Chinon
Pour Rabelais, Chinon est non seulement une « ville célèbre, noble et antique » (prologue du Quart Livre) mais c’est aussi la « première ville créée dans le monde » (Réf. E-36) car elle s’appelait Caino et fut fondée par Caïn, qui lui donna son nom !
En fait, ce nom de Caino a sans doute été donné par les Celtes qui construisirent un castrum sur la colline ; ce toponyme apparaît pour la première fois au 6ème siècle dans l’Histoire des Francs de Grégoire de Tours qui indique la fondation en 425 d’une église à Cainonis vicus par Saint Brice, évêque de Tours de 397 à sa mort en 444. Selon Gustave de Cougny, il vient du radical celtique kann = blanc, brillant par référence à la blancheur du tuffeau mais selon d’autres études, il viendrait du gaulois kaion = forteresse.
Chinon en 1603 ( panneau municipal))
La devise de la ville : « Chinon, Chinon, Chinon, petite ville, grand renom » est citée dans le chapitre 6 du Cinquième Livre, par Rabelais qui parle assez souvent dans son œuvre de nombreux lieux de Chinon.
Intérieur de la vieille ville
On peut voir au n° 23, rue Diderot des vestiges de la Porte de Bessé, citée par Rabelais dans le ch. 21 de Gargantua (édition de 1535), dont le nom vient d’une ancienne villa gallo-romaine, située à La Grange-Liénard et découverte puis fouillée en 1959 par Raymond Mauny.
N° 23 rue Diderot (photo PMD mai 2009)
De l’autre côté de la ville, à l’ouest, la Porte du Vieux Marché (Réf. A-47) est mieux connue. Au moyen-âge, devant cette porte, qui ouvrait sur la route de Saint-Louans, se tenait un marché, transféré au 15ème siècle, sous les halles nouvellement bâties dans le quartier Saint-Etienne (à l’est) ; le quartier fut alors appelé le Vieux Marché. On peut encore voir, au bord de la Vienne, les restes des anciennes fortifications.
Porte du Vieux Marché en 1603 (panneau municipal)
À l’intérieur de la ville fortifiée se trouvent les Caves Peintes que Rabelais appelle La Cave Painte et où, dit Pantagruel « j’y ai bu maints verres de vin frais » (Réf. E-36). Voici ce que nous dit le site officiel de la ville : « Le coteau calcaire qui domine la ville est percé de multiples galeries souterraines, carrières de pierre de tuffeau creusées depuis l’Antiquité gallo-romaine jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Elles ont permis l’approvisionnement des chantiers de construction en ville et au château. Dès le Moyen-âge, certaines excavations sont réutilisées comme caves à vin. Les Caves Painctes sont une petite portion de ce vaste réseau. Leur dénomination, transmise par François Rabelais dans son Cinquième Livre, s’explique par la présence à l’époque d’une scène peinte sur le linteau de la porte d’entrée, représentant d’après le célèbre auteur : « une dance de femmes et satires, accompaignans le vieil Sylenus riant sus son asne… ». Les Caves Painctes sont aujourd’hui le siège de la Confrérie des Entonneurs Rabelaisiens. »
Les Caves Peintes au 19ème par Albert Robida (panneau municipal)
On dit que le père de Rabelais possédait une partie de ces caves, en face desquelles se trouvait « la boutique d’Innocent le pâtissier » (Réf. D-20).
Ancienne abbatiale Saint-Mexme au 19ème (panneau municipal)
Des soldats de Picrochole, frappés par frère Jean, invoquent « Saint Mexme de Chinon » (Réf. A-27). Ce disciple de Saint Martin, dit aussi Mesme ou Maximus, fonda à Chinon, au 5ème siècle, une abbaye, dont l’église abbatiale, reconstruite au 10ème siècle, devint la collégiale Saint-Mexme. Désaffecté à la Révolution, l’édifice a été en partie restauré, avec des vitraux abstraits réalisés par Olivier Debré (1920/1999).
Extérieurs de la vieille ville
Pour ce qui est des extérieurs de la ville, le lieu qui revient le plus souvent dans l’œuvre de Rabelais est Quinquenais (Réf. A-47, A-51, D-14, D-44 et D-55) ; il se trouve sur un coteau, au-dessus du château, sur l’ancienne route de Saint-Louans ; le père de Rabelais y possédait un vignoble, qui produisait du « bon vin » (D-14) et, au milieu d’une tempête, Pantagruel s’écrie « Plût à Dieu que je fusse maintenant à Quinquenais, quitte à ne jamais me marier » (D-55) ; on y trouve encore des vignes et de vieilles maisons. De là, on peut voir parfaitement, au sud, le château et la vallée de la Vienne et, au nord, la vallée de la Loire. (Voir l’article sur l’abbaye de Thélème).
Quinquenais (photo PMD mai 2009)
Frère Jean se dit en accord avec « l’ermite de Sainte-Radegonde, au-dessus de Chinon » (Réf. C-31). La chapelle Sainte-Radegonde (12ème s.), en grande partie troglodytique, a été aménagée à l’emplacement de l’ermitage Saint-Jean (6ème siècle), sur le flanc sud de la colline elle est décorée de peintures murales, dont la plus célèbre, récemment redécouverte, représente une chasse royale à laquelle participent (peut-être) des membres de la famille d’Henri II Plantagenêt.
Chapelle Sainte-Radegonde (photo PMD sept. 2009
Rabelais nous dit aussi (Réf. A-1) que la généalogie de Gargantua « fut trouvée par Jean Audeau dans un pré qu’il possédait près de l’arceau Gualeau, au-dessous de l’Olive » ; cet « arceau Gualeau » désigne sans doute l’arcade d’un pont ou d’un souterrain. Cette généalogie, en effet, fut trouvée dans un « grand tombeau de bronze » pris dans « les écluses de la Vienne » et à cet endroit, où le ruisseau de Saint-Mexme se jette dans la Vienne, il y a encore des ponts et des vannes.
Ruisseau de Saint Mexme (photo PMD sept. 2009)
Dans le faubourg Saint-Jacques (Réf. A-47), au sud du bourg, de l’autre côté de la Vienne, se trouvait l’église Saint-Jacques, construite au 15ème s. à la place d’une ancienne chapelle et détruite en 1934. Le Raineau (Réf. A-47), ancien fief situé aux portes de Chinon, était à l’est du faubourg Saint-Jacques ; là se trouvent encore la rue du Raineau et d’anciennes maisons.
Le bourg (rive droite) et le faubourg Saint-Jacques (rive gauche) (cp)
Quand Gargantua quitte Paris pour rejoindre et aider son père (Réf. A-34) il passe « le pont à nonnain » avant d’arriver « à Parilly » ; on peut encore voir, juste à l’ouest de la route actuelle, des restes de ce « pont », qui était en fait une chaussée maçonnée, composée d’arches inégales, construite au 12ème siècle par Henri II Plantagenêt, et ainsi appelée parce que les nonnes de l’abbaye de Fontevraud étaient propriétaires du droit de passage.
Ancienne chaussée du Pont à Nonnain (photo PMD sept. 2009)
Dans le faubourg Saint-Lazare se trouvait une maladrerie (Réf. A-43) ou léproserie, consacrée évidemment à Saint Lazare ainsi que le Pressoir Billard (Réf. A-34). Au 16ème siècle, l’ancienne léproserie ne recevait plus de malades et appartenait aux Baudelon, famille alliée aux Rabelais. À l’est du faubourg il y a actuellement un quartier appelé le Pressoir.
Extérieurs de la ville
ND de l'épine (photo PMD mai 2009)
Sur l’ancien chemin allant de Chinon à La Devinière, Parilly (Réf. A-25, 34 et 47) fait partie de la commune de Chinon depuis 1792. On y trouve l’église Notre-Dame de l’épine, construite au 12ème siècle et remaniée au 15ème ; c’est là sans doute que « frère Engainant (…) en prêchant à Parilly, maudissait les seconds mariages » (Réf. C-6) ; non loin de l’église, le château de La Vauguyon, dont le seigneur « avait toujours été leur ami » (Réf. A-34), a été construit au 13ème siècle et remanié au 15ème ; il contient des peintures murales représentant des tournois de chevaliers. L’écrivain Gustave Droz (1832/1895) l’acheta en 1880 et commença à le restaurer.
Château de La Vauguyon (photo PMD mai 2009)
À l’ouest de Chinon, sur la rive droite de la Vienne, l’ancienne commune de Saint-Louans (Réf. A-47), rattachée à Chinon en 1792, possédait un prieuré ( EHPAD aujourd'hui) dont les moines étaient, pour Rabelais des « cabalistes » (Réf. A-8) et dont « le gras prieur » assigna en justice le seigneur de Basché (Réf. D-12 et 14) (Voir l’article De Chinon à L’Île-Bouchard, ci-après). Ce prieuré, fondé au 7ème siècle à l’emplacement d’une ancienne villa gallo-romaine, fut édifié au 11ème siècle ; le corps de Saint Louans y fut retrouvé dans son sarcophage en 1859.
Ancien prieuré de Saint-Louans (photo PMD août 2009)
Le seigneur de Grammont, situé à droite de la route de Tours, derrière l’hôpital François Rabelais, envoie 18 bêtes fauves à Grandgousier (Réf. A-37).
Grammont (photo PMD sept. 2009)
À l’ouest aussi, mais sur la rive gauche de la Vienne, quand on prend à l’ouest du faubourg Saint-Jacques, le GR 3, qui n’est autre que l’ancienne voie romaine allant de Chinon à Saumur (voir l'article Les voies longeant la Vienne dans la catégorie Les voies gallo-romaines) en passant par le pont de Clan (voir l’article de Chinon à Montsoreau), on arrive à Pontille (Réf. A-47), célèbre pour ses vaches dont le lait nourrit Gargantua (Réf. A-7) et pour ses oies dont les plumes garnissaient les lits des Chinonais (Réf. E-15).
Pontille (photo PMD sept 2009)
Rabelais à Chinon
Antoine Rabelais, le père de François Rabelais, n’était pas aubergiste, comme le veut la légende, mais licencié ès-lois, conseiller et avocat du roi au bailliage de Chinon, où il exerça aussi les fonctions de juge ; le Palais du baillage (15ème s.) est aujourd’hui l’Hostellerie Gargantua dont une entrée se trouve au 73 rue Haute-Saint-Maurice (aujourd’hui rue Voltaire) et une autre rue Jacques Coeur.
La tradition rapporte que la maison d’Antoine Rabelais se trouvait 15 rue de la Lamproie ; cette maison devint ensuite une hôtellerie (d’où la légende du père aubergiste ?) dans laquelle on montrait encore à l’évêque d’Avranches, en 1687, « le cabinet de Rabelais ».
Maison rue de la Lamproie (photo PMD avril 2009)
Mais selon André Boucher (1899/1980), conservateur adjoint de la Devinière (de 1949 à sa mortà et président des Amis du Vieux-Chinon de 1935 à 1977 (voir Bulletin des Amis de Rabelais et de la Devinière, II 1 1962 (page 30/32), cette maison de la rue de la Lamproie, qui se trouvait dans un quartier, à l’époque, excentré et peu gratifiant, appartenait peut-être à un frère d’Antoine Rabelais ; ce serait l’aubergiste qui, pour sa publicité, en aurait fait ensuite la maison de Rabelais.
N° 58 rue Voltaire (photo PMD aoôt 2009)
Antoine Rabelais, pour sa part, aurait résidé avec sa famille en face du bailliage, au n° 58 de la rue Haute Saint-Maurice, dans une très belle demeure qui est actuellement l’hôtel Bertrand Poirier de Beauvais, où Jean-Lambert Tallien (1767/1820) séjourna en mars 1793.