Antogny-le-Tillac
Le nom de cette commune, située sur la rive gauche de la Vienne, à la frontière avec le département de la Vienne, apparaît pour la première fois en 638 dans une charte du roi Dagobert 1er sous la forme Antigniacus ; on estime généralement que ce toponyme vient du gallo-romain « Antoniacus » signifiant le « domaine agricole (villa rustica) d’Antonius » mais certains le font venir du gaulois « antanniaco » = la chênaie (voir gaulois tann =chêne). À l’époque gauloise, la région faisait partie du territoire des Pictons.
Le village fut appelé Anthoigné le Tillac en 1446 et Antoigné le Tillard en 1544, ce qui indique clairement que la seconde partie du nom vient du latin tilia signifiant « tilleul » et non du normand ayant donné l’ancien français « tillac » = pont supérieur d’un bateau, comme on le dit parfois.
La commune comprend deux autres hameaux importants :
Séligny (au sud), qui apparaît sous la forme Selignech en 638, du gallo-romain Siliniacus signifiant le « domaine de Silinius » ; pendant longtemps ce hameau fut rattaché à la paroisse des Ormes, dans la Vienne et ce n’est qu’après la Révolution qu’il fit partie d’Antogny-le-Tillac. C’est actuellement le hameau le plus important de la commune : la mairie, la salle des fêtes et le café du village s’y trouvent.
Montigny (à l’est), venant de Montiniacus signifiant le « domaine de Montinus » ou le « domaine élevé » ; à côté, dans le Bois Billier, le point culminant de la commune (123 mètres) est marqué par un relais téléphonique.
Carte IGN annotations PMD
Histoire
Préhistoire et antiquité :
Comme toute la vallée de la Vienne, le territoire de la commune fut occupé dès le néolithique. L’archéologue Philippe Delauné (originaire de Ports-sur-Vienne), qui a fait beaucoup de photographies aériennes de la région, a notamment repéré :
Un site protohistorique avec des enclos circulaires et carrés au lieu-dit Pissoiron (=petit cours d’eau), en face de La Couarde (sud-est), de l’autre côté de la D 18.
Un vaste enclos circulaire avec des fossés comblés à Montigny.
Une villa rustica gallo-romaine à La Couarde (= terre en friche), à gauche de la D 18 quand on va vers les Trois Moulins et une autre au lieu-dit Les Chirons (= gros tas de pierres, du préceltique kar = pierre), à côté de la Grille (ouest).
La Couarde (photo PMD janvier 2012)
À 50 mètres au sud de La Couarde, une construction carrée de 19 m sur 14 m avec une ouverture à l’est, encadrée de deux colonnes dont les bases sont visibles sur les photographies aériennes ; on pense généralement qu’il s’agit d’un temple privé ; on a aussi découvert à cet endroit une pierre avec échancrure, qui pourrait provenir d’un pressoir à raisin du 2ème siècle après JC ainsi que des fragments de céramique sigillée.
Les Chirons (plan Jacques Dubois)
On dit qu’une autre villa se trouvait au Mur-Duval (ouest). Le toponyme « Mur » indique généralement la présence de ruines celtiques ou préceltiques. Le Mur-Duval ou Mur-du-Val est un ancien fief.
À l’époque gallo-romaine, le territoire de l'actuelle commune était traversé par une voie qui suivait la rive gauche de la Vienne jusqu’à Candes-Saint-Martin (voir catégorie Les voies gallo-romaines chez les Turons).
Au centre du bourg, sur la place bordée de tilleuls, en face de l’église (voir ci-après), s’étend un gros monolithe rectangulaire ; selon les anciens du village, la voie gallo-romaine passait là et était accompagnée d’un aqueduc souterrain mais il n’en reste aucune trace.
Histoire ancienne, moderne et contemporaine :
Les archives conservent le souvenir d’un différend qui éclata en 925 entre le curé d’Antogny et celui de Pussigny à propos du bénéfice des dîmes de Faye-la-Vineuse. Ce conflit fut réglé, au profit du curé d’Antogny, après un jugement de Dieu, au moyen de l’épreuve du fer chaud, qui eut lieu dans le château de Nouâtre (voir la catégorie).
Un moulin et un port existaient à l’entrée de la commune (quand on vient de Pussigny), à Libéré, qui appartenait à l’abbaye de Noyers (Nouâtre), et qui apparaît sous la forme Ribareius en 1098, du latin riparia = rivière. De ce port, au 19ème siècle, était expédiée la chaux produite dans les fours voisins, qui arrivait à Nantes et qui servit notamment à la construction des villas de la Baule.
Il y eut aussi, à la même époque, des oseraies au bord de la Vienne, qui permettaient l’existence d’un artisanat actif.
Passage entre Antogny-le-Tillac et Les Ormes (photo PMD sept. 2010)
Jusqu’à la Révolution, la paroisse dépendait des Ormes (86), commune avec laquelle les relations étaient possibles grâce à deux gués : l’un, attesté par les anciens du village, partant en amont de l’église Saint-Vincent et de l’ancien cimetière, permettait de rejoindre, le manoir du Pin, sur la rive droite, l’autre, au sud-est du bourg, se trouvait au niveau de Tivoli, anciennement « le Port (càd le Passage) des Ormes », en aval du pont actuel entre Antogny-le-Tillac et Les Ormes. Ce dernier gué est d’ailleurs évoqué sur un petit vitrail, situé à gauche dans le chœur de l’église Saint-Vincent (voir ci-après).
Passage de Tivoli sur un vitrail de l'église (photo PMD janvier 2012)
C’est sans doute au 18ème siècle qu’un bac remplaça ce gué. Il était très fréquenté car il mettait en relation les villes de La Haye (aujourd’hui Descartes) et de Richelieu (voir la catégorie Les bacs en Indre-et-Loire).
En 1805, il fut donné à la commune des Ormes, « à charge pour elle de rembourser le prix du bac à l’ancien propriétaire », qui était le châtelain Marc René Marie de Voyer de Paulmy d’Argenson (1771/1842), dit le marquis d’Argenson, qui avait pris le parti de la Révolution et qui fut préfet de 1809 à 1813 puis député progressiste de 1815 à 1834.
En 1833, un rapport de l’ingénieur en chef des Ponts-et-Chaussées pour le département de la Vienne indique : « le bac établi sur la Vienne aux Ormes est assez fréquenté pour avoir engagé plusieurs habitants à former une société et demander l’autorisation de construire un pont suspendu, moyennant la concession du droit de péage et d’une subvention du trésor public. »
Ce pont suspendu, dit « en fil de fer », fut construit par la Compagnie Seguin Frères; ouvert en 1835, il fut remplacé en 1934 par un pont en ciment, détruit le 22 juin 1940 par l’armée française pour entraver l’avancée des allemands puis reconstruit après la guerre et inauguré le 19 septembre 1948.
À voir dans le bourg
Quand on vient de Pussigny par la D 18, on entre dans la commune au Moulin de Libéré et l’on peut voir, peu après, sur la droite une cheminée de four à chaux puis, en contrebas, un ancien lavoir, datant du moyen-âge.
On arrive ensuite sur la place Saint-Vincent, patron des vignerons, qui a sa statue (dont la tête a été refaite) en haut de la place. C’est lui qui a donné son nom à l’église.
Église Saint-Vincent (photo PMD janvier 2012)
L’église Saint-Vincent est une église romane du 11ème siècle, qui a sans doute remplacé une église antérieure ; elle a été agrandie au 12ème siècle vers le sud (en amont de la Vienne) et de ce fait le portail d’entrée a été déporté sur la gauche. Le mur latéral sud est percé de trois petites baies en plein cintre. Le clocher, octogonal, est de style auvergnat. À droite du porche, une pierre, dite pierre d’attente des morts, permettait, au moyen-âge, l’exposition des défunts.
À la fin du 11ème siècle, cette église qui, à l’origine, appartenait à Ervisus Chabron et Simon de Nouâtre, deux nobles de Nouâtre, neveux de Ganelon, seigneur de Nouâtre, fut donnée à l’abbaye de Noyers, comme l’indiquent plusieurs chartes du cartulaire de cette abbaye. Voir notamment les chartes 211 et 212 de 1091.
À l’intérieur, on peut remarquer la cuve baptismale, qui est d’origine et qui a été replacée en 1957 dans l’église après une belle restauration ainsi que, dans le chœur, à gauche, un petit vitrail représentant Saint Christophe traversant la Vienne à Tivoli (voir Histoire, ci-dessus), réalisé en 1941 par Lux Fournier (1868/1962), maître-verrier de Tours.
Cette belle église est toujours ouverte (ce qui est rare dans la région) et peut être visitée facilement.
Non loin de l’église, après le Prieuré, où, selon la tradition, Aliénor d’Aquitaine (1122/1204) serait passée, une petite route, à gauche, qui mène aux Ormes, conduit à l’ancien cimetière, dont les tombes ont été dévastées par les crues de la Vienne mais aussi, pensent certains, par le vandalisme de quelques personnes. À côté de cet ancien cimetière, une aire de pique-nique, au bord de la Vienne, peut accueillir les promeneurs.
À voir à l’est
Montigny (voir ci-dessus) : pigeonnier classé.
Pigeonnier à Montigny (photo PMD janvier 2012)
La Goronnière est un ancien fief, appartenant à la famille Gorron, qui lui donna son nom. Au 15ème siècle, Catherine Gorron, fille d’Étienne Gorron, épousa Bertrand de Gréaulme, alias Bertram de Graham, membre de la garde écossaise du roi Charles VII et lieutenant du château de Marmande, qui devint seigneur de la Goronnière. Sur la famille de Gréaulme, voir aussi Courcoué, Faye-la-Vineuse, Marcilly-sur-Vienne, Razines et Yzeures-sur-Creuse.
La Goronnière (photo PMD janvier 2012)
Le manoir actuel construit au 16ème siècle et connu sous le nom de la Petite Gourronnière en 1639, a conservé un portail d’entrée portant la date de 1786. En 1933, une jarre contenant 48 kg de pièces romaines en bronze, frappées au 3ème siècle après JC a été trouvée près de là.
À voir au sud
Séligny (voir ci-dessus) : ce fief appartint longtemps à la famille de Saint-Gelais, qui, au 17ème siècle, le donna à l’abbaye de Noyers (voir Nouâtre). Celle-ci, à son tour, afin d'avoir des fonds pour réhabiliter les bâtiments, le vendit en 1761 à Marc René de Voyer de Paulmy d’Argenson (1722/1782) (Voir Maillé).
Pigeonnier à Séligny (photo PMD janvier 2012)
On peut voir à Séligny deux anciens puits (21 rue de Richelieu et rue du Cul-de-Sac), un palmier (rue des artisans), une sculpture murale faite par madame Rochat (ruelle de Séligny), un lavoir (rue de la Fontaine) et un pigeonnier classé (rue de Richelieu, à la sortie du hameau, sur la droite).
À la sortie du village, quand on va vers Marigny-Marmande, on passe devant la chapelle du Sacré-Cœur, église privée, qui appartient à l’évêché de Tours mais qui est desservie par le diocèse de Poitiers.