Les voies longeant la Creuse et la voie de la Creuse à la Loire (5.1, 5.2 et 5.A)
Il est probable que des voies venant d’Argentomagus (le Marché de l’argent), aujourd’hui Saint-Marcel dans la commune d’Argenton-sur-Creuse, ancien oppidum des Bituriges Cubes puis importante cité gallo-romaine, longeaient les deux rives de la Creuse, qui se jette dans la Vienne au Bec-des-Deux-Eaux, entre Ports-sur-Vienne et Nouâtre.
Portion rive droite de Tournon-Saint-Pierre à Nouâtre
Communes traversées : Tournon-Saint-Pierre, Yzeures-sur-Creuse, Chambon, Barrou, La Guerche, Abilly, Descartes, La Celle-Saint-Avant et Nouâtre.
La voie de la rive droite entrait chez les Turons au niveau du Suin, petit affluent de la Creuse, sans doute au moyen d’un gué, dont les traces sont encore visibles près du pont entre Tournon-Saint-Martin (dans l’Indre) et Tournon-Saint-Pierre (dans l’Indre-et-Loire), toponymes venant tous les deux de Turnomagus (le marché du virage ou le marché de Turnus).
Tournon-Saint-Pierre : ancienne-voie-venant-de-Tournon-Saint-Martin (photo PMD nov.-2011)
Ce ruisseau en effet matérialisait la frontière entre les Bituriges Cubes et les Turons, tandis que la Creuse, à l’ouest, était la frontière entre ces deux peuples et les Pictons ; il y avait donc là un emplacement favorable au commerce entre trois tribus gauloises.
À la Croix de Pierre (sortie nord de Tournon-Saint-Pierre), il y avait une bifurcation : une voie, continuée par la D 14, se dirigeait vers le nord, via Preuilly-sur-Claise (voir voie Tournon-Saint-Pierre/Villedieu-le-Château) tandis que notre voie se dirigeait vers Yzeures-sur-Creuse, reprise par un chemin, qui passe à Gaudru (au nord-ouest du bourg, près de la Creuse, à la limite avec Yzeures-sur-Creuse), où l’on a découvert un habitat néolithique, avec deux bâtiments et une dizaine de fossés, ainsi qu’un établissement rural gallo-romain couvrant 8 000 m².
Tournon-Saint- Pierre : la Croix-de-Pierre (photo PMD nov. 2011)
Ce chemin est perdu après Gaudru, mais on le retrouve un peu plus loin, sur la commune d’Yzeures-sur-Creuse, à Varennes, à Baratière, à La Mauricienne, au Pontreau, puis, après le bourg, à Neuville, au Moulin-au-Moine et au Bout-du-Pont.
L’occupation du site d’Yzeures-sur-Creuse remonte au paléolithique supérieur (voir ci-après).
À La Guérinière (nord-ouest) se trouvait une villa gallo-romaine, avec des thermes, dans lesquels on a trouvé une statuette du 2e siècle après JC, représentant un personnage assis sur un bouc couché et ayant un serpent à tête de bélier enroulé autour de la jambe droite (actuellement au Musée du Grand-Pressigny). Peut-être s’agit-il du dieu celte Cernunnos (le Beau Cornu).
Signalé pour la première fois par l’abbé Bosseboeuf, le pilier votif, dont les éléments peuvent être vus aujourd’hui dans le Musée Minerve, était dans un temple polygonal dédié à Minerve et remplacé au 5e siècle par une église fondée par l’évêque Eustoche.
Pilier d'Yzeures (reconstitution Jean-Pierre Adam)
Le premier niveau du pilier représente Jupiter avec un aigle à ses pieds, Vulcain, le dieu des métaux, vêtu comme un artisan gaulois, avec des tenailles posées sur une enclume et une hache, Mars, le dieu de la guerre, qui brandit une lance en se protégeant derrière un bouclier ainsi qu’Apollon tenant une lyre et protégé par un animal fabuleux.
Parmi les blocs du temple, certains provenaient d’un autel avec la dédicace « Numinibus Augustorum et Deae Minervae » c’est-à-dire « aux Divinités des Auguste et à la déesse Minerve » ; ces Auguste sont sans doute les empereurs Marc-Aurèle et Lucius Aurelius Verus, qui ont régné ensemble de 161 à 169.
L’existence de ces monuments importants laisse supposer qu’il y avait là un sanctuaire, situé près de la frontière entre les Bituriges-Cubes (au sud et à l’est), les Pictons (à l’ouest) et les Turons, comme l’indique le lieu-dit Cirande (voir ci-après).
Après Yzeures-sur-Creuse, la voie arrivait sur la commune de Chambon (du gaulois cambo, signifiant « la courbe »), où, en 1857, le comte Alexis de Chasteigner de La Roche-Posay (1821/1900) découvrit des bifaces dans le jardin potager de sa propriété de La Custière (au nord du bourg), devenue ainsi le premier site paléolithique de Touraine.
Sur le site des Chevrettes, situé au sud-ouest de la D 750, qui continue peut-être l’ancienne voie, deux fosses ont été découvertes et fouillées en 1991 ; ces fouilles ont fourni des outillages en silex local, des meules en grès, du mobilier et surtout des céramiques datant du néolithique, qui constituent un ensemble original de céramiques à « décors en moustaches », connues sous l’appellation de Groupe de Chambon. Certains archéologues pensent même qu’il y eut une « culture de Chambon », caractéristique d’une identité cohérente sur un vaste territoire centré sur le bassin de la Loire moyenne.
Chambon : vase découvert aux Chevrettes (photo Jean-Claude Marquet)
Des domaines agricoles se trouvaient sans doute à Vertenay (Vertiniacum) et aux Lurés (Luriacum) et des restes de forges gauloises ainsi que des monnaies romaines ont aussi été vus dans le Bois-de-la-Forge, à l’est du bourg actuel.
Barrou et La Guerche
Après Chambon, la voie passait à Barrou, où elle croisait une voie allant de Vouneuil-sur-Vienne à Montrichard (voir voie Barrou/Montrichard).
De nombreux ateliers préhistoriques de taille de silex existaient à Barrou et un site de l’âge du bronze (vers 1 000 av. J.-C.) ainsi qu’une nécropole gallo-romaine sont attestés non loin du gué où l’on a découvert des céramiques du 1er siècle après JC ainsi qu’une statuette en bronze, haute de 17 cm, représentant une femme ou une déesse tenant une cruche dans sa main droite et une coupe dans sa main gauche.
Barrou : vestiges de la première église (photo PMD août 2011)
L’ancienne église Saint-Maurice, fondée vers 475 par l’évêque Perpet, au bord de la Creuse, (place-du-Prieuré actuellement) fut détruite vers 1760 ; les murs de cette église reposaient sur des tambours de colonne provenant certainement d’édifices gallo-romains. Ces tambours, dont l’un fut creusé en bénitier, se trouvent dans l’église actuelle. Deux d’entre eux supportent des statues, dont l’une, du 18e siècle, en terre cuite, représentait Saint Maurice et l’autre, Sainte Maure, pense-t-on, en pierre dure du Grand-Pressigny.
On découvrit vers 1890, à proximité de l’ancienne église, 12 puits funéraires contenant des tessons de poteries noires et rouges, dont l’un porte la marque IVSTI, qui est celle du potier Justus, actif à La Graufesenque au 1er siècle après JC, ainsi qu’un vase contenant des ossements calcinés d’homme et de cheval.
La Guerche (plan municipal, annotations PMD)
Après Barrou, à La Guerche, où l’on peut voir, au bord de la Creuse, un beau château du 15e siècle et où se trouve le domaine de Ville-Plate (villa plata), il y avait, à la place du pont actuel un gué sur la Creuse, qui mettait en relation la voie de la rive droite avec celle de la rive gauche (voir ci-après) ; voir aussi Les passages entre La Guerche et la rive gauche dans https://turonensis.fr/categories/passages-eau-indre-et-loire/les-passages-sur-la-creuse.
La voie arrivait sur le territoire de la commune d’Abilly (Abiliacum), connue des personnes qui s’intéressent à la préhistoire grâce à son musée appelé l’Archéolab (aujourd'hui malheurement fermé, mais où il y a aussi l’église Saint-Martin (12e siècle) qui a remplacé une église antérieure fondée par Saint Martin, peut-être à la place d’un temple gallo-romain.
Les photographies aériennes de Jacques Dubois ont révélé l’existence de deux villae gallo-romaines : à La Blanchetière (à l’est d’Abilly et à la limite avec Le Grand-Pressigny), où il y avait des thermes alimentés par un aqueduc gallo-romain et au Foulon (à gauche de la D 42 un peu avant Abilly). D’autres domaines se trouvaient aussi à Bessé (Bettiacum), à Chisay (Casiacum) et au Petit Paulmy (Pausaniacum).
Abilly (photo PMD sept. 2024)
L’existence, à l’époque mérovingienne, d’une villa appelée « viis superior », c’est-à-dire « au-dessus des chemins », laisse supposer qu’il y avait deux voies anciennes : celle qui suivait la rive droite de la Creuse (D 750 aujourd’hui), et une voie secondaire, continuée en partie par la D 42, qui suivait la rive gauche de la Claise et qui rejoignait la voie principale après Rives (commune d’Abilly) où se trouve le confluent de la Claise et de la Creuse.
Descartes, La Celle-Saint-Avant et Nouâtre.
Après Abilly, la voie passait par Descartes et Balesmes (voir voie Dangé-Saint-Romain/Thésée) avant de rejoindre La Celle-Saint-Avant (voir ci-après), en passant sans doute près des domaines de La Ville-Daveau et de Longueville (Longa villa) puis de continuer jusqu’à Nouâtre, où elle retrouvait la voie qui suivait la rive droite de la Vienne (voir https://turonensis.fr/categories/voies-gallo-romaines-chez-les-turons/les-voies-longeant-la-vienne-voies-4-1-et-4-2).
Ancienne voie rive droite entre Descartes et La Celle-Saint-Avant (photo PMD janvier 2014)
Voie de la Creuse ( La Celle-Saint-Avant) à la Loire (Amboise)
Communes traversées : La Celle-Saint-Avant, Marcé-sur-Esves, Sepmes, Bossée, Bournan, Manthelan, Saint-Bauld, Tauxigny, Dolus-le-Sec, Reignac-sur-Indre, Cicogné, Bléré et Amboise
La Celle-Saint-Avant et Marcé-sur-Esves
Sur cette commune, où un monastère aurait été fondé au 5e siècle par un certain Aventinus ou Adventius, on a découvert des traces d’une occupation très ancienne, avec une sépulture à incinération de l’âge du bronze final (800 av. J.-C.), un sanctuaire et un établissement rural turon de l’âge du fer, ainsi qu’une grande exploitation agricole gallo-romaine, avec des thermes, à côté du beau manoir de L’Aunaye (du latin alnus = aulne).
La Celle-Saint-Avant : ancienne voie vers Marcé-sur-Esves (photo PMD janvier 2014)
Après le gué sur la Creuse, la voie arrivait alors à ce qui fut ensuite le Corps de Garde. Elle est ensuite, sans doute, continuée par la D 336, qui traverse le hameau appelé La Rue-Blondeau, avant d’arriver sur le territoire de la commune actuelle de Marcé-sur-Esves, où existaient plusieurs domaines agricoles : Jarcy (Gerisiacum) et La Jaunaie (Gallinacum) ainsi qu’un domaine appelé Marciacum ou domaine de Marcius qui a donné son nom à cette commune et qui correspond peut-être au lieu-dit Les Clôtures, où l’on a photographié en 1976, les traces de deux carrés inscrits l’un dans l’autre, ce qui est une caractéristique des temples gaulois, et où on a découvert quatre poteries gallo-romaines.
Ancienne voie entre La Celle et Marcé (photo PMD février 2011)
La voie passait à côté du lieu-dit La Pierre-du-Faon, où l’on peut voir les restes d’une construction gallo-romaine ; on a longtemps pensé, vu la forme, qu’il s’agissait des vestiges d’une pile funéraire, mais il semblerait en fait qu’il y eût là un temple et nous formulons l’hypothèse que « Faon » serait en fait une déformation de « Fan », venant du latin fanum (temple) ; un lieu de Nouâtre porte aussi ce nom et, là aussi, il est vraisemblable qu’il y eut un temple gallo-romain.
Marcé-sur-Esves : La Pierre-du-Faon (photo PMD février 2014)
On atteint ensuite le territoire de la commune de Sepmes, la voie gallo-romaine, devenue plus tard un chemin de Saint-Jacques, est encore reprise par la D 336, qui se trouve à l’est de La Thomassière, et qui, à l’est du bourg, est continuée par un chemin qui passe à La Saulaie, puis par la D 99 A, puis, après avoir traversé la D 59, par un autre chemin, visible à l’est des Maisons-Rouges. À La Thomassière, un puits de 14 mètres avec deux galeries partant vers le nord-ouest et le sud-ouest indique la présence d’un aqueduc souterrain.
Sepmes (source BAVC 6.4 1959-1960 (page 178)
Le chemin indiqué plus haut sert de frontière, sur 3 km, entre les communes de Bossée et de Bournan, et se dirige vers Les Esserts et Les Souches, puis, après avoir traversé la route Bossée/La Chapelle Blanche-Saint-Martin, vers Le Bois-de-Fay, où il se perd. On le retrouve un peu plus loin et, après La Morcière puis La Justière, il rejoint la D 50 à Bel-Ébat (commune de Manthelan).
Sepmes : ancienne voie de La Saulaie à D 99-A (photo PMD oct. 2020)
La voie traversait Manthelan, où les lieudits Aubigny (Albiniacum), Azay (Aviatiacum) ainsi que Fretay (Frittiacum) gardent le souvenir de domaines agricoles et où une église fut fondée dès la fin du 5e siècle ; cette agglomération, dont le nom gaulois était Mantalomagos ou "Marché de la route", fut dans l’antiquité, un carrefour important ; là en effet trois voies se croisaient : notre voie, la voie de Chinon à Loches (voir voie 6.4) et la voie de Tournon-Saint-Pierre à Villedieu-le-Château (voir voie 7.4). Après Manthelan, l’ancienne voie est reprise par la D 58, appelée « via publica » au 10e siècle, « Ancien chemin de Saint-Jacques » au moyen-âge, « Grand chemin du Fau (Reignac) au Port-de-Piles » en 1674, ou encore « Chemin de Paris à Bordeaux » au 17e siècle.
Ancienne voie entre Manthelan et Saint-Bauld (photo PMD février 2011)
La voie passait à côté d’Aubigny puis, peu après, franchissait le Quincampoix sur un gué, remplacé ensuite par Le Pont-Billard, lors de la construction duquel des pièces de monnaie de Constantin 1er* ont été trouvées. Elle passait ensuite entre Monfoué, où il y avait une villa gallo-romaine et Le Vigneau, où une grotte néolithique a été découverte.
Saint-Bauld, Tauxigny et Dolus-le-Sec
La voie entrait sur l’actuelle commune de Saint-Bauld, près de Villeret et franchissait le Montant sur un gué, à l’est de La Luzière (du gaulois lutosa = boueux), où une enceinte de très grande dimension a été repérée par Jacques Dubois. Elle entrait ensuite sur la commune actuelle de Tauxigny, près de Malicorne, où des vestiges néolithiques ont été trouvés et où il y avait deux dolmens, détruits en 1893, qui étaient nommés Les Palets-de-Gargantua.
Dolus-le-Sec : Le Carrefour Placé (photo J. Dubois BSAT 1987)
Elle suivait alors pendant plusieurs kilomètres la frontière entre Tauxigny et Dolus-le-Sec et passait à l’ouest des Hauts-de-Dolus, où des tuiles et un vase sigillé du 2e siècle après JC ont été découverts ; elle continuait à l’est du Carrefour Placé, où Jacques Dubois a photographié une grande enceinte, probablement gauloise, et de La Haute-Borne (commune de Dolus-le-Sec).
La voie arrivait ensuite sur la commune actuelle de Reignac-sur-Indre, à l’ouest des Girondes, où Jacques Dubois a vu les vestiges d’une villa gallo-romaine. On peut noter, dans le secteur à l’est de la voie, sur la commune de Dolus-le-Sec, les toponymes Les Maisons-Rouges et Tressort (du latin tres = trois et du gaulois ritum = passage), toponyme qui indiquerait un croisement de trois voies : notre voie, la voie de la rive gauche l’Indre (voie 3.2) et une voie secondaire allant de Manthelan à Montrichard, ainsi que, sur la commune de Reignac, le toponyme Batilly, venant de Betuliacum ou « domaine de Betulius ».
La voie passait ensuite à l’est de Rochette, où le Service archéologique du Département (SADIL), lors de fouilles préventives, a mis à jour une enceinte néolithique. Reignac-sur-Indre était dans l’antiquité un lieu important, carrefour de notre voie, qui y franchissait l’Indre, et des voies qui empruntaient cette vallée de l’Indre (voir voies 3.1 et 3.2).
L’Indre était traversée par un gué, situé en aval du pont actuel, lors de la construction duquel, en 1860, on trouva dans les pilotis d’un ancien pont du 17e siècle des monnaies et des objets gallo-romains, notamment des hipposandales, ancêtres des fers à cheval, mais selon certains archéologues, il y aurait eu dès l’antiquité un pont de pierre avec un tablier en bois.
Reignac : ancienne voie au Bray (photo PMD février 2011)
Une fois l’Indre franchie, la voie remontait sur la rive droite, passant près des lieudits Le Bray et Les Brays (du gaulois brixis = passage), qui maintiennent le souvenir de l’ancienne appellation de Reignac (Bray), puis par La Croix-Rouge, qui selon Pierre Audin, à qui cette étude doit beaucoup (voir BSAT 58, 2012), serait une déformation de « carrouge », venant du latin quadrivium, signifiant « croisement de quatre voies ».
Après La Croix-Rouge, la voie arrivait sur la commune actuelle de Cigogné et passait à l’ouest de La Pièce-du-Carroir, où Jacques Dubois a repéré en 1985 une grande enceinte. L’ancienne voie est alors reprise par un chemin passant à l’ouest des Terrages. Toute cette région est riche en vestiges néolithiques ; un important village de l’âge du bronze, occupé jusqu’à l’époque gallo-romaine, existait dans le Bois-Gaulpied près duquel un établissement rural turon a été trouvé, au lieu-dit Le Grand-Ormeau, et un atelier de taille de silex a été découvert à La Folie.
La voie traversait la D 58 à côté d’une croix et continuait en passant aux Grenouillères puis au Tertre, avant de traverser le Bois-des-Basses-Tailles. Elle est ensuite reprise par un chemin bien tracé, portant toujours le nom de Chemin d’Espagne, qui suit la limite entre Sublaines et Cigogné et qui passe à l’est de Fleuriant (villa Florentiaco, en 840, ou « domaine de Florentius). Une partie de cette voie a été découverte, lors de la construction de l’autoroute A 85, en 2006, dans Le Bois-Gaulpied, par Grégory Poitevin de l’INRAP Centre, qui écrit dans son rapport : « La voie est tout d’abord constituée d’une couche argileuse sur laquelle est disposé un radier de pierre calcaire sans organisation particulière. Un second niveau de pierre très compact recouvre le précédent. Un léger bombement dans la partie médiane du tracé assure l’évacuation des eaux pluviales sur les côtés. L’ensemble de la construction, large de 6,68 m, est contenu par de grosses pierres posées sur champ ».
On sait, par ailleurs, que deux tumuli datés de 800 et de 500 av. J.-C. se trouvant au lieu-dit Les Danges (commune de Sublaines) ont fourni de magnifiques objets néolithiques et celtiques qui peuvent être vus au Musée des antiquités de Saint-Germain-en-Laye. Dans cette commune on a également trouvé les restes de 140 individus du néolithique, au dolmen de Villaine.
La voie passait ensuite à l’ouest de La Folie, où un site gallo-romain a fourni de la céramique sigillée et une petite meule, puis arrivait sur la commune actuelle de Bléré, à La Roche et continuait en traversant la D 976, puis en longeant Les Maisons-Rouges, puis en empruntant la rue Chemin d’Espagne et la rue du Pont, qui arrive au bord du Cher, où l’on peut voir des vestiges d’un ancien gué.
Bléré : ancienne voie près de la Folie (photo PMD février 2011)
Bléré était un carrefour important, où notre voie croisait d’abord la voie suivant la rive gauche du Cher (voir voie 2.2) puis, après avoir franchi cette rivière, la voie de la rive droite (voir voie 2.1), peut-être grâce à un pont, car Briotreide, le nom gaulois de cette cité, signifie « le bout du pont », autrement dit Finispont, nom d’un lieu-dit de l’autre côté du Cher, sur la commune de La Croix-en-Touraine, anciennement Saint-Quentin-près-Bléré, village fondé par un certain Quintinus, (si l’on en croit le site de la mairie), au bord de la rivière, où se trouvent encore un château et l’ancienne église du 12e siècle, là où devait passer la voie de la rive droite, alors que le bourg actuel s’est développé plus au nord.
Amboise : ancienne voie de La Celle-Saint-Avant à Amboise (photo PMD février 2011)
La voie traversait ensuite la vaste forêt d’Amboise, en passant à côté de La Chevalerie et de Mosny (de Mausonacus ou « domaine du gaulois Mausona ») ; elle empruntait ensuite les actuelles rue de Mosny et rue Joyeuse et rejoignait la voie suivant la rive gauche de la Loire, permettant de gagner l’antique oppidum des Châtelliers, fortifié par les Turons, vers 400 avant notre ère (voir voie 1.2). D’Amboise, il était alors possible de continuer vers le nord pour rejoindre Saunay (voir dans voie 1.1 la voie secondaire de Vernou-sur-Brenne à Saunay).
Portion rive gauche d’Yzeures-sur-Creuse à Port-de-Piles
Bien que cette voie fût située presque entièrement dans le département actuel de la Vienne, c’est-à-dire chez les Pictons, nous l’avons quand même incluse dans ce travail, car elle avait de nombreuses liaisons avec la voie de la rive droite et les régions qu’elle traverse étaient souvent sous l’influence directe des Turons.
Communes traversées : Yzeures-sur-Creuse, La Roche-Posay, Lésigny, Mairé, Leugny, Saint-Rémy-sur-Creuse, Buxeuil, Les Ormes et Port-de-Piles.
Yzeures-sur-Creuse
Cette voie, sans doute continuée par la D 104, entrait sur le territoire des Turons à Yzeures-sur-Creuse, juste après Thais (à la limite entre Yzeures et Néons-sur-Creuse, dans l’Indre), où il y eut un gué puis un bac sur la Creuse ; elle passait ensuite à Marigny, puis à Cirande, toponyme où l’on retrouve le terme gaulois randa, indiquant une frontière (voir Ingrande).
Le passage de Thais (photo PMD sept. 2024)
Après ce lieu, elle est reprise par une route traversant Confluent puis longeant le dolmen de La Pierre-Levée (- 3 500), qui était entouré par un petit cromlech, route continuée par un chemin bien marqué, qui franchissait à gué la Gartempe avant de rejoindre Pozay (Posiacum), dans le département actuel de La Vienne.
Yzeures-sur'Creuse : la Pierre Levée (photo PMD sept. 2011)
La Roche-Posay : la voie arrivait donc sur le territoire de la commune actuelle de La Roche-Posay (Posiacum), station thermale fonctionnant depuis l’époque gallo-romaine, les sources anciennes se trouvant à gauche de la voie. Issue de la réunion de la seigneurie tourangelle de La Roche et de Posay-le-Vieil, la Roche-Posay fut fortifiée pendant la guerre de Cent ans et a conservé une de ses trois portes : la porte de Bourbon.
C’était aussi, à l’époque gallo-romaine, un port important sur la Creuse. Selon des témoignages anciens, une voie reliant la vallée de la Vienne à celle de l’Indre traversait la Creuse au niveau de la Roche-Posay sur un pont dit « romain », dont des ruines auraient été vues à la fin du 19e siècle, mais il n’y en a plus aucune trace actuellement.
Lésigny : après être passée près du Port d’Alogny (Aloniacum), commune de Lésigny, la voie s’éloignait de la Creuse et passait par La Boutelaye, où un pont gallo-romain sur la Luire, du 2e siècle après JC, existe toujours.
Ancienne voie entre La Roche-Posay et Lésigny (photo PMD avril 2018)
N. B. 1) : dans la charte 404 (de 1115) du cartulaire de Noyers concernant Port-de-Piles, un des témoins est « Pierre, prêtre de Lésigny », ce qui montre bien que les deux communes étaient en relation.
N. B. 2) : une partie de Lésigny, ainsi que Mairé et Leugny, cités ci-après, étaient sous le ressort de l’élection de Loches.
Mairé et Leugny : la voie arrivait ensuite sur la commune actuelle de Mairé (Mariacum), dont le site a été habité dès la préhistoire comme l’atteste la présence de mégalithes et d’outils en silex en plusieurs endroits de la commune. Les Gaulois y eurent des « ferrières », ancêtres des forges, et les Romains y ont laissé d’importants vestiges (camp, thermes et voies).
Ancienne voie à Mairé (photo PMD sept. 2024)
Deux édifices sont remarquables dans le bourg : l’église, du 12e siècle, et une fontaine, toutes deux dédiées à Saint Sylvain. La fontaine, située sur un chemin descendant au port sur la Creuse était utilisée à l’époque gauloise comme le montre son fond, constitué d’un mégalithe gaulois. Ses eaux, comme celles de La Roche-Posay, avaient des vertus thérapeutiques ; selon la tradition, les soldats romains, qui empruntaient la voie Bordeaux/Bourges (voir voie Barrou/Montrichard), venaient y boire. Cette dernière voie traversait ici la Creuse pour rejoindre Barrou (voir ci-dessus).
Ancienne voie entre La Petite Guerche et Leugny (photo PMD avril 2018)
Avant d’arriver sur la commune de Leugny, où il y avait un port sur la Creuse, il est possible que l’ancienne voie soit reprise, entre La Petite-Guerche et Leugny par la D 5, toute rectiligne.
La voie desservait ensuite le port de Rives (commune de Saint-Rémy-sur-Creuse), en face du confluent de la Creuse et de la Claise, qui se trouve à Rives, sur la commune d’Abilly (voir ci-dessus), avant d’atteindre Saint-Rémy-sur-Creuse, où les grottes furent occupées dès la préhistoire.
Le port de Rives, entre Saint-Rémy-sur-Creuse et Abilly (photo PMD avril 2018)
Buxeuil : ancienne voie à Saint-Jacques (photo PMD avril 2018)
La voie arrivait ensuite sur la commune actuelle de Buxeuil, où elle croisait une des voies reliant la vallée de la Vienne à celle du Cher (voir voie Dangé-Saint-Romain/Thésée). Elle est encore bien marquée dans le paysage, d’abord dans le faubourg Saint-Jacques puis à côté de l’église du bourg, dont l’emplacement, en dehors du centre-bourg et au bord de la Creuse peut laisser supposer qu’elle a remplacé un temple gaulois, lié, soit à la source de la Crosse, située à proximité, soit à un gué permettant de rejoindre Balesmes sur la voie suivant la rive droite (voir ci-dessus), et enfin à Lilette, où il y avait aussi un gué sur la Creuse.
Buxeuil : ancienne voie vers l'église du bourg (photo PMD avril 2018)
Près de ces endroits, des épées et des haches gallo-romaines ont été retrouvées.
Après Buxeuil, la voie passait près du château de Falaise (commune des Ormes), où il y a aujourd’hui un musée présentant, entre autres éléments, l’histoire de l’Acadie, liée à celle de la famille de Gannes, originaire de Falaise, avant d’arriver à Port-de-Piles, où elle rejoignait la voie suivant la rive droite de la Vienne (voir https://turonensis.fr/categories/voies-gallo-romaines-chez-les-turons/les-voies-longeant-la-vienne-voies-4-1-et-4-2)