Mosny* (Mausonacum), Voligny* (Voliniacum) et Volney* (Volumniacum).
Tours (Sainte-Radegonde et Saint-Symphorien) : la voie arrivait ensuite à Sainte-Radegonde, commune rattachée à Tours en 1964, où Saint-Martin fonda, au 4e siècle, peut-être à l’emplacement d’une étape sur la voie (mansio), l’abbaye de Marmoutier, près de laquelle un pont fut construit à cette époque, puis à Saint-Symphorien, qui fut une paroisse dès le 4e siècle puis une commune jusqu’en 1964, date où elle fut rattachée à Tours.
Il y avait sans doute un oppidum sur une des nombreuses collines (les Tourettes ?) qui dominent la vallée de la Loire. Peut-être s’agit-il de ce lieu appelé Altionus, qui était, selon un texte de 968, « medium de vinea, ad portum Ligeris, prope ecclesiam Sancti Symphoriani » (au milieu des vignes, près du port sur la Loire et de l’église Saint-Symphorien) et que certains documents considèrent encore comme le site originel de Tours.
De Saint-Symphorien, les voyageurs antiques avaient trois possibilités : ils pouvaient, soit :
- continuer sur la rive droite de la Loire pour aller à Angers, via Saint-Cyr et Fondettes (voir ci-après),
- se diriger vers le nord par l’actuelle rue du Pas-Notre-Dame, qui va vers Notre-Dame-d’Oé pour aller vers La Chartre-sur-le-Loir et Le Mans (voir 20 voie de Tournon-Saint-Pierre à Villedieu-le-Château),
- se rendre à Caesarodunum, en empruntant, jusque dans les années 300, le pont dit « de l’île Saint-Jacques », daté des années 30/50 après JC, ou par, la suite, le pont, dit « de l’île Aucard ».
Saint-Cyr-sur-Loire : les documents du moyen-âge signalent trois fiefs à cheval sur Saint-Symphorien et Saint-Cyr-sur-Loire, la commune voisine, dont les noms indiquent qu’il s’agissait de trois domaines agricoles gallo-romains : Bezay* (Bauciacum), Limeray* (Limiriacum) et Meigné* ou Mié (Magniacum).
Notons qu’au nord de Saint-Cyr, le pavage d’une rue appelé la Voie Romaine est encore bien visible sur une grande longueur ; il s’agit d’une voie venant de Saint-Symphorien et rejoignant au Serrain (commune de Semblançay) (voir 19 la voie de Nouâtre à Vaas).
Il existe aussi à Saint-Cyr, dans une maison appelée les Trois-Tonneaux et située au 126 rue du docteur Tonnelé, rue parallèle à l’ancienne voie, des cavités creusées dans le rocher, qui, dit-on, servaient déjà à conserver le vin à l’époque gallo-romaine.
Fondettes : après le Pont de la Motte, la voie arrivait à Fondettes, au pied de l’oppidum de Montboyau, anciennement Mons Boelli ou Mont de Boellus (vicomte de Chartres au 10e siècle).
Situé au confluent de la Choisille et de la Loire, cet oppidum, aujourd’hui au lieu-dit les Tourelles, était sur un éperon barré, formant un triangle presque équilatéral ; il était défendu par un versant abrupt du côté des cours d’eau et par un fossé de 20 m de large, bordé par un talus de 7 m. de haut du côté du plateau, au nord-ouest.
Oppidum de Montboyau (photo PMD janvier 2011)
Il est traversé actuellement par la rue de Beaumanoir près de laquelle a été découvert un trésor monétaire gaulois : composé d’un millier de pièces de monnaie datant, pour la plupart, du 1er siècle av. J.-C. et dont beaucoup étaient des potins à la tête diabolique.
La voie antique passait à La Guignière où elle croisait la voie de Nouâtre à Vaas, qui franchissait la Loire sur un pont à cet endroit puis au lieu-dit Le Paradis, toponyme indiquant peut-être la présence d’une ancienne nécropole.
Ce lieu est situé juste avant Le Petit-Martigny* (Martiniacum), où se trouvait une villa carolingienne qui a sans doute pris la suite d’une villa gallo-romaine et où une rue porte également le nom de Voie-Romaine.
Cette rue conduit au lieu-dit Vallières, où il y avait, selon Pierre Audin un port sur la Loire puis est prolongée par la rue du Bel Air qui rejoint la D 276 un peu avant le château de Chatigny* (Catiniacum), construit au 15e siècle sur une villa gallo-romaine comme le montrent le soubassement et les fondations.
Les vestiges de cette villa du 3e siècle après JC ont été mis en évidence dans les années 1890 par Charles de Beaumont alors propriétaire du château.
La pars urbana (partie habitée), qui constitue les fondations du château, formait un carré de 33 m. de côté et disposait d’un total de 14 pièces. Son sol était en grande partie recouvert de mosaïques à figures géométriques alternées par des motifs en forme de végétaux et de poissons. Les murs de la première salle étaient partiellement ornés de décorations polychromes. Les murs de la seconde pièce, également décorés, étaient recouverts d’une sorte de mortier, qui imitait le marbre.
Les ruines d’autres bâtiments gallo-romains sont visibles à l’ouest de la cour avec les restes d’une piscine intérieure, d’un bassin extérieur de forme octogonale, d’un hypocauste, et de sols en mosaïque.
Luynes : la D 276 est continuée, en arrivant sur Luynes, par la D 76 qui devient ensuite la rue de Saint-Venant, anciennement « route de Luynes à Chatigny ». Cette voie, qui longe le pied du coteau, fut précédée, selon Pierre Audin, par une voie gauloise qui était sur la crête du coteau et qui passait à Panchien (voir ci-après).
À l’époque gallo-romaine, Malliacum (qui a donné Maillé* : ancien nom de Luynes jusqu’au 17e siècle) était une agglomération secondaire (vicus) qui occupait tout le sommet du coteau, très près, à l’est du bourg actuel, sur un rectangle de 1 200 m. x 250 m. Des vestiges importants se trouvent notamment dans le prieuré Saint-Venant où s’élevaient de très hauts murs, mais assez bizarrement on ne sait pas exactement de quelle construction viennent ces vestiges datés des 2e ou 3e siècles : pile funéraire, castrum, castellum, mansio, villa rustica ?
À proximité de ce prieuré, au Clos-de-Sainte-Roselle, une prospection aérienne faite en 1976 par Jacques Dubois a permis la découverte de traces de constructions et, de 1977 à 1982, des fouilles dirigées par l’archéologue Raymond Maugard ont mis en évidence des thermes, alimentés par l’eau de l’aqueduc, constituant l’aile d’une vaste habitation du 2e siècle après JC, où ont été retrouvés des tesselles de mosaïque, des fragments d’enduits peints des 2e et 3e siècles, des céramiques sigillées ainsi que des pièces de monnaie, des 2e et 3e siècles également, notamment de Faustine l’Ancienne et de Philippe l’Arabe.
L’aqueduc de Luynes, classé dès 1862, qui se trouve au nord-est du bourg, au lieu-dit l’Aqueduc, près de Villeronde* (Villa Rotunda), est le plus important et le mieux conservé de Touraine ; il reste 44 piles du pont-aqueduc, qui en comprenait 90, dont 6 entières avec naissance de l’arc et 9 entières supportant 8 arcs.
En faitn ces aquarelles ont été realisées par Louis Boudan pour la collection de François Roger de Gaignières
Il est dit qu’à Panchien (au nord-est), un « cercle probablement protohistorique » a été repéré par photographie aérienne. Ce cercle est sans doute, en fait, le théâtre gallo-romain qui nous a été signalé en 2016 par madame D. B. et qui lui avait été montré par une ancienne habitante de Luynes ; cette dernière y gardait ses chèvres, il y a une cinquantaine d’années et, selon elle, les gradins étaient encore bien visibles à cette époque.
La collection du comte Charles de Beaumont, acquise par la Société Archéologique de Touraine, contenait une statuette de 16 cm de Vénus anadyomène (surgie des flots), à laquelle il manque la tête et les jambes, découverte en 1901 à Panchien.
Saint-Étienne-de-Chigny : après Luynes, la D 76 continue vers Saint-Étienne-de-Chigny et passe aux Piliers et à la Croix de la Chappe ; là, une voie, probablement gauloise, montait, en suivant la rive droite de la Bresme, vers Le Serrain (commune de Semblançay), où elle rejoignait la voie allant de Nouâtre à Vaas.
Cette voie, peut-être reprise par la D 126, passait par Le Vieux-Bourg et par Pont-Clouet, où l’on découvrit en 1864 une œnochoé (vase pour verser les boissons) étrusque en bronze, du 5e siècle av. JC., dont l’anse est décorée d’un dieu bondissant et souriant. Elle est ensuite continuée par un chemin bien visible au Bas-Launay (commune de Luynes).
Comme nous l’avons déjà vu, la voie gallo-romaine doublait une ancienne voie gauloise, qui a été repérée aux Ruaux et à L’Aubinière.
Après le lieu-dit Andigny* (Andeniacum), où se trouve un manoir du 15e siècle, la départementale se confond avec la D 952 qui passe au Perré puis au Ponceau, près duquel l’ancienne voie est encore bien visible ; de là une autre voie, qui allait ensuite vers Mazières-de-Touraine, montait vers Le Carroi-de-la-Motte-de-Mazières, La Perrée et L’Arnerie, où il y avait une importante villa gallo-romaine utilisée du 2e au 4e siècle après JC. La partie habitée (pars urbana) mesurait 50 sur 35 m, avec une galerie dotée de deux pièces d’angle et une cour de 900 m².
Cinq-Mars-la-Pile : après Le Ponceau l’ancienne voie s’éloigne de la nationale et passe au pied de la pile de Cinq-Mars-la-Pile.
Cette pile funéraire, haute exactement de 100 pieds romains (29,40 m.), a été construite au 2e siècle après JC en moellons avec un parement de briques polychromes dans la partie supérieure ; une statue a été découverte en 2005 sur la terrasse supérieure ; elle est, pour ce qui en reste, haute de 1,10 m. et elle représente vraisemblablement un captif oriental (Dace ou Parthe), ce qui laisse supposer que cette pile a été édifiée en l’honneur d’un important personnage gallo-romain ayant participé à une expédition militaire en Asie ; cette statue se trouve aujourd’hui au Musée du Grand-Pressigny.
La Pile : aquarelle realisée par Louis Boudan pour la collection de François Roger de Gaignières
On a également trouvé au pied de la pile des monnaies de Marc-Aurèle, ainsi que, au lieu-dit Les Quarts, juste au-dessus de la Pile, des monnaies gauloises.
Langeais : après Cinq-Mars-la-Pile, la voie s’éloignait de la Loire et suivait le bord du coteau, passant par Les Caves, La Roche, et La Roche-Cotard, où un site paléolithique a fourni de très nombreux ossements d’animaux et une centaine de silex ainsi qu’un bloc de silex, dénommé le « masque moustérien », qui est considéré par certains comme l’une des premières manifestations de l’art humain.
Près de là, la construction de l’autoroute A 85 a permis la découverte d’une villa gallo-romaine, du 1er siècle après. JC, qui a livré plus de 2 000 fragments de céramiques sigillées, une gourde en pâte brune et plusieurs monnaies dont une de Faustine la jeune ; nous sommes là sur la commune actuelle de Langeais, célèbre pour son château fondé à la fin du 10e siècle par Foulques Nerra et où Saint Martin fonda une église au 4e siècle, sans doute à l’emplacement d’un temple gallo-romain, comme cela était son habitude.
Saint-Michel-sur-Loire et Saint-Patrice :
Il est possible qu’à partir de Planchoury (la planche du sieur Oury), sur la commune de Saint-Michel-sur-Loire, il y eût alors deux tracés :
Le premier, longeant la Loire, est repris par l’impasse Cave des Cours, la route de Lane, qui passe à Beauregard et à la Cave Blanchereau, puis la rue des Roches, arrivant aux Roches à Saint-Patrice.
Le second est repris par la route de Langeais, qui conduit au centre de la commune actuelle et qui est continuée par la rue du Coteau, passant aux Coteau et à la Rue Millet, avant d’arriver aux Roches : lieu-dit près duquel une nécropole a été découverte en 1968 par monsieur Chasle ; mais cette ancienne voie a été effacée par la construction de la voie ferrée.
Cette nécropole du 2e siècle après JC, située aux Perreaux, était constituée d’un enclos de 17 m² entouré de murs en tuffeau ; contenant des tombes à incinération et à inhumation, elle a fourni un important matériel : céramiques de Lezoux, urnes en verre, squelettes, etc. que M. Christophe Chasle, le fils du découvreur, avait rassemblés dans un musée très intéressant (16 rue des Roches), malheureusement fermé maintenant.
À la sortie de Saint-Patrice, la D 35 prend le nom de rue Dorothée-de-Dino et juste avant Ingrandes-de-Touraine, la construction du viaduc de La Perrée sur l’A 85 a permis la découverte, près du lieu-dit Tiron* (Tironionem ou « domaine de Tironius »), d’une grande villa gallo-romaine, dite villa de Tiron, avec un ensemble balnéaire, qui a fourni plus de 1 000 fragments de céramiques et de dolia, plusieurs monnaies dont une de Claude, deux de Domitien, une d’Antonin le Pieux, une de Tétricus, ainsi qu’un petit couteau pliant avec un manche en cuivre représentant un gladiateur.
Plan Jacques Seigne
Ingrandes-de-Touraine : comme il est logique, la frontière entre le territoire des Turons et celui des Andécaves se trouvait à un lieu appelé Ingrandes (Ingrandes-de-Touraine) et on pense qu’elle était matérialisée par une petite rivière : la Marche, qui coule à la sortie ouest de la commune.
Restigné et Benais : la D 35 continue sans doute à reprendre le tracé de l’ancienne voie et arrive à La Croix-Morte (commune de Restigné) puis à Benais, où l’archéologue Jean-Paul Lecompte a découvert, un peu au nord de la D 35, un empierrement gaulois reposant sur 27 pieux datés de 8 av. J.-C. et conduisant, après avoir franchi le Changeon, qui fait la limite entre Benais et Bourgueil à la rue du Pont-de-Gué, à Marcé (commune de Bourgueil) ou D 369. C’est là sans doute que notre voie croisait la voie de Chinon au Lude.
Bourgueil et Saint-Nicolas-de-Bourgueil : la voie continuait vers La Villatte* (ou « petit domaine »), sur la commune de Bourgeuil et Saint-Nicolas-de-Bourgueil.
Suite de la voie après l’Indre-et-Loire
On arrive ensuite dans l'actuel Maine-et-Loire, à Allonnes, puis à une étape appelée Robrica, que la Table de Peutinger indique comme étant à 29 lieues de Caesarodunum, soit 64 km s’il s’agit bien de lieues gallo-romaines. Cette étape, dont le nom a disparu, n’est pas identifiée clairement et, depuis des années, les spécialistes se disputent pour savoir où elle était située.
Selon Pierre Audin, il s’agirait du vieux bourg de Vivy (49 680), anciennement vetus vicus, situé aujourd’hui à 69 km de Tours, mais, selon l’opinion la plus souvent admise, Robrica serait l’ancien oppidum gaulois de Chênehutte (commune nouvelle de Gennes-Val-de-Loire), appelé le Camp des Romains ; cet oppidum se trouve en face de Saint-Martin-de-la-Place (49 160), un peu après Vivy, où une chaussée sur pilotis permettait de traverser la Loire pour arriver à Angers (Juliomagos), la capitale des Andécaves.
Oppidum de Chênehutte vu de Saint-Martin-de-la-Place (photo PMD juin 2020)