Les passages sur la Loire tourangelle : liste
Entre Mosnes (rive gauche) et Veuves (rive droite, Loir-et-Cher)
Le nom de Mosnes apparaît pour la première fois en 862, dans un acte de Charles II le Chauve, sous la forme Medonna, venant, semble-t-il, du patronyme gaulois Matona. La voie gallo-romaine qui suivait la rive gauche de la Loire (voir la catégorie Les voies gallo-romaines chez les Turons), traversait le territoire de cette agglomération, qui, à cette époque était une étape (mansio) se trouvant encore chez les Carnutes, la frontière avec les Turons étant située au Vau (à l’ouest du bourg), à la limite avec la commune voisine de Chargé (voir ci-après). Cette étape de Mosnes est mentionnée dans la Cosmographie de l’Anonyme de Ravenne, qui disposait semble-t-il de cartes ou d’itinéraires de l’antiquité.
La Loire à La Poterie (photo PMD juillet 2024)
Quant au toponyme Veuves, il apparaît au 7ème siècle, sur des monnaies mérovingiennes, sous la forme Vidua vico, venant vraisemblablement du gaulois vidua, signifiant « terre boisée ». La voie gallo-romaine qui longeait la rive droite (actuelle D 58) y passait.
Un passage, dit de La Poterie, est mentionné en 1848 sur la carte de Coumès ; le bateau circulait entre La Poterie (commune de Mosnes) et La Bagourne (à l’ouest de la commune de Veuves, dans le Loir-et-Cher).
À Mosnes, on accède facilement à La Poterie, où il y a aujourd’hui un camping, par l’actuelle rue du Pont, qui partait du centre-bourg,
Entre 1865 et 1870, ce passage, qui était une annexe de celui de Limeray (voir ci-après), ne disposait que d’un bateau, appartenant au fermier, Philippe Joly-Conty, pêcheur demeurant à La Poterie ; la modeste redevance, payée en fait par la commune, était de 12 francs mais la caution, qui se montait à 30 francs fut versée en numéraire par le fermier.
Un autre passage, signalé au début du 17ème siècle, reliant Veuves à Rilly-sur-Loire, également dans le Loir-et-Cher, a fonctionné jusqu’au début du 20ème. En 1816, il bénéficiait d'un passe-cheval de 11 m. x 1,60 m. pourvu d'une chaine d'amarrage. Il semble que l'emplacement de l'abordage de ce bac changea au cours du 19ème siècle : tandis que le cadastre napoléonien de 1818 le situe vis à vis de l'église, les cartes du milieu du siècle le place sur la cale amont du port du bourg.
En 1883, l’ingénieur ordinaire des Ponts et Chaussées proposa de supprimer officiellement le bac de la Poterie « qui n’avait pas d’adjudicataire depuis plus de 10 ans », malgré une subvention annuelle de 50 francs proposée par la commune de Mosnes ; il estimait en effet que ce passage n’avait jamais eu d’importance « à cause de la proximité de celui du Haut-Chantier » (voir ci-après) et qu’il était devenu sans intérêt « par suite de la mise en exploitation de la gare du chemin de fer à Veuves ». Cependant l’ingénieur en chef estima qu’il était préférable de maintenir le statu quo.
Néanmoins, ce passage dut être supprimé peu après car en 1900 le Conseil Municipal de Mosnes demanda son rétablissement ; ce qui lui fut refusé pour la raison qu’il « ne servait que des chemins vicinaux ».
Entre Limeray (rive droite) et Chargé (rive gauche)
Le nom de Limeray apparaît pour la première fois en 966 sous la forme Limariacus, que l’on fait venir, soit de Limiriacus ou « domaine agricole de Limirius », soit du gaulois limos, signifiant « l’orme », mais qui pourrait aussi renvoyer au latin limes (frontière) car cette agglomération se trouvait à la frontière entre les Turons et les Carnutes.
Le hameau du Haut-Chantier, au sud du bourg de Limeray, maintenant en contrebas de la D 952, était traversé par une ancienne voie gallo-romaine, devenue ensuite une voie royale, d’où la présence d’un relais de poste, qui a fonctionné du 17ème au 19ème siècle ; au 18ème siècle, le Haut-Chantier est dit « le village des mariniers » ; les maisons étaient alors ornées d’un « guiroué » (girouette) pour marquer leur appartenance à cette communauté. Ces gens de marine se définissaient comme « vilains sur terre » et « seigneurs sur l’eau ». En 1811, près d'une vingtaine de maîtres mariniers y étaient installés. Il y avait là aussi une gare, sur la ligne de chemin de fer Paris-Bordeaux, via Orléans et Tours, aménagée entre 1840 et 1853.
Quant au toponyme Chargé, il apparaît au 13ème siècle sous la forme Chargeium, venant de Carradiacus ou « domaine agricole de Carradius ». La voie gallo-romaine suivant la rive gauche de la Loire, venant de Mosnes (voir ci-dessus), passait à Artigny, toponyme venant du gallo-romain Retiniacus ou « domaine agricole de Retinius »
Au 19ème siècle, un passage, dit du Haut-Chantier, existait entre la rive droite et Le Coudrai, au nord d’Artigny (commune de Chargé), sur la rive gauche. Ce passage permettait notamment aux habitants de la rive gauche de rejoindre la station de chemin de fer du Haut-Chantier (voir ci-dessus).
La Loire au Haut-Chantier (cp)
En 1921, l’adjudication ne donna aucun résultat et le conseil municipal, invité à rechercher un fermier par soumission directe, fit connaître au préfet qu’il se désintéressait de la question du maintien ou de la suppression du bac, qui fut alors arrêté.
Cependant le service reprit par la suite, puisque l’historien local. Abel Anjorand (né en 1933), qui m’a obligeamment fait visiter l’église de Chargé le 18 juillet 2024, se souvient avoir emprunté ce bac en 1946, avec son institutrice, pour aller voir à Tours Les malheurs de Sophie, adaptation du roman de la comtesse de Ségur par la réalisatrice Jacqueline Audry (1908/1977).
Aujourd’hui (juillet 2024), il y a une belle plage au Haut-Chantier et le bateau du dernier pêcheur professionnel sur la Loire est amarré au Coudrai.
Entre les rives gauche et droite à Amboise
Le nom d’Amboise apparaît pour la première fois au tout début du 5ème siècle après JC sous la forme in vico Ambatiensis, venant du latin Ambacia. Ce toponyme est expliqué de différentes façons : pour les uns, il viendrait de Ambatia, signifiant « terres d’Ambatius » ; pour d’autres, il serait issu, soit du latin ambi (autour) et du gaulois isara (cours d’eau impétueux), soit du gaulois ambes (rivière). Cette dernière étymologie peut sembler la plus probable, car il est clairement attesté que le plateau des Châtelliers, vaste éperon barré entre la Loire et l’Amasse, fut, sinon la principale, du moins l’une des principales places-fortes des Turons.
Dès le 4ème siècle après JC, un pont de bois fut construit pour relier les deux voies gallo-romaines qui longeaient les rives de la Loire. Il traversait la grande Île d’or, au lieu-dit Entrepont, et aboutissait au lieu-dit Le Bout-des-Ponts (Amboise rive droite).
Après les destructions faites par les Vikings, au 9ème siècle, le roi Louis II le Bègue (846/879), fit restaurer le château et les ponts. De ce fait, il n’y eut jamais de bac permanent à Amboise.
Vue d'Amboise (ancienne cp)
Cependant lorsque le pont septentrional fut détruit par les glaces en 1608 puis, après avoir été reconstruit en 1620, fut de nouveau emporté par des crues en 1707, 1709, 1712, 1789, 1799 et 1843, à chaque fois, un système de bac fut mis en place. Ce passage, dit de l’Entrepont et appartenant au « ci-devant domaine d’Amboise », fut affermé le 1er fructidor an VIII (19 août 1800) avec une redevance de 4 francs.
Au début de la seconde guerre mondiale, l’armée française fit sauter la partie du pont située entre l'île d'Or et la ville pour entraver l’avancée des allemands. Mais ces derniers s’installèrent sur l’île et remplacèrent la partie détruite, d’abord par un pont de bateau, puis par un bac et une passerelle en bois.
Entre Lussault-sur-Loire (rive gauche) et Noizay (rive droite)
Le nom de Lussault apparaît pour la première fois en 1213, sous la forme Lousault, venant du gaulois uxellos, signifiant « élevé » ; en effet, si le bourg se trouve actuellement au bord de la Loire, les sites préhistoriques et antiques sont sur une colline qui culmine à 107 m. au sud du bourg. On peut remarquer sur un pilier à gauche de l’entrée de l’église Saint-Étienne, construite en 1783, des marques de crues, dont la plus haute indique la grande crue du 3 juin 1856 (voir article précédent).
Quant au nom de Noizay, il est cité en 886 sous la forme Nogarentum, venant du gallo-romain Nucaretus signifiant « lieu planté de noyers », dans un diplôme de Charles III le Gros. La voie gallo-romaine « dont on voit encore des restes » écrit Carré de Busserolle dans son Dictionnaire (tome 4), qui suivait la rive droite de la Loire traversait la commune actuelle.
La Loire entre Amboise et Lussault au 18ème siècle (tableau de Jean Pierre Houël, musée de Tours)
Le passage, dit de Lussault, avait peu d’importance et était exploité « avec un batelet muni de tous les agrès et ustensiles nécessaires » par le fermier du passage de Montlouis (voir ci-après), qui devait employer « au service de cette exploitation au moins un marinier, dont le salaire sera à sa charge », comme le précise le cahier des charges du passage de Montlouis, concernant les années 1859/1864.
Ce passage partait d’une cale située « en aval de l’île de la Grange », où l’on peut accéder par l’actuelle impasse des Îles, et arrivait, sur la rive droite, au Perré (commune de Noizay), d’où une rue (actuellement rue Octave-Pardou) permettait de rejoindre la station de chemin de fer.
Ce bac intéressait surtout les habitants de Lussault en leur permettant de rejoindre la grand-route longeant la rive droite et allant d’Orléans à Tours ainsi que la ligne de chemin de fer Paris/Bordeaux (via Orléans et Tours), qui avait une gare à Noizay (voir chapitre Limeray/Chargé, ci-dessus).
D’ailleurs, en 1848, le chef de la station de chemin de fer de Noizay écrivit au commissaire du gouvernement d’Indre-et-Loire pour se plaindre de la fermeture de ce bac « chose fort incommode pour les habitants de Lussault (…) et fort nuisible aux intérêts de ma station, avec laquelle les voyageurs ne peuvent plus communiquer. »
Immédiatement, l’ingénieur des Ponts et Chaussées prévint le commissaire du gouvernement que le fermier du passage de Montlouis, le sieur Renard, était tenu d’assurer un passage à Lussault et ce dernier, rappelé à l’ordre, rétablit ce passage, qui fonctionna jusqu'en 1865.
Entre Montlouis-sur-Loire (rive gauche) et Vernou-sur-Brenne (rive droite)
Le nom de Montlouis apparaît pour la première fois, à la fin du 6ème siècle, chez Grégoire de Tours, sous la forme Vicus Montis Laudiacensis, signifiant « Agglomération du Mont du domaine agricole de Laudius ».
Quant à Vernou-sur-Brenne, son nom apparaît aussi au 6ème siècle, chez Grégoire de Tours, sous la forme Vernao, venant de vernolium, signifiant « lieu planté d’aulnes ».
Depuis 1525, suite à un privilège accordé par François 1er, les habitants de Montlouis avaient un droit de passage sur la Loire. Les bateaux partaient, à Montlouis-sur-Loire, du « port de la fleur des Gourdes », parfois nommé « port de La Ramée », car il se trouvait en face de l’hôtel particulier, dit La Ramée (actuellement 36, quai Albert Baillet, au nord-est du bourg), qui aurait été construit pour François 1er, et ils arrivaient, sur la rive droite, au « port de Montlouis », enclave appartenant au 18ème siècle à Montlouis-sur-Loire mais dépendant de la commune de Vernou-sur-Brenne depuis 1817.
À Vernou-sur-Brenne, le « port de Montlouis » était aussi dit « port de la Frillière » car il était situé non loin du relais de poste de la Frillière, à Vouvray, ce qui permettait aux voyageurs de pouvoir traverser la Loire et aux marchandises d’être transportées sur la rive gauche. Ce relais de poste, sur la route royale de Paris à l’Espagne, se trouvait, à la « Petite Frillière », à 200 mètres à l’est du manoir de La Frillière ; il est décrit dans plusieurs œuvres littéraires, notamment dans Voyages en France d’Arthur Young, qui parle du « magnifique châtaigner de La Frillière, où la vue de Tours, en fond de tableau, embellit le paysage » et dans La Femme de Trente ans de Balzac, pour qui « la poste de La Frillière se cache sous le dôme vert des noyers, où la Loire apparaît dans toute sa magnificence. ». La maison du Maître de Poste de la Frillière existe toujours et c’est aujourd’hui une demeure privée.
Passage de Montlouis (plan 1845) ((source AD 37 S 1970)
À partir de 1817, ce bac, qui était le seul moyen de traverser la Loire entre Amboise et Rochecorbon jusqu’à la construction du pont pour le chemin de fer en 1846, circula régulièrement.
En 1841, le fermier, Jean Rousseau, payait une redevance de 650 francs ; mais l’année suivante, le maire, qui était le notaire Louis Antoine Belle, se plaignit du passeur qui compromettait « la sûreté des passagers en abandonnant la conduite du bac soit à une femme, soit à un enfant » et qui ne paraissait « ordinairement au passage qu’en état d’ivresse et pour rançonner les passagers en exigeant d’eux des taxes bien supérieures à celles fixées par le Tarif ». Son bail fut résilié et le passage fut attribué, de 1842 à 1849, à Michel Marchandeau, avec un fermage de 655 francs.
Le cahier des charges de ce passage précisait que le fermier était tenu d’exploiter également, avec un batelet le passage de Lussault (voir ci-dessus) et en 1848, le sieur Renard fut rappelé à l’ordre parce qu’il avait omis de satisfaire à cette obligation.
En 1921, le fermier sortant, Auguste Landais, accepta de renouveler son bail avec un fermage de 52 francs, alors que la mise à prix était de 100 francs, à condition que le service de la charrière soit supprimé ; l’ingénieur ordinaire des Ponts et Chaussées nota que celle-ci était en très mauvais état et que, d’après les renseignements qu’il avait pu recueillir le nombre de passages voitures ou automobiles était devenu insignifiant (même pas une dizaine par an).
La Loire au niveau de l'ancien port de Montlouis à Vernou-sur-Brenne (photo PMD juin 2024)
À son tour, le commissaire chargé de l’enquête commodo et incommodo souligna qu’il n’avait eu aucune observation, qu’il s’était formé dans le lit de la Loire un banc de sable empêchant tout passage avec charrière lorsque les eaux étaient en-dessous de l’étiage et qu’aucun entrepreneur du passage ne voudrait faire les frais d’une charrière neuve, qui coûterait 5 à 6 000 francs.
En 1927, Léon Bodin soumissionna pour la période 1927/1933 mais ce dernier fut trouvé « noyé en Loire » le 21 septembre 1927 et le service du bac fut alors arrêté.
Depuis 2023, la municipalité de Montlouis-sur-Loire a mis en service une navette fluviale, entre la rive gauche et Vouvray sur la rive droite, qui fonctionne en juillet et en août. Renseignements et réservation sur Navette fluviale entre Montlouis et Vouvray (37)-15mn - Moments de Loire.
Entre Rochecorbon (rive droite) et La Ville-aux-Dames (rive gauche)
La commune de Rochecorbon, créée au moment de la Révolution, a remplacé la paroisse Notre-Dame de Vosnes, toponyme qui apparaît en 852 dans une charte de Charles II le Chauve sous la forme Vodanum, signifiant soit la « propriété du gaulois Vodos » soit le « lieu où se trouve un gué (vadum) ».
Quant au toponyme La Ville-aux-Dames, il est cité pour la première fois au 10ème siècle, sous la forme Villa Dominarum (le Domaine agricole des Dames), étant donné que ce domaine appartenait aux nonnes de l’abbaye féminine de Saint-Loup, sur la commune actuelle de Saint-Pierre-des-Corps.
Les bateaux de ce passage partaient d’un port situé en dessous de Vauvert, à l’est du bourg et arrivaient dans l’Île de Rochecorbon (aujourd’hui Île La Métairie, à La Ville-aux-Dames), rattachée à la rive gauche depuis 1850.
La Loire à Rochecorbon (photo PMD mai 2011)
Sous l’ancien régime, le passage appartenait aux « religieux de Marmoutier » et, en 1798, il fut affermé « au citoyen Cheslay, de Rochecorbon » ;
Le passage, arrêté après 1882, reprit du service en 1923, année où les tarifs du péage furent modifiés. Ceux-ci comprennent des dispositions que l’on ne trouve pas habituellement, avec un abonnement mensuel à 12 francs, la possibilité pour deux enfants de 3 à 7 ans de ne payer que le prix d’une personne (0,40 franc) et un prix de 0,60 franc pour un aller-retour.
Entre Sainte-Radegonde (rive droite) et Saint-Pierre-des-Corps (rive gauche)
Sainte-Radegonde est une ancienne paroisse puis une ancienne commune, rattachée à Tours en 1964. C’est là que se situe l’abbaye de Marmoutier, fondée par Saint Martin en 372.
Pour ce qui est de Saint-Pierre-des-Corps, ce fut jusqu’en 1794 une paroisse de Tours sous l’appellation, au 9ème siècle, d’ecclesia Sancti Petri (église de Saint-Pierre), puis, en 1247, d’ecclesia Sancti Petri de Corporibus (église de Saint-Pierre-des-Corps), du fait qu’autour de l’église un cimetière important avait pris la place d’une grande nécropole gallo-romaine.
L'autorisation d'établir un bac sur la Loire pour la communication du bourg de Sainte-Radegonde avec le faubourg de Saint-Pierre-des-Corps est demandée en 1772 ; les tarifs étaient plus élevés qu’ailleurs « attendu la grande largeur de la rivière » ; en effet chaque personne devait payer 6 deniers soit 30 cents environ, chaque bête de somme non chargée 12 deniers (60 cents), chaque voiture à deux roues 24 deniers (1,20 €) et chaque voiture à quatre roues 48 deniers (2,40 €). Une personne seule ne pouvait passer que si elle payait « comme pour dix personnes ».
La Loire à Marmoutier (photo PMD mai 2024)
Ce bac partait d’une cale située en dessous de l’abbaye de Marmoutier, qui figure sur la carte de Coumès et sur la carte d’état-major, pour arriver via l’Île-aux-Vaches, jusqu’à un lieu-dit appelé La Vieille Madeleine, qui est indiqué sur la carte de Cassini et qui se trouvait au bout de l’actuelle rue Robert Couillaud, au nord du bourg ; ce dernier lieu est aujourd’hui difficilement accessible à cause de la barrière que constitue le quai de Loire ; on peut cependant y arriver en empruntant la piste cyclable qui longe la Loire. Il y a là un ancien bâtiment avec des cartes, des dessins et des marques de crue, qui faisait peut-être partie des installations du bac.
Ce bac, qui était exploité par le fermier du bac de Rochecorbon (voir ci-dessus), permettait surtout aux habitants de Sainte-Radegonde de se rendre dans la métropole sans faire un détour pour emprunter le pont de fil, dit de l’Île-Aucard et inversement aux habitants de Tours d’aller directement à l’abbaye.
En 1933, alors qu’une plage, qui s’était formée naturellement en dessous de Marmoutier, était très fréquentée par des personnes s’y rendant soit par la rive droite, soit en bateaux, deux entrepreneurs de Saint-Pierre-des-Corps obtinrent l’autorisation d’organiser des transports avec des bateaux à moteur, entre la rive gauche et la plage, à condition de limiter le nombre de personnes à 20 et de ne pas prendre à bord des personnes en état d’ivresse !
Entre les rives gauche et droite à Tours
Entre 10 avant JC et 10 après JC, l’empereur Auguste (Caius Caesar Augustus, empereur de 27 avant JC à sa mort en 14 après JC) fonda Caesarodunum dont le nom apparaît pour la première fois vers 150 après JC, dans la Géographie de Ptolémée (100/168), sous la forme grecque Kαισαρόδουνον, signifiant « la citadelle de César » ; cette capitale des Turons, devenus gallo-romains, fut ensuite appelée Civitas Turonorum, « la Cité des Turons », dénomination ayant donné Tours. La ville actuelle résulte de la fusion, au 14ème siècle, entre, à l’est, le castrum (citadelle) de Caesarodunum, édifié au 4ème siècle, et, à l’ouest, Châteauneuf, agglomération constituée autour de l’abbaye Saint Martin, fondée en 470 par Saint Perpet.
Il n’exista jamais de bac permanent à Tours car il y eut d’abord des ponts gallo-romains, puis un pont de bateaux et enfin, à partir de1034, le pont, dit du comte Eudes, construit par Eudes II (985/10637), comte de Blois, de Touraine et de Champagne ; cependant, quand, en 1391, une crue emporta trois arches de ce pont, on mit en place un passage payant au profit du chapitre de l’abbaye Saint-Martin, qui devait utiliser les revenus pour la réparation du pont.
Tours : ancien pont d'Eudes (source Loire-Valley)
Ce pont ne fut pas réparé après la crue de 1755 et, selon Yves Cogoluègnes (ancien président de la SAT), un service de bac fut remis en place jusqu’à la construction en 1845 de la passerelle Saint-Symphorien (dit le pont de fil) par la Compagnie Seguin frères.
Ce bac, dit « du faux bourg Saint-Symphorien » appartenait, avant la Révolution au chapitre de la cathédrale Saint-Gatien et il fut affermé le 1er germinal an X (22 mars 1802), avec une redevance de 48 francs.
Entre Fondettes (rive droite) et La Riche ou Saint-Genouph (rive gauche)
Le nom de Fondettes apparaît pour la 1ère fois en 1080, dans une charte de Marmoutier, sous la forme ecclesia de Fundeta, venant du latin Fundetis signifiant « (je vais) aux Petites Fontaines ». À l’époque de la Tène, se trouvait là l’oppidum gaulois de Montboyau (aujourd’hui Les Tourelles), l’une des principales places fortes des Turons, située au carrefour de deux voies antiques : celle qui longeait la rive droite de la Loire et celle qui, allant d’Espagne en Belgique, traversait la Loire sur un pont de bois, existant déjà au 1er siècle avant JC. (voir la catégorie Les voies gallo-romaines chez les Turons).
Pour sa part, la commune de La Riche, située entre la Loire et le Cher, fut créée après la Révolution sur la partie extra-muros de la paroisse Notre-Dame-La Riche de Tours, sur laquelle il y avait le prieuré Saint-Cosme, fondé au 11ème siècle et dont Pierre de Ronsard fut le prieur de 1565 à sa mort en 1585.
Quant au nom de Saint-Genouph, commune située elle aussi entre la Loire et le Cher, il apparaît pour la première fois en 1268 sous la forme Sanctus Genulphus, patronyme venant de Saint Genou du Berry, qui aurait été un ermite vivant dans la région de Selles-sur-Nahon (Indre) au 3ème siècle. La paroisse fit partie de Berthenay jusqu’en 1758.
Il y avait à Fondettes trois passages entre les rives droite et gauche de la Loire : deux entre Fondettes et La Riche, celui de La Guignière et celui de Port-Corbeau, ainsi qu’un autre entre Fondettes et Saint-Genouph, celui de Port-Foucault.
Au passage, dit de La Guignière, les bateaux partaient du port de la Guignière, situé en aval de l'embouchure de la Choisille et de l’actuel pont de Saint-Cosme, où il y avait une « rampe », mentionnée en 1782 ; mais on ne sait pas où il arrivait sur la rive gauche, sans doute non loin du prieuré de Saint-Cosme.
Fondettes : rampe de La Guinière (photo PMD juin 2024)
Ce port de la Guignière, attesté dès le 16ème siècle, appartenait alors aux abbayes de Marmoutier et de la Clarté-Dieu à Saint-Paterne-Racan, qui en percevaient conjointement les revenus. Ce passage figure sur la carte de Coumès et fonctionna au moins jusqu’au milieu du 19ème siècle.
Le passage, dit de Port-Corbeau, était situé entre Port Corbeau, qui se trouvait au bout de l’actuelle rue de Beaujardin, et Gévrioux, toponyme venant du gallo-romain Gebriacus ou « domaine agricole de Gabrius, dérivé du gaulois gabros (chèvre) », sur la rive gauche. Ce passage, où une cale est signalée dans la seconde moitié du 18ème siècle, est présent également sur la carte de Coumès.
La Loire à Port-Corbeau (photo PMD juin 2024)
Le passage, dit de Port-Foucault se trouvait entre Port-Foucault, au bout de l’actuelle rue de Port-Foucault, et Saint-Genouph sur la rive gauche. De 1859 à 1871, le fermier, Louis Besnier, obtint l’autorisation, en 1860, d’établir un bac entre le Port de La Vallière et Saint-Genouph, lors de la fête de Notre-Dame de La Chevalette (ancienne paroisse de La Vallière), qui avait lieu chaque année, le 1er dimanche de septembre.
La Loire à Saint-Genouph (photo PMD août 2024)
N.B. Il existait aussi un autre passage sur la Loire entre Saint-Cyr-et La Riche (voir ci-après) et un passage sur le Cher entre La Riche et Joué-lès-Tours (voir les passages sur le Cher).
Entre Saint-Cyr-sur-Loire (rive droite) et La Riche (rive gauche)
Le nom de Saint-Cyr apparaît pour la première fois en 886, dans un diplôme de Charles III-le-Gros, sous la forme Ciricus Mortarii, c’est-à-dire (Saint)-Cyr-du-Mortier, toponyme qui, selon l’historien local Léon Lhuillier fait référence à un lieu-dit, à droite de La Ménardière, indiqué sur la Carte de Cassini et situé aujourd’hui à Tours nord, près duquel serait passé une voie importante.
Ce bac partait d’une cale située en dessous de l’église de Saint-Cyr, où un chemin conduit au bord de la Loire, et il arrivait, sur la rive gauche, au Port Neuf, qui se trouvait au bout de l’actuelle rue du Port, au nord-est de la mairie de La Riche.
Selon la tradition, il y avait en dessous de l’église, un gué, dit au 15ème siècle « gué de Louis XI ».
La Loire à Saint-Cyr (photo PMD mars 2010
Le passage est attesté depuis le 16ème siècle, époque où il appartenait au chapitre de l’abbaye Saint-Martin de Tours, qui avait obtenu en 1119 la possession du port de la part de Louis VI, dit le Gros. Par la suite, il fut la propriété de l’abbaye de La Clarté-Dieu (Saint-Paterne-Racan) et il fut affermé le 27 fructidor an VII (13 septembre 1799), avec une redevance de 120 francs.
Entre Luynes (rive droite) et Berthenay (rive gauche)
Luynes, célèbre pour son aqueduc gallo-romain, s’est d’abord appelé Maillé, toponyme qui apparaît au 5ème siècle, sous la forme Malleium, toponyme venant de Malliacus ou « domaine agricole de Mallius ». Le fief prit le nom de Luynes, suite à son achat en 1619, par Charles d’Albert (1578/1621), favori de Louis XIII et 1er duc de Luynes.
Quant à Berthenay, son nom apparaît dès 475 sous la forme Dicta villa de Bertiniaco, signifiant « la maison dite du domaine agricole du germain Bertinus », dans le testament de Saint Perpet, qui, selon la tradition, aurait construit en 475 une chapelle édifiée à l’endroit où le bateau transportant le corps de Saint Martin, transféré de Candes à Tours, se serait arrêté de lui-même. Cette commune est située entre la Loire et le Cher (près de son embouchure), ce qui lui a valu le nom de « isle de Berthenay » au début du 19ème siècle).
La Loire à Port-Maillé (photo PMD août 2024 )
Le passage, attesté dès 1744, figure sur la carte de Coumès et sur la carte d’état-major ; il s'effectuait en deux fois, de part et d'autre de l’île du Passage (qui n’existe plus). Les bateaux partaient du port de Luynes, au sud du bourg, pour arriver, sur la rive gauche, à Port Maillé, à côté du Grand Moreau Picou, à l’est du bourg de Berthenay. Ce lieu, dit aussi Port de Luynes et au 19ème siècle, Port de Berthenay, figure sur le cadastre napoléonien de la commune de Luynes (1811) ainsi que sur la carte de Coumès.
La Loire à Luynes (photo NR mai 2024)
De 1877 à 1882, le fermier était Pierre Poirier, mais le 20 octobre 1879 : à la demande du maire, le garde-champêtre dressa un procès-verbal à l’encontre du passeur Étienne Poirier (frère du fermier) pour « abandon de poste » ; en outre le maire se plaignait du passeur, « qui exigeait des prix de passage supérieur aux prix fixés et proférait des menaces ou des injures ».
Arrêté en 1888, le passage fut rétabli en 1898 avec une subvention de 200 francs du Conseil Général.
Il faut noter qu’il y avait quatre passages à Berthenay : un sur le Cher (voir les passages sur le Cher) et trois sur la Loire : le bac indiqué ici et deux bacs entre Cinq-Mars-la-Pile et Berthenay (voir ci-après).
Entre Cinq-Mars-la-Pile (rive droite) et Berthenay ou Villandry (rive gauche)
Le nom de l’actuelle commune de Cinq-Mars-la-Pile apparaît pour la première fois en 915, dans une charte de l’abbaye Saint-Julien de Tours, sous la forme Terra Sancti Medardi ou « Terre de Saint Médard ». La paroisse porta ensuite les noms suivants : parrochia Sancti Medardi de Pila (1247), Sanctus Marcius (1272), Sainct Mars de la Pile (1482), Sainct Médard de la Pile de Cinq Mars (1494), Saint Médard de Cinq Mars de la Pile (1688), La Ville de Cinq Mars (1694), Cinq Mars de la Pile (1722).
Villandry était appelée Colombiers au moyen-âge, toponyme qui apparaît en 852, dans les Actes de Charles II le Chauve, sous la forme Colombarium (endroit où l’on élève des pigeons) puis au 11ème siècle, sous la forme Villa quae vocatur Colonbarius, c’est-à-dire « domaine agricole appelé Colombier » ; quant au toponyme Villandry (domaine agricole* du germain Landericus), célèbre aujourd’hui par son château et ses jardins à la française, il n’apparaît qu’en 1619, lorsque Balthazar Le Breton, propriétaire du fief, fut fait marquis de Villandry, par Louis XIII, dont il était le contrôleur général des finances.
Il y avait là, au 19ème siècle, deux passages sur la Loire : celui du Ponceau entre Cinq-Mars-la-Pile et Berthenay et celui de Port-la-Pile entre Cinq-Mars-la-Pile et Villandry.
La Loire au Ponceau (photo PMD août 2024)
Le passage, dit du Ponceau, dit aussi passage de Berthenay, mentionné sur le cadastre napoléonien, sur la carte de Coumès et sur la carte d’état-major assurait la traversée du fleuve entre Le Ponceau à l’est du bourg de Cinq-Mars-la-Pile (à la limite avec Saint-Étienne-de-Chigny) et l’ancienne Île du Passeur, près de La Grange-aux-Moines à Berthenay, sur la rive gauche.
Ce passage existait encore en 1922 (modification de son tarif).et il y a là aujourd’hui une cale de mise à l'eau.
Le passage, dit de Port-la-Pile (à ne pas confondre avec Port-de-Piles, dans la Vienne, où il y avait un bac sur la Vienne, voir les passages sur la Vienne), dit aussi passage de Villandry, était situé, comme son nom l’indique en dessous de la fameuse pile funéraire gallo-romaine, haute exactement de 100 pieds romains (29,40 m.), et construite en moellons, avec un parement de douze panneaux de briques polychromes.
La Loire en-dessous de la Pile (photo PMD août 2024)
Le 20 fructidor an VII (6 septembre 1799), le bac, qui appartenait « au ci-devant seigneur de Villandry », Esprit François de Castellane (1730/1799), maréchal de camp, seigneur de Savonnières et de Villandry, fils de Michel Ange de Castellane (1703/1782), ambassadeur de France auprès de la Sublime Porte, également seigneur de Lémeré et de Savonnières, qui avait acheté le château en 1754, fut attribué à Jean Roy contre un fermage de 45 francs.
Le fermier devait exploiter également « le passage de Berthenay », autrement dit le passage du Ponceau (voir ci-dessus).
De 1877 à 1882, le fermier devait « deux fois par an, le 11 juin, jour de l’assemblée de Cinq-Mars et le 30 novembre, jour de la foire, établir un passage supplémentaire, à l’aval du viaduc de Cinq-Mars. » et l’article 41 du cahier des charges précise : « Il est interdit expressément au fermier d’employer pour ce passage supplémentaire les bateaux et agrès affectés à l’exploitation du passage de Port-la-Pile. »
Le passeur du bac de Cinq-Mars (cp)
En 1880, le fermier, soutenu par le député Antoine Dieudonné Belle (1824/1915), député d’Indre-et-Loire de 1876 à 1889, maire de Tours de 1875 à 1879, fils du maire de Montlouis-sur-Loire (voir ci-dessus) demanda une réduction de moitié de son fermage « étant donné que son revenu a diminué depuis la suppression du péage du pont de Savonnières, situé à 3 km du bac. » (Voir les passages sur le Cher). Son bail fut résilié et une nouvelle adjudication lui attribua ce passage contre un fermage réduit à 12 francs et une caution de 25 francs !
Ce fermier avait aussi à bail, de 1877 à 1882 puis de 1883 à 1888 le passage sur le Cher, dit Passage de Villandry (voir Les passages sur le Cher, entre les deux rives de Villandry).
Entre Langeais (rive droite) et La Chapelle-aux-Naux (rive gauche)
Le nom de Langeais apparaît pour la première fois vers 590, sous la forme Alingavia, dans le livre X, ch. 31 de L’Histoire des Francs de Grégoire de Tours, qui précise que Saint Martin y détruisit un temple païen pour édifier une église. Le toponyme n’est pas expliqué clairement et de nombreuses hypothèses, le faisant toutes venir du celtique, ont été émises : Alingo (lieu près de la Loire) ou Adalingus (lieu avancé) ou encore Alingavus signifiant « domaine des Lingons », (un des premiers peuples celtiques, établi dans la région de Langres).
La commune de La Chapelle-aux-Naux fut créée en 1790 ; c’était auparavant une paroisse dépendant de celle de Saint-Jean à Langeais. Ce toponyme vient d’une chapelle édifiée en 1505 par un certain Guillaume Nau ; en 1627, la famille Nau y fit installer des fonts baptismaux pour éviter aux paroissiens d’avoir à traverser la Loire afin d’aller faire baptiser leurs enfants à Langeais.
Langeais : plan Ponts et Chaussées 1945 (source AD37))
Un bac reliant Langeais à La Chapelle-aux-Naux est mentionné à partir de 1800 mais il est probablement plus ancien. La traversée se faisait en deux fois et le fermier devait effectuer la traversée avec deux toues placées de chaque côté de l'île aux Bœufs, maintenant rattachée à la rive gauche ; cependant, pendant les basses eaux, le trajet rive gauche / île s'effectuait sans bateau, au moyen de passerelles volantes en sable et en planches dont l'établissement restait aux frais du fermier du bac.
Du côté de la Chapelle-aux-Naux il semble qu'il n'y avait pas de cale d'abordage pour le bac, car celle-ci n’est pas mentionnée sur le cadastre napoléonien de 1813.
En 1836, le Conseil Général d’Indre-et-Loire décida de créer une route départementale entre Sainte-Maure-de-Touraine et Noyant dans le Maine-et-Loire, via Azay-le-Rideau et Langeais, où le bac fut remplacé par un pont à péage, dont les droits de péage seraient équivalents à ceux du bac.
Langeais : ancien port du passage (photo PMD août 2024)
En janvier 1871, le pont fut détruit par l’armée française pour entraver l’avancée des Prussiens vers le sud du département et de nouveau un bac fut mis en service le 29 janvier 1871 mais, l’adjudication du fermage ayant été infructueuse, le bac fut géré en régie par le département ; au terme de son utilisation, de 1871 à avril 1874, les recettes s’élevaient à 23 451,70 francs et les dépenses à 23 247,88 francs, soit un résultat positif de 203,82 francs !
De nouveau, le pont, reconstruit en 1874, fut coupé le 19 juin 1940 par l’armée française, dite de Paris, chargée de la ligne de défense établie au niveau de la Loire. La traversée de la Loire étant vitale pour la vie économique de la ville, un bac fut très rapidement remis en place mais les archives municipales de Langeais conservent de très nombreuses plaintes concernant ce bac, à qui l’on reprochait notamment ses fréquentes interruptions, sa lenteur et ses horaires fantaisistes ; les services médicaux et les camions transportant du lait avaient la priorité ; ce qui donna lieu à beaucoup de conflits ; néanmoins, on dit que ce bac fut aussi utile à la Résistance en transportant des FFI ou du ravitaillement.
Bien que, en 1945, une passerelle métallique provisoire, pour les piétons et les cyclistes, eût été installée, le bac continua à fonctionner pour les véhicules jusqu’à la reconstruction du pont en 1950, avec 3 types de bateau, dont finalement un bac à moteur électrique.
Entre Bréhémont (rive gauche) et Saint-Michel-sur-Loire (rive droite)
Le nom de Bréhémont, commune située entre la Loire et le Vieux Cher, apparaît pour la première fois au 9ème siècle, sous la forme Brehemmum, toponyme venant, selon le site de la mairie, de Broglio Heino et signifiant « la réserve de chasse dans l’île ».
Le nom de Saint-Michel-sur-Loire, quant à lui, apparaît en 1093 dans une charte de l’abbaye de Bourgueil, sous la forme :’Prope castrum quod dicitur Lengais est vicus … Sancti Michaelis locus ille vulgariter appellatur » soit « Près du château qui est dit Langeais, il y a une agglomération … Ce lieu est vulgairement appelé Saint Michel ». Depuis 2017 Saint-Michel-sur-Loire fait partie, avec Ingrandes-de-Touraine et Saint-Patrice, de la commune nouvelle de Coteaux-sur-Loire.
Au départ, le passage, dit de Bréhémont, cité en 1799, permettait la traversée de la Loire entre un lieu-dit appelé « le Passage » sur la rive gauche et « la Grange de l’isle » (île Bertrand aujourd’hui), sur la rive droite. Mais en 1844, le passage fut interrompu suite aux plantations d'osiers réalisées en 1839 par M Thomas Desmé de Chavigny de Planchoury (1805/1855) pour supprimer un bras de la Loire jugé inutile, qui rendaient impossible l’abordage sur la rive droite.
Sur intervention du passeur, Jean Silvain Vezin, le maire de Bréhémont demanda qu’un nouvel emplacement soit fixé sur Saint-Michel-sur-Loire. Mais l'ingénieur des Ponts et Chaussées chargé du dossier proposa un déplacement complet du passage ; il considérait en effet que celui-ci, avait été établi pour faciliter les communications entre Bréhémont et les coteaux de Saint-Michel, mais que l’ancien emplacement obligeait les habitants de Bréhémont à remonter la Loire sur 4 000 m.
Il suggéra donc que la traversée soit déplacée vers l’aval, entre le port, dit la Magdeleine, situé un peu à l’ouest du centre de Bréhémont (rive gauche), et la Bonde, sur la rive droite, en précisant néanmoins que, étant donné que l’île de la Bonde se trouvait entre les deux lieux d’abordage : « le passage s’effectuera là, comme sur beaucoup d’autres points de la Loire, au moyen de deux bateaux, faisant chacun d’eux le service d’un des deux bras du fleuve. »
La Loire à Bréhémont, avec l'ancienne charrière (photo PMD août 2024)
En 1921, Camille Rolland accepta d’assurer le service du bac, qui était arrêté depuis 1913, à condition de recevoir chaque année une subvention de 350 francs, qui fut versée par les communes de Bréhémont (pour 250 francs*) et de Saint-Michel-sur-Loire (pour 100 francs*).
À la suite de la mort du fermier, le 5 avril 1926, le bac fut arrêté mais, dans les années qui suivirent et ce jusqu’en 1938, Denis Gourré obtint du préfet Antoine Lemoine (1888/1958) l’autorisation d’assurer le passage « à ses frais, risques et périls » les 28, 29 et 30 septembre, à l’occasion de « l’assemblée-fête de Saint-Michel. »
Ce bac reprit du service pendant la seconde guerre mondiale, après la destruction du pont de Langeais en 1940, (voir ci-dessus).
Il y avait aussi à Bréhémont un passage sur le Vieux-Cher, dit passage de Rupuanne reliant cette commune à Savonnières (voir les passages sur le Cher).
Entre La Chapelle-sur-Loire (rive droite) et Rigny-Ussé, Huismes ou Avoine (rive gauche)
Le nom de la commune actuelle de La Chapelle-sur-Loire apparaît en 1415, sous l’appellation La Chapelle Blanche en Anjou ; elle fut nommée ensuite, en 1477, La Chapelle Blanche sur Benais puis, en 1671, La Chapelle Blanche en Vallée, Les Trois Volets en 1794 (voir ci-après) et enfin La Chapelle-sur-Loire, en 1820, pour éviter la confusion avec La Chapelle-Blanche-Saint-Martin.
L’ancien toponyme fait référence au fait que, selon la tradition, les buissons des rives de la Loire se seraient couverts de fleurs blanches au moment du transport, en novembre 397, du corps de Saint Martin de Candes à Tours ; le toponyme Ablevois (voir ci-après), issu de « alba via » (la route blanche), vient aussi de cette légende.
La commune a été profondément marquée par la rupture de la levée au niveau du centre bourg dans la nuit du 3 au 4 juin 1856 lors de la crue (voir article précédent), qui provoqua une inondation et entraîna des dégâts considérables ; de nombreuses maisons et deux cales d'abordage furent détruites ; l’eau monta de 7 m. comme l’indiquent les marques de crue ; l’église fut épargnée mais le cimetière, qui s’étendait devant elle, fut complètement emporté et des cadavres furent retrouvés au Port d’Ablevois, à plus de 2,5 km à l’ouest (voir ci-après).
Le nom de de Rigny-Ussé résulte de la fusion, en 1860, des communes de Rigny et d’Ussé. Le nom de Rigny apparaît au 12ème siècle, dans le cartulaire de l’abbaye de Cormery sous la forme Renniacus, venant de Reginiacus ou « domaine agricole du gaulois Reginius » ; celui d’Ussé apparaît pour la première fois au 6ème siècle, sous la forme Ucerum, signifiant, soit « domaine du germain Hucho », soit « domaine agricole d’Uccius ».
Le nom de Huismes apparaît pour la première fois au 10ème siècle dans une charte de l’archevêque de Tours Théotolon, sous la forme Oximensis villa, indiquant qu’il y avait là un domaine agricole ayant vraisemblablement pris la place d’une villa gallo-romaine, comme cela est généralement le cas. Quant à l’adjectif Oximensis, venant de Oxima, il peut, soit renvoyer aux Osismes, peuple gaulois ayant occupé l’actuel département du Finistère, soit au gaulois Uxisama signifiant « lieu très haut » ou « la Très haute », déesse gauloise adorée sur les hauteurs.
Le nom d’Avoine apparaît pour la première fois en 1247 sous la forme Avenis venant soit du latin avena, signifiant « champ où pousse l’avoine » ou « terre maigre », soit, selon le site de la commune, du radical aven, ayant un rapport à l’eau. Le hameau le plus important, sur la rive gauche de l’Indre, qui se jette là dans la Loire, était celui du Néman, toponyme qui apparaît au 12ème siècle, dans le Cartulaire de Fontevraud, sous la forme Namang, venant, soit du germanique neman, signifiant « prendre », soit du même radical que le latin nemeto, dont le sens est « sanctuaire ».
Trois passages reliaient la rive droite à la rive gauche : ce sont, d’amont et aval :
Le passage, dit des Trois-volets, reliant le Port des Trois Volets (côté la Chapelle-sur-Loire) au lieu-dit la Clauderie, à la limite entre les communes de Rigny-Ussé et de Huismes, est mentionné en 1813 sur le cadastre napoléonien et en 1848 sur la carte de Coumès.
La Loire aux Trois volets (photo PMD juin 2024)
Il fut affermé le 18 ventôse an VII (8 mars 1799) avec une redevance de 72 francs; le cahier des charges porte l’indication suivante « il serait possible de tirer un plus grand profit de ce bac mais l’impunité enhardit tous les propriétaires de bateaux à faire le métier de passeur sans payer aucune rétribution. »
En 1908, le passage « n’ayant pas pu être affermé depuis 10 ans » fut arrêté ; cependant il était de nouveau en service en 1913 avec Léon Obligis, qui avait soumissionné pour la période de 1913 à 1918 mais qui dut interrompre son travail l’année suivante, étant donné qu’il avait été mobilisé au début de la 1ère guerre mondiale et qu’il avait été blessé à la main droite.
En 1920, les Ponts et Chaussées, estimant « qu’il valait mieux un bac cher que pas de bac » proposèrent au préfet d’accepter l’augmentation des droits de passage votée par le conseil municipal de La Chapelle-sur-Loire. Jean Baptiste Hériau fut alors d’accord pour être fermier de 1921 à 1926 à condition de ne pas payer de redevance et de pouvoir renoncer au passage des voitures « parce que non seulement il n’avait pas les moyens de se procurer une charrière mais encore parce qu’il ne pouvait pas faire les frais de l’emploi d’un ouvrier supplémentaire pour la manœuvrer avec lui. »
De 1927 à 1932, le fermier disposait de « un bateau en chêne » d’une valeur de 1 100 francs, « un bateau remorque en sapin », estimé à 800 francs et « un bateau en fer à moteur », valant 4 000 francs.
N.B.] Il y avait aussi, à Rigny-Ussé, un passage sur l’Indre (voir l'article Les passages sur l'Indre.
Le passage de Port Geniève ou Genièvre, dit aussi passage de La Chapelle Blanche) reliait le centre du bourg à l’île Hivert, qui figure sur la carte d’état-major sous le nom de « île Hiver » mais qui n’existe plus aujourd’hui car elle a été rattachée à la rive gauche.
La Loire à La Chapelle-sur-Loire (photo PMD février 2019)
Après la suppression de ce passage en 1873 suite à l’absence d’adjudicataire, le Conseil Municipal de La Chapelle-sur-Loire demanda son rétablissement et décida de verser une subvention annuelle de 100 francs, « à condition que Huismes fasse de même » ; à son tour, le conseil municipal de Huismes vota une subvention de 50 francs « à condition que le passage soit remonté de manière à être à 100 m. du chemin de Huismes à la Loire et que les communes d’Avoine et de Restigné soient appelées à faire quelques sacrifices pour le même objet. » Les archives ne disent pas ce qu’il advint de cette demande !
Le passage dit du Port d’Ablevois reliait la rive droite au Néman (commune d’Avoine), sur la rive gauche.
En 1747, un arrêt du conseil d'Etat maintient le chapitre de Saint-Martin de Tours dans le droit de tenir un bac « sur la rivière de Loire au port d'Ablevois ». À la même époque, le maire de Restigné avait le droit de passer et repasser au Port-d'Ablevois, avec ses gens, sans payer aucune rétribution.
Entre Chouzé-sur-Loire (rive droite) et Avoine, Savigny-en-Véron, Candes-Saint-Martin (rive gauche)
Le nom de Chouzé-sur-Loire apparaît pour la première fois en 1003, dans une bulle de Sylvestre II (pape de 999 à sa mort en 1003), sous la forme Choziacum, venant de Causiacus ou « domaine agricole de Causus ». Partie intégrante de l’Anjou sous l’ancien régime, Chouzé et la région de Bourgueil furent rattachées au département de l’Indre-et-Loire en 1790.
Le nom de Savigny-en-Véron, commune située dans le riche Véron, entre la Loire et la Vienne, apparaît pour la première fois au 12ème siècle, sous la forme Saviniacus, venant de Sabiniacus ou « domaine agricole du Sabin », dans une charte de l’abbaye de Fontevraud.
Quant au nom de Candes, il apparaît pour la première fois, dans une lettre de Sulpice Sévère sous la forme Condacensem diocesim, signifiant « église du Confluent », toponyme venant du gaulois Condate (Confluent). En 1949, la commune choisit de se rebaptiser Candes-Saint-Martin, en l’honneur de Saint Martin, mort, selon la tradition dans l’église, qu’il avait fondée et qui deviendra la grande collégiale, assurant la célébrité de cette commune.
Il y eut trois passages entre Chouzé-sur-Loire et la rive gauche de la Loire :
Le passage, dit de Port-Boulet aboutissait juste à côté de l’actuelle centrale nucléaire d’Avoine (dite de Chinon), où, selon moi, Rabelais a situé l’abbaye de Thélème (voir la catégorie Rabelais en Touraine), est cité en 1750 ; il avait une grande importance car il mettait en relation directe les villes de Bourgueil et de Chinon.
La Loire à Port Boulet (photo PMD juin 2024)
Ce bac cessa de fonctionner en 1837, suite à la construction du pont suspendu de Port-Boulet.
La rampe de ce bac est toujours visible, juste en aval du pont.
Le passage, dit du bourg reliait le bourg de Chouzé au lieudit le Petit Chouzé sur la rive gauche (commune de Savigny-en-Véron). La carte de Coumès signale que la traversée s'effectuait en deux trajets : cale du bourg-grande île de Chouzé-le Petit-Chouzé. Il semble qu'il n'y avait pas d'ouvrage d'abordage maçonné au Petit-Chouzé malgré la dénomination « port » sur le cadastre
En 1859, le Conseil Municipal de Chouzé se plaignit auprès du préfet de ce que le fermier avait établi sa résidence sur la rive gauche et demanda qu’il soit contraint d’habiter sur la rive droite ; ce que le préfet refusa puisque cette clause n’était pas prévue dans le cahier des charges et il ajouta que c’était aux habitants de Chouzé de se plaindre auprès des tribunaux si le passeur outrepassait les délais fixés dans l’article 35 du cahier des charges.
La Loire au port du bourg de Chouzé (photo PMD juin 2024)
En 1863, on projeta, suite à la réclamation du passeur, de construire une nouvelle cale d'abordage pour ce bac du côté de Chouzé. L’ingénieur ordinaire des Ponts et Chaussées établit un projet pour une cale de 40 m. de longueur sur 4 m. de largeur, avec une pente de 3/100, dont le coût était estimé à 2 800 francs ; celui-ci fut approuvé par le Directeur général des Ponts et Chaussées, Ernest Franquet de Franqueville (1809/1876), puis réalisé pour un coût de 3 500 francs.
En 1873, suite à une adjudication infructueuse, le maire signala que la commune était disposée à acheter deux bacs afin de conserver le passage et que l’ancien fermier, était prêt à payer une modeste redevance de 10 francs ; ce qui fut accepté car, comme le souligne dans son rapport l’ingénieur ordinaire des Ponts et Chaussée : « cette somme est faible mais les revenus de ce bac sont à peu près insignifiants. »
En 1908, le passage, n’ayant pas pu être affermé depuis 10 ans, fut supprimé.
Actuellement, l’association des Bateliers de la Loire organise des promenades en bateau, du 1er avril au 31 octobre, le jeudi, samedi et dimanche à 15 h. et 16 h.15 (téléphone 06 43 47 40 90). Promenade très agréable faite le 23 juin 2024.
Le passage, dit de l’île-au-Than, partait d’un port d’abordage, dont la cale est toujours visible, se trouvant à la limite entre l’île de Montravers et l’île au Than (commune de Montsoreau dans le Maine-et-Loire), anciennes îles rattachées à la rive, pour arriver au bas de la rue de la Vienne à Candes-Saint-Martin.
Le bac, qui ne transportait que des personnes, était exploité en 1862 par Louis Jusseaume, également fermier du bac du bourg (voir ci-dessus) ; il payait pour ce passage une redevance importante de 160 francs, justifiée par le fait que la Loire avait là « une largeur de 500 m. ».
Ancien port du passage de l'île-au-Than (photo PMD juin 2024)
Ce bac, qui, est-il noté en 1902, rapportait peu « eu égard à la largeur du fleuve à traverser et aux difficultés qui en résultent en temps de crue et de brouillard », fonctionna jusqu’en 1917, année de la mise en service du pont entre Montsoreau et Varennes-sur-Loire.
Ce pont routier métallique, qui mesure 600 m. de long, fut coupé en 1940 par l’armée française pour retarder l’avancée des allemands ; reconstruit pendant l’occupation, il fut de nouveau détruit en 1944 par les bombardements des alliés.
Le bac reprit alors du service et j’ai rencontré à Candes-Saint-Martin, en juin 2024, un vieux monsieur qui l’avait emprunté !
N.B. Il existait aussi à Candes-Saint-Martin, un bac entre les deux rives de la Vienne (voir les passages sur la Vienne).