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Introduction


 

 Au 5e siècle avant notre ère, la tribu celte des Turones (ou Turons) s’installe dans les riches vallées de la Loire, du Cher, de l’Indre et de la Vienne. Ce qu’on appelle « le Pays des Turons » correspond donc, grosso modo, à la Touraine, c’est-à-dire au département d’Indre-et-Loire (37), qui reprend, avec quelques modifications, les frontières de la Province de Touraine, qui, elle-même, continuait l’évêché de Tours, constitué dès le 4e siècle après JC sur le territoire des Turons, devenus des gallo-romains chrétiens.

Dès leur arrivée, les Turons occupèrent et renforcèrent les places-fortes (oppida) constituées par les habitants précédents (que l’on ne connaît guère) et développèrent les domaines agricoles qui, depuis le néolithique, exploitaient les plaines alluviales.

On verra, à la lecture des articles suivants, que ces camps fortifiés se trouvaient à Amboise, Rochecorbon et Fondettes (le long de la Loire), à Chinon (sur la Vienne), à Loches (sur l’Indre) ainsi qu’à Betz-le-Château et à Sainte-Maure-de-Touraine.

À combien peut-on estimer la population des Turons, au 1er siècle av. J.-C. ? Étant donné qu’ils envoient 8 000 hommes au secours de Vercingétorix assiégé dans Alésia, on pense que la population totale des Turons, à cette époque, était d’une trentaine de milliers de personnes, mais si l’on tient compte des chiffres habituellement donnés pour la population de la Gaule (20 habitants/km²) on arrive à 120 000 personnes, la superficie de leur territoire étant de 6 000 km² environ.

Les Turons étaient entourés, au sud-est, par les Bituriges Cubes, au sud-ouest, par les Pictons, à l’ouest, par les Andécaves, au nord-ouest, par les Aulerques Cénomans et, au nord-est, par les célèbres Carnutes.

0 1 carte Pays des Turons carte AAT commentaires PMD

Carte du Pays des Turons (carte AAT commentaires PMD)

Après la conquête de la Gaule chevelueCaesarodunum (Tours ou la Cité des Turons : Civitas Turonum) fut fondée sous l’impulsion de l’empereur Auguste et cette capitale des Turons, située au carrefour des voies gallo-romaines allant de l’est à l’ouest et du sud au nord, devint rapidement une cité importante, étant donné que les Romains développèrent les voies (viae) déjà nombreuses en Gaule avant leur arrivée.

Notre premier travail a été de dresser une carte précise et complète des voies gallo-romaines dans le pays des Turons ; pour cela, nous avons été aidés par :

Les travaux de plusieurs archéologues et/ou historiens, notamment ceux de Pierre Audin, Jean-Mary Couderc, Jacques Dubois, Jean-Paul Lecompte, Sylvain Livernet et Raymond Mauny, qui ont publié des études partielles très bien documentées.

La toponymie (étude des noms de lieux) et l’odonymie (étude des noms de rues ou de routes), car ces noms sont souvent révélateurs : les chemins appelés « chemin ferré » ou « chaussée de César », par exemple, désignent généralement d’anciennes voies romaines et les lieux appelés Ingrande ou Ingrandes sont toujours situés sur une frontière entre deux peuples gaulois.

0 3 Le Chemin ferré entre Saint Épain et Thilouze novembre 2010

Le Chemin ferré entre Saint-Épain et Thilouze (photo PMD novembre 2010)

Les mégalithes (dolmens et menhirs) et les anciennes agglomérations gauloises indiquent aussi, généralement, la proximité d’une voie gallo-romaine continuant une voie gauloise, qui, elle-même, reprenait une voie préhistorique. Inversement, une route mérovingienne est parfois située au même emplacement qu’une voie gallo-romaine.

Enfin, et surtout, la configuration du terrain a été déterminante, car il est bien évident que ces voies ne pouvaient pas passer n’importe où et que leur tracé était conditionné par les courbes de niveau et par les cours d’eau, franchis au moyen de gués ou de ponts, dont on peut voir les traces.

Nous avons ensuite exploré systématiquement toutes ces voies, dont certaines sont bien connues, mais dont d’autres étaient à découvrir et nous avons photographié tous les vestiges de ces voies, plus ou moins visibles dans le paysage.

Sur le terrain, un chemin remplaçant une ancienne voie gallo-romaine se reconnaît aux indices suivants : c’est un large chemin, en partie rectiligne, parfois partiellement empierré, presque toujours légèrement incurvé et bordé de fossés permettant de recueillir les eaux pluviales, situé, en cas de besoin, sur une ligne de crêtes et, ce qui peut paraître plus surprenant, avec des cultures différentes de part et d’autre de ce chemin, car ces voies, qui servaient souvent de limites entre deux territoires, sont maintenant situées entre deux communes.

04 Voie entre Nouâtre et Saint Épain sept 2010

Ancienne voie entre Nouâtre et Saint-Épain (photo PMD sept 2010)

Les voies principales (viae publicae), qui reliaient les grandes cités, avaient une emprise totale de 32 pieds environ (10 mètres), tandis que les voies secondaires (viae vicinales), dont l’emprise était de 16 pieds environ (5 mètres), permettaient de rejoindre les bourgs (vici).

À intervalles plus ou moins réguliers, des bornes milliaires indiquaient la distance pour rejoindre un point donné.

Les personnes qui empruntaient ces voies ne voyageaient pas pour leur plaisir ou pour faire du tourisme ! Elles circulaient, en général à cheval (ce qui facilitait le passage des gués), et c’étaient le plus souvent, soit des militaires rejoignant leur garnison, soit des commerçants venant acheter le blé produit par les très nombreux domaines agricoles * (villae rusticae) de la Touraine (pour les mots suivis d'un * voir l'annexe Les domaines agricoles gallo-romains).

Les voyageurs trouvaient le long de ces voies des relais (mutationes), tous les 10 à 15 km, où ils pouvaient éventuellement changer de monture, et, tous les 30 à 50 km, des lieux d’étape (mansiones), où il leur était possible de manger et de dormir. Les cours d’eau importants étaient franchis par des ponts de bois et les autres, soit par des gués, souvent empierrés et soutenus par des madriers, soit, pour les plus petits, par une planche, toujours placée perpendiculairement au fil de l’eau, ce qui d’ailleurs explique l’abondance des lieux-dits nommés « la Planche » ainsi que le fait qu’à ces endroits la voie dessine un Z renversé.

La Table de Peutinger n’indique que cinq voies sur le territoire des Turons, toutes au départ de Caesarodunum (Tours) et allant respectivement vers Cenabum (Orléans),  Avaricum (Bourges),  Limonum (Poitiers),  Juliomagos (Angers) et Vindunum (Le Mans), mais il est évident que cette carte n’indique que les liaisons entre des capitales et que, dans notre région, les voies étaient beaucoup plus nombreuses, car les déplacements étaient facilités par la présence de multiples vallées fluviales et déterminés par l’existence de plus d’un millier de propriétés agricoles. 

0 2 Table de Peutinger

Table de Peutinger (document Wikipedia, commentaires PMD)

Nous n’avons étudié que la partie des voies, qui se trouvaient chez les Turons, en ayant bien conscience qu’elles n’étaient souvent qu’une petite portion de voies plus longues et nous les avons organisées de la façon suivante :

Voies longeant les rives d’un cours d’eau : la Loire (voies 1.1 et 1.2), le Cher (voies 2.1 et 2.2), l’Indre (voies 3.1 et 3.2), la Vienne (voies 4.1 et 4.2) et la Creuse (voies 5.1, 5.2 et 5.A).

Voies allant  de la Vienne au Cher (voies 6.1, 6.2 et 6.3).

Voies allant de la Vienne à l’Indre (voies 6.4 et 6.5).

Voies se dirigeant du sud vers le nord (voies 7.1, 7.2, 7.3, 7.4 et 7.5).

Nous avons présenté notre travail sous la forme d’itinéraires allant d’un point à un autre et pouvant être suivis par toute personne que l’histoire, la géographie ou le tourisme intéressent, en soulignant toutes les traces encore visibles ainsi que les principaux sites se trouvant à proximité de ces voies.

Notre objectif en effet n’a pas été d’écrire une étude universitaire, mais de présenter une sorte de guide touristique permettant de découvrir autrement la Touraine et nous espérons que les lecteurs prendront autant de plaisir à le lire ou à le suivre que nous avons pris à le faire.

Je tiens, en terminant cette introduction, à remercier vivement Jacky Duvigneau, ingénieur topographe, qui m’a souvent accompagné sur le terrain et qui, par ses connaissances, m’a grandement aidé à repérer les vestiges des anciennes voies. Ce travail lui doit beaucoup.


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