Saint-Benoît-la-Forêt
Le nom de cette commune, située au nord-est de Chinon, apparaît en 1146 sous l’appellation de Terra de Morte (fief de la Mort), puis en 1298 sous la forme parochia Sancti Benedicti de Morte (Saint-Benoit-de-la Mort). Ce fut ensuite Saint-Benoît-de-Lac-Mort (14ème/18ème), Benoit-les-Bois en 1793 et enfin Saint-Benoît-la-Forêt depuis 1936.
Histoire
Préhistoire et antiquité :
Plusieurs enceintes préhistoriques ont été repérées par Jean-Mary Couderc*, notamment sur la butte de Beugny (voir ci-après) et près du Puy-du-Renard (au sud-ouest).
Les sites gaulois, gallo-romains et romains sont particulièrement nombreux dans la région, comme l’avait déjà signalé Gustave de Cougny* en 1898. Des vestiges ont ainsi été trouvés notamment à :
- Beugny (voir-ci-après), toponyme venant de Buniacus ou « domaine de Bunius», cité en 1108 sous la forme Begnarii.
- Jaulnay (sud-ouest), toponyme venant de Gallinacus ou « domaine du gaulois ».
- L’Étang (sud-ouest), où il y avait une villa* gallo-romaine.
- La Fosse Sèche (à l’est), occupée de 50 à 200, où l’on a découvert des monnaies, de la céramique de Mougon (voir Crouzilles), de la verrerie et des pesons de métier-à-tisser.
- La Maison Brûlée (sud-ouest) où de la céramique des 1er et 2ème siècle après JC a été trouvée.
- Turpenay (voir ci-après), toponyme venant de Turpiniacus ou « domaine de Turpinus (le Laid). À ne pas confondre avec un autre Turpenay, à Chinon.
Deux voies gallo-romaines traversaient le territoire d’ouest en est, venant de Chinon et se dirigeant vers Azay-le-Rideau puis vers Tours :
- La via vetuta ou « ancienne route », sans doute d’origine gauloise et pavée à l’époque gallo-romaine, qui passe près de Grammont (voir ci-après) et de La Fosse Sèche (voir ci-dessus).
- La via turonnensis ou « route de Tours », qui passe près de L’étang et La Maison Brûlée (voir ci-dessus). Cette voie, aujourd’hui perdue, existait encore au 16ème siècle et Picrochole l’emprunta pour traverser l’Indre à Port-Huault (Azay-le-Rideau) avant de rejoindre Tours (voir Rabelais, Gargantua, ch. 49).
Notons enfin que des canalisations souterraines, dont des buses étaient encore en place, ont été repérées par Jacques Maurice et Raymond Mauny*, à l’ouest du bourg, entre Les Caves-des-Hermites et La Cave-des-Fourneaux (voir Jean Maurice : les aqueducs de Saint-Benoit, in BAVC 6. 5 1960/61).
Histoire du fief de La Mort ou fief de Saint-Benoît : les seigneurs de ce fief furent :
- En 1146 : Gosbert de La Mort.
- En 1147 : Foulques Faimau, également seigneur de Beugny (voir ci-après) (voir aussi Chambray-les-Tours).
- En 1183 : Gaudin de Beugny, également seigneur de Beugny.
- En 1213 : Bernerin de Beugny, cité comme seigneur de Beugny en 1210.
- En 1298 : Josbert de La Mort, qui était aussi seigneur de Le Giraudière à Beaumont-en-Véron.
- En 1314 : Geoffroy de La Mort.
- En 1340 : Pierre d’Avoir (mort en 1390), chambellan de Charles V, bailli de Touraine, sénéchal d’Angers, également seigneur de Véretz.
- Au 16ème siècle, la famille de Gueffron, à qui appartenait aussi La Boisselière à Crissay-sur-Manse. Salomon de Gueffron, cité en 1600, était à cette époque capitaine du château d’Ussé (Rigny-Ussé).
- Au 17ème et 18ème siècle, la famille de Beauvau ; Louis II de Beauvau, cité en 1601 et mort en 1641, également seigneur de Courcoué et de Rivarennes, fut le père de François de Beauvau, né en 1624, cité en 1654, seigneur de Neuil, lui-même père de Gabriel Henri de Beauvau (1655/1738), dit le marquis de Montgauger (voir Saint-Épain), cité en 1689, qui fut aussi seigneur de Crissay-sur-Manse et des Roches-Tranchelion à Avon-les-Roches. Ce dernier fut le grand-père de Marie Anne Élisabeth de Beauvau (1712/1752), citée en 1740, qui avait épousé en 1730 le lieutenant-général et pair de France Louis Paul de Rochechouart-Mortemart (1711/1731).
- Enfin, au 18ème et 19ème siècle, la famille Aubéry (sur cette famille voir aussi Avoine et La Celle-Saint-Avant) : Anne Jacques Louis Aubéry (1676/1749), fils de Louis Aubéry (1644/1684), propriétaire de La Villaumaire à Huismes, fut le père du capitaine de cavalerie Jean Louis François Aubéry (né en 1712), lui-même père de Charles Marie Jean Baptiste Aubéry (1750/1796), dernier seigneur de Saint-Benoît-la-Forêt et de Beugny (voir ci-après).
À voir dans le bourg
Église Saint-Benoît :
D’une première église, du 13ème siècle, il reste le chœur rectangulaire, qui est devenu la sacristie d’une nouvelle église, construite en 1877, avec 3 beaux vitraux, dont un représente Saint Benoît.
Près de l’église se dresse depuis 1967 une stèle à la mémoire de John Fitzgerald Kennedy (1917/1963), se trouvant auparavant dans la grande base américaine de Chinon, qui fonctionna de 1950 à 1967 et dans laquelle travaillèrent beaucoup d’habitants de Chinon et de Saint-Benoît-la-Forêt.
Dans le cimetière, au nord-est du bourg, on peut voir la chapelle funéraire de la famille Chastenet de Puységur (voir Beugny ci-après), avec, au-dessus de la porte, une frise représentant un chien de chasse, couché entre 2 arbres, surmontée des armes de cette famille, ainsi que la tombe de l’actrice australienne Emma Cannon (née en1905), qui avait une résidence secondaire à Saint-Benoît-la-Forêt, dans laquelle elle mourut en 1972.
À voir au nord-est
Abbaye de Turpenay (voir Préhistoire et antiquité) :
Article https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/PA00098062
« L'abbaye fut fondée en 1127 par Foulques le Jeune [Foulques V d’Anjou (1092/1143)], comte d'Anjou et de Touraine. La première église fut construite en bois. Hugues, archevêque de Tours [Hugues d’Étampes, archevêque de 1134 à 1146], la fit remplacer par une église de pierre en 1134. Le monastère dut être reconstruit en partie au 16e siècle. Lors de sa suppression pendant la Révolution, le monastère n'abritait plus que deux religieux. Quelques bâtiments subsistent. Le logis abbatial se trouve à l'est. Au sud, un grand pavillon accompagné d'une aile en retour d'équerre et prolongé au nord par un corps de logis, est accosté sur sa façade ouest d'une tourelle cylindrique en encorbellement. Il est désigné comme grenier ou infirmerie. Il dut servir d'habitation abbatiale. Un bâtiment sud limite le préau du cloître. Il était limité au nord par l'église, et à l'est par la salle capitulaire surmontée du dortoir. »
En 1199, Aliénor d’Aquitaine (1122/1204) fit une importante donation à l’abbaye en souvenir de son fils Richard Cœur de Lion (Richard I Plantagenêt (1157/1199).
En 1793, l’abbaye fut démantelée et vendue comme bien national ; une partie fut achetée en 1946 par le chanoine Ernest Audard (1881/1951) (voir Cravant-les-Coteaux).
En 1960, le peintre et sculpteur Jacques Voyet (1926/2010) acquit le logis abbatial dans l’intention de le restaurer mais il y renonça devant l’ampleur des travaux.
Cette abbaye est citée par Rabelais dans Gargantua (ch. 37) et par Balzac dans les Contes drolatiques.
Voir aussi André Montoux : Sauvetage des vestiges de Turpenay, in BSAT 41. 1986 (pages 405/417).
À voir au sud
Beugny (voir Préhistoire et antiquité) :
Le fief, cité en 1108, appartenait aux seigneurs du fief de La Mort (voir ci-dessus).
Après la Révolution, au début du 19ème siècle le château fut acheté par Antoine de Chastenet de Puységur (1752/1807), qui avait émigré et qui avait été contre-amiral au service du Portugal ; ce dernier fut le père du conseiller général Jacques Ladislas de Chastenet de Puységur (1787/1844), également propriétaire de La Louère à Marcé-sur-Esves, lui-même père de René de Chastenet de Puységur, qui mourut sans enfant en 1895.
Ce château, en briques et pierres, construit au 16ème siècle avec une chapelle, encore mentionnée en 1787, fut largement modifié au 19ème siècle, avec notamment l’adjonction de 6 pavillons, d’un portique à colonnes cannelées, d’un dôme à lanternon et d’un pigeonnier chenil ; abandonné et en partie détruit par ceux qui l’avaient acheté aux héritiers de René de Chastenet de Puységur, il a été reconstruit et propose aujourd’hui deux gites : voir https ://www.chateaudebeugny.com/
Près du château, un petit oratoire a été élevé en 1871 par Emma Marie Stéphanie Formon (morte en 1893, épouse de René de Chastenet de Puységur, dite la marquise de Puységur « en reconnaissance à Notre-Dame pour le fait que ni le château ni la commune ne furent pillés par les Prussiens ».
Voir aussi Jean Maurice : Souvenirs sur le château de Beugny, in BAVC 7.1 1967 (pages 113/123).
À voir au sud-ouest
Maison forestière Jacques Molay :
Construite à la fin du 19ème siècle dans la forêt domaniale de Chinon sur la D 108, appelée aussi route forestière Jacques Molay, cette maison garde le souvenir du grand maître de l’Ordre du Temple, Jacques de Molay (1244/1314), brûlé vif sur ordre de Philippe IV le Bel (1268/1314).
Les Forges :
Article https://www.saintbenoitlaforet.fr/index.php/culture-loisirs/st-benoit-dans-l-histoire/185-chap06-l-epoque-de-la-renaissance
« La chasse était la grande passion du roi Louis XI [1423/1483]. Il avait deux principaux territoires de chasse se trouvant tous les deux en Touraine. Le premier était autour de son château du Plessis et la prairie actuelle de la Gloriette (près de Tours) en ce temps boisée et marécageuse. Le second était notre forêt de Chinon où le gibier foisonnait. Le roi s'y était réservé trois rendez-vous : l'un était le petit castel de Bonaventure (commune de Huismes), l'autre se trouvait au bourg de Rigny [Rigny-Ussé] (le roi avait une dévotion particulière pour Notre Dame de Rigny), mais son préféré était les Forges à Saint Benoit, où l'un de ses serviteurs, Jean Venault, possédait un manoir modeste mais situé sur un terroir particulièrement giboyeux. [Ce dernier, qui était fourrier des logis du roi, céda son manoir à Louis XI en 1476].
Louis XI venait fréquemment s'installer aux Forges avec sa petite cour (cinq à six personnes maximum) chassant le jour et employant une partie de la nuit aux affaires du royaume. Toujours méfiant, il avait fait entourer la demeure de deux cents chausse-trappes aux pointes acérées.
L'âge venu, bien qu'usé il chassait encore. "Un jour de l'an 1479, estant aux Forges, à son disner, lui vint une percution (apoplexie) et perdit la parolle. Il fut levé de table et tenu près du feu par ses valets. Sur l'heure, Monseigneur de Vienne [Angelo Catho (mort en 1495)], qui estoit son médecin, luy bailla un clistère et fist ouvrir les fenestres. Incontinent quelque chose de parolle lui revint et du sens et monta à cheval et retourna aux Forges car ce mal lui print en une petite paroisse (chapelle de St Benoit) "ung car d'heure de là où il estoit allé ouir la messe".
Du manoir des Forges si souvent fréquenté par le roi Louis XI il ne reste plus aujourd'hui grand-chose. Un pan de mur en briques et pierres formant encoignure, une vielle cheminée sans ornements, le tout englobé dans une demeure rurale bâtie au XIXe siècle avec les débris du manoir. On pourrait passer cent fois devant sans rien remarquer, si ce n'est une plaque rappelant le passage du roi, posée sur le mur près de l'entrée. »
Voir aussi
Pierre Audin : https://www.societearcheotouraine.eu/files/1441/nn61ld-n-4-des-rendez-vous-de-chasse-de-louis-xi.pdf
Eric Cron : Bonnaventure à Huismes, in BAVC 10.3 1999 (pages 239/256).
https://www.facebook.com/search/top?q=domaine%20des%20forges
Le prieuré de Grammont :
Ce prieuré, cité au 12ème sous le nom de Pomerium Acri (le Pommier Aigre) devint au 16ème siècle Grandmont-lez-Chinon puis Grammont en 1813.
Il fut fondé vers 1156 par Henri II Plantagenêt (1133/1189), roi d'Angleterre et confirmé en 1196 par son fils, Richard Cœur de Lion (1157/1199).
Il fut supprimé par décret de l'archevêque de Tours du 22 mars 1774 et le revenu fut uni au grand séminaire de ce diocèse. Suivant un bail consenti le 4 octobre 1786 par Jean-Baptiste Cossart, vicaire général et supérieur du grand séminaire, le revenu des biens du prieuré était alors de 2.000 livres (35 000 € environ).
Parmi les prieurs, on peut citer :
- En 1640, Alphonse Louis Du Plessis (1582/1653), évêque de Luçon et frère aîné du cardinal de Richelieu (1589/1642)
- En 1698, l’historien et poète, François Séraphin Régnier-Desmarais (1632/1713), membre de l'académie française.
- En 1724, René François de Beauvau du Rivau (1664/1739), archevêque de Narbonne, fils de Jacques (mort en 1694).
Il reste le logis prieural, qui fut vendu comme bien national le 1er thermidor an IV (19 juillet 1796).
L’Étang (voir Préhistoire et antiquité), au sud-est de Grammont : château du 19ème siècle.