La Guerche
Le nom de cette commune, située sur la rive droite de la Creuse, au sud de Descartes, apparaît en 1077 dans une charte de l’abbaye de Preuilly (Preuilly-sur-Claise aujourd’hui), sous la forme « in castro wirchiae » (dans le château de La Guerche), toponyme venant du francique « werki », signifiant « fortifications ».
Histoire
À l’époque gallo-romaine, il y avait à l’emplacement du pont actuel un gué mettant en relation les deux voies suivant les rives de la Creuse et surveillé par un poste militaire, remplacé par un castrum au 11ème siècle.
Un premier pont en pierre en dos d’âne, comprenant 3 arches et une porte fortifiée, du côté du castrum, y fut construit en 1203. Il fut détruit en 1569 sur ordre de Charles IX (né en 1550, roi de 1560 à sa mort en 1574) pour empêcher les protestants du Poitou de venir en Touraine.
En effet, la Creuse servait de frontière entre le Poitou (sur la rive gauche), qui était « une province rédimé », où l’on ne payait plus d’impôt sur le sel, et la Touraine (sur la rive droite), qui était encore soumise à la gabelle ; cette situation entraîna de nombreux passages clandestins, du fait des faux-sauniers.
Le pont, reconstruit en 1628, fut de nouveau détruit par une crue en 1636. À partir de cette époque, la traversée de la rivière se fit au moyen d’un bac*, signalé en 1677 dans les registres de la paroisse.
En 1796, la commune échangea la rive gauche de son territoire, comprenant la Petite-Guerche (aujourd’hui à cheval entre les communes de Mairé et de Leugny) contre le hameau de Ville-Plate (villa plata ou « domaine rural* plat »), sur la rive droite, qui dépendait de Leugny (dans la Vienne) et où il y avait aussi un passage sur la Creuse.
En 1799, le passage, qui appartenait alors à Marc René Marie de Voyer de Paulmy d’Argenson (1771/1842), dit le marquis d’Argenson (voir Histoire du fief ci-après), également propriétaire du château des Ormes dans la Vienne, fut saisi par le département en exécution de la loi du 6 frimaire an VII (27 novembre 1799).
En 1887, un nouveau pont fut construit mais il fut détruit le 10 juin 1940 « sur ordre de l’État-Major pour arrêter les Allemands à La Guerche et permettre de déplacer l’or de la banque de France, entreposé à Poitiers, en toute sécurité », comme le dit un texte fixé sur une grosse pierre de ce pont déposée sur la Place de la Mairie.
Pendant l’occupation, le pont fut remplacé par une passerelle en bois, réservée aux piétons et posée d’abord sur les débris du pont détruit puis sur des piles en bois également ; il y avait aussi un bac* se déplaçant au moyen d’un treuil et d’un câble, installé à l’emplacement de l’ancien passage mais il fallait un laisser-passer des allemands pour pouvoir l’emprunter car La Guerche était en zone occupée et la rive gauche en zone libre.
Cependant les résistants utilisaient de nuit des bateaux pour permettre, notamment aux juifs persécutés, de franchir la ligne de démarcation ; il faut citer parmi eux, la famille Blanchet, reconnue par l’état d’Israël en 1991 « Justes parmi les Nations », qui, après la guerre, tint un restaurant dans la maison du 15ème ou 16ème siècle, située rue du Four Banal et dont fit partie le coureur cycliste André Blanchet (1918/1966) ainsi que sa sœur Georgette Blanchet (1922/2008).
C’est elle qui permit à Serge Kochman (1939/2004), futur doyen de la faculté de médecine de Reims, 1er adjoint au maire de Reims et vice-président du conseil général de la Marne, d’échapper à la déportation en 1942, en lui faisant traverser la Creuse sur ses genoux et en lui recommandant de bien se taire !
Histoire du fief
Le fief appartenait, au 11ème siècle, à la famille de La Guerche puis passa, au début du 12ème siècle à Pierre I de Preuilly (1115/1147), dit de Montrabel, également seigneur d’Yzeures-sur-Creuse, fils d’Eschivard I de Preuilly (1085/1147), lui-même fils de Geoffroy III de Preuilly (1042/1102), mort au cours de la 1ère croisade (voir Bossay-sur-Claise).
Ce Pierre I fut le père de Pierre II de Preuilly (1140/1204), dit de Montrabel et le frère de Josbert de Preuilly, dit de La Guerche (mort en 1205), qui hérita du fief après la mort de son neveu et qui fut le père de Guillaume de Preuilly, dit de La Guerche (1120/1208) ainsi que de Jeanne de Preuilly (1145/1212) ; cette famille pris le parti de Philippe Auguste contre Jean-sans-terre.
Jeanne de Preuilly épousa d’abord, en 1170, Hugues V de Châteaudun puis, en 1192, Robert II d’Alençon, qui fut le père de Jean III d’Alençon (mort en 1212). De son premier mari, elle avait eu Geoffroy III de Châteaudun (1170/1218), qui hérita du fief, qu’il vendit peu avant sa mort à Eschivard II de Preuilly, fils de Pierre II et donc petit-neveu de Josbert, qui fut le père de Geoffroy IV de Preuilly, cité en 1222, lui-même père d’Eschivard III de Preuilly (mort en 1265).
Après avoir eu de nombreux propriétaires, le fief appartint, au 15ème siècle, à Geoffroy de Châteaugiron, dit de Malestroit (mort en 1463) puis à son fils Jean de Châteaugiron, dit Malestroit (mort en 1482), également seigneur de Cinq-Mars-la-Pile) ; ce dernier le vendit, en 1448, à Nicole Chambes, alias Nichols Chambers, capitaine des gardes écossais de Charles VII ; lequel le revendit, en 1450, à André de Villequier (1419/1454), compagnon d’enfance de Charles VII, également seigneur de Montrésor.
Ce dernier accepta d’épouser, en 1450, Antoinette de Maignelais (1434/1475), dame d’honneur de Marie d’Anjou, et maîtresse (avant puis après sa cousine Agnès Sorel) de Charles VII, qui, dit-on, finança la construction du château (voir ci-après).
Cet André de Villequier fut le père d’Antoine de Villequier (1452/1495), dit de Saint-Sauveur et d’Artus de Villequier (1451/1522), lui-même père de Jean Baptiste de Villequier (1490/1547), qui épousa d’abord, en 1514, Jacqueline de Miolans (morte en 1518 et inhumé dans l’église), puis, en 1519, Anne de Rochechouart de Mortemart (1506/1575) ; le fief resta entre les mains de la famille de Villequier jusqu’à la fin du 16ème siècle, époque où Claude de Villequier (1520/1595), chambellan d’Henri II, arrière-petit-fils d’André, prit le parti de la Ligue avec son fils, Georges de Villequier (1543/1592), qui fut tué en 1592 alors que les partisans d’Henri IV s’emparèrent de La Guerche.
Le fief resta entre les mains de la famille de Villequier jusqu’à la fin du 16ème siècle, époque où Claude de Villequier (1520/1595), chambellan d’Henri II, arrière-petit-fils d’André, prit le parti de la Ligue avec son fils, Georges de Villequier (1543/1592), qui fut tué en 1592 alors que les partisans d’Henri IV s’emparèrent de La Guerche.
Le fief passa alors aux enfants du frère de Claude, René de Villequier (mort en 1590), favori d’Henri III : Claude de Villequier (mort en 1607, inhumé dans l’église de Gizeux) et Charlotte Catherine de Villequier (1562/1610), qui épousa en 1592 Jacques d’Aumont (mort en 1614). Ces derniers furent les parents d’Antoine d’Aumont (né en 1601), maréchal de France et César d’Aumont (1604/1661), gouverneur de Touraine.
César d’Aumont fut le père d’Anne d’Aumont, dite la Jeune, citée en 1680, qui épousa Gilles Fouquet (1637/1692) et de Charlotte d’Aumont (née en 1655), à qui Gilles Fouquet céda le fief en 1691, qu’elle vendit en 1709 à Georges Du Theil de Marigny, père de Jean André Du Theil de Marigny, lequel, à son tour, le céda à François Hélie de Voyer de Paulmy d’Argenson (1656/1728), archevêque de Bordeaux.
Ce dernier le donna en héritage à son neveu Marc Pierre de Voyer de Paulmy d’Argenson (1696/1765) (voir Maillé), qui fut le père de Marc René de Voyer de Paulmy d’Argenson (1722/1782), lui-même père de Marc René Marie de Voyer de Paulmy d’Argenson, dit le marquis d’Argenson (1771/1842), préfet d’Anvers de 1809 à 1813, député de 1815 à 1829 puis de 1830 à 1834, dernier seigneur de La Guerche et père de Charles Marc René de Voyer de Paulmy d’Argenson (1796/1862), conseiller général de la Vienne pendant la monarchie de Juillet et membre actif de la SAT ainsi que de Victorine de Voyer de Paulmy d’Argenson (1804/1880) (voir le château).
Pour une histoire très complète de La Guerche, voir le texte de Jean-Pierre Chaumain (mort en 2010) sur le site suivant : https://rousselle.fr/sites/default/files/inline-images/HistoiredelaGuerchemiseenforme2019vJJR.pdf
À voir
Le château (visité le 23 juillet 2024) :
Le château actuel fut construit à la fin du 15ème siècle par André et Artus de Villequier (voir histoire du fief). Pillé par les protestants en 1592, il fut en partie reconstruit par César d’Aumont, qui fit également reprendre la façade pour lui donner plus de symétrie. À l’époque des Voyer d’Argenson, il servit surtout de relais de chasse. Les toitures et le dernier étage furent démolis pendant la Révolution.
Victorine de Voyer de Paulmy d’Argenson hérita du château ; elle avait épousé André Rodolphe de Croy-Chanel, dit Raoul de Croy (1802/1879), historien local, écrivain, peintre et conseiller général. Ces derniers furent les parents de Pierre René de Croy-Chanel (1828/1906), ambassadeur au Danemark, lui-même père de l’historien Joseph de Croy-Chanel (1871/1958) et de l’officier d’artillerie Henri de Croy-Chanel (1865/1944), père de l’ambassadeur Étienne de Croy-Chanel (1905/1990) et du polytechnicien François de Croy-Chanel (1907/1995). À partir de 1826, cette famille entreprit la restauration du château, avec l’aide notamment de l’architecte blésois Henri Lafargue (1892/1962).
Le château est actuellement la propriété en indivision de 27 membres de la famille Crouy-Chanel (orthographe aujourd’hui adoptée).
Article de https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/PA00097772
Le château de la Guerche est construit sur la rive tourangelle de la Creuse, à un carrefour de voies de communication. Le castrum, attesté en 1095, dépendait de l'ancienne baronnie de Preuilly. Il en subsiste peu de traces. Le château des Villequier a dû être construit entre 1450 (châtelet d'entrée) et 1500 (aile nord). L'aile est, disparue, devait être à peu près contemporaine. Deux ailes subsistent de l'ensemble originel. Elles sont bâties en équerre autour d'une cour carrée d'environ 40 mètres de côté. L'aile sud (châtelet d'entrée et corps de logis d'Aumont) est tournée vers le débouché du pont sur le village. L'aile ouest (corps de logis Villequier, reposant sur deux niveaux superposés de casemates) fonde ses 30 mètres d'élévation dans le lit même de la rivière. Une troisième aile (portique ?) au nord donnait sur les jardins du château. Le quatrième côté était vraisemblablement fermé, par un mur ou par des communs. En partie détruit en 1794, le château fut restauré à partir de 1829 par Raoul de Croy [voir ci-dessus]. L'accès fut reporté au nord et les visiteurs y accédaient par un parc paysager planté vers 1830-1831. A partir de 1906, l'architecte Henri Lafargue fut chargé de la restauration intérieure et extérieure de l'aile d'Aumont.
Église Saint-Marcellin :
Article https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/PA00097773
Eglise composée d'une nef, d'un transept dont l'absidiole nord a fait place à une chapelle, et d'un chœur terminé par une abside semi circulaire. Le transept a sa croisée limitée par quatre arcades en plein cintre. Primitivement couverte d'une coupole sur trompes, elle est voûtée sur ogives et liernes. Le croisillon méridional a conservé son absidiole semi circulaire voûtée en cul de four. Le croisillon nord a été remanié au 16e siècle. A la place de son absidiole fut élevée une chapelle seigneuriale à chevet plat. Un clocher refait au 16e siècle domine le carré du transept. L'édifice a été restauré en 1886.
Article https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/IA37001229
1ère moitié 12e siècle : construction de l'église ; 4e quart 15e siècle : après l'effondrement de la voûte en berceau du bras de transept Nord, surélévation du pignon en moellons et re-voûtement avec une voûte d'ogives, re-voûtement du carré de transept avec renforcement des arcs doubleaux au Nord et à l'Est, puis reconstruction du dernier étage du clocher avec la tour d'escalier ; 1er quart 16e siècle : construction d'une chapelle à l'Est du bras Nord de transept et percement d'une arcade communiquant avec le chœur, pour Jean Baptiste de Villequier, vicomté de La Guerche, et Anne de Rochechouart (blason à la clef de voûte) [voir Histoire du fief] ; de 1876 à 1879 : remaniement de la nef avec la reconstruction du portail Sud, le percement de 6 baies et la construction de voûtes d'ogives en briques, par François Maurice, architecte à la Haye Descartes [Descartes] et Alexandre Millet, entrepreneur à Lésigny ; 1885 : restauration du chœur et des bras de transept avec remplacement de plusieurs chapiteaux, remaniement des baies et construction de 2 contreforts contre le pignon du bras de transept Nord.
À voir à l’intérieur :
Un chapiteau du 12ème représentant une sainte non identifiée apportant un récipient à un animal ; sortant de feuille d'acanthe ; lion engoulant.
Une statue en chêne du 16ème.
Un tableau de Raoul de Croy [voir le château] figurant Saint Thomas apôtre (?) nu, lié à un poteau les pieds cloués au sol, entouré d'un soldat brandissant un poignard, d'une femme éplorée, d'un soldat et d'hommes.
Quelques maisons des 15ème et 16ème s. (rue du Four) ainsi que deux tours-portes : la porte de la Chatière (au nord) et la porte d’Aydie (au sud) avec quelques tronçons de remparts témoignent du passé du village.
Près de la mairie, dans l’ancien cimetière, se trouve une chapelle du 19ème siècle, ressemblant à un temple antique et contenant un vitrait de Julien Fournier.
On peut aussi voir un lavoir (rue des Innocents), près du pont ainsi qu’une fontaine et son bassin, qui s’écoule dans la Creuse, rue de la Fontaine.
Le Grand Moulin, se trouve au sud-est du bourg, au niveau de La Bellevue ; c’était un moulin à farine, cité dès 1735 et agrandi au début du 19ème siècle, puis transformé en moulin fabriquant de la pâte à papier.