Cheillé
Le nom de cette commune, située sur la rive gauche de l'Indre, à l'ouest d’Azay-le-Rideau, apparaît pour la première fois en 1141, dans le cartulaire de l’abbaye de Turpenay (Saint-Benoît-la-Forêt) sous la forme Challeium, que l’on fait venir habituellement du gallo-romain Calliacus ou « domaine agricole du Beau » (voir antiquité ci-après) mais, selon le site de la commune, ce toponyme viendrait du pré-gaulois Citaliacum signifiant « endroit caillouteux ». On trouve ensuite Chaillé à partir de 1142 et Cheillé à partir de 1314.
Cheillé a la particularité d'avoir deux bourgs distant de 5 km : le vieux bourg, avec l'église et La Chapelle-Saint-Blaise, avec la mairie.
Histoire
Préhistoire et antiquité :
Des silex taillés du paléolithique et du néolithique ont été trouvés en 1947 au Grand-Marion, route de Rivarennes, à l'ouest du Vieux-Bourg.
Plusieurs toponymes indiquent de possibles mégalithes néolithiques : Pierre-Rouge (dans la forêt au sud du Vieux-Bourg), La Borne (au Chesnier, au sud-ouest de La Chapelle-Saint-Blaise), La Roche (au sud-ouest du Vieux-Bourg), La Pierre-qui-Tourne (vers les Vallées, au sud du Vieux-Bourg), où il y a de très nombreuses habitations troglodytiques (voir ci-après pour ces 3 lieux-dits).
Deux enceintes, probablement gauloises, existaient dans le secteur : le Fort des anglais (au sud de La Chapelle-Saint-Blaise), ainsi nommé parce qu'il fut occupé par les anglais au 14ème siècle et l'enceinte du Maupas (à l'ouest de La Chapelle-Saint-Blaise) ; sur ces deux enceintes voir les articles de Jean-Mary Couderc (1936/2024), in BSAT 40. 1982 (pages 82/83) et 40. 1984 (page 754).
Outre le possible domaine suggéré par le toponyme de la commune, d'autres domaines agricoles gallo-romains (villae rusticae) existaient probablement au Chesnier (voir ci-après), venant de Ciniacus ou "domaine de Cinius", à Javesnon (au sud de La Chapelle-Saint-Blaise) venant de Javenonem ou « propriété de Javenus ». à La Côte-des-Cercueils (à l’est du Vieux-Bourg), où des fûts de colonne, des murs et une structure rectangulaire ont été découverts, et à La Poterie (à l’est du Vieux-Bourg), où l’on a trouvé du matériel romain.
Quatre blocs de pierre, percés de trous, servant de base à un pressoir gallo-romain, avec de nombreuses tuiles, de la céramique sigillée du 2ème siècle, une monnaie d'Hadrien (empereur de 117 à 138) et une autre de Marc-Aurèle (empereur de 161 à 180), ont aussi été découverts en 1946 près de Baigneux (à l'ouest de La Chapelle-Saint-Blaise) ; ce qui laisse supposer qu'il y avait également un domaine gallo-romain. Voir la communication de Jacques Maurice (1901/2001) in BSAT 29. 1948 (pages 335/337).
Deux voies gallo-romaines traversaient le territoire de Cheillé : celle qui suivait la rive gauche de l’Indre, qui passait non loin de La Rémonière (voir ci-après), et une voie qui allait de Chinon à Tours, dite Via Vetuta (l’ancienne voie) et continuée, à l’extrême-sud de la commune actuelle et à la limite avec Villaines-les-Rochers, par une route, qui passe à Javesnon. Ces deux voies se croisaient près du Gué-Droit, sur la commune de Saché. Voir https://turonensis.fr/categories/voies-gallo-romaines-chez-les-turons/les-voies-longeant-lindre-voies-3-1-et-3-2 et https://turonensis.fr/categories/voies-gallo-romaines-chez-les-turons/voies-de-la-vienne-a-lindre-6-4-et-6-5.
Histoire des fiefs : Cheillé n’était qu’une paroisse et ne fut jamais un fief ; les deux fiefs les plus importants de cette paroisse étaient La Cour au Berruyer et La Chapelle, devenue ensuite La Chapelle-Saint-Blaise.
Histoire du fief La Cour ou La Cour au Berruyer (voir ci-après) :
Après avoir appartenu, aux 14ème et 15ème siècle à la famille Le Berruyer, le fief passa, en 1490 à la famille Le Simple, suite au mariage de Philippine Le Berruyer avec Georges Simple (alias Le Simple, archer de la garde écossaisse de Louis XII), dont le fils, René I Le Simple, épousa en 1520 Françoise Le Roy, fille de Guyon Le Roy, (né en 1450), seigneur du Chillou à Jaulnay. Leur petit-fils, René III Le Simple, maître des eaux et forêts du duché de Touraine, épousa en 1580 Madeleine Marguerite de Launay et leur fils, Albert Le Simple épousa en 1612 Louise d’Aloigny, fille de François d’Aloigny, mort en 1620 au château de la Chevrière à Saché, et de Françoise Du Plessis, cousine du cardinal.
Une des filles d’Albert Le Simple, Françoise Le Simple (née en 1613) épousa d’abord Urbain de Mondion (né en 1617) puis, en 1659, Claude IV de La Jaille (1614/1693). Jacques de Mondion (né en 1647), fils d’Urbain, fut ensuite seigneur du fief. Nicolas Le Simple, fils de René III, sera, quant à lui, seigneur de La Roche (voir ci-après).
À la famille Le Simple, succéda la famille de Messémé, alliée à la famille d’Aloigny. François de Messémé (mort en 1678 et inhumé dans l’église de Cheillé), également seigneur de Talvois à Nouâtre, avait épousé en 1640 Cassandre Pierres, fille du protestant Josias Pierres (voir Chaveignes). Leur fille, Nérée de Messémé (morte en 1708 et inhumée dans l’église) épousa en 1677 Charles Joseph de Rochefort (1650/1686), qui devint seigneur du fief. Leur fils, Dominique de Rochefort (mort en 1742 et inhumé dans l’église) épousa en 1718 Jeanne Baptiste de Dauldin (morte en 1775 et inhumée dans l’église). Ces derniers furent les parents de Charles de Rochefort (né en 1723), également seigneur de La Ploquinière (voir ci-après) et de Gabrielle Anne de Rochefort (morte en 1781 et inhumée dans l’église), qui fut l’épouse, en 1772, de Gabriel de Pierres des Épaux, dernier seigneur de ce fief.
Histoire du fief de la Chapelle :
Le nom de ce fief apparaît au 13ème siècle sous la forme Capella de Azayo (Chapelle d’Azay) ; à cette époque, il appartenait à André Dory. Au début du 16ème siècle, le fief fut acheté, en même temps que celui d’Azay-le-Rideau, par Gilles Berthelot (mort en 1529), maire de Tours, secrétaire du roi Louis XII puis trésorier de François 1er, qui entoura le bourg de fortifications.
À voir dans ou près du vieux-bourg
Église Saint-Didier : cette église, construite aux 12ème et 13ème siècle, fut agrandie aux 15ème, 16ème et 17ème siècle. La toiture actuelle est du 19ème siècle ; à l’intérieur on trouve un Christ en bois du 16ème siècle ainsi que, dans le chœur, 3 pierres tombales sur les 40, qui existaient avant la Révolution (voir histoire du fief de La Cour) ; parmi celles-ci, il y avait, selon la tradition, dont celle du généralissime suédois Magnus Jean Stenbock (mort en 1734), exilé et prisonnier au château de La Cour, qui aurait été le fils du maréchal suédois Magnus Gustafsson Stenbock (1665/1717).
À l’extérieur, on peut voir un « caquetoir », petite galerie, où l’on pouvait caqueter, c’est-à-dire bavarder à la sortie de la messe ainsi qu’un chêne bicentenaire, poussé dans le mur ouest de l’église.
Château de L'Islette : voir Azay-le-Rideau ; en effet ce château se trouve sur la commune de Cheillé mais son entrée est située sur le rive droite de l'Indre à Azay-le-Rideau.
La Cour (sud-est du vieux-bourg) voir histoire du fief de La Cour : cet ancien château fort du 13ème siècle, entouré de douves en eau, a gardé, à l’angle nord-est est, une construction carrée, dont la base est percée d’archères avec plusieurs meurtrières ovales à orifice circulaire pour armes à feu, aménagée au-dessus d’elles.
Il a pris son allure actuelle aux 16ème et 17ème siècle avec ses meneaux et ses grandes fenêtres en lanterne, donnant d’un côté sur la vallée de l’Indre et de l’autre sur la cour d’honneur, qui abrite une très belle galerie d’arcades d’époque Henri II ainsi que l’ancien donjon avec un escalier à vis de pierre remarquable. La porte charretière et le guichet du châtelet portent toujours la marque des anciens ponts levis.
Le château fut acquis par Suzanne Du Buit (1876/1963), qui avait épousé en 1898 Édouard Ernest Goüin (1876/1922), lointain cousin d’Alexandre Goüin (voir Artannes-sur-Indre). Leur fille Lucienne Goüin épousa en 1925 Jean Gradis (1900/1975), agent de change, qui racheta le château en 1931.
Le Château avec ses 3 salons et ses 10 chambres peut être privatisé une seule semaine par an à la belle saison. Voir http://lacourauberruyer.fr/
La Roche (sud-ouest du vieux-bourg) : le domaine appartenait au début du 17ème siècle à Urbain de Maillé (1597/1650), maréchal de France, fils de Charles de Maillé (1570/1615), qui avait épousé en 1616 Nicole Du Plessis, fille de François IV Du Plessis (et donc sœur du cardinal). Leur fils, Jean Armand de Maillé (1616/1646), protégé du cardinal, fut général des galères.
En 1644, le seigneur du fief était Nicolas Le Simple, fils de René III Le Simple (voir le fief de La Cour), allié à la famille Du Plessis.
Le manoir, des 16ème et 17ème siècle, fut édifié près du hameau de La Belle-Croix, sur un vieux chemin, allant de Chinon à Tours et traversant l’Indre au gué de Port-Huault (Voir Azay-le-Rideau), que Jeanne d’Arc emprunta le 5 avril 1429. À la fin du 18ème siècle, des travaux d’aménagement des caves et du chai furent entrepris ; deux pressoirs à vis, dont un subsiste toujours, existaient aussi. La propriété est encore un domaine viticole. Voir https://chateaularocheenloire.com/
Dans le secteur du Vieux-Bourg, on peut aussi voir de nombreuses habitations troglodytiques, notamment aux Vallées (au sud du vieux-bourg) ainsi que trois moulins sur l’Indre ou sur le Ruisseau de Charrière, qui est un bras de l’Indre (au nord du Vieux-Bourg) : le Moulin du Roi (18ème et 19ème siècle) ou « roi » est peut-être une déformation de « ré » venant du gaulois ritum (gué), car ce moulin est situé près de gué de Port-Huault, le Moulin Neuf et le Moulin de L’Islette, ancien moulin banal comprenant deux roues, que l’on peut voir quand on visite le château de l’Islette (voir Azay-le-Rideau).
À voir dans ou près du bourg de La Chapelle-Saint-Blaise
La Rémonière (dans le bourg, à l’est) : la première mention de ce fief apparaît en 1639 sous la forme Romonnière, puis en 1710 sous la forme Remonnière mais il se peut que la forme primitive ait été Romainière.
Les premières recherches remontent aux années 1799/1800 avec la découverte du tombeau d’une femme dénommée Secunda ; des fouilles faites ensuite ont mis à jour des ruines importantes de ce qui était, soit un très grand domaine, soit même une agglomération secondaire, avec un temple, un théâtre et des thermes.
Le plan du temple et des bâtiments annexes a été établi par l’archéologue Henry Auvray* (1878/1947) et publié Michel Provost (né en 1945), professeur à l’université de Clermont-Ferrand, dans la Carte archéologique de l’Indre-et-Loire (Académie des Inscriptions et Belles Lettres, 1988).
Le château lui-même a été construit sur un bâtiment gallo-romain, comme le montre la base, édifiée en opus vittatum (forme de parement antique fait de petits moellons rectangulaires, disposés en assises régulières alternées).
Ces fouilles ont mis à jour de nombreuses trouvailles, notamment :
- Un objet en ambre représentant Amour conduisant un bouc tirant un char à quatre roues dans lequel figurent deux personnages, interprétés comme Vieillesse et Volupté,
- Une bague sceau avec une allégorie représentant Diane, dont la tête est surmontée d’un croissant, tenant un fouet et conduisant un char tiré par deux taureaux,
- L’inscription suivante SECVNDA C. NERONIS FECIT SIBI ET CONIVGI ET FILIO SVIS signifiant « Secunda, épouse de Caius Neron, a fait (ce monument) pour elle-même, pour son époux et pour son fils (et) les siens »,
- Et enfin, trois colonnes monolithes, qui sont maintenant dans le vestibule du château mais que Henry Auvray* considérait comme étant de l’époque romane.
Ce domaine agricole, qui est maintenant une propriété privée, où il y a des chambres d’hôtes, peut éventuellement être visité en contactant les propriétaires, Mesdames Chantal et Carole Pécas au 02 47 45 45 69 ou au 02 47 45 24 88.
On peut voir dans ce bourg deux maisons du 16ème siècle : une au 23 rue de Chinon (maison à pan de bois) et une autre au 2 rue du parc (fenêtres à meneaux et mur à colombage).
La Touche (24 rue du Vieux-Chêne, dans le bourg, à l’ouest) : dans cet ancien fief, Nicolas de La Valette fit construire en 1535 ce manoir, dont la porte, entourée de pilastres, est surmontée d’un fronton triangulaire. On peut aujourd’hui y louer des chambres d’hôtes. Voir https://www.chambres-hotes.fr/chambres-hotes_manoir-de-la-touche_azay-le-rideau_h802375.htm
La Fondrière (sud-est) : François V de La Jaille (1572/1637), grand-père de Claude IV de La Jaille (voir le fief de La Cour) était seigneur de La Fondrière en 1621. Le manoir du 15ème a été transformé en ferme ; il y avait une chapelle, détruite au 19ème siècle.
La Baillière (sud-est) : il existe là un puits en pierre du 18ème s.
Le Petit-Arrêt (sud-est) : manoir du 16ème siècle, restauré au 19ème dans un style Renaissance.
La Jagée (sud-est) : ancien pavillon de chasse du 17ème siècle, offrant aujourd’hui des chambres d’hôtes. Voir https://www.chambres-hotes.fr/chambres-hotes_la-jagee_cheille_h1885201.htm
La Ploquinière (sud-ouest) : au 16ème siècle, le fief appartenait à la famille d’Espinay : Louis d’Espinay (cité en 1572) et son frère Antoine d’Espinay (cité en 1583) étaient les petits-fils de Charles d’Espinay (mort en 1535), seigneur de Saint-Michel-sur-Loire et propriétaire du château d’Ussé (voir Rigny-Ussé). Nicolas d’Espinay (cité en 1619) était le fils d’Antoine. En 1765, le seigneur du fief était Charles de Rochefort, fils de Dominique de Rochefort (voir histoire du fief de La Cour).
Le manoir, construit au 17ème siècle puis agrandi et transformé au 19ème siècle, possède un pigeonnier circulaire édifié en tuffeau jaune ou pierre de Cheillé dont le toit en tuiles est surmonté par un lanternon en ardoises. L'édifice est composé d'un étage carré. Le gros-œuvre est couvert d'un toit à longs pans et croupe, en ardoise.
Le château peut actuellement être loué. Voir https://www.1001salles.com/mariage/chateau-de-la-ploquiniere-37.aspx
Chênier ou Chesnier ou Chéniers (sud-ouest) : Il y avait là deux fiefs, celui du Grand-Chéniers et celui du Petit-Chéniers.
Le fief du Grand-Chéniers est cité au 12ème siècle, dans le cartulaire de l’archevêché de Tours, sous la forme Cheners, et, dans le cartulaire de l’abbaye de Bourgueil, sous la forme Chiniaci. En 1547, Antoine Raffin, dit Poton, était seigneur d’Azay-le-Rideau et du Grand-Chéniers. Par la suite, le fief passa à la famille Tardif, qui le conserva jusqu’à la Révolution.
Jean Tardif fut échevin de Tours en 1589 et maire de Tours en 1599 ; un de ses descendants, un autre Jean Tardif (1658/1709), premier valet de garde-robe de Philippe d’Orléans, fils de Louis XIII, fut inhumé dans l’église de Cheillé ; les deux derniers seigneurs de ce fief, cités en 1789, furent Charles Tardif et Jean Baptiste Tardif, prieur de Busloup (Loir-et-Cher).
Le premier seigneur connu du fief du Petit-Chéniers fut Étienne Le Duc, cité en 1314. Au début du 16ème siècle, le fief appartenait à la famille Le Goux ; en 1575 Catherine Le Goux le vendit à Jean Tardif, maire de Tours, déjà propriétaire du Grand-Chéniers et dès lors les deux fiefs furent réunis.
Fortifié et entouré de douves, le château fut construit au 16ème siècle et agrandi au 17ème. L'édifice comprend un corps de bâtiment d'habitation du 16ème, au comble éclairé de lucarnes amorties par un gâble sculpté, et divisées par des croisées de pierre. Les percements des deux façades ont été modifiés au 17èmesiècle. Il fut agrandi à cette époque par un pavillon ajouté au nord, qui fait saillie sur la façade Est. Une tour cylindrique appartenait à l'enceinte du 16ème siècle et est reliée au château par un bâtiment de servitude moderne. La porte d'entrée dans la cour, en plein cintre, est ouverte dans un pavillon carré accosté de petits bâtiments de servitudes, prolongés par des bâtiments modernes. A l'ouest de la cour est élevé un bâtiment de communs dont la porte en plein cintre est accostée de pilastres. Au sud-ouest se trouve un petit pavillon carré également du 17ème. La chapelle, du 17ème, existait encore au 19ème ; elle avait été interdite en 1787. On peut aussi voir un puits à roue de 18ème avec un toit en charpente couvert de tuiles.