Crouzilles
Le nom cette commune située à l’est de L’Île-Bouchard et sur la rive droite de la Vienne, apparaît pour la première fois en 775, dans un diplôme de Charlemagne ; sous la forme Curcilia, venant du bas-latin crucicula (petite croix ou petit croisement).
Histoire
Le territoire de Crouzilles a été occupé au néolithique, comme le montrent la hache polie trouvée à Mougon (voir ci-après) et le dolmen de Saint-Lazare (autrefois sur Crouzilles maintenant sur L’Île-Bouchard),
L’ancienne commune de Mougon, rattachée en 1833 à la commune de Crouzilles, citée vers 590 dans Histoire des Francs de Grégoire de Tours*, sous la forme Medoconnum, signifiant « lieu consacré à Medoc » (divinité celtique du vin), fut à l’époque gauloise puis gallo-romaine, une agglomération importante des Turons* et un grand centre de fabrication de poteries, dont certaines ont été retrouvées jusqu’au sud de l’Espagne et dont beaucoup étaient des amphores vinaires, destinées à transporter un vin, déjà produit dans la région dès le 1er siècle après JC ; certaines de ces amphores portent le nom d’un certain Sacrovir, qui serait le propriétaire des poteries et le producteur d’un vin pouvant être considéré comme le premier Chinon !
Le site archéologique s’étend sur 10 hectares, le long de la Vienne ; on y a découvert : une quarantaine de fours de potiers, qui ont malheureusement disparu, des moules en terre cuite permettant de fabriquer des statuettes de déesses-mères, de lions ou de chevaux ainsi que de très nombreux fragments de poteries, beaucoup d’objets en verre et un petit couteau gaulois avec une poignée en bronze terminée par une tête d’animal.
Des domaines agricoles gallo-romains (villae*) existaient sans doute à La Boussaye (nord-ouest du bourg), venant de Bauciacus ou « domaine de la Vieille », aux Louines (ce toponyme apparaissant sur le cadastre de 1831), venant de Lutonia villa ou « domaine de Lutonius », à Manne (nord-ouest du bourg), venant de mansus ou « domaine en location » et à Villiers (nord du bourg), venant de villaris ou « domaine rural » (voir ci-après).
La voie gallo-romaine qui suivait la rive droite de la Vienne traversait Mougon, où il y avait un gué permettant de rejoindre la voie de la rive gauche.
Une nécropole du haut-moyen âge, avec 14 sarcophages mérovingiens, a été découverte dans les jardins de l’ancien presbytère.
Au début du 12ème siècle, l’église de Crouzilles fut attribuée à l’abbaye de Beaulieu -les-Loches par l’archevêque de Tours Adolphe, comme le signalent les chartes 357 et 358 (de 1107) du cartulaire de Noyers*. Il s’agit, soit de Raoul ou Adolphe de Langeais (archevêque de 1066 à 1086), soit de Raoul ou Adolphe d’Orléans (archevêque de 1086 à 1117).
Le premier seigneur connu, cité en 1213, est Aimery de Tavant, fils d’Yvon de Tavant et d’Odile de Nouâtre, fille d’Archambault de Nouâtre, dit le Long, seigneur de la Motte (voir Marcilly-sur-Vienne), lui-même fils de Marric de Nouâtre (voir Cormery et Nouâtre).
En 1472, le fief appartenait à Jean IV de La Jaille, petit-fils de Jean II de La Jaille, maître d’hôtel de Charles V. Jean IV fut le père d’Aymar de La Jaille (cité en 1478), également gouverneur de Nouâtre, qui fut lui-même père Charles III de La Jaille, tué à la bataille de Pavie* en 1525, et de Françoise de La Jaille, citée en 1527 comme dame de Crouzilles ; le fief passa ensuite à l’un de ses cousins, René IV de la Jaille, cité en 1551 et 1557, descendant lui aussi de Jean II de La Jaille (voir La Tour Saint-Gelin).
À la fin du 16ème siècle, le seigneur était René de Bernezay, dont la fille, Françoise épousa en 1535 Louis de Betz, seigneur du Relay à Sepmes ; René II de Betz (cité comme seigneur en 1613), arrière-petit-fils de Louis, fut tué en 1621 au siège de Mautauban* (voir Ambillou et Betz-le-Château) ; son fils, René III de Betz, vendit, en 1647, la seigneurie à « Léonor Barjot, prêtre de l’oratoire » ; il s’agit probablement de Léonor II Barjot de Roncé, qui était devenu prêtre après le décès de son épouse Léonore de Voyer de Paulmy d’Argenson, fille de Louis de Voyer de Paulmy d’Argenson (1581/1651), grand bailli de Touraine (voir le May à Chanceaux-près Loches, Larçay et Panzoult).
La seigneurie appartint ensuite à : René I Barjot de Roncé, fils de Léonor II et époux de Charlotte de Maillé (voir Chezelles) puis à son fils, René II Barjot de Roncé, cité en 1690, puis au fils de ce dernier, Alexis Barjot de Roncé, cité en 1754 et elle resta dans cette famille jusqu’à la Révolution.
Marie Joséphine Barjot de Roncé (née en 1759), petite-fille d’Alexis épousa en 1779 Jean Louis Marie Le Bascle (né en 1749 et mort en Allemagne en 1793), descendant de Hugues Le Bascle (voir ci-dessous Le Puy-Bascle), qui fut le dernier seigneur de Crouzilles.
Leur fille, Blanche Joséphine Le Bascle (1787/1851), fut la première dame d’honneur de Marie Caroline de Bourbon-Sicile (1798/1870), dite la duchesse de Berry, épouse de Charles Ferdinand d’Artois, duc de Berry, fils de Charles X ; elle fut une femme de lettres, auteur notamment de Mémoires (1832/1851).
L’histoire contemporaine de Crouzilles est marquée par la famille de Quinemont, descendante de James Kynnimond of Gregal (né vers 1430), baron écossais, dont le fils : Androt Kynnimond (André de Quinemont), né vers 1460, devint en 1475 membre de la garde écossaise de Louis XI.
Cet André de Quinemont fut le père de Jean I de Quinemont, seigneur de Saint-Senoch, grand-père de Jean II de Quinemont (1577/1637), seigneur de Varennes et de Saint-Senoch, lui-même grand-père de Louis Ours de Quinemont, né en 1682 (voir La Tourballière à Ligueil).
En 1736, Jean-Jacques Ours de Quinemont (né en 1715), fils de Louis Ours et 1er marquis de Quinemont (né en 1715), seigneur de Varennes, épousa Marie-Jeanne Odart (voir Parçay-sur-Vienne et Rilly-sur-Vienne), dame de Paviers et de Mougon.
Leur petit-fils, Auguste Charles Louis (1780/1839), 3ème marquis de Quinemont, fut maire de Mougon de 1812 à 1830, puis, après le rattachement de cette commune à celle de Crouzilles, en 1833, maire de Crouzilles de cette date à 1837.
Son fils, Arthur Marie Pierre (1808/1883), 4ème marquis de Quinemont, fut maire de Crouzilles de 1837 à 1849, député et sénateur. Le fils de ce dernier, Abel Charles Marie Tristan (1845/1921), 5ème marquis de Quinemont, colonel de cavalerie, mourut sans enfant ; son neveu, Léopold Dupuy de Semur (1876/1947), hérita du château de Crouzilles et y installa une école privée.
En 1844, une usine fut implantée à Paviers (voir ci-après), par Arthur Marie Pierre de Quinemont pour fabriquer de la chaux hydraulique ; longtemps très polluante, elle se modernisa progressivement et se spécialisa dans la fabrication de mortiers industriels en exploitant le calcaire turonien dans 90 km de galeries souterraines ; c’est aujourd’hui une usine du groupe Parexlanko.
De nombreuses péniches, circulant sur la Vienne avec des voiles ou tirées par un remorqueur à aubes nommé le Mineur, amenaient du charbon aux fours à chaux installés le long de la vallée et transportaient la chaux de ces fours au retour.
Trois ateliers de potiers fonctionnèrent, dans le quartier de la Tuilerie (près du bourg, au sud) jusqu’en 1906 ; ils fabriquaient notamment des plats, des casseroles, des chauffe-pieds et des réchauds à charbon de bois, appelés « cagnards » ; il y avait également une tuilerie-briqueterie, qui a fonctionné jusqu’en 1956. Une huilerie produisant de l’huile de noix exista de 1864 à 1924 ; le rendement était de 2 à 3 litres d’huile pour 5 kg de cerneaux.
Jusqu’en 1976, le quartier Saint-Lazare de L’Île-Bouchard faisait partie de la commune de Crouzilles ; il y avait dans ce quartier, comme le nom l’indique, une léproserie, établissement religieux dont le bénéfice exista jusqu’au 17ème siècle.
À voir dans le bourg
L’église Notre-Dame a été construite au 12ème siècle et modifiée au 16ème ; de chaque côté du portail en plein cintre, on peut voir deux statues du 12ème siècle, actuellement très abîmée ; sur la gauche, il y avait une galerie ouverte, maintenant murée, qui servait de lieu de rencontre.
À l’intérieur, dans l’abside, quatre statues témoignent de l’art du 12ème siècle ; une cinquième statue, de la même époque, dans l’angle du transept de droite, est connue sous le nom de « beau Dieu de Crouzilles ». Les vitraux du chœur ont été posés au 19èmesiècle et réalisés par l’atelier Lobin. Près du chevet de l’église, un ancien puits à margelle a été transformé en bac à fleurs.
De l’ancien château, du 15ème siècle, il ne reste qu’une tour, avec un escalier à vis, pentagonale à la base et quadrangulaire au sommet. Il y eut là, pendant longtemps, la seule école (privée) de filles de la commune (voir Histoire).
À voir au nord
Le Puy-Bâcle :
Le premier seigneur connu de ce fief est Jean I Le Bascle (né vers 1330), arrière-petit-fils de Guillaume Le Bascle (mort après 1240), grand sénéchal de Guyenne, qui participa à la bataille de Crécy* et mourut en 1364 à la bataille de Cocherel*; la seigneurie resta jusqu’au 17ème siècle propriété de la famille Le Bascle, dans laquelle on trouve, vers 1458, Hugues Le Bascle (mort en 1501), arrière-petit-fils de Jean I, maître d’hôtel de Charles VII et François I Le Bascle, petit-fils de Hugues, maître d’hôtel de Charles VIII et gouverneur de L’Île-Bouchard.
Au 16ème siècle, Antoine II Le Bascle d’Argenteuil (mort en 1573), petit-fils de Hugues, prit le parti du protestantisme, en même temps que Claude de La Trémoille (voir L’Île-Bouchard), et le château fut l’un des huit châteaux de Touraine aux mains des réformés.
Selon certaines sources, le fief fut acheté, en 1557, par « noble homme Pierre Périllau, seigneur de Puy-Bascle, de Villiers, de la Cour d’Avon et du Ponceau » mais selon d’autres sources, ce n’est qu’en 1653 qu’il fut acquis par Samuel Périllau, marchand à Saumur et déjà sieur de Villiers (voir ci-après), fils d’un autre Pierre Périllau (mort en 1623), « ministre de l’église réformée » de L’Île-Bouchard.
Samuel Périllau eut dix enfants et l’un d’eux fut le pasteur Moïse Périllau, qui a laissé, en 1669, un graffiti dans le donjon et qui célébra le culte protestant dans ce château jusqu’en 1685, date de la Révocation de l’Édit de Nantes ; il fut alors contraint de quitter la France et devint pasteur à Leyde, en Hollande.
Les autres membres de la famille abjurèrent et gardèrent le château ; celui-ci, au moment de la Révolution, appartenait à René Charles Périllau, qui devint ensuite percepteur à Crouzilles.
Le donjon de ce château, qui remonte au 12ème siècle ; était en ruines au 14ème siècle et a été restauré au 15ème. Le château lui-même fut restauré dans les années 1970 par Daniel Périlleau (mort en 1975), qui l’avait acheté à l’un de ses cousins, membre de la famille Périllau ; il appartient actuellement à M. Sjoerd Gosses, ancien ambassadeur des Pays-Bas en Turquie, qui, avec son épouse, continue la restauration de ce lieu accueillant.
Villiers : non loin du Puy-Bâcle, se trouve Villiers, où il y avait sans doute un domaine gallo-romain (voir Histoire). Le fief est cité en 1500 comme appartenant à Jacques I Turpin de Crissé (voir Crissay-sur-Manse) et fut ensuite la propriété de la famille Périllau (voir le Puy-Bâcle) ; il y a maintenant une ferme avec des bâtiments et un pigeonnier carré du 17ème siècle.
La Touche-Voisin (nord-est) : ancien fief, cité en 1544 et relevant de Trogues ; le manoir, du 16ème siècle, a été agrandi au 19ème siècle.
La Roche-Guenet (nord-est) : ferme, avec une chapelle du 15ème siècle,
Le Moulin de Saussaye (nord-ouest) : à la sortie de Crouzilles et à la limite avec L’Île-Bouchard, cet ancien moulin du 11ème siècle, est cité sous la forme Calcassacum (Chauchesac) dans les chartes 9 (de 1036), 323 (de 1104), 328 (de 1105) et 623 (de 1184) du cartulaire de Noyers*. Aujourd’hui, camping à la ferme, chambres d’hôte et vente de viandes bio. Voir https://www.bienvenue-a-la-ferme.com/centre/indre-et-loire/crouzilles/ferme/le-moulin-de-saussaye/98442
Chézelle (nord-ouest) : du latin casella signifiant « petite cabane » ; fief cité en 1639 comme appartenant à Jean Sourdeau ; le manoir, du 15ème siècle, a une tourelle d’angle polygonale.
La Boussaye (nord-ouest) : il y avait là un château du 15ème siècle, dont il ne reste qu’un pavillon carré et un logis très remanié ; sur le mur sud du pavillon, on peut voir une bretèche (petit avant-corps plaqué en encorbellement sur un mur fortifié) et un blason bûché sur lequel 1613 est encore lisible ; il y avait aussi un moulin sur la Manse, qui a perdu sa roue mettant en action trois paires de meules.
Manne (nord-ouest) : ce hameau, dont le manoir s’appelle la Chamboderie, fut pendant longtemps un foyer du protestantisme et devint, après l’interdiction du culte réformé à L’Île-Bouchard en 1633, avec le Puy-Bâcle, un lieu de refuge pour les protestants.
Le premier seigneur connu est le protestant Guillaume Torterüe (né en 1546) (voir Sazilly), lieutenant à la maréchaussée de Chinon, cité en 1596, année où sa fille Françoise Torterüe (1583/1608) épousa le pasteur Jehan Fleury (mort en 1622) ; le fief passa ensuite à sa cousine germaine, Jeanne Torterüe et à son époux Jean Mereau, qui, en 1654, vendirent la seigneurie à leur coreligionnaire Jean d’Argy, arrière-petit-fils d’un autre Jean d’Argy (mort vers 1585), seigneur de Theneuil ; le culte fut célébré à Manne jusqu’en 1670.
Il y a là un lavoir, dit la Fontaine de Manne, et un pigeonnier carré.
À voir à l’ouest
Le Ponceau : ce manoir, édifié au 16ème siècle et entouré d’un mur d’enceinte, appartint à Pierre Périllau (voir le Puy-Bâcle) ; on peut remarquer le double portail monumental, avec, à gauche, des marques de crue, et un grand pigeonnier carré, muni de contreforts d’angle. Sur sa façade sud, on peut observer un cadran solaire portant la date de 1789. La marque de la crue de 1792 est à 2,06 mètres et celle du 30 octobre 1896 à 1,14 mètre.
Le Puits-Galant (écrit le Puy Galant sur la carte de Cassini*) ; il y avait là un moulin à vent (à droite de la route allant à L’Île-Bouchard) et une ancienne ferme (à gauche), dont le portail s’ouvre au sud face à la vallée de la Vienne ; le fief appartint entre 1764 et 1789 à René Pallu du Vignau puis en 1851 à Gabriel Jules Voisine de La Fresnaye, frère de Marie Madeleine Voisine de La Fresnaye (voir Courcoué et Cravant-les-Coteaux), mort à L’Île-Bouchard en 1854.
À voir au sud
Mougon (sud-est) : voir Histoire
Ancienne église Saint-Pierre : une première église fut fondée vers 460 par Saint Perpet*, sans doute à l’emplacement d’un temple gallo-romain ; les murs nord et est, en petit appareil, avec parements, datent de cette première église, qui fut ensuite remplacée par une église carolingienne, comme l’a montré la découverte de sarcophages de cette époque puis par une église romane, au 12ème siècle ; cette dernière église, dont il ne reste que des vestiges fut désaffectée vers 1890.
Voir : Charles Lelong (1917/2003), archéologue et historien : Observations relatives à l’ancienne église de Mougon, in RACF 14-3-4, 1975 (pages 269/284)
Mougon constituait un fief noble et il y avait forcément un château, qui subsiste sans doute dans l’ancien presbytère ; ce fief appartenait au 18ème siècle à Jean Charles Ours de Quinemont, (né vers 1745), fils de Jean Jacques Ours de Quinemont et de Marie Jeanne Odart (voir Histoire).
La chapelle funéraire de la famille de Quinemont, construite au 19ème siècle près de l’église, a des frontons triangulaires ornés de la croix de Malte.
Paviers (sud-est, à la limite avec Trogues)
Le fief de Paviers, dépendant de la paroisse de Mougon, apparaît pour la première fois dans les archives en 1140. Il appartenait en 1639 à François de La Chétardie, également seigneur de La Chaume à Crissay-sur-Manse.
Au 18ème siècle, il appartenait à Charles Odart (mort en 1720), qui était également seigneur de Mougon et sa fille : Marie Jeanne Odart, dame de Paviers et de Mougon épousa en 1736 Jean Jacques Ours de Quinemont (voir Histoire). Le château actuel, des 15ème et 16ème siècle a été restauré au 20ème siècle ; il a conservé ses douves et sa porte, protégée par une tour, avec un pont-levis. À l’ouest du château, il y a deux moulins à vent en ruines.