Rigny-Ussé
Le nom de cette commune, située sur la rive gauche de l’Indre, au nord de Chinon, résulte de la fusion, en 1860, des communes de Rigny et d’Ussé. Le nom de Rigny apparaît au 12ème siècle, dans le cartulaire de l’abbaye de Cormery sous la forme Renniacus, venant de Reginiacus ou « domaine agricole du gaulois Reginius » ; celui d’Ussé apparaît pour la première fois au 6ème siècle, sous la forme Ucerum, signifiant, soit « domaine du germain Hucho , soit « domaine d’Uccius ».
Histoire
Préhistoire et antiquité :
Dans le parc du château, à l’ouest, se trouvent une vingtaine de petits tumuli, assez mystérieux ; pour Henri Roullet de La Bouillerie (1885/1953) dans Les enceintes de Messemé (Vienne) in BSPF 46,3-4, 1949, ils auraient été inclus dans une enceinte néolithique et l’un d’eux, fouillé avec l’aide d’Ernest Montrot* (1895/1987), contenait des micro-dolmens (pierres debout de 25 cm de haut, recouvertes d’une pierre à plat) reliés par des rangées de pierres. Selon les propriétaires du château, des objets en bronze, en silex et en fer ont été découvert dans un autre. Enfin, Louis Dubreuil-Chambardel* (1876/1927) a trouvé dans un autre tumulus des sépultures par incinération et des tessons de céramiques, qu’il date du premier âge du fer (Hallstatt). Cependant, il semblerait que beaucoup de ces tumuli soient beaucoup plus tardifs ou aient été réutilisés à l’époque gallo-romaine ou au moyen-âge.
Selon l’étude très complète, intitulée Fouilles et prospections à Rigny-Ussé, supervisée par Élisabeth Zadora-Rio et Henri Galinié, in RACF 31, 1992, les fouilles dirigées par ces deux archéologues entre 1986 et 1991 ont mis en évidence sur le plateau qui surplombe le château d’Ussé :
- Du matériel lithique paléolithique,
- Une occupation néolithique,
- Plusieurs sites gallo-romains, contenant des tuiles, des tessons de céramique commune et sigillée, datés du 1er au 4ème siècle après JC.
- Des carrières gallo-romaines de pierre calcaire et une voie liée à cette exploitation.
On peut aussi noter qu’il existe, au nord, de Rigny, le lieu-dit Le Gros Chillou, ce qui indique sans doute la présence à cet endroit d’un mégalithe disparu.
Plusieurs objets de l’âge du bronze (hache à talon, pointe de lance, épées, tasse) ont été trouvés dans la Loire, en face du Jard (nord-est du bourg).
Sous l’ancien cimetière qui jouxte l’église de Rigny, se trouvait un bâtiment gallo-romain composé de deux ailes situées de part et d’autre d’une cour, avec, peut-être, des thermes, comme le montrent les fragments de canalisations retrouvés.
Histoire du fief de Rigny : ce fief était une châtellenie dépendant du fief d’Ussé.
Histoire du fief d’Ussé :
Le premier seigneur connu est, en 1004, le viking Gilduin I (né en 930), dit le Vieux, également seigneur de Saumur, père de Gilduin II (975/1040), dit le diable de Saumur, vassal du comte de Blois, dont les propriétés passèrent au comte d’Anjou, Geoffroy II Martel en 1044.
Le fief d’Ussé, quant à lui, devint la propriété de la famille d’Ussé, qui le conserva jusqu’au mariage, en 1350, de Jeanne d’Ussé avec Brian IV de Montejean, dont le petit-fils, Jean I de Montejeau (mort en 1418), bailli de Touraine en 1404, fut le père de Jeanne de Montejean, épouse du célèbre Jean V de Bueil (1405/1478), qui ajouta à ses titres celui de seigneur d’Ussé (voir Bueil-en-Touraine).
Le fils de ce dernier, Antoine de Bueil (1440/1506), accablé de dettes, vendit la seigneurie, en 1485, à Jacques d’Espinay (1465/1520), chambellan de Charles VIII puis de Louis XII, père de Charles d’Espinay (mort en 1535), également seigneur de Saint-Michel-sur-Loire, dont le fils, René d’Espinay vendit le fief, en 1557 à Suzanne de Bourbon-Montpensier (1508/1570).
Celle-ci était la fille de Louis II de Bourbon-Vendôme (1473/1520), prince de La Roche-sur-Yon, seigneur de Champigny-sur-Veude, et l’épouse de Claude I de Rieux (1497/1532) ; leur fille Louise de Rieux (1531/1570), dame d’Ussé, épousa en 1554 René II de Lorraine-Guise (1536/1566) ; Marie de Lorraine-Elbeuf (1555/1605), fille de ces derniers, épousa en 1576 Charles I de Lorraine, duc d’Aumale (1555/1631), un des chefs de la Ligue, qui refusa de se soumettre après la défaite de celle-ci et qui, en 1595, fut exilé en Belgique, où il mourut ; son gendre, quant à lui, Henri I de Savoie (1572/1632), époux d’Anne de Lorraine-Aumale (1600/1638), également un des chefs de la Ligue, se rallia à Henri IV en 1594 et reçut le titre de duc d’Aumale de la part de Louis XIII.
En 1659, le château fut acheté par Thomas Bernin (1595/1672), receveur des tailles (voir Ballan-Miré et Bréhémont), et c’est pour son fils, Louis I Bernin de Valentinay (1627/1709), que Louis XIV érigea le fief en marquisat en 1692 ; le fils de Louis I, Louis II (1663/1740) épousa en 1691 Jeanne Françoise Le Prestre de Vauban (1678/1713), fille de Vauban (1633/1717), auteur des terrasses du château.
Après avoir appartenu brièvement à Charles IV de Rohan-Guémené (1764/1836) (voir Montbazon), le fief fut acheté en 1780 par Louis Vincent Roger de Chalabre (1736/1797), « banquier de pharaon » pour la reine Marie-Antoinette, dernier seigneur d’Ussé, puis vendu en 1807 par son fils, Achille Jean Louis Roger de Chalabre (1769/1832) à Amédée de Durfort, duc de Duras (1771/1838), qui, après avoir émigré, rentra en France en 1801 et devint maréchal de camp en 1814.
L’épouse de ce dernier, Claire de Kersaint (1777/1828) publia anonymement des romans avant-gardistes comme Ourika en 1823 ; c’est pour elle que Chateaubriand (1768/1848), qui écrivit à Ussé une partie des Mémoires d’Outre-tombe et avec qui elle était amie, rapporta en 1817 des cèdres du Liban, que l’on peut voir près de la chapelle.
Le château est la propriété, depuis le 19ème siècle de la famille de Blacas.
À voir dans le bourg
Église de la Trinité (60 rue Principale, à côté de la mairie) : église construite entre 1856 et 1860 par l’architecte diocésain Gustave Guérin (1814/1881) ; à l’intérieur statue polychrome de la Vierge, du 17ème siècle, provenant de l’église Notre-Dame de Rigny (voir ci-après) et vitraux des ateliers Lobin.
Maison 16ème siècle (rue Principale) : maison avec une tour carrée ayant sur son mur ouest une bretèche décorative (avant-corps rectangulaire ayant une fonction défensive jusqu’au 15ème).
À voir au nord-est du bourg
Château d’Ussé (voir Histoire du fief) :
Article https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/PA00098034
« Le château, construit à flanc de coteau sur la rive gauche de l'Indre, est une demeure de plaisance enveloppée dans un système de défense féodal avec chemin de ronde, mâchicoulis et tours d'angle. Les bâtiments sont groupés autour d'une tour carrée dont un côté, donnant sur la vallée, a été détruit. La façade, à l'est de cette cour, a été entièrement remaniée. Au 17e siècle fut rajouté à l'ouest un bâtiment couvert d'une fausse terrasse. A l'angle sud-ouest s'élève un gros donjon cylindrique du 15e siècle. La chapelle, édifiée sur un plan et d'une structure encore gothique, est caractéristique de la première Renaissance tourangelle. »
Article https://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_d%27Uss%C3%A9
« Le château présente deux styles architecturaux, l'un d'inspiration médiévale et gothique et l'autre de la Renaissance. La cour intérieure présente un exemple de ces deux styles.
La première partie des travaux menée par Antoine du Bueil de construction commence au début des années 1460 en reprenant un château déjà existant. L'aile ouest est élevée d'abord, suivie de l'enceinte sud et de la tour sud-est, dite « donjon ». Il s'agit du logis principal, qui conserve cet usage jusqu'au xxe siècle. Elle était desservie par une tour d'escalier à vis dans l'angle de la cour, disparu. Au fur et à mesure du chantier, les parties hautes s'enrichissent d'un décor de plus en plus flamboyant.
L'est est, plutôt datée des années 1485-1515, sous Jacques d'Espinay. Formant châtelet d'entrée et chapelle, elle abandonne l'aspect forteresse au profit de modèles résidentiels très ornés de l'époque de Charles V, comme au Louvre.
Le château sera achevé sous l'aspect actuel au xviie siècle. Le mur fermant la cour au nord est abattu pour ouvrir la vue sur le paysage. L'escalier en vis est remplacé par un grand degré à quatre noyaux, intégré dans le logis, bossages et frontons remplacent les ornements gothiques, reproduisant les quelques ornements renaissance introduits par Jacques d'Epinay vers 1510. L'aile orientale est largement reprise pour l'harmoniser avec ces modifications. Vers 1670 la galerie qui reliait les deux ailes, qui comportait probablement à l'origine des hautes baies ouvertes sur la cour, est fermée par deux niveaux de fenêtres.
Les jardins à la française ont été inspirés par Le Nôtre [André Le Nôtre (1613/1700)], le jardinier de Louis XIV.
Construite entre 1521 et 1535 par Charles d'Espinay, la collégiale d'Ussé, dédiée à la Vierge et à Sainte-Anne, fait office d’oratoire privé et de chapelle funéraire. La porte d'entrée, en anse de panier, est surmontée d'un entablement et d'un fronton cintré à coquille. Les embrasements de l'arc sont ornés de dix-sept médaillons d'où apparaissent les bustes des douze Apôtres sur les côtés (le Christ est au centre). Les quatre médaillons du bas ont pour thème la Mort.
Les stalles du xvie siècle, de style gothique enrichies de décors « à l'Italienne », sont de Jean Goujon [1510/1567]. Une statue de Dieu le père trône sous un baldaquin, tandis que l'on peut admirer une Vierge en faïence émaillée de Luca della Robbia [(1399/1482), sculpteur].
Charles Perrault [1628/1703] se serait inspiré de ce château pour le conte La Belle au bois dormant. Le château en contient d'ailleurs une mise en scène, installée le long du chemin de ronde, grâce à un ensemble de statues de cire. »
Selon la tradition, Voltaire (1694/1778) aurait écrit une partie de son épopée La Henriade (publiée en 1723) lors de son séjour au château.
Voir aussi https://www.chateaudusse.fr/
En face du château, se trouve un pont du 16ème siècle, sur l’Indre et, après le Pont-Neuf, qui prolonge ce premier pont, l’oratoire Notre-Dame des Eaux, construit en 1847 pour commémorer la grande inondation du 23 septembre 1846.
À voir au sud
Église Notre-Dame de Rilly :
Article https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/PA00098035
« Edifice du 12e siècle, composé d'une nef de trois travées, la première rectangulaire, les deux autres carrées, d'un transept et d'un chœur dont la première travée est primitive et celle du chevet remonte au 14e siècle, mur plat remplaçant l'abside primitive circulaire. La croisée du transept conserve la partie inférieure d'une tour. Au centre du transept, un petit escalier accède à une fontaine surmontée d'un édicule. La façade ouest s'ouvre par un portail en tiers point à deux archivoltes sur colonnes et chapiteaux qui paraissent être un remaniement. »
Article https://www.sauvegardeartfrancais.fr/projets/eglise-dame-de-rigny-2/
« Classée au titre des Monuments Historiques depuis 1930, l’ancienne église paroissiale Notre-Dame de Rigny a été édifiée sur deux églises antérieures (charnière VIIème et VIIIème siècles et fin Xème siècle). A l’époque de la première église, la Riniaco colonica était un domaine du monastère Saint-Martin de Tours. Puis elle est devenue domaine de l’abbaye de Cormery (mention dans un document de confirmation délivré par le pape Innocent II [pape de 1130 à 1143] en 1139).
Les parties romanes de l’église actuelle ont été édifiées en plusieurs temps, tout au long du XIIe siècle. Le transept sud a été réédifié au XIIIe siècle, vraisemblablement à la suite d’un effondrement. Pour la même raison, l’abside romane hémicirculaire a été reprise au XIVe siècle et remplacée par un chevet plat. Le XVe siècle a été celui de la grandeur et de la prospérité de l’église (percement dans le chœur et le transept sud de baies à remplages flamboyants). Le roi Louis XI y assistait à la messe quand il venait chasser en forêt de Chinon. Il a consacré à l’église dix-huit offrandes en un an (339 écus d’or au total).
Les siècles suivants ont été ceux du déclin progressif de l’église. Les habitants de Rigny se sont déplacés peu à peu vers le bourg d’Ussé au centre duquel une nouvelle église a été construite et inaugurée en 1859. L’église de Rigny a été alors abandonnée, pillée, saccagée.
C’est en 1983 que l’Association du Parc forestier de Teillay, devenue aujourd’hui Association Notre-Dame de Rigny, l’a achetée et s’est lancée dans de grands projets de restauration.
Grâce à des bénévoles passionnés, l’église renaît peu à peu. En 2016, une première souscription a été menée avec La Sauvegarde de l’Art Français pour la restauration de peintures murales. »
Voir aussi l’article très complet d’Élisabeth Zadora-Rio et Henri Galinié, intitulé les 3 églises successives de Rigny in AAT : http://a2t.univ-tours.fr/notice.php?id=190
Voir également les nombreux documents de l’association Notre Dame de Rigny https://www.notredamederigny.fr/ À consulter également pour être informé des possibilités de visite.
À l’intérieur on peut voir des peintures murales des 14ème et 15ème siècle, qui avaient été recouvertes d’un badigeon blanc au 19ème siècle (!), notamment une Vierge à l’enfant, sur le mur sud du transept, une tête de guerrier, sur le mur nord du transept et une résurrection des morts, sur le mur nord du chevet.