De L'Île-Bouchard à Port-de-Piles
N.B : cet article, écrit en 2013, a été revu en 2024.
À partir de L’Île-Bouchard, la ligne traversait de nouveau la Vienne et suivait la rive droite, malgré les pétitions des habitants de l’autre rive, qui auraient souhaité que les trains passent par Parçay-sur-Vienne et Ports-sur-Vienne pour rejoindre Port-de-Piles, mais il est probable que le projet sur la rive droite, qui faisait passer les trains par Crouzilles, où se trouvait l'usine de Paviers, ait été adopté sous la pression du marquis Arthur Marie Pierre de Quinemont (1808/1883), maire de Crouzilles de 1837 à 1849, député et conseiller général, propriétaire de cette usine de Paviers.
Carte IGN annotations PMD
Après la gare de L’Île-Bouchard, les voies traversaient la D 110 au PN 47 puis la D 18 au PN 48 et la ligne, qui faisait alors un large S, était construite sur une levée de terre car toute cette zone, de part et d’autre de la Vienne, était inondable. Dans toute cette région, les rails ont été démontés et l’ancienne ligne est devenu un chemin piétonnier, qui va jusqu’à Mougon et qui traverse la Vienne sur l’ancien pont métallique de la SNCF.
Carte IGN annotations PMD
Après ce pont, la ligne arrivait au PN 49, construit au bord de la levée de terre, qui traversait la D 760 allant de Chinon à Sainte-Maure-de-Touraine et qui existait encore dans les années 1990, obligeant les automobilistes à rouler sur un important dos d’âne.
Pont métallique de L'Île-Bouchard (photo PMD nov. 2013)
Peu après la ligne arrivait sur la commune de Crouzilles et passait à côté du Ponceau, manoir édifié au 16ème siècle, qui appartint à Pierre Périllau, mort en 1623 et « ministre de l’église réformée », c’est-à-dire pasteur protestant ; près du portail de ce manoir, il y a plusieurs marques de crue, dont celle de 1792, à 2 mètres du sol.
PN 49 (photo PMD nov. 2013)
La voie passait de nouveau sur un petit pont métallique puis sur un pont de pierre, construit sur le ruisseau du Ponceau, avant d’arriver à la gare de Crouzilles, qui est maintenant une habitation privée.
Pont métallique sur la vallée du Ponceau (photo PMD nov.2013
À la fin du 19ème siècle, l’état eut le projet de raccorder Crouzilles à Azay-le-Rideau, où passait la ligne de chemin de fer Tours-Chinon (voir article précédent) ; cette voie, déclarée d’utilité publique en 1878, devait desservir le camp militaire du Ruchard, où il y aurait eu une gare ; les trains se seraient aussi arrêtés à la gare d’Avon-les-Roches et à la halte de La Chapelle-Sainte-Blaise (commune de Cheillé).
Projet de ligne Crouzille-Azay-le-Rideau (document SNCF)
Les études furent complètes, y compris le métré, qui consistait à quantifier tous les éléments de la ligne et le terrassement commença, aux abords de la station de Crouzilles, sur une longueur de près de 800 mètres. Mais finalement le ministère des Travaux Publics décida en 1908 de ne pas construire cette ligne, malgré les vœux du conseil d’arrondissement de Chinon et du Conseil Général, sans doute parce que la dépense, pour cette ligne de 18,2 km, évaluée à 2,7 millions de francs (soit 9,5 millions d’euros 2013), fut jugée excessive, d’autant plus que le commandant du camp du Ruchard estima que le nombre de déplacements, en hommes et en matériel, au départ de Tours ne justifiait pas cette construction.
Ancienne gare de Crouzilles (photo PMD nov. 2013)
Après la gare de Crouzilles, la ligne passait au PN 50 dit Méligrette puis dans le centre du village, où il y avait le PN 51, et traversait de nouveau la D 760 au PN 52 avant d’arriver à Mougon, ancienne commune rattachée à Crouzilles, qui fut, à l’époque gallo-romaine, un grand centre de production de poteries (voir la catégorie Les bacs en Indre-et-Loire, article Les bacs sur la Vienne Tourangelle).
Ancienne voie en direction de l'usine Parexlanko (photo PMD nov. 2013)
Là, la ligne traversait la rue de l’église au PN 53 puis arrivait à l’usine de Paviers, (aujourd’hui usine Parexlanko), créée en 1844, pour fabriquer de la chaux hydraulique, vers laquelle une dérivation se dirigeait. Après l’usine de Paviers, la voie, sur la commune de Trogues, passait sous un grand pont construit pour assurer l’accès au chemin conduisant au bord de la Vienne puis arrivait à la gare de Trogues, petite commune autrefois importante grâce à ses fours à chaux.
Ancienne gare de Trogues (photo PMD nov. 2013
La gare est aujourd’hui une habitation privée mais sur la façade une pancarte annonçait toujours en 2013 : « La distribution des billets commence au plus tard 15 minutes avant l’heure réglementaire du départ du train ; elle cesse au plus tôt 3 minutes avant l’heure réglementaire du départ du train. »
Après la gare, la voie se dédoublait et une bifurcation permettait aux trains d’aller près des fours à chaux pour y être chargés. Les deux voies passaient sur un pont métallique au PK 38,161 et sous ce pont, comme sous tous les ponts de ce genre, un panneau indique un numéro de téléphone où il faut appeler d’urgence si on est « témoin du heurt de ce pont par un véhicule routier » ! Aussi surprenant que cela puisse paraître, ce numéro, qui fonctionnait toujours en 2013, est celui de la gare SNCF de Saint-Pierre-des-Corps !
PN 56 (photo PMD nov. 2013)
Peu après on arrivait au PN 56, situé au PK 39,076 sur la route allant de Trogues à Pouzay et appelé la Martinière. Les divers signaux de ce passage-à-niveau ont été installés lorsque les barrières ont été automatisées. 450 mètres plus loin, le PN 57 a été aménagé sur la route conduisant à la Thibaudière, ancienne ferme du 18ème siècle et à Beauvais, où subsistent plusieurs maisons du 15ème siècle. La maisonnette du garde de ce passage à niveau possèdait toutes les caractéristiques de ces petites maisons : remise, jardin, puits et cabinet d’aisance éloigné de la maison.
PN 57 (photo PMD nov. 2013)
La voie croisait ensuite, avec un passage-à-niveau non gardé (PN 58), un chemin servant de limite entre Trogues et Pouzay. Ce chemin conduit à Profond Fossé, qui est le manoir le plus ancien de la région, car sa construction remonte au début du 15ème siècle ; Il y avait là, dit-on, un grenier à sel.
Sur la commune de Pouzay, la voie croisait d’abord, au PN 59, un chemin conduisant à la Buvinière ; il y avait là une maison de garde-barrière qui a complètement disparu ! Puis elle passait sur un pont métallique au-dessus d’un chemin conduisant au Marais, où subsiste un beau pigeonnier du 17ème siècle, contenant 900 boulins avant d’arriver au PN 60 et à la gare de Pouzay.
PN 60 (photo PMD nov. 2013)
La maison du garde du passage-à-niveau 60, qui traverse la D 58, allant de Pouzay à Noyant-de-Touraine, a été largement transformée et agrandie comme celle du PN 61, sur la rue des Trois Moulins.
PN 61 (photo PMD nov. 2013)
Quant à la gare de Pouzay, aujourd’hui habitation privée, son souvenir demeure sur de nombreuses cartes postales, que j’ai pu voir et photographier dans le café-épicerie Chez Jacqueline (2 place de l’église).
Gare de Pouzay en 2013 (photo PMD nov. 2013)
Après la gare de Pouzay, la voie croisait la D 109, allant de Pouzay à La Celle-Saint-Avant, au PN 62, toujours habité (en 2013) par l’ancienne garde-barrière puis traversait, au PN 63, autrefois gardé mais dont la maison de garde a été détruite, une petite route conduisant à Chenevelles, hameau à cheval sur Pouzay et Nouâtre, près duquel se trouvaient le dolmen de la Pierre Levée ainsi que l’ancienne villa gallo-romaine de Soulangé ; c’était un vaste domaine campagnard avec des constructions : grande maison de maître, logements pour les intendants et les esclaves, bâtiments agricoles, qui s’étendaient sur vingt hectares et allaient jusqu’à la Vienne ; Il est probablef que ce domaine ait ensuite appartenu à l’évêché de Tours et que cette résidence ait été occupée, au 6ème siècle, par le poète latin Venance Fortunat qui, dans deux de ses poèmes, parle d’une villa près de la Vienne, où Grégoire de Tours l’hébergea.
Emplacement de l'ancien PN 63 et, derrière, de l'ancienne villa de Soulangé (photo PMD nov. 2013)
C’est là aussi que la voie ferrée croisait la grande voie gallo-romaine allant d’Espagne en Belgique via Poitiers, Tours et Le Mans (voir la catégorie sur Les voies gallo-romaine) avant d’arriver au PN 64, non gardé de Talvois, qui se trouve maintenant dans la zone artisanale de Nouâtre.
On arrivait ensuite à l’important PN 65 aménagé sur la D 108, allant de Nouâtre à Sainte-Maure-de-Touraine. À ce niveau une bifurcation fut ensuite installée pour permettre aux trains d’entrer dans le camp militaire (aujourd'hui 14ème BSMAT) ayant pris la suite du camp de prisonniers aménagé en 1917 pour faire travailler les soldats allemands dans les fermes privées des hommes partis à la guerre.
PN 65 et voie en direction de Port-de-Piles, à côté du camp militaire (photo PMD sept. 2013
Chantal B., qui habite toujours la maisonnette du PN 65, avait remplacé sa belle-mère : Marcelle B. qui avait été garde-barrière pendant 30 ans ; elle-même fut garde-barrière de 1979 à 1989 ; par la suite des barrières automatiques furent installées jusqu’à l’arrêt de la circulation mais comme elles continuaient à fonctionner quand un plaisantin voulait bloquer les automobilistes en appuyant sur les pédales situées à 800 m. avant et après le passage-à-niveau, ces barrières automatiques furent démontées. Marcelle B. tenait aussi un café dans la maisonnette car à cet endroit le train manœuvrait pour entrer ou sortir du camp militaire.
Carte agent-voyer avec annotations PMD
Ce camp, qui n’existait pas au moment de la construction de la voie, a entraîné la disparition du PN 66, qui se trouvait sur le chemin rural n° 13, allant de Nouâtre à Maillé (actuelle rue des Grelets).
Ancienne voie près du PN67 (photo PMD sept. 2013)
Les trains qui étaient entrés dans le camp au PN 65 pouvaient sortir au PN 67, qui était gardé mais dont, pendant un temps, les barrières furent commandées à partir du PN 65 au grand dam des habitants de la région car, par prudence ou par paresse, le garde du PN 65 les laissait souvent baissées.
Ancienne gare de Nouâtre-Maillé (cp collection Philippe Gautron)
Peu après les trains arrivaient à la gare de Nouâtre-Maillé ; on a du mal à imaginer aujourd’hui que le simple dépôt d’une boîte-à-lettres près de cette gare, fait par la commune de Maillé, entraîna les récriminations de cette dernière commune dans un important courrier à destination de la mairie de Nouâtre.
Gare de Nouâtre-Maillé en 2013 (photo PMD juin 2013)
Près de la gare, une grande maison isolée était un hôtel mais les voyageurs ne devaient pas être très nombreux car le dernier propriétaire : François Gautron (1853/1930), fit faillite et émigra au Canada, avec son épouse, Jeanne Duchesne (1853/1943), fille de Pierre-Étienne Duchesne (1824/1905), qui fut maire de Nouâtre de 1876 à 1888.
Ancien hôtel de la gare (photo PMD juin 2013)
La portion comprise entre l'ancienne gare de Trogues et le PN 68 est la seule où les rails sont encore en place ; les communes de Trogues, Pouzay et Nouâtre souhaiteraient qu'ils soient démontés et qu'un chemin, comme cela a été fait pour les portions précédentes, remplace la voie ferrée ; ce projet, qui créerait sur le territoire de la CCTVV et du canton de Sainte-Maure, un réseau important de voies douces, a un grand intérêt pour le développement du tourisme vert dans la région. Des négociations ont donc été entamées pour cela avec la SNCF dès 2020 mais celle-ci ne se montre guère très coopérative et aujourd'hui (octobre 2024) elles n'ont toujours pas abouti.
Ancienne voie réhabilitée (photo PMD sept. 2013)
Entre le PN 68 et le PN 69, la voie a été nettoyée mais les traverses n’ont pas été changée. Après le PN 69, l’ancienne ligne passe sous l’autoroute A 10 puis sous la ligne LGV Paris-Bordeaux., à côté de la base maintenance de la LGV, sur laquelle se trouvait le PN 70. À partir du PN 71, qui est une habitation privée, sur une petite route allant au Préclos, les traverses en bois ont été remplacées par des traverses en ciment.
PN 71 (photo PMD juin 2016)
On est là sur la commune de La Celle-Saint-Avant et on peut voir, à gauche, La Tourballière, où restent l’ancien château du 15ème siècle, sous lequel existe un important souterrain refuge, ainsi que les ruines du nouveau château, construit par le comte Paul Hippolyte de Murat (1768/1838).
Ancienne gare de Port-de-Piles (cp)
Peu après, l’ancienne voie rejoignait la ligne Paris-Bordeaux, juste avant la gare de Port-de-Piles, qui, en fait, se trouve au Corps de Garde, sur la commune de La Celle-Saint-Avant.
Gare de Port-de-Piles en 2013 (photo PMD oct. 2013)
De la gare de Port-de-Piles, on pouvait donc prendre le train pour Paris ou pour Bordeaux mais il existait aussi une ligne de 66,400 km, aujourd’hui désaffectée, qui permettait de rejoindre Le Blanc (dans l’Indre) via Descartes, Preuilly-sur-Claise et Tournon-Saint-Martin.