La voie ferrée
Cette voie ferrée, longue de 52,200 km ou 52+200 en langage SNCF, reliait Port-Boulet (commune de Chouzé-sur-Loire, en Indre-et-Loire), où passait la ligne Paris-Nantes via Tours, à Port-de-Piles, où passait la ligne Paris-Bordeaux ; cette commune se trouve dans la Vienne mais sa gare est située au Corps-de-Garde, sur la commune de La Celle-Saint-Avant, en Indre-et-Loire.
Carte de la ligne (document AD 37)
Au départ, on parlait de la ligne de Port-de-Piles à Port-Boulet car celle-ci, qui appartenait à l’état, fut construite dans le cadre d’un projet de liaison directe de Montluçon à Nantes mais comme elle fut mise en service, d’abord, en 1882, pour la portion de Port-Boulet à L’Île-Bouchard puis, en 1885, pour la portion de L’Île-Bouchard à Port-de-Piles, on finit par l’appeler la ligne de Port-Boulet à Port-de-Piles. D’autant plus que, contrairement aux prévisions de l’état, elle ne joua qu’un rôle local, car elle était isolée, les autres lignes appartenant à la compagnie privée du chemin de fer de Paris à Orléans (P.O.).
En 1884 une dérivation partant de la gare de Ligré-Rivière permit de relier Chinon à Richelieu.
Une partie de cette ligne fut construite sous la direction de Louis Goury du Roslan, ingénieur des Ponts et Chaussées, fils du baron Célian Goury du Roslan (1811/1814), ministre de Louis-Philippe et petit-fils de Jean-Sébastien Goury des Tuileries (1776/1853), ingénieur en chef des Ponts et Chaussées.
Il y avait à l’origine trois trains par jour, puis deux trains par jour pendant la première guerre mondiale ; en 1938, au moment de la nationalisation des chemins de fer, un seul omnibus reliait les deux extrémités de la ligne et le service-voyageurs fut supprimé en 1939. Après la seconde guerre mondiale, le pont sur la Loire ayant été détruit, le tronçon allant de Port-Boulet à Chinon fut abandonné mais des trains de marchandises continuèrent à circuler, d’abord entre Chinon et Port-de-Piles, puis, après 1977, entre L’Île-Bouchard ou Trogues et Port-de-Piles. La circulation des trains arrêta complètement en 1992.
Les ouvriers du bâtiment bénéficiaient du demi-tarif, en 3ème classe, du 1er mars au 1er octobre et les ouvriers agricoles, du 1er juin au 31 octobre, à condition d’effectuer un parcours aller-retour de 60 km au minimum ; en fait ces personnes payaient tarif plein à l’aller et avaient une place gratuite au retour ; il fallait pour cela avoir une attestation du maire de la commune.
Tout au long de cette ligne, il y avait 73 passages-à-niveau (PN) ; la moitié environ était des passages protégés par des barrières commandées par un ou une garde-barrière habitant une maisonnette dont le pignon était au bord de la voie, l’autre moitié étant des passages à niveau non gardés. Ces maisonnettes de garde-barrière, toutes semblables, ont été conservées pour la plupart et certaines sont encore habitées par l’ancien ou l’ancienne garde-barrière, comme c’est le cas de Mme Q. au PN62 à Pouzay ou de Mme B. au PN65 à Nouâtre.
Ancienne maison de garde-barrière à Pouzay (photo PMD nov.-2013)
Elles ne comportaient que deux pièces au rez-de-chaussée avec, à l’étage, une mansarde et un grenier. À cela s’ajoutaient généralement un cabanon pour les toilettes, une remise et un puits.
La gestion des passages-à-niveau posait de nombreux problèmes aux communes. C’est ainsi que la commune d’Avoine demanda que les barrières du PN6, qui étaient ouvertes entre le passage des trains du 1er juin au 31 octobre, soient également ouvertes toute l’année ; mais cette décision aurait entraîné le changement de catégorie de ce PN, qui serait passé du niveau 3 au niveau 2 et l’obligation de construire une maison de garde ; d’où le refus du ministre des Travaux Publics !
D’autre part, dans certains cas, les barrières étaient commandées à distance au moyen de câbles métalliques, comme à Avoine, où les barrières du PN7 étaient commandées par le garde-barrière du PN8 ou à Nouâtre, où celles du PN67 dépendaient du PN65 mais comme, pour éviter des accidents, ces barrières télécommandées restaient en général presque continuellement fermées, les conseils municipaux se faisaient l’interprète de leurs administrés mécontents et prenaient des délibérations pour demander, presque toujours en vain, que ces barrières soient gardées sur place.
Les lignes de chemin de fer en Indre-et-Loire vers 1930 (document Wikipedia)
Les gares, comprenant le bâtiment des voyageurs (BV) et le bâtiment des marchandises (BM), se trouvaient, après Port-Boulet, à Avoine-Beaumont (PK 6,400), Chinon (PK 14,200), Ligré-Rivière (PK 19,600), Sazilly (PK 24,300), L’Île-Bouchard (PK 31), Crouzilles (PK 34,700), Trogues (PK 37,900), Pouzay (PK 42,500), Nouâtre-Maillé (PK 47,300) et Port-de-Piles (PK 52,200). Il y avait aussi des haltes à Anché (PK 22,100) et à Tavant (PK 28,200)
Dans les gares les plus importantes, comme à Avoine, Chinon ou à L’Île-Bouchard, les dépêches ou les marchandises qui arrivaient par la voie ferrée pouvaient être portées à domicile mais ce service était privatisé.
La construction d’une gare moyenne coûtait 150 000 francs environ, c’est-à-dire plus de 500 000 euros, un franc de cette époque valant à peu près 3,5 € (voir aussi 05 : Devis de construction d’une gare).
Toutes ces gares, sauf celle d’Avoine, ont été conservées et la plupart sont maintenant des logements privés, certaines ayant été largement transformées, comme c’est le cas de l’ancienne gare de Trogues.
La construction de cette ligne entraîna évidemment de nombreuses expropriations. Sur la commune de Nouâtre, par exemple, il y eut 57 expropriations pour un total de 6 hectares environ, le prix du terrain étant payé de 12 à 28 francs l’are, soit de 4 200 à 9 800 € l’hectare ; c’était là un bon prix, ces terres valant actuellement de 1 240 à 6 100 € l’hectare.
On trouvera dans les articles suivants :
De Port-Boulet à Chinon
De Chinon à L’Île-Bouchard
De L’Île-Bouchard à Port-de-Piles
De Richelieu à Rivièrè
Il est juste, enfin, de rendre hommage à toutes les personnes qui ont permis la réalisation et le fonctionnement de cette voie : ingénieurs, géomètres, architectes, dessinateurs, poseurs de rails et de traverses, chefs d’atelier, piqueurs, terrassiers, manœuvres et ouvriers divers, conducteurs de train (appelés mécaniciens à cette époque), chauffeurs, garde-freins et lampistes, chefs de trains, de gare et de dépôts, receveurs et hommes d’équipe, contrôleurs et aiguilleurs, garde-barrières et d’une manière plus générale à tous les cheminots, qui, encore aujourd’hui, forment une grande famille, comme nous avons pu le constater par l’intérêt qu’ont manifesté tous les personnels retraités ou en activité que nous avons pu interroger lors de la réalisation de ce travail.
À toutes les personnes qui s’intéressent aux anciennes lignes de chemin de fer, nous rappelons qu’il existe un forum très bien documenté et fréquenté, semble-t-il, surtout par d’anciens cheminots, sur le site http://histoire.trains-en-vadrouille.com/