Chouzé-sur-Loire
Le nom de cette commune, située sur la rive droite de la Loire, en face de Candes-Saint-Martin, à l’extrémité ouest du département, apparaît pour la première fois en 1003, dans une bulle de Sylvestre II (pape de 999 à sa mort en 1003), sous la forme Choziacum, venant de Causiacus ou « domaine agricole (villa rustica) de Causus ». On trouve ensuite Chozé, en 1449, Chouzé, au 18ème siècle et Chouzé-sur-Loire, à partir de 1818. Partie intégrante de l’Anjou, Chouzé et la région de Bourgueil furent rattachées au département de l’Indre-et-Loire en 1790.
Plan général (musée des Mariniers)
Histoire
Histoire antique, ancienne et moderne :
À l'époque gallo-romaine, la région se trouvait chez les Andécaves et d’autres domaines agricoles gallo-romains existaient sans doute à Champnais (voir ci-après), venant de Catenacus ou « domaine de Catenus » et à Lecé (voir ci-après) venant de Licciacus ou « domaine de Liccius ».
Au 11ème siècle, le fief de Choziacum fut donné à l’abbaye de Bourgueil ; la justice de ce fief avait son siège dans le prieuré du Plessis-aux Moines (voir ci-après) et était rendue par un sénéchal nommé par l’abbé de Bourgueil.
Au 12ème siècle, des terres situées dans la paroisse de Chouzé furent données à l’abbaye de Fontevraud et des droits perçus au port de Chouzé furent cédés à l’abbaye de Marmoutier.
Au 13ème siècle, Geoffroy Godeschal, chevalier-banneret, seigneur de Cléré (aujourd’hui Cléré-les-Pins) en 1213, possédait des biens dans la paroisse.
Au 14ème siècle, les habitants de Chouzé étaient tenus de faire le guet au château de Bourgueil.
C’est François 1er, qui, au 16ème siècle donna le titre et les privilèges de ville à Chouzé, mentionnée dans le chapitre 47 du Gargantua de Rabelais.
En 1687, une école gratuite de filles fut fondée à Chouzé par Antoine Armand de Pomponne (1614/1698), prieur du Plessis-aux-Moines (voir ci-après).
Le médecin et botaniste François Pierre Chaumeton (1775/1819) est né à Chouzé (voir ci-dessous la plaque sur la mairie).
Chouzé-sur-Loire, plaque F. P. Chaumeton (photo PmD juin 2024)
Histoire contemporaine :
Il y eut trois passages entre Chouzé-sur-Loire et la rive gauche de la Loire (voir https://turonensis.fr/categories/passages-eau-indre-et-loire/01-les-passages-sur-la-loire-tourangelle-liste) :
Le passage, dit de Port-Boulet, cité en 1750, avait une grande importance car il mettait en relation directe les villes de Bourgueil et de Chinon. Ce bac cessa de fonctionner en 1837, suite à la construction du pont suspendu de Port-Boulet. Sa rampe d'accès est toujours visible, juste en aval du pont.
Descente vers le bac de Port Boulet (photo PmD juin 2024)
Le passage, dit du bourg reliait le bourg de Chouzé au lieudit le Petit Chouzé sur la rive gauche (commune de Savigny-en-Véron). En 1908, le passage, n’ayant pas pu être affermé depuis 10 ans, fut supprimé.
Le port du bourg de Chouzé (photo PmD juin 2024)
Le passage, dit de l’île-au-Than, partait d’un port d’abordage, dont la cale est toujours visible, se trouvant à la limite entre l’île de Montravers et l’île au Than (commune de Montsoreau dans le Maine-et-Loire), anciennes îles rattachées à la rive, pour arriver au bas de la rue de la Vienne à Candes-Saint-Martin.
Ancien port du passage de l'île-au-Than (photo PmD juin 2024)
Ce bac, qui, est-il noté en 1902, rapportait peu « eu égard à la largeur du fleuve à traverser et aux difficultés qui en résultent en temps de crue et de brouillard », fonctionna jusqu’en 1917, année de la mise en service du pont entre Montsoreau et Varennes-sur-Loire. Ce pont routier métallique, fut coupé en 1940 par l’armée française pour retarder l’avancée des allemands ; reconstruit pendant l’occupation, il fut de nouveau détruit en 1944 par les bombardements des alliés. Le bac reprit alors du service et j’ai rencontré à Candes-Saint-Martin, en juin 2024, un vieux monsieur qui l’avait emprunté quand il était enfant !
Pendant la seconde guerre mondiale, alors que la commune était occupé par les allemands, le docteur Zohan Roth, médecin à Chouzé de 1935 à 1942, et sa famille furent déportés à Auschwitz, où ils furent exterminés.
Plusieurs habitants de la commune participèrent à la Résistance, active dans la région, et payèrent leurs actions de leur vie ; on peut noter notamment le conseiller municipal Raymond Tenneguin (1895/1945) et le secrétaire de mairie René Anglade (1918/1945).
À la fin de la guerre, les FFI, dont fit partie Siméon Soyer (1923/2021), et le bataillon d'Indre-et-Loire, dirigé par le futur colonel Christian de Rendinger (1914/1994), propriétaire du château des Réaux (voir ci-après), dit le commandant Champmeslée dans la Résistance, menèrent des opérations contre les allemands.
À voir dans le bourg
Chouzé-sur-Loire, plan du bourg (musée des Mariniers)
L’Hôtel de ville, construit après la Révolution à l’emplacement de l’ancienne halle ; la nouvelle halle, adossée à ce bâtiment, fut par la suite transformée en salle des fêtes puis fut intégrée à la mairie, lorsqu’une salle polyvalente fut construite.
Chouzé-sur-Loire, la mairie (cp)
Le Musée des Mariniers (4 rue de la Pompe, à côté de la mairie) : grâce à la donation d’un couple de chouzéens le musée des Mariniers existe depuis plus de trente ans ; les pièces dont ce musée dispose sont toutes authentiques et les anecdotes qui s’y rattachent racontent l’apport très riche de ses échanges entre mer et Loire. Ce musée organise également des promenades sur la Loire. Voir https://marinierschouzesurloire.fr/ Téléphone : 02 47 95 18 47. Promenade très agréable, faite le 23 juin 2024.
Promenade sur la Loire (photo PmD juin 2024)
Une maison du 19ème, dont la façade est fort décorée, au 10 rue de Saumur (à l'ouest de la mairie)
Maison à tourelles, dite Maison du bailli (rue de l’église, au nord de la mairie) :
Cette maison du 15ème siècle fut reconstruite au 16ème pour un notable, peut-être un officier de la châtellenie des Réaux (voir ci-après) ou de l’abbaye de Bourgueil, qui possédait dans la paroisse le prieuré du Plessis-aux-Moines (voir ci-après).
Selon la tradition, c'est dans cette maison que mourut le 1er septembre 1464 Marie d’Harcourt (1420/1464), seconde épouse de Jean de Dunois (1403/1469), dit « le bâtard d’Orléans », fils de Louis I d’Orléans et donc petit-fils de Charles V, compagnon de Jeanne d'Arc et grand chambellan de France en 1436.
Maison du bailli (photo PmD mai 2009)
Elle appartenait à la fin du 18ème siècle à Pierre Urbain Hudault (1755/1807), notaire royal à Chinon et procureur fiscal du Plessis-aux-Moines (voir ci-après).
Maison du balli (photo PmD juin 2024)
C’est une construction en pierre de taille, avec pignons aigus et toiture d’ardoises. Elle est éclairée par une belle lucarne renaissance à croisée de pierre encastrée de pilastres. Le fronton est occupé par un blason. La façade est ornée de deux tourelles coiffées de poivrières. Le logis a été agrandi au couchant par une addition, édifiée sur une cave aux voûtes appareillées. Une tour polygonale, ne se voyant pas de la rue, abrite un escalier de pierre.
Église (rue de l'Église, au nord de la mairie) :
La première église, consacrée à Saint Pierre et construite au 11ème siècle, était située Place de la Mairie ; plusieurs fois inondée par les crues, elle était en très mauvais état au moment de la Révolution et fut fermée en 1792 par "l'officier public" (maire), le citoyen Murault, puis détruite pour permettre le passage de la route Tours-Saumur.
Église (photo PmD juin 2024)
L’église actuelle, consacrée à la Vierge et aux apôtres Saint-Pierre et Saint-Paul, fut élevée sur l’emplacement de l’ancien cimetière, entre 1825 et 1827. Seule la cloche Louise-Gabrielle, datant de 1757, avait été conservée et fut placée dans le nouveau clocher.
L’édifice, de plan basical et de style très dépouillé, se compose de trois nefs séparées par deux rangées de colonnes. Elle a la particularité d'avoir été la première église du département construite après la Révolution et d'avoir été réalisée en utilisant le mètre comme unité de longueur.
À l'intérieur, se trouvent plusieurs tableaux classés (N.B. toutes les photos ci-dessous ont été prises par moi en juin 2024) dont :
L'Adoration des bergers, du 15ème siècle, restauré entre 2021 et 2022 par l'atelier Marc Philippe.
La Déploration du Christ, du 16ème siècle, attribué à Noël Bellemare, artiste-peintre actif entre 1512 et 1546.
Le Repentir de Saint Pierre, du 18ème siècle, restauré entre 2021 et 2022 par l'atelier Marc Philippe.
La Vierge à l'enfant, du 18ème siècle, tableau dit aussi la Nativité ou la Naissance du Christ.
L'Assomption, du 19ème siècle, restauré en 1994 par Marc Philippe ; la Vierge est portée sur des nuées par deux anges adultes vêtus et quatre angelots nus. Quatre têtes d'angelots ailés sont figurées en partie supérieure, de part et d'autre d'une trouée de lumière dorée sur laquelle s'incrit la tête de la Vierge. Elle a les bras ouverts ; elle porte un voile rabattu sur la poitrine ; sur une robe rouge, un drapé bleu lui enserre les jambes. En partie inférieure l'enceinte d'une ville se découpe au dessus de collines dépourvues de végétation.
On peut aussi y voir une statue de la Vierge, dite La Vierge à l'oiseau, du 14ème siècle mais dont la tête a été remplacée au 16ème ou au 17ème.
On y trouve aussi un ex-voto dit l'Union, un vaisseau à trois ponts, armé 80 canons, réalisé en 1810 par les mariniers de Chouzé, qui l'offrirent lors de la Révolution de 1848 ; il a été restauré entre 2022 et 2024.
Église, ex-voto dit l'Union (photo PmD mai 2009)
Un logis du 15ème siècle, rue de La Perruche (au nord-est de la mairie).
À voir au nord
Le prieuré du Plessis-aux-Moines (nord-est) : ce prieuré fortifié, fondé au 11ème siècle, appartenait à l'abbaye de Bourgueil. Il était entouré de douves dont une, qui subsiste encore à l'est, est franchie par un pont dormant accédant à la porte dont ne subsistent plus qu'en partie les murs latéraux percés de meurtrières. Le logis du prieur présente, sur la cour, une porte surmontée d'armoiries qui ont été bûchées et, au premier étage, deux fenêtres dont l'une a son encadrement mouluré et décoré d'angelots. La chapelle à l'angle est convertie en remise. Au sud du couvent subsiste la grange, composée de trois nefs de cinq travées.
Prieuré du Plessis-aux-Moines (photo 1947 par Robert Ranjard in pop-culture)
Le château des Réaux (nord-est) :
Le fief des Réaux, appelé Le Plessis-Rideau ou Le Plessis-Macé jusqu’au 17ème siècle, appartenait en 1385 à Amaury Péan et en 1397 à Jeanne de Montjean, première épouse du célèbre Jean V de Bueil (1406/1477) ; il passa ensuite à leur fils, Antoine de Bueil (né vers 1440), comte de Sancerre, lieutenant du roi de France. En 1455, le seigneur était le fils de Jean IV de Brie (mort en 1441), chambellan de Charles VII, Gilles de Brie, qui participa à la bataille de Formigny en 1450, où il gagna, comme Jean V de Bueil, le surnom de « Fléau des Anglois ».
Château des Réaux (cp)
Par la suite, le fief fut acheté par Guillaume Briçonnet (1445/1514), dit le cardinal de Saint-Malo (voir Chenonceaux), surintendant des finances et cardinal en 1498), fils de Jean Briçonnet l'aîné (1420/1493), dit le Père des pauvres, premier maire de Tours en 1462. Un fils de Guillaume, un autre Jean Briçonnet (1491/1559), trésorier-général de Provence et du Dauphiné, qui fit construire le château (voir ci-après), fut le père de Madeleine Briçonnet (née en 1520), mariée à Thibault de Longuejoue (1505/ 1550), fils de Mathieu de Longuejoue (1475/1557), garde des sceaux de François 1er. Leur fille, Louise de Longuejoue épousa en 1575 Jean Taveau de Morthemer (cité en 1569 et 1579) et leur fille, Françoise Taveau de Morthemer épousa en 1593 Philibert Emmanuel de La Béraudière ; leur fils, François de La Béraudière (né en 1595), vendit le fief vers 1650 à Gédéon Tallemant des Réaux (1619/1692), connu pour ses Historiettes, qui en fait sa demeure et est autorisé à lui donner son nom.
Château des Réaux (photo PmD mars 2010)
Après sa mort, sa veuve, Élisabeth de Rambouillet (née en 1633) revendit la seigneurie en 1714 au négociant Louis Taboureau (1663/1746), père de Louis Mathurin Taboureau des Réaux (1683/1767) et grand-père de Louis Gabriel Taboureau des Réaux (1718/1782), contrôleur général des finances en 1776/77, qui fut le dernier seigneur des Réaux.
L'ancien château était fortifié et environné de fossés. On y pénétrait par un pont-levis. Ce château a été remplacé par celui que nous voyons aujourd'hui, bâti par Jean Briçonnet. Seul, le châtelet d’entrée avec son porche en anse de panier, flanqué de tourelles rondes édifiées en damier de brique et de pierre, date de la Renaissance. Dans le parc, une chapelle néo-renaissance, construite au 19ème siècle et un cadran solaire en forme d’autel antique, dont les heures sont figurées par les têtes des 12 dieux de l’Olympe.
Château des Réaux (photo PmD mars 2010)
Le château devint en 1897 la propriété de Julien Barois (1849/1937), inspecteur-général des ponts-et-chaussées ; sa fille, Germaine Barois (1886/1981) épousa en 1910 Pierre Léon Carlier (1877/1923), consul général de France en Turquie et fut la mère de Lucienne Carlier (1911/1965), qui se maria en 1935 à Christian de Rendinger (1914/1994) (voir Histoire contemporaine) ; leur fille, Florence de Rendinger (née en 1942), épouse de l'ingénieur-agriculteur Jean-Luc Goupil de Bouillé (né en 1940), cèda la propriété en 2005 à l'homme d'affaires et poète ukrainien Yevhen Yukhnytsya (né en 1965), qui fonda dans le château une exposition permanente de peintures consacrées aux jambes.
Il semble qu'on puisse y loger : voir https://www.chateaudesreaux.fr/decouvrir-le-chateau-des-reaux/.
Lecé (nord-ouest) (voir histoire antique) : le moulin-cavier, aujourd'hui abandonné, a été édifié à fin du 18ème siècle et a fonctionné jusqu'au début du 20ème siècle.
Moulin-cavier de Lecé (photo wikipedia)
Champnais (nord-ouest) : ce fief appartenait à Charles Joseph Henri Quirit de La Motte (1740/1795) (voir Usage à Huismes) qui participa en 1789 à l’élection des députés de la noblesse de Touraine et, en 1785, à Pierre Louis Duchastel, de la même famille que le député girondin Gaspard Séverin Duchastel (né en 1766, guillotiné en 1793).
Chouzé-sur-Loire Champnais (photo in Tourainissime)
Il y a là un ancien pigeonnier, contenant 365 boulins, transformé en logis privé.
À voir à l’est
Plusieurs anciens moulins-cavier se trouvent rue des Moulins et aux Pelouses (rue Menier).
Le premier moulin-cavier qui a été construit à Chouzé sur Loire, rue des moulins, sur le modèle des caviers de l’Anjou voisin, vers 1797, était la propriété de Martin Poirier ancien marinier de Loire, devenu meunier. Sa fille, Jeanne ou Anne Poirier (morte en 1863) épouse en 1798 Jean Baptiste Vallée (1769/1848) dont l’origine connaît deux versions ; selon les uns, ce dernier serait le fils de Stanislas Vallée de Champfleury (noyé dans la Loire en 1793) et le fils adoptif de Martin Poirier ; selon les autres, il serait le fils de Mathurin Vallée (né en 1731). Jean Baptiste Vallée édifie en 1821 le Grand Moulin, modernisé en 1856 avec des ailes à planches ; son fils, François Vallée (né en 1823) exploitera en famille les moulins des Pelouses jusqu’en 1895.
Chouzé-sur-Loire, moulins-caviers des Pelouses (cp)
Voirhttps://pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/PA00125365et https://pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/PA00097693.