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Les passages sur la Vienne


La Vienne (Vigenna en gaulois, càd « la brillante ») prend sa source sur le plateau de Millevaches et se jette dans la Loire à Candes-Saint-Martin. Pendant des siècles, cette rivière fut utilisée pour transporter êtres humains et marchandises (voir https://www.parc-loire-anjou-touraine.fr/le-territoire/culture/la-marine-de-loire) ; Les bateaux utilisés étaient généralement des toues cabanées pour les passagers et des sapines (bateau rudimentaire fabriqué avec des troncs de pin) pour les marchandises.

Les transports s’effectuaient surtout en hiver, en période des hautes eaux ; ils cessèrent, au début du 20ème siècle, le jour où un chaland resta ensablé pendant 6 mois dans la région de Crouzilles.

01 chaland

L’abbé Bourderioux, raconte dans Naufrage sur la Vienne in BAVC 6.8, qu’une sapine allant de Châtellerault à Saumur fut prise dans une tempête devant la tuilerie de Ports-sur-Vienne et fit naufrage après avoir été jetée « contre le rocher bordant la rivière du côté de Noyers ». Pierre-Émery Forest (voir https://turonensis.fr/categories/nouatre/01-histoire-de-nouatre) alors notaire royal au grenier à sel de Sainte-Maure mais résidant à Nouâtre, fit le constat.

En 1843, il existait encore une ligne de bateaux à vapeur, exploités par la société des « Inexplosibles de la Vienne », transportant passagers et marchandises de Châtellerault à Nantes avec arrêts aux Ormes, à L’Île-Bouchard, à Chinon, à Candes, à Saumur et à Angers. De Candes, il était possible de rejoindre par la Loire Tours, Blois et Orléans. Le tarif sur la distance complète était de 17,30 francs pour la 1ère chambre et de 11,80 francs pour la 2ème chambre.

Mais, pendant longtemps et encore aujourd’hui, des crues plus ou moins prévisibles causèrent des dégâts dans les communes riveraines. La première crue dont l’histoire locale garde la trace eut lieu en décembre 1530 (voir photo ci-dessous) et la plus importante en juillet 1792. On peut voir sur le chevet de l’église de Marcilly-sur-Vienne de très nombreuses marques de ces crues .

02 Marque de la crue de 1530 sur léglise de Marcilly sur Vienne

Marque de la crue de 1530 sur l’église de Marcilly-sur-Vienne (photo PMD février 2012)

La Vienne tourangelle arrose les communes suivantes : Antogny-le-Tillac, Pussigny, Ports-sur-Vienne, Marcilly-sur-Vienne, Nouâtre, Pouzay, Trogues, Crouzilles, Parçay-sur-Vienne, L’Île-Bouchard, Tavant, Panzoult, Sazilly, Cravant-les-Coteaux, Rivière, Chinon, Saint-Germain-sur-Vienne, Savigny-en-Véron et Candes-Saint-Martin.

14 passages (ou bacs) existaient dans le département :

  • 01 : entre Antogny-le-Tillac et Les Ormes (86).
  • 02 : entre Pussigny/Ports et Port-de-Piles (86).
  • 03 : entre Ports et Nouâtre (Noyers).
  • 04 : entre Marcilly-sur-Vienne et Nouâtre.
  • 05 : entre les deux rives à Pouzay.
  • 06 : entre Parçay (Mougon) et Crouzilles (Mougon).
  • 07 : entre les deux rives à L’Île-Bouchard.
  • 08 : entre Tavant et Panzoult.
  • 09 : entre Sazilly et Cravant (Le Puy).
  • 10 : entre les deux rives à Briançon (Cravant)
  • 11 : entre Rivière et Chinon (Les Loges).
  • 12 : entre les deux rives à Chinon.
  • 13 : entre les deux rives à Saint-Germain-sur-Vienne.
  • 14 : entre les deux rives à Candes-Saint-Martin.

Entre Antogny-le-Tillac (rive gauche) et Les Ormes (86) (rive droite)

À l’époque gauloise (la Tène), la région faisait partie du territoire des Pictons et jusqu’à la Révolution, la paroisse dépendait des Ormes, actuellement dans le département de la Vienne.

C’est sans doute au 18ème siècle qu’un passage, dit des Ormes, remplaça le gué existant depuis l’antiquité ; il partait des Ormes, sur la rive droite, en aval du pont actuel et arrivait à Tivoli, appelé alors « le Port (càd le Passage) des Ormes. » Il était très fréquenté car il mettait en relation les villes de La Haye (aujourd’hui Descartes) et de Richelieu.

En 1805, il fut donné à la commune des Ormes, « à charge pour elle de rembourser à l’ancien propriétaire le prix du bac » ; ce dernier était Marc René Marie de Voyer de Paulmy d’Argenson (1771/1842), dit le marquis d’Argenson, qui avait pris le parti de la Révolution et qui fut préfet de 1809 à 1813 puis député progressiste de 1815 à 1834.

Entre 1811 et 1825, le fermier, Charles Barranger payait un fermage de 250 francs ; son cahier des charges précise, dans l’article 14, « le fermier est autorisé à requérir, lorsque le cas l’exige, l’assistance de la force armée » et, dans l’article17, « le fermier ne sera point contraint d’embarquer n’y (sic) débarquer les marchandises arrivant au passage ».

En 1833, un rapport de l’ingénieur en chef des Ponts-et-Chaussées pour le département de la Vienne indique : « le bac établi sur la Vienne aux Ormes est assez fréquenté pour avoir engagé plusieurs habitants à former une société et demander l’autorisation de construire un pont suspendu, moyennant la concession du droit de péage et d’une subvention du trésor public ».

03 Le pont suspendu des Ormes cp

Cette société, qui avait été formée par le marquis d’Argenson (voir ci-dessus) et qui était gérée par Benjamin Ursin Molineau, notaire aux Ormes, fut autorisée, par une ordonnance du 6 août 1834 à installer un pont aux Ormes « moyennant une concession pour 99 ans et une subvention de 15 000 francs ».

Ce pont suspendu, dit « en fil de fer », fut construit par la Compagnie Seguin Frères suivant les plans du polytechnicien Ferdinand Bayard de La Vingtrie (1791/1852) et les épreuves eurent lieu du 20 au 23 août 1835. Il fut remplacé en 1934 par un pont en ciment avec une chaussée double de 5 m.

04 Le pont actuel cp annotations PMD

Le pont actuel (cp, annotations PMD)

Ce nouveau pont fut détruit le 22 juin 1940 par l’armée française pour entraver l’avancée des allemands puis reconstruit après la guerre et inauguré le 19 septembre 1948. On peut supposer que, pendant ce laps de temps, le bac fut remis en service mais je n’ai pas trouvé de documents à ce sujet.

Entre la rive gauche Pussigny/Ports-Sur-Vienne et la rive droite Port-de-Piles (86)

Le passage, dit du Bec-des-Deux-Eaux, partait d’une rampe, qui existe toujours, située sur la rive gauche, à côté du moulin Bertaut, en amont du pont actuel et au nord du bourg de Pussigny, à la limite avec Ports-sur-Vienne, et arrivait, sur la rive droite, dans presqu’île de Grouin, située au confluent de la Vienne et de la Creuse, appelé le Bec-des-Deux-Eaux, aujourd’hui sur la commune de Port-de-Piles.

07 Le Bec des deux Eaux vers 1950 cp collection D. B. annotations PMD

Le Bec-des-deux-Eaux vers 1950 (cp, collection D. B. annotations PMD)

Un texte du 25 germinal an VII (14 avril 1799) indique que « ce passage, très fréquenté et d’une nécessité absolue » appartenait sous l’ancien régime à Marc René Marie Voyer de Paulmy d’Argenson, propriétaire du château des Ormes (voir ci-dessus).

Déjà en 1802 les Ponts et Chaussées avaient souligné que les lieux d’abordage sur la rive droite étaient très escarpés et qu’il serait nécessaire d’y aménager une rampe. Par la suite, en 1854, après un certain nombre d’incidents, heureusement sans grande gravité, une pétition, signée par les maires de Port-de-Piles, Ports, Pussigny et Marigny-Marmande ainsi que par « autres personnes notables » de ces communes, remarqua qu’il y avait eu de « graves événements sur la rive droite parce que le département de la Vienne avait négligé de faire faire un abordage sur son territoire ». Finalement une rampe fut construite en 1855 sur cette rive droite.

08 Pussigny la rampe dabordage et la maison du passeur cp collection D

Pussigny : la rampe d’abordage et la maison du passeur (cp collection D. B.)

Fermier de 1872 à 1874, Benjamin Nadreau , fut responsable, le 27 janvier 1872, vers 5 h 30 du soir, d’un grave accident, appelé ensuite « la catastrophe de Ports ».

Cet accident est rapporté en détail dans un courrier de l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées pour le département de la Vienne : « le fermier passait en une seule fois quatre voitures attelées chacune d’un cheval, trois étaient vides, l’autre était chargée de cinq sacs de blé. Il y avait sept personnes dans le bateau. La Vienne avait une crue de près de 2 m. Le bateau, venant de la rive droite, n’avait plus que 10 m. environ à faire pour atteindre la rive gauche, lorsque, le câble s’étant rompu, il a sombré immédiatement et quatre personnes se sont noyées ».

Il y eut évidemment une enquête et le passeur, qui avait « par avarice » surchargé son bac, fut jugé responsable de cette catastrophe, étant donné « sa maladresse, imprudence, inattention, négligence et inobservation des règlements » comme l’indique un courrier du procureur de la République au sous-préfet de Chinon ; il fut condamné « pour homicide par imprudence » à une amende de 100 francs ; ayant fait appel, il vit son amende confirmée et il obtint en outre 6 jours de prison !

Comme il ne payait plus son fermage depuis l’accident, son bail fut résilié le 26 janvier 1874 ; il se retrouva alors redevable vis-à-vis du trésor d’une somme de 3 065,33 francs et la Régie fit vendre « tous les immeubles lui appartenant » ainsi que son mobilier !

09 Pussigny la rampe dabordage photo PMD juin 2024

Pussigny : la rampe d’abordage (photo PMD juin 2024)

Dès 1855, un rapport des Ponts et Chaussées du département de la Vienne notait que ce passage était un des plus importants du département, que la station de Port-de-Piles (située sur la ligne de chemin de fer Paris/Bordeaux) était une des plus productives et se demandait s’il ne serait possible d’y établir un pont en maçonnerie mais cette réalisation n’eut lieu que 22 ans plus tard.

En effet, un pont à péage fut mis en service en 1877 et le bac fut alors mis en sommeil mais, le pont ayant été détruit en juin 1940 par l’armée française pour entraver l’avancée des allemands, le passage fut remis en activité avec, d’abord « un mauvais bateau », selon ce que dit le maire de Ports dans un courrier du 16 juin 1942, puis, après la guerre, avec une barque pour les piétons et un bac à moteur, reposant sur d’anciens pontons allemands, pour les véhicules.

10 Le bac en 1958 collection I. M G

Le bac en 1958 (photo collection I. M-G)

En août/septembre 1953, le service fut interrompu étant donné que le plan d’eau avait dû être abaissé « en raison des réparations à effectuer au barrage des Maisons Rouges ». Le 6 mai 1954, une nouvelle interruption eut lieu « pour une durée indéterminée, suite à une baisse des eaux, provoquée par une brèche sur le barrage des Maisons Rouges ».

En 1964 le bac fonctionnait de 7h à 12h puis de 13h à 18h en hiver, de 7h à 12h puis de 13h à 19 h en été ; la barque, quant à elle, pouvait être utilisée de 6h à 7h puis de 18h à 20h en hiver et de 6h à 7h puis de 19h à 20h30 en été.

11 Le bac en 1958 avec à droite le passeur Antonio Ortega collection I. M G

Le bac en 1958, avec, à droite, le passeur Antonio Ortega (photo collection I. M-G)

Cependant plusieurs témoignages indiquent que le passage était souvent arrêté pour diverses raisons et qu’en définitive il était peu emprunté : 10 véhicules par jour en moyenne pour l’année 1962 et 11 pour 1963. En outre, le salaire des 3 passeurs et l’entretien coûtaient cher : 30 000 nouveaux francs en 1962 (soir 45 000 € environ).

Ces éléments entrèrent en ligne de compte dans la réflexion du Conseil Général, qui décida en 1962 de reconstruire le pont ; celui-ci fut terminé en 1966 et les pontons allemands furent alors vendus, chacun pour la somme de 20 nouveau francs (soit environ 35 € actuellement).

Entre Noyers (Nouâtre rive droite) et Vieux-Port (Ports-sur-Vienne rive gauche)

Noyers, sur la rive droite, est une ancienne paroisse, bien connue par son abbaye bénédictine fondée au 11ème siècle et dont le cartulaire est un précieux outil de renseignement ; ce fut ensuite une commune, rattachée à celle de Nouâtre (voir ci-après) en 1832.

Pendant longtemps l’activité principale de Ports (voir ci-dessus) a été la fabrication de la chaux ; Les premiers fours furent construits au 18ème siècle, notamment à Vieux-Port, entre le bourg et Marcilly-sur-Vienne, où une grande usine avec 7 fours fut installée en 1868, en dessous du coteau, presque en face de l’abbaye de Noyers. 

Dès le 11ème siècle, un bateau circula entre les deux rives puisque l’on sait que l’abbaye de Noyers fut construite avec des pierres extraites des carrières de Ports ; ce moyen de transport continua à fonctionner de façon occasionnelle et le mardi 29 mai 1590, alors que les moines et la population de Noyers étaient allés célébrer la Fête des Rogations à Marcilly, plus de cinquante personnes furent noyées lorsque le bateau coula brutalement lors du voyage de retour, selon ce que raconte Mme Lucile Gallay, dans son Histoire de l’abbaye de Noyers (1863).

bac noyers

Noyers, dernier emplacement du bac (plan agent voyer vers 1850, annotations PMD)

 C’est au 19ème siècle qu’un bateau traversa régulièrement la Vienne entre le « port de Noyers » et Vieux-Port mais celui de Noyers fut déplacé à quatre reprises ! Le dernier fut aménagé en amont de l’abbaye, au débouché d’un chemin qui conduit maintenant à une cale de mise à l’eau pour les barques des pêcheurs ou les bateaux des vacanciers et d’où part chaque année, au mois de juin, l’épreuve de natation du triathlon international de Touraine.

14 Emplacement de lancien bac de Noyers vu de la rive gauche photo PMD mai 2010

Emplacement de l’ancien bac de Noyers, vu de la rive gauche (photo PMD mai 2010)

De 1832 à 1840, l’adjudicataire du bac fut Pascal Lebert, maire de Noyers de 1830 à 1832, année où la commune fut rattachée à celle de Nouâtre.

En 1871, le passage fut menacé de fermeture car on n’avait pas trouvé d’adjudicataire, étant donné que le matériel n’était pas suffisant pour les gros transports ; cependant le maire de Nouâtre, qui était alors, à titre temporaire, le notaire Jean Victor Houette (né en 1822), signala que « le sieur Louis Léger consentirait à exploiter le passage de Noyers, à condition d’être autorisé à y établir une charrière à ses frais. »

Ayant obtenu l’autorisation qu’il demandait, Louis Léger put alors transporter la chaux fabriquée par l’usine de Ports, qui transitait par Noyers pour aller à la gare ferroviaire de Port-de-Piles, située sur la ligne Paris-Bordeaux (voir ci-dessus).

Cependant lorsque l’usine de Ports fut détruite le 11 août 1880 par l’écroulement du coteau, catastrophe, qui fit 25 morts et 8 blessés, et qui entraîna la faillite de l’usine (voir https://www.noyers-nouatre.fr/la-catastrophe-de-vieux-port-de-1880/), cela causa aussi de graves difficultés pour le fermier du bac de Noyers. Constatant que le péage rapportait 1 700 francs par an avant l’accident et 360 francs après, il demanda la résiliation de son bail, ce qui lui fut accordé.

Alexis Duday, fermier de 1901 à 1906, fut à l’origine d’un grave accident le 8 avril 1904 ; ce jour-là en effet, la charrière sombra par 3,50 m. de profondeur à 30 m. de la rive droite; celle-ci transportait, outre le passeur, Laurent Martin de la Grille à Antogny-le-Tillac avec son cheval ainsi qu’un marchand de vin de Ports, Alphonse Anguille, avec une voiture attelée d’un cheval et chargée de 3 fûts de vin ; les 3 hommes réussirent à saisir des planches et furent recueillis par un bateau à 200 m. en aval ; la charrière et son chargement furent tirés de l’eau mais les 2 chevaux furent noyés ; les passagers incriminèrent le département et mirent en avant le mauvais état de la charrière ; cependant l’enquête établit que le matériel était en bon état et que la responsabilité incombait au fermier, qui avait trop chargé l’avant de son bateau, de sorte que « l’enfoncement dépassait la ligne de flottaison ».

15 Emplacement de lancien bac de Noyers aujourdhui photo PMD juin 2024

Emplacement de l’ancien bac de Noyers aujourd’hui (photo PMD juin 2024)

Malgré cet accident son bail fut renouvelé pour la période 1907/1912 mais il fut mis en demeure de retirer la charrière et de ne garder que « le petit bateau » ; cependant ce bail fut résilié avant la fin de l’année « en raison de la maladie du fermier » et une nouvelle adjudication eut lieu.

Celle-ci ne donna aucun résultat ; l’ingénieur des Ponts et Chaussées indiqua alors « il faut surseoir à l’amodiation (fermage d’une durée limitée et réversible) jusqu’à ce que les conseils municipaux de Nouâtre et de Ports aient été invités à voter une subvention pour la réparation du matériel du bac ».

Le 23 novembre 1907, M. Martin François, pêcheur à Noyers, fut déclaré fermier par soumission amiable avec une redevance de 1 franc mais il fut tenu d’acquérir une nouvelle charrière, en bénéficiant toutefois d’une subvention de 650 francs (200 francs du département, 300 francs de Nouâtre et 150 francs de Ports.)

Ce passage fonctionna jusqu’en 1912. Après la première guerre mondiale, le département constata que la charrière et son câble étaient coulés ; il la fit renflouer et l’attribua au passage de Nouâtre (voir ci-après).

Entre Marcilly-sur-Vienne (rive gauche) et Nouâtre (rive droite)

C’est sans doute au 15ème siècle qu’un bac se substitua à un gué pour la traversée de la Vienne, qui était indispensable, étant donné les étroites relations entre ces deux communes. En effet, la maison, dite du passeur, qui existe toujours et qui se situe à côté du camping actuel de Marcilly-sur-Vienne, date de cette époque. Les murs de cette maison sont très épais (de 70 à 95 cm) car elle doit régulièrement, affronter la montée des eaux lors de crues importantes, comme en 1792, année où l'eau la submergea presque ou comme le 30 mars 2024, jour où une crue inattendue impacta gravement les communes de L’Île-Bouchard, Marcilly, Nouâtre et Pouzay.

16 Source AD 45 annotations PMD à cette époque le terme port signifie passage

Source AD 45, annotations PMD (à cette époque le terme « port » signifie « passage »)

Les bateaux partaient de la rive gauche et arrivaient, sur la rive droite, à côté du château de Nouâtre, en-dessous des Chaumes, où une cabane fut installée pour loger le passeur lorsqu’il devait rester à Nouâtre.

Le 22 messidor an VII (10 juillet 1799), ce passage, qui appartenait certainement au seigneur de Nouâtre, fut attribué à Pierre Pachet (1761/1813), batelier à Marcilly, contre une redevance de 30 francs. En 1804, ce passage est dit « très fréquenté » et une rampe y fut aménagé du côté de Nouâtre.

18 Toutes les cartes postales viennent de la collection de Ph. G

Le bac devant le château de Nouâtre en 1898 par Georges Lemaître (1854/1940) (cp collection Ph. G.)

De 1813 à 1818, le fermier était un autre Pierre Pachet (né en 1792), fils du précédent ; ce dernier mourut avant 1824 car cette année-là, le passage, après des enchères disputées, fut attribué, pour la période de 1824 à 1831, à « la veuve Louise Pachet », qui avait proposé une redevance de 185 francs.

En 1840, d’importants travaux furent réalisés pour ce passage, notamment le pavage des chemins d’accès et de la cale de Nouâtre, sur 60 mètres de long et 26 mètres de large pour un coût de 2 500 francs ; il reste d’importantes vestiges de ce pavage, où arrivent les nageurs du triathlon international de la Touraine (voir ci-dessus).

17 Plan 1840 de la cale de Nouâtre source AD 37 S 4785

Plan 1840 du « port de Nouâtre » (source AD 37 S 4785)

En 1851, l’État acheta une nouvelle charrière pour la somme de 1 200 francs ; on essaya de vendre l’ancienne au prix de 100 francs mais n’ayant pas trouvé d’acheteur, on dut se résoudre à la céder pour 20 francs.

En 1871, étant donné la situation politique, il n’y eut pas d’adjudication aux enchères et le bac fut confié par soumission directe à Alexandre Lambseur, de Marcilly, avec un fermage de 450 francs. Il fut remplacé à partir de 1877 par Jean Burgault, pêcheur demeurant à Ports.

Mais le travail de passeur n’était pas sans danger et le 17 janvier 1878, Jean Burgault se noya accidentellement, laissant une veuve avec 2 enfants en bas-âge, qui obtint des aides du département et de la municipalité de Nouâtre : en outre, elle ne fut pas tenue de reprendre le bail, comme c’était la règle.

Dans l’urgence, pour que le service ne soit pas interrompu, le maire dut se résoudre à reprendre un ancien fermier, Louis Juette, qui laissa à Nouâtre un exécrable souvenir, car il était d’une grande insolence et laissait attendre des heures les personnes voulant traverser, si bien qu’en novembre 1888 Cyprien Fuseau (maire de 1888 à 1908), écrivit au nom des habitants au Président du Conseil Général pour demander que ce personnage soit exclu de la prochaine adjudication ; ce qui fut fait et il fut même interdit dans tout le département !

19 la charrière

La charrière et une barque (cp collection Ph. G.) Le passeur (avec une bourde) est secondé par son épouse

Le 10 janvier 1888, le péage du pont de Pouzay (voir ci-après) fut supprimé car ce pont était devenu la propriété du département ; en conséquence, les habitants de Marcilly et de Rilly-sur-Vienne, qui empruntaient régulièrement le bac, notamment pour se rendre au marché de Sainte-Maure, préférèrent utiliser le pont gratuit, ce qui entraîna évidemment une baisse des produits du passage ; ce dont le département tint compte dans le montant des fermages.

De 1889 à 1894, le passage fut attribué à Moïse Bouchet (1859/1939), qui fut ensuite propriétaire à Nouâtre d’un hôtel portant son nom (aujourd’hui L’Instant-Café). En janvier 1895, vu l’absence de soumissionnaire, ce dernier continua à surveiller et entretenir le matériel jusqu’au 27 février ; pour ce travail, les Ponts et Chaussées acceptèrent qu’il lui soit payée une indemnité de 58 francs (soit 1 franc par jour).

En 1900, alors que de nouveau il n’y avait pas d’adjudicataire, la commune de Marcilly proposa une subvention de 100 francs pour un passeur « à condition qu’il fixe sa demeure dans la maison située sur l’ancien port, étant donné que l’habitation du passeur dans le bourg de Nouâtre ne procure aucune satisfaction aux habitants de Marcilly ».

Jean Adolphe Bourreau accepta alors d’assurer le service, avec un fermage de 1 franc ; surnommé « le père Ratapoil » et fermier jusqu’à sa mort en 1926, il tenait aussi une buvette et vendait ses poissons dans sa maison, dite du passeur à Marcilly-sur-Vienne ; il disposait d’une charrière de 11,85 m. de long sur 3,45 m. au milieu, manœuvrée avec un câble de 250 m. de long, dont le treuil se trouvait sur la rive gauche, ainsi que d’un bateau pour piétons.

20 charrière et bac

Après sa mort, Moïse Bouchet revint de 1926 à 1930 ; la fille de ce dernier, Marie Juliette Bouchet (1885/1913), épousa Ludovic Bouchet (1881/1956), qui travailla avec son ancien beau-père et qui fut maire de Nouâtre de 1925 à 1945.

En 1926, un tarif spécial fut institué pour les habitants de Marcilly, travaillant au Camp militaire de Nouâtre (aujourd’hui 14ème BSMAT) et « passant journellement avec bicyclette » ; ceux-ci payaient 35 centimes au lieu de 65 centimes.

En 1929, le jeune Roger Potrel se noya, étant tombé dans la Vienne, en embarquant avec son vélo ; sa mère Eugénie Guitton porta plainte contre le passeur Moïse Bouchet, qui, malgré la nuit, n’avait pas de lanterne. Les archives ne précisent pas si ce dernier fut sanctionné !

En 1931, alors que le C. G. avait enfin décidé de construire un pont (mis en service en 1932), le passage n’était plus ouvert que quelques heures par jour avec un passeur, Honoré Fouquet, « depuis longtemps malade » et non agréé par le département.

En 1933, le bac fut vendu par les communes de Marcilly et de Nouâtre, pour la somme de 1 250 francs, à Henri Ondet, entrepreneur à Marcilly.

Ce bac, qui reste présent dans la mémoire des anciens habitants de Nouâtre, a été illustré par de nombreuses cartes postales.

Voir aussi https://turonensis.fr/categories/nouatre/la-vienne-avec-les-maisons-rouges-talvois-et-chenevelles

Entre les rives droite et gauche à Pouzay

Le passage mettait en relation les habitants des deux rives et assurait aussi la liaison entre Sainte-Maure et Loudun, via Richelieu par la D 32 (aujourd’hui D 58).

Sur la rive droite, l’accès se faisait par un chemin, qui existe toujours, en aval du pont actuel (voir ci-après), où se trouve l’ancien lavoir ; ce chemin fut réparé dans les années 1850 ; un pavage de 25 m. de long, 20 m. de large et 30 cm. d’épaisseur fut installé pour l’embarcadère.

Sur la rive gauche, on accédait au passage par un chemin situé à côté de la propriété de Marnaise, où il y eut une villa gallo-romaine, ce qui laisse à penser qu’il y eut là sans doute un gué avant le bac.

En 1804, ce passage est dit « un des plus fréquenté du département et le plus difficile ».

Lors de l’adjudication de 1814, pour la période 1814/1822, la mise à prix fut de 270 francs et les enchères furent très disputées entre d’un côté, Jacques Thibaud (propositions 300 francs, puis 360 francs et finalement 430 francs) et, d’un autre côté, Pierre Nadreau (voir passage Port-de-Piles, ci-dessus) qui avait proposé 330 francs puis 410 francs.

23 Pouzay cp annotations PMD

La Vienne à Pouzay (cp annotations PMD)

De 1841 à 1849, le fermier, Pierre Bouchet, qui avait remporté les enchères en proposant une redevance de 510 francs alors que la mise à prix était de 300 francs, disposait de deux bacs : un de 12 m. pour 25 à 30 personnes ou 7 à 8 gros animaux et un de 11 m. pour 20 à 25 personnes ; le plus long fut acheté en 1842 pour un montant de 1 600 francs ; le temps estimé pour la construction était de 100 journées à 2,50 francs la journée.

Une étude faite, entre 1857 et 1860 pour remplacer le bac, aboutit à un pont en ciment à péage, terminé en 1863. Il était prévu que le passage serait déplacé pendant la construction du pont mais cela s’avéra matériellement impossible et le constructeur proposa d’aménager un pont de service pendant cette construction, à condition de pouvoir percevoir le péage ; ce qui fut accepté.

Conformément à ce qui était prévu, le péage fut supprimé le 10 janvier 1888 (voir Nouâtre, ci-dessus).

24 Pouzay photo PMD mai 2024

Pouzay : photo PMD mai 2024

Ce premier pont fut détruit par les allemands le 31 août 1944. La traversée étant indispensable, notamment pour les enfants qui habitaient sur la rive gauche et qui allaient à l’école dans le bourg, un bac fut de nouveau mis en place et ce dernier continua à fonctionner pendant l’installation d’un pont métallique provisoire, entre 1946 et 1947 ; mais, comme on le sait, le provisoire dure souvent longtemps et le pont actuel ne fut mais en service qu’en 1966 !

Il était prévu que, pendant le démontage du pont métallique et la construction du nouveau pont, la circulation des véhicules soit déviée par le pont de Nouâtre et qu’un transport par autocar soit assuré pour les piétons ; la municipalité accepta d’abord ce dispositif mais obtint par la suite qu’un service gratuit de barque à moteur, soit mis en place pour les piétons et les cyclistes, avec l’installation de pontons semi-flottants sur les deux rives ; les horaires de ce service étaient de 5 h 45 à 12 h puis de 13 h à 20 h en semaine et de 9 h à 12 h puis de 13 h à 20 h le dimanche.

Entre Parçay-sur-Vienne (Mougon rive gauche) et Crouzilles (Mougon rive droite)

L’intérêt de ce passage, dit de Mougon, était, au départ, de mettre en communication la route allant vers Chinon rive gauche, via Sazilly (D 760 aujourd’hui) avec celle allant vers Chinon centre via Cravant-les-Coteaux (D 8 actuellement).

Avant la Révolution, il appartenait à Joseph Jacques Renault, qui affermait une borderie (métairie) à Mougon, rive gauche ; après 1789, il fut repris par Léger Robin Thuillier de Crouzilles.

Mais quand, en 1850, le fermier obtint du département une charrière de 12 m. de long sur 4 m. de large, ce passage fut alors utilisé pour transporter de la chaux vers la grande usine de Paviers, située, non loin du bac, près de Trogues, sur la rive droite. Cette usine, qui existe toujours, avait été créée en 1844 pour fabriquer de la chaux hydraulique, par Arthur Marie Pierre de Quinemont (1808/1883), maire de Crouzilles de 1837 à 1849, député et conseiller général.

25 Mougon photos PMD mars 2011

Mougon : photo PMD mars 2011

Cependant en 1852, les actionnaires du pont à péage de L’Île-Bouchard (voir ci-après), ayant considéré que ce passage ainsi équipé leur faisait perdre des utilisateurs potentiels, adressèrent une protestation auprès du Conseil Général en demandant une indemnité ou rien moins que la suppression du passage ! Ces actionnaires étant des personnages importants, le département temporisa et demanda leur avis aux communes de Parçay-sur-Vienne, de Crouzilles et de Trogues, qui évidemment donnèrent toutes les trois un avis très favorable pour le maintien du bac, qui resta donc en place, sans le versement d’une indemnité !

En 1886, la suppression du péage sur les ponts suspendus de L’Île-Bouchard, rachetés par le département, rendit ce bac improductif et il fut supprimé en 1888.

Entre les rives gauche et droite à L’Île-Bouchard

Il y avait là au Moyen-âge quatre paroisses : dans « l’île de Bouchard » (Insula Buchardi) : la paroisse Saint-Pierre du château, supprimée en 1465, dans l’île, la paroisse Saint-Maurice, avec son église gothique du 15ème siècle ainsi que la paroisse Saint-Léonard avec son prieuré du 12ème, décoré de magnifiques sculptures, sur la rive gauche, et enfin, la paroisse Saint-Gilles, avec son église romane du 12ème siècle, sur la rive droite.

Après la Révolution, deux communes furent créées : Saint-Maurice et Saint-Gilles ; elles furent réunies en 1832 sous le nom de L’Île-Bouchard.

Un premier pont, construit en bois au 12ème siècle, n’existait plus au 17ème et un bac est attesté en 1680 puisqu’on sait que le 16 mai 1680, jour de marché, celui-ci rompit ses amarres à cause d’un mauvais entretien et les 30 passagers furent noyées.

Une délibération du « canton de L’Île-Bouchard », datée du 3 fructidor an VII (20 août 1799) indique qu’il existait deux passages sous l’ancien régime : celui du Port Besnard et celui des Petits Ponts, dit aussi celui du Port Saint-Maurice ; le premier, situé en aval de l’île, disposait d’une « forte toue » et d’une charrière ; il appartenait à l’ancienne Commanderie des Templiers, qui se trouvait au lieu-dit la Commanderie, actuellement sur la commune de Brizay et fut supprimé avant la Révolution.

Le second, faisait la traversée en deux fois via l’île, où se tenait le marché et où il avait un moulin. Un rapport de 1804 indique qu’il est très fréquenté et qu’il serait nécessaire d’y construire une rampe.

26 LÎle Bouchard lancien bac cp

Ancien bac des Cordeliers (cp)

Mais par la suite, l’île ayant été désertée, il fut remplacé par le passage, dit des Cordeliers, qui était situé au bout de l’actuelle rue des Cordeliers et qui permettait de rejoindre directement Saint-Gilles, où passait la grand-route Sainte-Maure/Chinon (D 760 aujourd’hui), sans doute près de la plage actuelle.

Cependant en 1814, le directeur général des Ponts et Chaussées adressa un courrier au préfet du département pour regretter que, faute de la construction d’une chaussée pour « le nouveau passage de L’Isle-Bouchard, le bac pourrit dans l’eau tandis que les habitants de Saint-Maurice ainsi que ceux de huit à dix communes situées depuis Richelieu jusqu’à la Vienne sont rançonnés par les propriétaires de mauvais petits bateaux, qui ne peuvent transporter sans extrême danger ni charrette, ni voiture d’aucun genre ».

27 LÎle Bouchard emplacement de lancien bac photo PMD juin 2024

L’Île-Bouchard : emplacement de l’ancien bac (photo PMD juin 2024)

Cette chaussée fut sans doute construite rapidement car on sait que, de 1814 à 1823, le fermier disposait d’une charrière de 11,60 m. sur 4,60, qui avait été construite à partir de la charrière précédente, mesurant « 56 pieds (17 m.) sur 15 pieds (4,50 m. », et considérée comme trop longue.

Plus tard, un port fut aménagé, comme on le voit sur une carte postale de la fin du 19ème siècle.

Dès 1827, il fut envisagé de remplacer le bac par des ponts suspendus à péage mais ceux-ci ne furent construits qu’en 1832 ; ces ponts suspendus à voie unique étant devenus très insuffisants pour la circulation, des ponts métalliques furent construits en 1924/26, en aval des ponts suspendus. Le 31 août 1944, les allemands en retraite les firent sauter et il fallut de nouveau avoir recours à des passeurs et à une passerelle pour les piétons jusqu’à fin 1945.

Entre Tavant (rive gauche) et Panzoult (rive droite)

Un texte du 3 fructidor an VII (20 août 1799) indique qu’il existait à Tavant un passage appartenant « au ci-devant prieur » et affermé avec le four banal, fermé « depuis la suppression des banalités » (privilèges abolis dans la nuit du 4 août 1789). Ce prieuré avait été fondé en 987.

En 1804, ce passage est dit « peu fréquenté et d’un abord facile ».

28 Tavant et Panzoult photo PMD avril 2011

La Vienne entre Tavant et Panzoult : photo PMD avril 2011

Il est probable qu’il se situait à l’emplacement du gué principal, qui reliait l’actuelle rue Sainte Anne, à Tavant, et le lieu-dit le Pont (commune actuelle de Panzoult), où il y avait une maladrerie appelée « la maladrerie de Tavant ».

Entre Sazilly (rive gauche) et Cravant-les-Coteaux (rive droite, Le Puy)

Après la Révolution, la commune de Cravant s’établit près de la grand-route allant de Sainte-Maure à Chinon et en 1933, à la demande des PTT, Cravant devint Cravant-les-Coteaux.

Le port d’abordage de ce bac était, à Sazilly, au bout de l’actuelle rue du Vieux-Bourg, où une cale de mise à l’eau a été aménagée en 2022 et il arrivait au Puy, au sud du bourg de Cravant, commune dont il dépendait ; il mettait en relation la route de la rive gauche (D 760 aujourd’hui), se dirigeant vers Saumur avec celles de la rive droite (D 8 et D 21 aujourd’hui), allant vers Chinon.

29 Bac Sazilly Cravant cp collection F2F

Bac entre Sazilly et Cravant (cp collection F2F)

Un texte du 3 fructidor an VII (20 août 1799) indique qu’il existait déjà sous l’ancien régime.

Entre 1865 et 1870, le cahier des charges du fermier Joseph Bouchet « demeurant au port de Mougon à Parçay-sur-Vienne » précisait : « en raison de l’importance du bac, le fermier entrant sera tenu d’acquérir à ses frais une charrière avec ses agrès et ce dans le mois suivant la mise en jouissance ».

Cette charrière, mesurant 12 m. de long pour 3 m. de large et se déplaçant « à la bourde » (grande perche ferrée) le long d’un câble, coûtait 1 150 francs et le fermier ne voulut pas la payer entièrement. Après d’âpres négociations, alors que le préfet menaçait de réunir ce passage à celui de Briançon (en aval du Puy), où il y avait aussi un bac (voir ci-après), si la commune de Sazilly ne versait pas les 500 francs nécessaires pour l’amélioration de l’abordage, la charrière fut finalement payée pour moitié par l’état, les 575 francs restant étant couverts par le fermier, pour 275 francs et par des subventions (200 francs du département, 100 francs de la municipalité de Cravant).

En septembre 1865, suite à une plainte du maire de L’Île-Bouchard, le passeur fut mis en demeure de passer gratuitement le facteur.

Dans la nuit du 8 au 9 novembre 1887, « le sieur Bourreau », fermier de ce bac, tomba à l’eau et se noya lors d’une traversée sans passager ; son corps ne fut pas retrouvé tandis que la charrière dériva jusqu’à Chinon ; ses enfants continuèrent à assurer le service jusqu’à la fin du bail en 1888.

30 La cale de mise à leau à Sazilly photo PMD sept 2024

La cale de mise à l’eau à Sazilly (photo PMD sept 2024)

En 1903, le fermier demanda l’autorisation d’établir, pour manœuvrer la charrière, un câble aérien à la place du câble sur batelet ; ce qui lui fut refusé. En 1913, suite à une adjudication infructueuse, la commune de Cravant prit à sa charge le matériel du fermier sortant, ce qui permit de trouver un nouveau fermier.

Le 24 avril 1915, 50 poilus utilisèrent ce passage pour traverser la Vienne, comme cela est précisé sur une carte postale (voir ci-dessus).

Ce bac fut supprimé peu après la première guerre mondiale, suite à une adjudication infructueuse ; cependant, en 1927, la municipalité de Cravant et le conseil général demandèrent à l’état le rétablissement du passage avec un « bac fonctionnant au moyen de l’électricité » mais comme le coût de celui-ci était estimé à 170 000 francs, soit 120 000 € environ, cette demande n’eut pas de suite.

Entre Cravant-les-Coteaux (Briançon) et Anché

On dit habituellement que le toponyme Briançon à Cravant-les-Coteaux (voir ci-dessus) vient du gaulois briga, signifiant « forteresse » mais des étymologistes indiquent qu’il a pu y avoir une confusion entre briga et un autre mot gaulois, briva, ayant le sens de ‘pont ou passage », ce qui serait plus conforme à la situation de ce lieu-dit. C’est là que se trouve le dolmen du Gros Chillou, considéré comme le plus grand de Touraine mais effondré en 1711 par une secousse sismique.

32 Briançon vu de la rive gauche photo PMD mars 2013

Briançon vu de la rive gauche (photo PMD mars 2013)

Il y avait là, probablement depuis le néolithique, un gué reliant les deux rives de la Vienne ; sur la rive gauche, un chemin (actuelle rue de la Plage) conduisait à Anché (situé près du Poitou sous l’ancien régime). Ce gué était très surveillé car le Poitou était une province « rédimée », c’est-à-dire exemptée de l’impôt sur le sel, tandis que la province de Touraine ne l’était pas ! C’est pourquoi le pouvoir royal avait implanté à Briançon, au 17ème siècle, un lieutenant de la gabelle, dont le poste existe encore.

bac entre Anché et Briançon en 1910

Anché : le bac en 1910 (cp collection F2F)

Le bac, signalé en 1865, partait d’un port se trouvant au bout de l’actuelle rue de la Plage, venant du bourg d’Anché et arrivait au port de Briançon sur la rive droite ; il est représenté sur une carte postale de 1910.

Entre Rivière (rive gauche) et Les Loges (rive droite à la limite entre Chinon et Cravant-les-Coteaux)

Les Loges était un lieu important, protégé par une butte de défense (la Motte), de 80 mètres sur 20 mètres, entourée de fossés ; là en effet se croisaient deux voies gallo-romaines : celle qui longeait la rive droite de la Vienne, allant vers Candes, rive droite (voir ci-après) et celle, dite la via vetuta, ou « ancienne voie », qui reliait Loudun à Tours, via le passage de Port-Huault, sur l’Indre, utilisé par Picrochole lors de sa fuite (voir Rabelais, Gargantua, chapitre 49 et https://turonensis.fr/categories/passages-eau-indre-et-loire/les-passages-sur-lindre-et-sur-lindrois).

Il y avait là, au moyen-âge, un gué, qui était très utilisé, en particulier par les habitants de Chinon, car il n’y eut pas de pont, pour aller vers la rive gauche de la rivière avant la construction, au 12ème siècle, d’un pont de bois (voir ci-après) ; par la suite, un bac remplaça le gué mais celui-ci n’avait pas la même importance que le gué, étant donné que les chariots empruntaient les ponts de Chinon qui n’étaient pas très loin. Ce bac partait d’une cale située en dessous de l’église et arrivait à 280 m. en aval de La Motte.

33 Les Loges Rivière photo PMD mars 2011

La Vienne entre Les Loges et Rivière (photo PMD mars 2011)

Mais, comme l’indique un plan de 1840, un passage privé existait aussi entre un port situé au bout de l’actuelle rue de la Vienne et La Motte.

De 1811 à 1813, le passage était équipé d’un seul bateau, de 10 m. de long et 1,410 m. de large, limité à 15 personnes ou 6 gros animaux, appartenant au fermier, qui payait une redevance de 12 francs.

Entre 1865 et 1870, le bateau fut limité à 12 personnes, puis à 10 personnes entre 1883 et 1888.

Entre les rives droite et gauche à Chinon

Il est fort probable que le vaste promontoire sur lequel se dresse le château, récemment restauré, ait été occupé dès la préhistoire mais, dans l’état actuel de nos connaissances, nous n’avons aucune certitude avant le second âge du fer (la Tène), où il y avait, à l’emplacement du fort Saint-Georges, la résidence d’un guerrier gaulois, défendue par une enceinte carrée, protégée par un fossé large de 6 m. et profond de 2 m.

Étant donné la présence d’un pont dès le 12ème siècle, Il n’y eut jamais de bacs permanents sur la Vienne à Chinon ; cependant des moyens de transport occasionnels existèrent à plusieurs reprises, lorsque les ponts étaient inutilisables.

On sait, par exemple, que le 9 mai 1616, lorsque Henri II de Bourbon-Condé (1588/1656), descendant du roi Louis IX, premier prince du sang, chef de la révolte des nobles contre la régence, voulut prendre possession du château, suite au traité de paix qu’il avait signé le 4 mai à Loudun avec Marie de Médicis (1575/1642), épouse d’Henri IV, régente de 1610 à 1617 pendant la minorité de son fils, Louis XIII, « le pont était rompu et le prince de Condé dut franchir la rivière dans une charrière ».

En 1744/45, des réparations importantes conduisirent à la fermeture du pont et à la mise en place d’un bac, dont les tarifs étaient les suivants : une personne seule devait payer 6 deniers ou 2 liards (30 cents environ), une charrette chargée 10 sols (5 €), un cavalier, 1 sol et 6 deniers (80 cents), un carrosse attelé avec 6 chevaux, 30 sols (15 €).

En 1944, après la destruction partielle du pont Aliénor d’Aquitaine par les allemands, deux passerelles en bois furent jetées sur les restes des piles et un bac fut mis en place, pour rétablir la jonction entre les deux rives.

34 Plan partiel de Chinon dessin de François de Izarra

Plan partiel de Chinon : dessin de François de Izarra

Cependant il y eut, au 18ème siècle, un bac relativement régulier sur le canal de dérivation de la Vienne, appelé la Cunette, permettant, notamment aux habitants de Loudun, de rejoindre, en cas de hautes eaux, la porte du faubourg Saint-Jacques, où se tenait un marché important.

Ce bac, mentionné pour la 1ère fois en 1760, était desservi par deux grandes toues, manœuvrées par 2 ou 3 hommes et par des petites toues pour les personnes à pied.

35 Point de départ du bac sur la Cunette photo PMD mai 2024

Point de départ du bac sur la Cunette (photo PMD mai 2024)

En 1802, ce passage, situé « à la fin des faux-bourgs de Chinon » était considéré comme « essentiel pendant les grandes eaux » et les Ponts et Chaussées envisagèrent d’y aménager une rampe.

Il fut remplacé par un pont de bois en 1813.

Entre les rives gauche et droite à Saint-Germain-sur-Vienne 

Venant de Pontille (Chinon rive gauche), une voie gallo-romaine, encore bien marquée dans le paysage sous le nom de GR 3, rejoignait l’actuelle D 751 à La Chaussée, où le pont dit gallo-romain date en fait du moyen-âge, puis passait à Rassay avant d’arriver à Candes-Saint-Martin.

Un passage était situé entre Rassay (rive gauche) et La Vacherie (rive droite), où passait un chemin allant vers Candes (rive droite) et Savigny-en-Véron (voir ci-après) mais qui était impraticable pendant 8 mois de l’année.

Ce passage, qui existait déjà sous l’ancien régime, servait surtout à transporter le foin récolté dans le riche Véron sur la rive droite, vers le bourg, sur la rive gauche mais, avant la Révolution, il était aussi utilisé par les faux-sauniers pour rejoindre la rive droite de la Loire, située en Anjou, qui était une « province rédimée », c’est-à-dire exemptée de la gabelle (voir ci-dessus).

Jusque dans les années 1850, ce passage était desservi par une charrière, qui était basée au passage de Candes (voir ci-après), dont le fermier gérait les deux bacs.

La charrière pouvait aussi aller à La Moutonnerie plus en aval et, en 1842, une chaussée empierrée de 140 m. de long, sur 7 m. de large et 25 cm. d’épaisseur fut aménagée à cet endroit.

36 La Vienne à Rassay en période de hautes eaux photo PMD mai 2024

La Vienne à Rassay en période de hautes-eaux (photo PMD mai 2024)

En 1848, le maire nouvellement élu, Jacques Babouard, qui sera en place jusqu’en 1871, demanda que le port de Rassay ait sa propre charrière ; après un refus du préfet, le conseil municipal refit une demande en 1852 ; celle-ci, cette fois, fut acceptée et une charrière fut construite pour la somme de 1 800 francs.

En 1887, la rampe d’accès au bac, dit le perré, du côté de Rassay, fut refaite pour un montant de 3 700 francs.

En 1897, le fermier, Louis Bremard, se plaignit auprès du département du fait que plusieurs propriétaires de bateaux faisaient passer des « personnes étrangères à leur famille » ; on lui répondit que c’était à lui de porter plainte auprès des tribunaux, s’il pouvait prouver que ces propriétaires demandaient un paiement.

Pour la période de 1901 à 1906, le passage fut adjugé au pêcheur Eugène Peschoir (1878/1917) ; cependant, dès le 18 avril 1902, le maire écrivit au conducteur des Ponts et Chaussées : « J’ai l’honneur de vous informer que le passeur Peschoir ne tient aucun compte des observations que vous lui avez faites. Je reçois journellement des plaintes à son sujet. Il a de nouveau barré le passage et voudrait empêcher le meunier Bouvet de prendre de l’eau pour alimenter sa machine à vapeur. Je vous prie de bien vouloir le rappeler à l’ordre et prendre les mesures nécessaires pour faire cesser cet état de choses. » On peut remarquer que ce courrier, contrairement à beaucoup d’autres, ne contient aucune faute d’orthographe !

Le bail d’Eugène Peschoir fut résilié en octobre 1904 « en raison de la négligence apportée par le fermier ». Ce dernier mourut en 1917 « en Méditerranée, suite à un torpillage ».

37 Ancienne cabane du bac de Rassay photo PMD mai 2024

Photo PMD mai 2024

La maisonnette se trouvant au bord de la D 751 (voir photo ci-dessus) est peut-être l’ancienne cabane du passeur.

Entre les rives gauche et droite à Candes-Saint-Martin

Le nom Candes apparaît pour la première fois, dans une lettre de Sulpice Sévère sous la forme Condacensem diocesim, signifiant « église du Confluent », toponyme venant du gaulois condate (càd « confluent »). En 1949, la commune choisit de se rebaptiser Candes-Saint-Martin, en l’honneur de Saint Martin, mort, selon la tradition dans l’église, qu’il avait fondée et qui deviendra la grande collégiale, assurant la célébrité de cette commune.

Le passage sur la Vienne était situé, sur la rive gauche, entre la Cale du bac, au nord-est de la collégiale (aujourd’hui rue du Bac), où des alignements de 54 pieux ont été interprétés comme les vestiges d'un ponton ou d'un quai construit au début de notre ère et, sur la rive droite, la « la Coue (la Queue) du Pré », presqu’île du Véron, entre la Vienne et la Loire.

38 Le confluent et le bac cp

Le confluent et le bac (en haut à droite) (cp)

C’était le plus important de la Vienne Tourangelle et, comme celui de Saint-Germain (voir ci-dessus), il servait surtout à transporter le foin récolté dans le Véron mais il permettait aussi des relations avec Savigny-en-Véron et les communes situées sur la rive gauche de la Loire (voir l’article Les passages sur la Loire).

Ce bac de Candes est mentionné dès 1188 et il dépendait alors de l’archevêque de Tours, étant donné qu’il permettait notamment aux chanoines de la collégiale Saint-Martin de Tours de venir à la collégiale de Candes.

Un service régulier fut mis en place en 1858 et il disposait d’un équipement important :

Une charrière de 12 mètres de long, guidée par une poulie sur un câble en acier traversant la Vienne et mue par la seule force du courant, le câble étant incliné suivant le côté de la traversée.

Un bac à câble de 17 mètres de long et 6 mètres de large avec une capacité de 10 tonnes, qui pouvait transporter 7 à 8 voitures et qui traversait, comme les autres bacs de ce genre, au moyen d’un filin tendu entre les deux rives et d’un treuil, qui existe toujours (voir photo ci-dessous) ; mais ce filin fut percuté par un avion allemand pendant la seconde guerre mondiale et le service du bac fut interrompu momentanément. Par la suite, il utilisa 2 énormes chaines immergées, de 320 mètres de long, ainsi que 2 roues crantées devant être changée tous les 2 mois et il était mu par un gros moteur à essence.

À partir de 1928, un « transbordeur », fonctionnant avec des moteurs à essence.

39 Le bac vers 1900 cp

Le bac vers 1900 (cp)

Les traversées, financées par le département, étaient gratuites ; les passeurs, habitant le bourg, ne disposaient pas d’une maison, mais d’une simple cabane, qui est aujourd’hui le local de l’association des pêcheurs candais. Le passage était ouvert tous les jours, dimanche et jours fériés compris, du lever au coucher du soleil ou jusqu’à 20 heures, en été.

En 1870, le fermier, Jacques Besnier, qui payait un fermage de 750 francs, écrivit au ministre des Travaux Publics pour se plaindre que le mauvais état des routes a rendu le rapport de son bac presque nul pour l’année 1869. C’est sans doute suite à ce courrier que la redevance passa à 505 francs pour la période 1871/1876

De 1901 à 1906, après une mise à prix de 300 francs, le passage fut adjugé à Pierre Marchais, qui avait proposé une redevance de 350 francs ; l’article 36 de son cahier des charges indique « le fermier sera tenu d’établir à ses frais quelque appareil d’appel, une corne par exemple, afin que les passagers puissent se faire plus facilement entendre de lui quand ils arrivent par la rive droite de la Vienne ».

Maurice Moirin, qui fut, de 1952 à 1966, un des derniers passeurs, a fait part en 2014 de ses souvenirs à l’association de pêche : « Comme j’habitais à Candes-Saint-Martin, il n’était pas rare que je sois réveillé la nuit par les jeunes qui rentraient du bal et qui voulaient traverser pour rejoindre Savigny-en-Véron. Il y a eu aussi les passages périlleux en pleines crues notamment pour récupérer en pleine nuit les moutons ou les vaches du bocage et les sauver des eaux ».

40 Automobile sur la charrière cp

Automobile sur la charrière (cp)

Au 19ème siècle, il y eut deux projets pour remplacer les bacs de Candes et de Saint-Germain-sur-Vienne par un pont, mais ceux-ci n’aboutirent pas, notamment à cause de leur coût.

En mai 1926, le Conseil Général émit un vœu, indiquant que les bacs étaient insuffisants « notamment à la saison des foins » et demandant la construction par le génie militaire d’un pont de bois sur pilotis, dont il estimait le coût entre 120 000 et 150 000 francs ; les Ponts et Chaussées firent alors un rapport soulignant que la hausse du prix des matériaux entrainerait un surcoût de 15 à 20 % et que, si ce pont était construit, il fallait aussi prévoir les fondations d’un ouvrage futur. Donc, là aussi, aucune suite ne fut donnée.

Ce n’est donc qu’en 1966 que la décision de construire un pont fut prise, vu que le trafic croissait d’année en année et que le bac était à bout de souffle. Ce pont routier, dit Pont Saint-Martin, sur la D 7 entre Candes-Saint-Martin et Savigny-en-Véron, fut construit en 1968/69, en amont du bac, qui était hors d’usage.

41 La cabane et le treuil Photo PMD juin 2024

La cabane et le treuil (Photo PMD juin 2024)

N.B. Il y avait aussi, entre Candes-Saint-Martin et Chouzé-sur-Loire, un bac sur la Loire (voir https://turonensis.fr/categories/passages-eau-indre-et-loire/01-les-passages-sur-la-loire-tourangelle-liste).


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