Reignac-sur-Indre
Cette commune est située au sud-est de Tours, sur les deux rives de l’Indre, mais le bourg et le château sont sur la rive droite ; son nom apparaît pour la première fois au 6ème siècle, chez Grégoire de Tours*, sous la forme Brixis, signifiant sans doute « (je vais) aux Vallées » et venant du latin bracus = boue, marais, vallée ; cependant, selon d’autres étymologistes, ce toponyme pourrait venir d’un mot gaulois signifiant « forêt humide ». On trouve ensuite Brisco en 1156, Brays au 13ème siècle, Fau au 15ème, Reignac au 18ème et finalement Reignac-sur-Indre en 1920.
Histoire
Préhistoire et antiquité :
Deux sites néolithiques ont été découverts sur cette commune :
À la Haute Prairie, au sud-est du bourg, sur la rive gauche de l’Indre, les archéologues de l’INRAP ont découvert au début de ce siècle, dans une soixantaine de fosses, du mobilier néolithique, notamment des céramiques caractéristiques de la « culture du Chambon » (début du 4ème millénaire avant notre ère), ainsi que des outils en silex turonien datant du néolithique final.
Au Grand Rochette, au sud-ouest du bourg, sur la rive gauche également, entre la voie ferrée et la D 953, près de la gare, le SADIL, lors de fouilles préventives, a mis à jour une enceinte néolithique avec deux accès couvrant une superficie de 2 hectares ainsi que de nombreux indices d’une occupation du site au néolithique moyen et final. Ce site fut réoccupé à l’âge du bronze puis à l’époque gallo-romaine.
Selon le site de la commune, la tradition populaire situe un village néolithique à l’est du bourg, au lieu-dit Les Roches Lunettes, au bord de l’étang de Ville-Pays (voir ci-après). En tout cas « les innombrables éclats jonchant le sol, retrouvés lors des fouilles, montrent qu’il y avait là un important atelier de taille qui aurait duré longtemps. »
Du néolithique également date le dolmen de La Guignardière, situé à l’ouest du bourg, près de l’extrémité sud-ouest du parc du château et du ruisseau de La Guignardière. La table, de 4 m. sur 3, repose sur un pilier écroulé et sur un bloc de 1,80 m. de large sur 1 m. de haut, qui constituait le fond du dolmen ; 3 autres blocs, qui étaient aussi des supports, se trouvent à proximité ; il s’agissait donc d’un dolmen rectangulaire, composé d’une table posée sur 4 supports et un fond.
Le toponyme La Haute-Borne, au sud-ouest du bourg, indique peut-être l’existence d’un mégalithe néolithique disparu.
Selon Wikipedia, une pointe d’épée recueillie lors du creusement des fondations du pont ainsi que les traces de plusieurs enclos, situés sur le plateau et révélés par l’archéologie aérienne, montrent une occupation du site à l’âge du bronze.
Les vestiges gallo-romains sont particulièrement nombreux :
Des domaines agricoles (villae*) existaient probablement à Batilly (sud du bourg), venant de Betuliacus ou « domaine de Betulius », à Mazère (au nord-ouest), venant de Maceriae, signifiant « murs en ruines », où Jacques Dubois* a vu des traces de chemins et de fossés, à Trion (sud-ouest), venant de Trionem ou « propriété de Treus » et à Ville-Pays (voir ci-après), venant de Villa Pagani : « domaine du paysan ou du païen », où l’on a trouvé en 1864 un vase contenant 8 pièces d’or romaines.
Des travaux effectués au 19ème siècle dans les jardins du château ont mis à jour une tombe gallo-romaine, des vases cinéraires, des fioles à parfum ainsi que des vestiges de constructions.
Lors de la réfection, en 1860, du premier pont, il fut découvert un vase gallo-romain contenant des pièces de monnaie, dont une de l’empereur Hadrien (empereur de 117 à 138), des clefs et des hipposandales (ancêtres des fers-à-cheval), qui sont maintenant dans les collections de la SAT, ainsi, peut-être, que des vestiges d’un pont antique (voir ci-après).
Enfin, le Dictionnaire des Communes de Touraine* indique, sans donner de précisions, ni sur les lieux, ni sur les dates, que l’on a trouvé dans la commune un bloc de 11 kg de monnaies romaines agglomérées, une épée à la poignée ornée de deux serpents enroulés et une pièce de monnaie en bronze à l’effigie de Lucilla Augusta, fille de Marc Aurèle (empereur de 161 à 180).
Trois voies gallo-romaines traversaient le territoire de la commune actuelle.
D’est vers l’ouest, deux voies suivaient les rives de l’Indre : celle de la rive droite est bien marqué dans le paysage, sous le nom de rue-du-Mail, qui, après le château, se continue par un chemin passant à côté du dolmen de La Guignardière. Celle de la rive gauche est, soit continuée par la D 17, venant d’Azay-sur-Indre et se dirigeant vers Cormery, soit par la D 943, beaucoup plus rectiligne, qui passe précisément au Grand Rochette (voir ci-dessus).
Ces deux voies étaient croisées par une voie sud-nord, plus importante, qui allait de Poitiers à Amboise et qui deviendra plus tard la route habituelle pour aller de Paris en Espagne. Cette voie est aujourd’hui reprise par la D 58, venant de Manthelan ; elle croise la D 943 au Grand Rochette puis franchit l’Indre, sans doute au moyen d’un gué, situé en aval du pont actuel ; mais selon certains archéologues (voir Julien Courtois in AAT et Michel Provost in Carte archéologique de la Gaule, 37 l’Indre-et-Loire, 1988) il y aurait eu dès l’antiquité un pont de pierre avec un tablier en bois.
Une fois l’Indre franchie, la voie remontait sur la rive droite, passant par les lieudits Le Bray et Les Brays, qui maintiennent le souvenir de l’ancienne appellation de Reignac (Bray), puis par La Croix-Rouge, qui selon Pierre Audin* (voir BSAT 58, 2012) serait une déformation de « carrouge », venant du latin quadrivium, signifiant « croisement de quatre voies », avant de se diriger vers Bléré.
Histoire ancienne :
Au moyen-âge, l’ancienne voie gallo-romaine allant de Poitiers à Amboise (voir ci-dessus) devint un des principaux chemins de Compostelle sous le nom de Via Turonnensis et contribua au développement de la paroisse, où une première église aurait été fondée par l’évêque de Tours, Eustoche, dès le 5ème siècle, selon Grégoire de Tours* (voir ci-après). Voir ci-après.
Histoire du fief :
Le premier seigneur connu de Reignac, qui s’appelait alors Bray, est Raoul de Bray, cité en 1090. Ce fief relevait de la seigneurie de Loches et donc de Foulques Nerra*, qui aurait fait construire un château, complètement disparu, sur le côteau et qui donna à l’abbaye de Beaulieu-lès-Loches, qu’il avait fondé, les fiefs de Trion et de Ville Pays (voir ci-dessus), qui relevaient eux-aussi de Loches.
La famille de Bray resta en possession du fief jusqu’au 15ème siècle, époque où la seigneurie passa aux mains de la famille Du Fau, dont le membre le plus connu est Jean II Du Fau (1435/1484), maître d’hôtel de Louis XI, qui épousa en 1472 Jeanne de Bourbon (née en 1445), fille naturelle (légitimée en 1492) de Charles 1er, duc de Bourbon (1401/1456).
Au 17ème siècle, deux personnalités connues furent seigneur Du Fau : il s’agit de Pierre Forget de Fresnes (1544/1610), seigneur de Véretz, secrétaire d’état du roi Henri IV et l’un des rédacteurs de l’Édit de Nantes, qui fut signé en 1598 à Véretz, époux d’Anne de Beauvilliers (1566/1636), sœur d’Honorat de Beauvilliers (1579/1622), ainsi que de François Honorat de Beauvilliers (1607/1687), fils d’Honorat, duc de Saint-Aignan, pair de France et membre de l’Académie française.
En 1700 Jean Louis Barberin (mort en 1719) achète la seigneurie, il est fait marquis de Reignac en 1710 et donne le nom de Reignac à cette paroisse. Sa fille Julie Céleste (1696/1754) épousa Charles Yves Thibault de La Rivière (mort en 1781) et leur fille Julie Louise Céleste (1721/1753) épousa Joseph Yves de La Rivière (mort en 1770). Leur fille Marie Louise Julie (1737/1770) épousa Michel Louis Gilbert du Motier de La Fayette (1733/1759) et leur fils Marie Joseph Gilbert du Motier de La Fayette (1757/1834), le célèbre Marquis de La Fayette, fut le dernier seigneur de Reignac.
Histoire moderne et contemporaine :
La Via Turonnensis (voir ci-dessus) fut la route de Paris à l’Espagne jusqu’en 1774.
Entre octobre 1782 et juin 1783, une grave épidémie de pneumonie, toucha le sud-ouest de la Touraine. Reignac fut l'une des paroisses les plus sévèrement atteintes puisque 50 habitants moururent, soit 8,6 % de la population.
Un bac* sur l’Indre, situé sur la rive gauche en aval du pont actuel, près de la rue du Gué, mettait en relation les communes comme Manthelan, se trouvant sur la rive gauche de l’Indre avec le bourg et celles, comme Bléré, qui étaient sur la rive gauche du Cher.
À la fin de l’ancien régime, il appartenait au marquis de La Fayette (voir ci-dessus) et fut saisi après la Révolution ; son existence est confirmée le 6 thermidor an X (25 juillet 1802) par le préfet d’Indre-et-Loire, le général René Jean de Pommereul (1745/1823), préfet de 1800 à 1805.
On peut encore voir, près de la rue du Gué, le chemin conduisant au bac* ainsi que deux petits bâtiments, dont l’un était peut-être la cabane du passeur.
L’arrivée de la famille Müller (voir le château) en 1861 entraîna le développement de la commune avec la création d’une bibliothèque et d’un lavoir public, (voir ci-après), l’installation d’un corps de sapeurs-pompiers, la fondation d’une école privée pour filles et la construction de la gare.
L'arrivée du chemin de fer à Reignac en 1879, en provenance de Tours et à destination de Châteauroux permit l’installation, autour de la gare, d’entreprises embranchées sur la ligne ferroviaire, dont la zone industrielle contemporaine est l'héritière directe.
Edouard Müller sera aussi l’initiateur, dans sa ferme modèle, aujourd’hui disparue, de la production d’un cognac et d’un « champagne » Château Reignac Grand Mousseux.
C’est à cette époque aussi en 1908 que sera créée la laiterie coopérative qui assurera la valorisation des produits laitiers de la région jusqu’en 2006.
La Seconde guerre mondiale bouleversa la vie de Reignac et de ses habitants. Entre le 22 juin 1940 et le 28 février 1943, la ligne de démarcation passait sur le territoire communal, au lieu-dit du Café-Brûlé, à l'ouest du carrefour entre la D58 et la D943. Le bourg de Reignac était en zone libre mais la gare en zone occupée ; un aménagement du tracé de la ligne en 1941 replaça la gare en zone libre, ce qui simplifia les liaisons routières avec le bourg, mais aussi ferroviaires avec Loches, commune elle aussi en zone libre.
Le poste du Café-Brûlé était le premier point de franchissement officiel de la ligne au sud de Bléré mais de nombreux passages clandestins auront lieu sur le territoire de Reignac : en mai 1942, le garde champêtre de Reignac, arrêté et déporté peu après, fit passer la ligne à un homme qui, venant de Loches, souhaitait rejoindre Paris ; plusieurs témoins déclareront qu’il s’agissait de Jean Moulin (1899/1943). Le curé de Reignac (église en zone libre), également desservant de Courçay (zone occupée), profitait de ses fréquents voyages pour transporter clandestinement du courrier.
À voir dans le bourg
Église Saint-Étienne :
Article https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glise_Saint-%C3%89tienne_de_Reignac-sur-Indre
« La première église construite à Reignac date de la fondation de la paroisse, selon Grégoire de Tours* qui en situe la date sous l'épiscopat d'Eustoche. Il ne reste rien de cet édifice, probablement construit au même emplacement que l'église actuelle, sur la rive droite de l'Indre. L'église carolingienne qui lui a succédé, dédiée à Saint-Étienne, date de la fin du IXème siècle. Son clocher fut repris au siècle suivant. L'église a été remaniée à plusieurs reprises ; au XIXème, une dernière modification consista à masquer le chevet par des murs modernes et à percer une porte dans la paroi est du chevet, qui devint l'entrée principale de l'église, désormais ouverte à l'est.
L'élément le plus intéressant de l'église est son clocher en batière [Un clocher en bâtière est un clocher « en forme de bât », c'est-à-dire dont le toit est à deux versants opposés, les deux autres côtés du bâtiment formant pignons]. De plan carré, construit au IXème, remanié probablement au Xème dans sa partie supérieure, il est bâti en moyen appareil typique de l’architecture carolingienne, mais présente à ses quatre arêtes des chaînages de pierres plates. On remarque, sur sa face est, au-dessus de la porte moderne de l'église, deux arcs de décharge, l'un en pierres plates et l'autre en tuiles, probablement destinés à répartir la charge du clocher au-dessus d'un chœur aujourd'hui disparu. La partie supérieure du clocher, faisant office de beffroi, est percée sur chacune de ses faces de deux baies en plein cintre.
Le collatéral nord fut aménagé par la famille Du Fau [voir Histoire du fief] ; le mur de ce collatéral est marqué aux armes de la famille « de gueules à trois fasces d'argent ».
La nef, moderne, est percée, côté sud, de deux hautes baies en plein cintre encadrant un portail lui-même surmonté d'un oculus. L'une des fenêtres de la paroi nord de la nef est ornée d'un vitrail de 1887 qui représente le martyre de Saint-Étienne, patron de la paroisse. Ce vitrail est signé Armand Clément (1840-1894), maître verrier tourangeau*. L'extrémité ouest de la nef ne comporte pas d'ouverture et fait office de chœur. »
Château :
L’ancienne forteresse médiévale entourée de douves, avec 4 tours, fut d’abord modifiée par la famille Du Fau, qui remplaça ses 4 tours par deux grosses tours cylindriques, sur le côté ouest du château. Au 18ème siècle Louis Barberin fit combler les douves et aménager un vaste parc à la française ; il fit aussi édifier une chapelle, dans laquelle il sera inhumé.
Dans la seconde moitié du 19ème siècle, la famille Müller, qui l’acheta en 1861, procèda à un habillage néogothique de la propriété. Édouard Müller (1843/1917), banquier parisien, maire de Reignac de 1873 à 1913, député de 1890 à 1893, fut mis en faillite en 1911, ses biens furent saisis, et le château devint alors la propriété de la famille de Vibraye-Cheverny, qui le conserva jusqu'en 1978.
La prison, du temps des seigneurs de Bray, était située près du château, le palais de justice étant, pensent certains auteurs, le grand bâtiment qui sert de bûcher au château. En 1808, un arrêté du Préfet d’Indre-et-Loire stipule que chaque commune doit employer un ou plusieurs gardes-champêtres choisis autant que possible parmi d’anciens militaires et se doter d’une prison. Celui de Reignac a le droit d’infliger une amende de 5 francs* aux délinquants, qui risquent la prison en cas de récidive. Le bâtiment tombé en désuétude fut alors aménagé en toilettes publiques.
Dans la cour de l’école (4, allée du stade) se trouve un platane remarquable, planté en 1805, qui a donné son nom à cette école ; il mesure près de 20 m. de haut et sa circonférence, à 1 m. du sol, est de 4,90 m.
Le lavoir (près du stade, à l’ouest du bourg) est le seul lavoir du Lochois doté d’un étage où le linge pouvait sécher séchoir. On pense que cette installation date de l’époque de la famille Müller, propriétaire du château de 1861 à 1913. Une restauration récente lui a redonné son aspect extérieur d’origine. Malheureusement, il n’est pas accessible.
À voir à l’est
Il existe dans le bois de Reignac, non loin de la Piquetterie, un chêne, avec une grosse pierre à son pied, qui aurait plus de 1 000 ans, dit le Chêne du Congrès, et qui aurait été le rendez-vous des habitants au moyen-âge puis des paroissiens pendant la Révolution.
À voir au sud
Le Grand Moulin (rive droite de l’Indre, en amont du pont) :
Ce moulin, cité en 1255 sous le nom de Molendinus d’Estivart, a cessé de moudre du grain en 1898 pour être transformé en une petite centrale hydroélectrique à l'usage exclusif du château, aux propriétaires duquel il appartenait ; ce n'est qu'en 1911 qu'il alimentera cinq lampes de l'éclairage public de la ville, après la faillite et le saisie des biens de son propriétaire. Aujourd'hui reconverti en gîte rural, sa roue à aubes en bois, bien que non fonctionnelle, est toujours en place. Voir https://www.chateau-domaineslafayette.com/fr/article/reignac-15.html
Le Moulin de la Fosse (rive gauche, sur le ruisseau de La Rochette) :
Ce moulin est cité en 1470 sous le nom de Molendinus de la Fousse et dépendant de l’abbaye Saint-Julien de Tours ; la roue à augets a été restaurée ; une partie des mécanismes et la meule sont toujours en place.
Bas Ville-Pays (sud-est) : il faut distinguer Bas Ville Pays, sur la commune de Reignac et Haut Ville Pays, à cheval sur les communes de Reignac et d’Azay-sur-Indre.
Ce fief (voir préhistoire et antiquité) est cité au 11ème siècle sous la forme Domus de Villa Pagani.
Le manoir, édifié au 16ème siècle et restauré au 20ème, avec sa tourelle quadrangulaire, appartenait en 1831 au colonel Claude Antoine Charpentier.