Les voies sur la rive gauche de la Loire (voies 1.2)
La voie principale doublait celle de la rive droite (voir article précédent), en suivant, pour sa part, la rive gauche de la Loire. Déjà, à l’époque gauloise, un pont permettait de traverser la Loire à Cenabum (Orléans) pour l’emprunter.
Après être passé par Vienne (Blois rive gauche), puis par les communes actuelles de Candé-sur-Beuvron, de Chaumont-sur-Loire, où le comte de Blois Eudes 1er fit construire un château au 10e siècle, et de Rilly-sur-Loire, dans le Loir-et-Cher, le voyageur arrivait à l’étape (mansio) de Mosnes, connue au début du 10e siècle sous le nom de Villa Medona.
Communes traversées : Mosnes, Chargé, Amboise, Montlouis-sur-Loire, La Ville-aux-Dames, Saint-Pierre-des-Corps, Tours (Caesarodunum), rive gauche du Cher, Avoine, Savigny-en-Véron et Candes-Saint-Martin
Mosnes et Chargé :
Cette étape de Mosnes est mentionnée dans la Cosmographie de l’Anonyme de Ravenne (7e siècle), qui disposait, semble-t-il, de cartes ou d’itinéraires de l’antiquité. Le fait que la voie passait par Grand Village, occupé dès le néolithique, montre bien, qu’elle reprenait une voie gauloise et peut-être même préhistorique. Voir aussi Les passages sur la Loire tourangelle : liste.
Mosnes : ancienne voie vers Grand Village (photo PMD février 2020)
Mosnes est aujourd’hui en Indre-et-Loire, mais cette étape se trouvait encore chez les Carnutes, la frontière avec les Turons se trouvant au Vau (à l’ouest du bourg), à la limite avec la commune voisine de Chargé (Carradiacum ou « domaine de Carradius »), vers où la voie continuait, en passant entre Chavigné (Cavanniacum ou « domaine du Hibou ») et La Pierre, puis à Artigny (Retiniacum ou « domaine du Gardien) et aux Blaisis.
À Artigny, la voie croisait, là où il y a maintenant une croix, une voie rejoignant la voie de la rive droite en traversant la Loire au Haut-Chantier (commune de Limeray).
Amboise :
Après Chargé, la voie arrivait à Amboise. Le nom de cette commune apparaît pour la première fois au tout début du 5e siècle après JC sous la forme in vico Ambatiensis, venant du latin Ambacia. Ce toponyme est expliqué de différentes façons : pour les uns, il viendrait du gallo-romain Ambatia, signifiant « terres d’Ambatius » ; pour d’autres, il serait issu, soit du latin ambi (autour) et du gaulois isara (cours d’eau impétueux), soit du gaulois ambes (rivière). Cette dernière étymologie me semble la plus probable, car il est clairement attesté que c’est sur le plateau des Châtelliers, situé entre la Loire et l’Amasse, que se dressait l’oppidum principal des Turons.
Amboise : la butte de César en 1943, sur l'oppidum des Châtelliers (cp)
À l’époque gallo-romaine, une agglomération, avec forum et temples, se développa à la croisée de notre voie et d’une autre voie venant de La-Celle-Saint-Avant (voir ci-après Voie La Celle-Saint-Avant/Amboise). Ce quartier, longtemps appelé Vieille-Rome, a pris de nom de Saint-Denis.
On ne sait pas s’il y avait là un pont gaulois, car, le premier pont connu, un pont de bois construit au 4e siècle après JC traversait la grande Île d’or, au lieu-dit Entrepont, et aboutissait au lieu-dit Le Bout-des-Ponts (Amboise rive droite). En tout cas, selon Pierre Audin, une voie partait vers le Nord et rejoignait Saunay en passant par l’actuelle rue de l’Entrepont et la D 431 et en traversant le Chemin des Poulains à Nazelles-Négron (voir voie précédente).
Montlouis-sur-Loire, La Ville-aux-Dames et Saint-Pierre-des-Corps :
En continuant sur la rive gauche, la voie passait à Lussault-sur-Loire puis traversait le territoire de Montlouis-sur-Loire, en étant repris par une route, que l'on peut voir à Husseau, prolongée par la D 751, traversant les hameaux de La Barre puis de Saint-Brice, avant de continuer vers La Ville-aux-Dames. Au moyen-âge, cette route était appelée « le Grand Chemin » et Louis XIII l’emprunta pour aller de Paris à Nantes en 1614.
Montlouis-sur-Loire : ancienne voie à Husseau (photo PMD février 2020)
Sur la commune de La Ville-aux-Dames, la voie passait aux Hautes-Rottes, où une portion de ce chemin est encore visible malgré l’urbanisation galopante de ce secteur, puis à La Carte, où elle croisait une voie venant de Rochecorbon (voir voie précédente) et rejoignant la voie qui suivait la rive droite du Cher (voir voie suivante), en passant par Grand-Village.
La Ville-aux-Dames : voie aux Hautes Rottes, vers l'est (photo PMD oct. 2019)
Elle continuait ensuite vers le Gros-Chêne, avant d’arriver à La Poudrerie, commune de Saint-Pierre-des-Corps, où la voie est probablement reprise par la rue Marcel-Cachin, qui passe aux Justices puis aux Sablons, où elle était rejointe, juste après le cimetière ayant remplacé la nécropole se trouvant à gauche de cette rue, par la voie qui suivait la rive gauche du Cher (rue Marcel Paul ?) avant d’arriver à Caesarodunum.
Voies antiques à La Ville-aux-Dames (document Joël Thibault in wikipedia)
Tours (Caesarodunum)
Ce site fut occupé d’une façon peu dense par les Turons, dont une citadelle importante se trouvait à Fondettes (voir voie précédente) et des traces de cette occupation ont été retrouvées, notamment dans le quartier des Halles : rues Julien-le-Roy et Néricault-Destouches, hôpital de Clocheville, où l’on a découvert des débris de céramiques, dont un morceau d’assiette en céramique grise portant le graffito Caranus Optatus (patronyme associant un nom celtique et un nom latin) ainsi que 14 potins à la tête diabolique.
Mais la capitale des Turons, devenus gallo-romains, fut fondée ex nihilo par l’empereur Auguste, entre 10 av. J.-C. et 10 après JC, au croisement de notre voie et d’une voie sud-nord, sur une surface de 40 à 60 ha comprise entre la Loire (au nord), la place Jean Jaurès (au sud), la Place de la Victoire (à l’ouest) et la rue Mirabeau (à l’est) ; son nom apparaît pour la première fois vers 150 après JC, dans la Géographie de Ptolémée, sous la forme grecque Kαισαρόδουνον, signifiant « la citadelle de César ».
Tours : anciens pieux à l'est du pont de fil (photo PMD mai 2011)
Deux ponts qui traversaient la Loire : le plus ancien, dit « pont de l’île Saint-Jacques », daté des années 30/50 après JC, se trouvait à l’est du pont Wilson et reliait Caesarodunum à la rive droite de la Loire, où passait la voie précédente. Il aurait été utilisé jusque dans les années 300. Le second, dit « pont de l’Île-Aucard », se trouvant à l’est du pont de fil, fut vraisemblablement édifié au 4e siècle, au moment où la population de la cité se replia dans le castrum appelé Civitas Turonorum, « la Cité des Turons », dénomination ayant donné Tours. Ce pont permettait de rejoindre Marmoutier, où saint Martin s’était installé quand il était devenu évêque de Tours (voir voie précéente).
Tours : remparts de Caesarodunum (photo PMD mars 2010)
À Caesarodunum, la voie croisait une voie secondaire sud-nord, qui venait de Tournon-Saint-Pierre et qui se dirigeait vers Villedieu-le-Château (voir la voie 20).
Plan wikipedia (annotations PMD en rouge)
Après Caesarodunum, il fallait suivre la rive gauche du Cher (voir voie 05) puis la rive gauche de l’Indre (voir voie 07) avant de retrouver la Loire à Avoine.
Avoine :Toute la région après le confluent de l’Indre et de la Loire a été profondément bouleversée par la construction de la centrale nucléaire
À Avoine, la voie était rejointe par une voie qui venait de Chinon (voir voie Chinon/Le Lude). d’Avoine, juste après le confluent de l’Indre et de la Loire, mais on retrouve peu après l’ancienne voie qui traverse le Véron. Ce riche pays du Véron, entre la Loire et la Vienne, a été, dit-on, l’endroit où des prisonniers maures ont été relégués après une des batailles de Poitiers et un des carrefours de cette région, où arrivent 6 voies, porte le nom de Carroi-du-Cimetière-Maure.
Savigny-en-Véron : borne milliaire ou stèle funéraire (photo PMD août 2011)
Savigny-en-Véron :
La voie arrivait alors sur la commune actuelle de Savigny-en-Véron, toponyme venant de Sabiniacum ou « domaine du Sabin ». Il existait là plusieurs autres domaines : Bertignolles (au nord-ouest du bourg), venant de Britanniolae ou « colonie de Bretons », Cheviré, (au nord-ouest), venant de Caviriacum ou « domaine du gaulois Cavirius », Le Petit-Chouzé (au nord), venant de Causiacum ou « domaine de Causius » et Les Maillés (au nord-ouest), venant de Malliacum ou « domaine de Mallius ».
Autrefois devant la mairie et maintenant devant la salle des fêtes, à côté de l’église, on peut voir une pierre découverte en 1924, sur la voie 4.1, à l’entrée du Pont de l’Arche (sur le Ruisseau-du-Bouchet). Longtemps considérée comme une borne milliaire, il semblerait qu’il s’agit en fait d’une stèle funéraire du 1er siècle après JC.
La voie passait peut-être près du prieuré du Petit-Chouzé (12e siècle) puis par la Rue Guillot avant d’arriver au confluent de la Loire et de la Vienne, où elle était rejointe par une voie venant de Chinon (voir voie Rive droite de la Vienne). Là, un pont permettait de traverser la Vienne pour rejoindre Candes-Saint-Martin (voir voie Rive gauche de la Vienne).
Savigny-en-Véron : ancienne voie longeant la rive gauche de la Loire (photo PMD août 2011)
Après Candes-Saint-Martin, la voie entrait chez les Andécaves et continuait, en suivant la rive gauche de la Loire, jusqu’à Angers (Juliomagos), en passant par Saumur (Castrum Salmurum).