Pont-de-Ruan
Le nom de cette commune, située de part et d’autre de l’Indre, au sud-ouest de Tours, apparaît pour la première fois au 6ème siècle, chez Grégoire de Tours, sous la forme Rotamagus vicus, venant du gaulois Rotomagos signifiant « le Marché (magos) du Gué (rotos) », toponyme qui a aussi donné Rouen.
Histoire
Préhistoire et antiquité :
Selon le Dictionnaire des Communes de Touraine*, des bifaces et des racloirs du paléolithique inférieur ainsi qu’un vase protohistorique ont été découverts dans une sablière aux Aunays mais ce site se trouve sur la commune de Saché.
L’article intitulé Les sites mégalithiques d’Indre-et-Loire dans Wikipedia indique deux sites à Pont-de-Ruan : La Pierre-au-Trésor et les Tombes-du-Bois-des-Plantes mais sans indiquer leur géolocalisation.
La Pierre-au-Trésor est peut-être le menhir figurant sur la carte IGN, dans le centre de la commune, au bord de la Thilouze, à côté de Méré, qui apparaît en 860, dans le cartulaire de Cormery, sous la forme Mariacus villa ou « domaine de Marius ». Il existe en France quelques autres Pierres-au-Trésor, qui, selon la légende, se soulevaient le jour de Noël pour laisser apparaître le trésor dissimulé sous elles.
Quant aux Tombes-du-Bois-des-Plantes, il s’agit peut-être du dolmen du Bois des Plantes (à Artannes-sur-Indre), qui a été détruit vers 1820 ; on y a trouvé un squelette d’homme, quatre couteaux en silex et deux vases en terre noire.
Selon Grégoire de Tours*, une première église (voir ci-après) fut construite par Saint-Brice vers 444 en réutilisant les murs d’une maison gallo-romaine, abandonnée depuis la fin du 3ème siècle et située près d’une fontaine, peut-être, elle-aussi, antique (voir ci-après).
Trois voies gallo-romaines traversaient le territoire de la commune : les deux voies suivant les rives de l’Indre et la grande voie sud/nord reliant Bordeaux au Mans.
Cette dernière, après avoir été reprise par le Chemin-Ferré (commune de Thilouze) est continuée par la rue-de-La-Chataigneraie, qui arrive à La Croix-Billette, puis par la rue de la Croix Billette et par la rue de La Corne d’or (voir ci-après) ou la rue Saint-Brice ; après la traversée de l’Indre, par un gué situé un peu en aval du pont actuel, elle est reprise par la D 17, puis, après L’Alouette, par la D 8, qui se dirige vers Ballan-Miré.
À La Croix-Billette, toponyme qui indique un ancien octroi entre Pont-de-Ruan et Saché, la voie sud/nord croisait la voie suivant la rive gauche de l’Indre, qui, sur la commune, est reprise par le chemin Fontaine-du-Carrosse, puis par l’avenue-de-la-Vallée-du-Lys, puis par la D 17 et, après La Croix-Billette, par le chemin-des-Aunays, sur la commune de Saché.
À L’Alouette, la voie sud/nord croisait la voie suivant la rive droite de l’Indre, qui, après Artannes-sur-Indre, est reprise par la D 17, puis, après L’Alouette, par la D 84, qui passe près de l’ancien prieuré de Vonne (voir ci-après), peut-être un ancien domaine gallo-romain, puis au Château-Robin (voir ci-après), avant d’arriver sur la commune d’Azay-le-Rideau.
Histoire du fief : le premier seigneur connu de cette châtellenie, qui relevait du château de Sainte-Maure (aujourd’hui Sainte-Maure-de-Touraine) fut un certain Guillaume de Saché, également seigneur de Saché, cité en 1250.
Au 15ème siècle, ce fief fut la propriété de la famille Savary, alliée aux familles d’Aloigny et de Rouxelley.
Nicolas Savary, seigneur de Pont-de-Ruan et de Saché en 1457, fut le grand-père de François Savary, cité en 1525, lequel fut le père de :
- René Savary, cité en 1536.
- Jeanne Savary, qui épousa en 1540, Louis d’Aloigny (mort vers 1570), fils de René, cité en 1504, seigneur du Grand-Pouillé à Tournon-Saint-Pierre.
- Renée Savary, qui fut l’épouse, en 1550, de René de Rouxelley.
Louis d’Aloigny et Jeanne Savary furent les parents de François d’Aloigny (mort en 1620) (voir Cheillé) qui épousa d’abord, en 1570, Françoise Du Plessis, cousine du cardinal, puis, en 1600, Marie Anne de Marconnay et qui fut le père, avec Françoise Du Plessis, de Jacques d’Aloigny (1580/1624), lequel se maria, en 1600 (et sans doute en même temps que son père) avec Isabeau de Marconnay, sœur de Marie Anne et fut le père de Charles Martin d’Aloigny, époux en 1638 de Françoise d’Aviau de Piolant, fille de Louis (voir Pouzay).
René de Rouxelley et Renée Savary furent les grands-parents d’un autre René de Rouxelley, qui épousa en 1589 Marguerite de Montmorency-Bouteville et qui fut le père de la bienheureuse Marguerite de Rouxelley (1608/1628), inhumée dans l’église de Saché.
Jacques Marie de Villiers (1724/1794), dit Villiers de L’Isle-Adam, propriétaire en 1747 vendit le fief, en 1761, à Pierre René Péan de Livaudière, commissaire de marine, mort à Saint-Domingue en 1767. Ce dernier avait épousé Françoise Élisabeth Briochet, dame de Villaines-les-Rochers, veuve de l’officier de marine Jean Timothée de Blois et mère d’Aimée Joseph de Blois, laquelle épousa en 1771 François Olivier d’Hémery, cité comme seigneur de Pont-de-Ruan.
Ce dernier vendit la propriété, en 1779, à Marie Gilles Chaussegros de Léry, née à Québec en 1732 et veuve de Jean Marie Landrière des Bordes (1712/1778) (voir Méré à Artannes-sur-Indre).
Le dernier seigneur de Pont-de-Ruan et de Saché fut Jean Buttet, cité en 1789.
Histoire contemporaine :
Il y a aujourd’hui quatre moulins sur les deux rives de l’Indre mais il n’y en avait que trois du temps de Balzac, qui écrit à leur sujet : « Figurez-vous trois moulins posés parmi les îles gracieusement découpées, couronnées de quelques bouquets d’arbres, au milieu d’une prairie d’eau. Çà et là s’élèvent des masses de gravier sur lesquelles l’eau se brise en formant des franges où reluit le soleil. »
Les deux moulins, que l’on voit à l’est du pont sur la rive gauche de l’Indre, se trouvent en fait sur la commune d’Artannes-sur-Indre ; c’était, au 13ème siècle, des moulins foulons, c’est-à-dire des moulins servant à battre (ou fouler) la laine pour l’assouplir et la dégraisser ; ils serviront pour le blé à partir de 1370 ; les roues aujourd’hui détruites se trouvaient entre les deux moulins. Les bâtiments actuels, du 16ème siècle, sont désaffectés et servent de lieux d’exposition. Ils sont souvent appelés « les moulins de Balzac » car ce dernier les évoque dans Le Lys dans la vallée.
Deux autres moulins se trouvent sur la rive droite de l’Indre : le petit moulin, à meules, aujourd’hui Moulin Lambert, est cité dès le 13ème siècle sous le nom de Molendina de Roenno ; le grand moulin, est dit Moulin Gillet, du nom de son constructeur Jean Gillet, qui obtint en 1910 une concession lui permettant de produire de l’électricité pour les bourgeois de Pont-de-Ruan et d’Artannes. Ce moulin, qui peut être visité, produisit de la farine jusqu’en 1959, de l’électricité de 1910 à 1930 et des pains de glace de 1930 à 1972.
À voir dans le bourg
À l’entrée du pont sur l’Indre, l’oratoire Sainte-Apolline, en pierres de tuffeau et en briques a pris la place, selon la tradition, d’un autel consacré à une divinité romaine (Apollon/Apolline ?) à qui on offrait une pièce de monnaie avant de prendre le gué pour traverser la rivière. Il a été reconstruit en 1825 ; la porte s’ouvre sur un autel sur lequel se trouve la statue de la sainte.
Selon Denys (mort en 265), évêque d’Alexandrie, en Égypte, sainte Apolline (morte en 249) se jeta dans les flammes d’un bûcher pour échapper à ses persécuteurs, qui lui avaient brisé la mâchoire et arracher les dents, ce qui explique qu’elle est la patronne des dentistes. Elle est généralement représentée, comme pour la statue de l’oratoire et un vitrail de l’église (voir ci-après) tenant un rameau dans la main gauche et une tenaille dans la main droite.
Église de la Sainte-Trinité (20 rue Saint-Brice) :
Article https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glise_de_la_Sainte-Trinit%C3%A9_de_Pont-de-Ruan
« Grégoire de Tours* rapporte que l'évêque de Tours Brice [Saint-Brice*, mort en 444, 4ème évêque de Tours de 397 à 442] fait construire une église à Pont-de-Ruan en réutilisant les murs d'une maison gallo-romaine abandonnée depuis plus d'un siècle.
L'édifice, peut-être dévasté lors des raids vikings sur la Loire au ixe siècle, est reconstruit à partir du début du xie siècle mais le portail principal et diverses modifications apportées aux baies de la nef appartiennent au xiie siècle tandis le chœur date du xiiie siècle. Un clocher-peigne [dit aussi clocher-mur ou clocher-pignon] est ajouté à l'extrémité orientale de la nef à l'époque moderne.
Un cimetière, sur le parvis de l'église, est utilisé du xiie au xixe siècle. D'autres sépultures sont présentes à l'intérieur de l'édifice, mais elles ne couvrent que la période du xive au xviiie siècle.
Dans son roman Le Lys dans la vallée, Balzac évoque l'église de Pont-de-Ruan en ces termes : « Voilà le village du Pont-de-Ruan, joli village surmonté d’une vieille église pleine de caractère, une église du temps des croisades, et comme les peintres en cherchent pour leurs tableaux. »
On peut voir à l’intérieur deux vitraux polychromes, de Jean Prosper Florence, représentant Saint Eutrope (évêque de Saintes au 3ème siècle, venu d’Alexandrie, selon Grégoire de Tours* pour échapper aux persécutions) et Sainte Apolline (voir l’oratoire ci-dessus) ainsi qu’une statue de la Vierge à l’enfant.
À l’extérieur, le portail principal et le portail ouest (entrée), sont surmontés par des modillons sculptés, restaurés récemment.
Au début du 20ème siècle, le curé fut l’abbé et magnétiseur Julien Ernest Houssay (1844/1912), dit l’abbé Julio, qui quitta l’église catholique pour devenir évêque et chef de l’église catholique libre de France
Derrière l’église, un manoir du 15ème siècle, a servi de presbytère puis d’école ; le linteau de sa porte d’entrée repose sur deux visages sculptés ; sa tourelle d’escalier polygonale est en briques et pierres.
En dessous de l’église, dans l’impasse de la Trinité, qui donne sur la rue des Vallées, se trouvent :
Oratoire et Fontaine de la Sainte-Trinité :
Oratoire hexagonal avec deux fenêtres en accolade, datant du 16ème siècle, où, jusqu’au début du 20ème siècle, trois pèlerinages (le dimanche de la Trinité et les deux dimanches suivants), instaurés par l’abbé Joseph Dechézelles, curé de 1875 à 1878, faisaient halte, avant d’aller jusqu’à la fontaine, dans laquelle les pèlerins jetaient une pièce dans la Fontaine de la Trinité (voir ci-après). Lors de la restauration de 1930, la porte a été supprimée
Cette fontaine, dite miraculeuse et considérée, sans preuve, comme une antique source christianisée, était renommée pour guérir les rhumatismes.
Lavoir sur la Thilouze, au fond de l’impasse, a été construit en 1907 aux frais du conseiller municipal M. Ragot ; il a conservé sa porte d’entrée, entourée de briques et sa cheminée.
Au sud du bourg, à l’angle des rues de la Corne d’or et de Belle Croix, une maison du 16ème, dite auberge de la Corne d’or, a accueilli les pèlerins de Saint-Jacques au 17ème siècle. Cette maison avait un grand porche donnant accès à la cour et aux communs ainsi que deux fenêtres à croisée de pierre ; mais elle a été entièrement rénovée et le lierre qui couvre la façade la rend difficilement visible.
À voir au nord-ouest (sur la rive droite de l’Indre)
Le château Robin (non loin de l’Indre) où l’on ne peut pas se rendre en voiture :
Ce fief est cité au 15ème siècle sous le nom de La Motte aux Caves Forts ; il y a dans ce lieu de vastes cavernes ayant servi de refuge, surmontées par une motte féodale, entourée de fossés.
Vonnes :
Le premier seigneur connu de ce fief, cité en 893, sous la forme Villa Votno, venant de Votanum ou « propriété du gaulois Votos », fut Guntel de Vonnes.
Il y eut là, selon pop-culture (voir ci-après) un ancien prieuré, appelé Vonne.
Après avoir appartenu aux familles de Rillé (13ème/14ème) et de Le Berruyer (15ème/16ème), le manoir fut la propriété, en 1612, d’Horace Des Jardins, maire de Tours en 1603/04, également seigneur de Méré à Artannes-sur-Indre, ancêtre de Jacques Des Jardins, cité en 1666 et père de Renée Des Jardins, citée en 1732, qui, cette année-là, vendit le fief aux enfants de Charles Gabriel de Chérité, cité en 1727 comme seigneur de la Haute Chevrière et de Valesnes à Saché.
Françoise Henriette de Chérité, fille de Charles Gabriel, et son frère Jean Charles de Chérité (mort en 1771), chanoine d’Angers, cédèrent Vonnes en 1767, tout en gardant la jouissance, à Pierre François Jacques Le Breton (1732/1801), trésorier de France à Chinon en 1791, seigneur de Nueil à Cravant-les-Coteaux et de Profond Fossé à Trogues.
Son fils, François Joseph Le Breton de Vonnes (1761/1812) sera maire de Saché de 1801 à sa mort et le petit-fils de ce dernier, Hippolyte (1814/1871), quant à lui, sera aussi maire de Saché de 1856 à sa mort.
Article https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/PA00097920
« Balzac le décrit sous le nom de Clochegourde dans Le Lys dans la Vallée [en tant que résidence de Mme de Mortsauf]. Intéressant exemple d'architecture du début du 17e siècle, construit vers 1615 par Horace Desjardins [ou Horace Des Jardins, voir ci-dessus)], maire de Tours, l'édifice se compose d'un corps de bâtiment flanqué de deux ailes peu saillantes sur chacune des faces principales, le tout ne comportant qu'un rez-de-chaussée. Au-dessus d'une corniche rectangulaire s'élèvent, en avant d'un haut comble, d'importantes lucarnes, celles du côté nord accolées de consoles à larges feuilles d'acanthe, et couronnées d'un fronton coupé encadrant un fleuron. »
Voir aussi André Montoux* : Deux lieux balzaciens : Vonnes à Pont-de-Ruan et la Haute Chevrière à Saché, in BSAT 41. 1986, pages 461 à 478 et Vonnes, in Vieux Logis de Touraine, tome 2, pages 145 à 147.
À l’intérieur, 5 pièces sont chauffées par des cheminées monumentales ; celle du salon présente sur sa hotte des attributs militaires.
Gite dans les communs : voir https://www.gites.fr/gites_gite-de-vonnes_pont-de-ruan_h5195013.htm
Les Aubuis :
Ce fief, appelé aussi L’Enfer et dépendant du prieuré du Relay (voir ci-dessous), appartenait, en 1651, à Louis Le Picard, dit de Phélippeaux., dont le fils, François Le Picard de Philippeaux vendit la propriété en 1667.
Manoir du 17ème siècle ; une chapelle est signalée en 1865.
Gite dans les dépendances du manoir ; voir https://www.airbnb.fr/rooms/52755334?source_impression_id=p3_1681562569_wNa%2FyNmbW9WQ%2Fkgo
Prieuré du Relay :
Article https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/PA00097918
« Prieuré fondé vers 1100, qui dépendait de l'abbaye de Fontevrault, et dont les bâtiments existent encore en partie, transformés en habitations ou granges. L'accès se fait par un portail du début du 17e siècle qui se compose d'une arcade en plein cintre encadrée de pilastres doriques à bossages arrondis exagérément saillants, supportant un entablement à fronton circulaire coupé, encadrant un grand cartouche accompagné de palmes. A l'ouest du cloître, un long bâtiment construit au 16e siècle comprenait les cellules et se continuait au nord jusqu'à un bâtiment affecté aux cuisines. La partie nord de cette aile a disparu. De l'aile sud ne subsiste que la partie occidentale. Fuye cylindrique du 16e siècle. »
Ce prieuré de femmes fut fondé entre 1106 et 1108 par Robert d’Arbrissel (voir Abilly et Bourgueil) ; il fut fermé en 1758 et vendu comme bien national en 1791 à Vincent Marquis, qui en était le fermier.
L’église prieurale, du 12ème siècle, fut transformée en grange au milieu du 18ème siècle ; une partie est redevenu une chapelle, dans laquelle se trouve une inscription rappelant le décès d’Agathe de Saché en 1202 (voir Histoire du fief). Du cloitre qui était au sud de l’église, subsiste le bâtiment ouest, dans lequel étaient les dortoirs.
Il reste également les cuisines, au nord du site, ainsi que le pigeonnier cylindrique du 16ème siècle, avec plus de 2 000 boulins*, disposés en travées de 5 rangées, séparées par des cordons en saillie.
Le portail d’entrée, du 16ème ou du 17ème, se caractérise par un fronton courbe, dont le tympan porte des armoiries, qui ont été bûchées.
Voir aussi le site http://prieure-de-relay.wifeo.com/ ainsi que André Montoux* Le prieuré du Relay, in Vieux logis de Touraine, tome 1, page 145/148.
Deux gites ont été aménagés dans le bâtiment du cloître : voir https://www.prieurederelay.com/