Bourgueil
Le nom de cette commune, située dans le centre-ouest du département, apparaît pour la première fois en 971 dans une charte de Thibault le Tricheur, comte de Blois (voir ci-après), sous la forme Brugogalus, venant du latin burgus (bourg) et du gaulois -ialo (clairière) et signifiant donc « le bourg dans une clairière ». Cette localité s’est ensuite appelée Bourgeuil en 1398 puis Bourgueil depuis au moins 1452. À l’époque gauloise, elle se trouvait chez les Andécaves, dont la capitale était alors Juliomagos (le marché de Julius), devenue plus tard Angers.
Histoire
Préhistoire et antiquité :
Un fragment de hache du néolithique, en roche vert sombre, a été découvert au lieu-dit le Clos de Beaune à 500 m à l’est du bourg.
Une meule presque entière, du néolithique également, a été découverte à la Gitonnière (à l’est du bourg, près de Santenay) et un grand mortier constitué d’un bloc creusé d’une cuvette ovale bien régulière a été trouvé dans la berge du Changeon au Pont du Gué (voir ci-après). Voir Gérard Cordier : Matériel néolithique tourangeau de mouture et de broyage, in RACF, 30, 1991 (pages 47/70).
Mortier découvert au Pont du Gué (photo Gérard Cordier)
Selon le Dictionnaire géographique de Carré de Busserolle (tome I), il y avait sur le territoire de cette commune un dolmen, maintenant disparu.
À l’époque gallo-romaine, deux voies se croisaient au nord-est du bourg, à Marcé (voir ci-après) : la voie suivant la rive droite de la Loire, en reprenant en partie une voie gauloise, continuée aujourd’hui en partie par la D 35, qui passait ensuite à La Villatte (voir ci-après) et une ancienne voie allant de Chinon au Mans, qui longeait la rive droite du Changeon, à l'est du bourg, en utilisant l'actuel Pont du Gué. [N.B. Il ne pas confondre ce lieu-dit avec la rue du Pont du Gué (500 mètres plus au nord), où passait la voie gauloise mentionnée plus haut]. (voir https://turonensis.fr/categories/voies-gallo-romaines-chez-les-turons/02-les-voies-sur-la-rive-droite-de-la-loire et https://turonensis.fr/categories/voies-gallo-romaines-chez-les-turons/voies-du-sud-vers-le-nord-7-1-7-2-7-3-7-4-et-7-5).
Ancienne voie gauloise rue du Pont du Gué (photo PmD août 2021)
Des domaines agricoles (villae rusticae) existaient alors à Marcé, au nord-est du bourg, venant de Marciacus ou « domaine de Marcius », à Santenay, à l’est du bourg, à la limite avec Restigné, venant de Sentennacus ou « domaine du gaulois Santennus » et à La Villatte, au nord-ouest du bourg, venant de Villetta ou « petit domaine ».
Santenay (photo PmD fév. 2019)
Histoire ancienne et moderne :
Au 10ème siècle, le domaine appartenait à Thibaud 1er de Blois, dit Thibaud le Tricheur (910/975 ou 977), comte de Blois et de Tours, qui le donna à sa fille Emma de Blois (948 ou 950/1003 ou 1005), épouse de Guillaume IV d'Aquitaine (935/995) dit Fier-à-Bras, comte de Poitiers et duc d'Aquitaine. Celle-ci fonda en 990 l’abbaye de Bourgueil (voir ci-après), qui dès lors posséda le domaine.
Baudri de Bourgueil (1045 ou 1047/1130 ou 1131), abbé de Bourgueil de 1089 à 1107 puis évêque de Dol, fut l’auteur d’un récit de la 1ère croisade (1095/1099), de la vie de son ami Robert d’Arbrissel (1047/1117), le fondateur de l'abbaye de Fontevraud et de poèmes sur la conquête de l’Angleterre.
En 1156, Henri II Plantagenêt y tint les états généraux de ses provinces.
Au 15ème siècle, sur ordre de Charles VII, le bourg et l’abbaye furent occupés par Pierre de Culant, fils naturel de Guichard de Culant (mort après 1388) et demi-frère de Louis de Culant (1375/1444), amiral de France et compagnon de Jeanne d’Arc (1412/1431).
Eustache de Maillé, arrière-petit-fils d’Hardouin VI de Maillé (mort en 1340), fut abbé de 1426 à 1439, après avoir été abbé de Seuilly. Il fit relever la flèche du clocher, reconstruire des bâtiments et construire un mur autour des jardins. En 1428, la ville fut prise par les Anglais et l’on se battit dans ses rues et dans l’abbaye.
Adrien Gouffier de Boisy (1479/1523), évêque de Coutances puis d’Albi, légat du pape et cardinal fut aussi abbé de Bourgueil jusqu’en 1513. Il reçut en 1491 Anne de Bretagne (1477/1514) se rendant à Langeais pour épouser Charles VIII. Il est inhumé dans l’église de Bourgueil à l’entrée de la chapelle de la Vierge. Ses deux frères, Artus Gouffier de Boisy (1474/1519) et Guillaume II Gouffier (1482/1525 à la bataille de Pavie), dit de Bonnivet, furent les principaux conseillers de François 1er. Guillaume II fut aussi le bâtisseur du célèbre château de Bonnivet (département actuel de la Vienne). Voir son portrait ci-contre peint par Jean Clouet.
Charles Henri de Pisseleu (1495/1564), (portrait ci-contre), évêque de Mende puis de Condom, fut le premier abbé commendataire. Ronsard, neveu de l’abbé, qui séjourna très souvent à l’abbaye, chante dans ses œuvres les vastes jardins suspendus de l’abbaye de Bourgueil. Charles Henri était le fils de Guillaume de Pisseleu (1459/1531) et donc le demi-frère d’Anne de Pisseleu (1508/1580), maîtresse en titre de François 1er. C’est lui qui fit fortifier l’abbaye, laquelle, malgré cela, fut pillée par les protestants en 1562.
Louis 1er de Lorraine (1527/1578), cardinal de Guise, évêque de Troyes, Albi, Sens et Metz, fut abbé commendataire de 1564 à sa mort. C’est lui qui sacra Henri III à Reims. En 1565, il accueillit dans l’abbaye Catherine de Médicis et son fils, Charles IX. Ce Louis 1er, était le fils de Claude de Lorraine (1496/1550), 1er duc de Guise, et donc le frère de Charles de Lorraine (1524/1474), cardinal de Lorraine, ainsi que de François 1er de Lorraine (1519/1563), 2ème duc de Guise, qui jouèrent un rôle politique important à cette époque.
Charles 1er de Bourbon (1523/1590), dit le cardinal de Vendôme (portrait ci-contre), archevêque de Rouen, fut abbé commendataire de 1583 à 1587. De son temps, l’abbaye fut de nouveau pillée par les protestants lors de la 3ème guerre de religion. Il était le fils de Charles IV de Bourbon-Vendôme (1489/1537), et donc le frère d’Antoine de Bourbon (1518/1562), père d’Henri IV. Après l’assassinat d’Henri III en 1589, la Ligue essaya de l’imposer comme roi de France sous le nom de Charles X.
Guillaume Dubois (1656/1723), dit l’abbé Dubois puis le cardinal Dubois, fut abbé de 1719 à sa mort (portrait ci-contre par Hyacinthe Rigaud) mais il est surtout connu pour avoir été le ministre principal du régent Philippe d’Orléans.
César Guillaume de La Luzerne (1738/1821), évêque-duc de Langres, fut le dernier abbé de Bourgueil. Il était le fils de César Antoine de La Luzerne (mort en 1755) et de Marie Élisabeth de Lamoignon (1716/1758), fille de Guillaume II de Lamoignon (1683/1772), chancelier de France sous Louis XV et donc sœur de Chrétien Guillaume de Lamoignon (1721/1794), plus connu sous le nom de Malesherbes, protecteur de l’Encyclopédie.
En 1790, le pays bourgueillois fut détaché de l’Anjou pour intégrer le tout nouveau département d’Indre-et-Loire.
À voir dans le bourg
Église Saint-Germain (place de l’Église) : consacrée en 1115, l’église est citée dès 1002 dans une bulle du pape Sylvestre II (pape de 999 à 1003). De cette période subsiste l’ancien pignon en appareil réticulé (losanges) visible sur la façade occidentale, dont la porte a été retouchée à la fin du 12ème siècle. Le chœur a été reconstruit au 13ème siècle, dans le style gothique angevin.
L’église comporte 3 nefs distribuées chacune en 3 travées. Les 9 voûtes très bombées qui le couvrent sont soutenues par des croisées d’ogives. Les clefs de voûtes sont décorées de personnages, de figures allégoriques et de scènes tirées de la Bible.
Église Saint-Germain (photo PmD mai 2009)
Au-dessus des voûtes bombées, la charpente en forme de bateau renversé recèle des pièces de bois magnifiquement sculptées. Au nord se dresse le clocher flanqué d’une tourelle d’escalier couronnée d’une petite flèche en écailles de tortue. L’étage actuel du beffroi avec ses baies jumelées est une réfection de 1888. En très mauvais état, la flèche octogonale qui le recouvrait a été en partie démolie en 1854
Les halles (place des Halles) : le seigneur baron de l’abbaye les contrôla jusqu’en 1789 et en tira un important profit, les marchandises ne pouvant être vendues sur ce marché que moyennant une taxe. Après la Révolution, le préfet, François René Jean de Pommereul (1745/1823) fit don de l’édifice à l’hospice général de Tours. Contestant cette décision, la commune souhaita l’acquérir afin de bénéficier des droits perçus et d’y installer la mairie ainsi que le tribunal. En janvier 1810, un décret impérial confirma l’achat des halles par la ville. En 1823, une partie de l’édifice s’effondra. Sa reconstruction s’acheva en 1829. Les halles sont le centre du marché qui selon la tradition orale aurait été créé en même temps que l’abbaye. D’abord située dans des locaux au-dessus des halles, la mairie fut transférée en 1975 dans le château de La Rivière (voir ci-dessous).
Les halles et la mairie (cp)
Château de La Rivière (mairie, 8 rue du Picard) : ce château a été au fil des siècles très remanié, il comporte des vestiges du 14ème siècle pour son pignon nord et date des 19ème et 20ème siècle pour ses autres parties. Au 18èmesiècle le domaine appartenait à la famille Tallonneau de la Rivière, qui le conservera jusqu’en 1946 ; l’abbé Jean Hippolyte Talloneau de La Rivière sera le dernier principal du collège de Bourgueil en 1789 et Adam Talloneau de La Rivière sera le premier maire de Bourgueil pendant la Révolution. Voir aussi https://lieuxditsdetouraine.blogspot.com/2022/01/bourgueil-la-riviere.html.
Château de La Rivière (cp)
En décembre 1972, le conseil municipal décida d’acquérir le domaine pour y installer la mairie dont les locaux situés au-dessus des Halles étaient devenus trop exigus.
Maison des vins (18, Place de l’église) : cette Maison des vins a été installée en 1991 dans une maison du 14ème siècle, qui appartenait aux grands parents de l’acteur Jean Carmet (1920/1994).
Abbaye Saint-Pierre (4 avenue Le Jouteux) (voir Histoire) : la vente de l’abbaye comme bien national pendant la Révolution entraina la destruction de nombreux éléments, notamment de l’église abbatiale du 14èmesiècle et du cloître. Des bâtiments anciens subsistent les Grands Greniers, la maison de l’abbé, et un pavillon du 17ème siècle ainsi que le réfectoire et le dortoir, construits à partir de 1720 par Jean Miet, architecte de Saumur, qui englobent la galerie méridionale du cloître datant du 14ème siècle.
Abbaye (photo PmD mai 2009)
En 1828, la Congrégation des Sœurs de Saint-Martin vint s’installer dans les anciens greniers et le cellier, puis dans les restes du château abbatial et du moulin qu’elles restaurèrent peu à peu. À la fin du 19ème siècle, elles complétèrent l’aile du château par un pavillon symétrique pour installer une maison d’accueil de personnes âgées, puis une école de futures institutrices en 1918.
Au fil des années du XXème siècle, les Soeurs de Saint Martin ont laissé la place à la communauté des Soeurs de la Providence-Pommeraye. En 2018, celles-ci quittèrnt définitivement les lieux.
Acquis en 2021, par la SCIC Oeuvrière de Bourgueil créée Frédéric de Beauvoir (né en 1963) et Fabienne Rousseau, les bâtiments et les jardins ont pour vocation d’être ouverts au public et de proposer des évènements culturels et des séjours de pratique autour de l’artistique et du bien-être. Voir aussi https://abbaye-bourgueil.
Maison (39 rue Alain Chartier) : petite maison bourgeoise ornée d'un cartouche portant équerre et compas, prouvant qu'elle fut la demeure d'un maître-maçon. La porte centrale est en anse de panier. Les ouvertures sont ornées d'un encadrement plat classique en légère saillie. La façade est coupée horizontalement par un bandeau entre le rez-de-chaussée et l'étage, et couronnée par une corniche moulurée.
Maison 39 rue Alain Chartier (photo Duch seb pour Monumentum)
À voir dans le sud du bourg
La Gourgauderie : manoir du 17ème siècle, avec un pigeonnier, propriété de la famille Gourdault (ou Gourgaud ?). Il appartenait, au début du 17ème siècle à Michel Gourdault, officier de Marie de Médicis, qui, selon la tradition, serait venue dans ce manoir. Moïse Amyrault (1596/1664), célèbre théologien protestant, y est né.
La Gourgauderie (photo Tourainissime)
Moulin de La Planche : ancien moulin à farine, sur l'Authion, fondé au 12ème siècle par l’abbaye de Bourgueil et cité pour la première fois en 1543. Vendu en 1791. En 1879, il fut équipé d’une roue à aube de côté qui actionnait quatre paires de meules, remplacée en 1890 par une turbine horizontale. En 2004, de nouvelles vannes automatisées furent installées. Le moulin est maintenant une habitation et n’est pas ouvert à la visite.
Le moulin de La Planche (cp)
Parc avenue Jean Causeret : on peut voir dans ce parc une éolienne Bollée, datant de 1878.
À voir au nord
Le moulin bleu : ce moulin à vent de type moulin-cavier est érigé à 123 m. sur la rive droite de la Loire, d’où l’on voit, par temps clair, de Langeais à Saumur. Sur ce site, à l’origine il y avait deux, moulins à blé construits au 17ème siècle, par les abbés de l’abbaye. Ils ont connu diverses appellations sur les actes anciens : moulins de bel air, moulins de la Lande, mais plus connus sous le nom de moulins Bleus, couleur qui affichait, sans doute, les idées républicaines des meuniers, quand ils prirent cette couleur à la période révolutionnaire.
Le moulin actuel devint un moulin à tan utilisé pour broyer l’écorce des chênes et châtaigniers et en extraire le tannin destiné aux tanneries de Bourgueil et des alentours. Il s’arrêta définitivement en 1881. Laissé à l’abandon, il fut restauré vers les années 1934-1935, et transformé en résidence. En 1982, le moulin, toujours équipé de ses ailes à planches repliées, fut restauré et en 1983, la hucherolle fut réparée avec ailes dites à râteau, (ou à barreaux) comme à l’origine, sur lesquelles on étendait les toiles.
Restaurant gastronomique depuis 1993 (7 rue du moulin bleu) . Voir https://www.lemoulinbleu.fr/
Les moulins bleus (cp)
Gravot : selon le chapitre 47 de Gargantua, ce lieu appartenait à Grandgousier mais en fait il appartenait à Antoine, le père de François Rabelais. C’est là aussi que naquit le pauvre bûcheron nommé Couillatris (voir le prologue du Quart Livre). Dans les environs, se trouvent un emplacement que l'on présume avoir été un camp romain ainsi que des traces de la voie romaine, qui allait de Chinon au Mans (voir histoire). Voir https://turonensis.fr/categories/rabelais-en-touraine/dans-le-veron-et-au-nord-de-chinon.
Gravot (photo PmD sept. 2009)
Château de La Salpêtrerie (nord-ouest) : ce lieu apparaît sur le cadastre en 1830 et 1953.
À voir à l’est et au sud
Château de Pavée (est du bourg) : le nom de ce domaine apparaît au 15ème siècle. Il appartenait au début du 18ème siècle à Jacques de Gilbert, cité en 1720, 1722 et 1732, lieutenant-général de l’artillerie de France, fils de Louis Gilbert, receveur du grenier à sel de Bourgueil. Le château actuel, avec son pigeonnier circulaire, a été édifié au 19ème siècle. Voir Pierre Souty : La parenté ligérienne de l'impératrice Joséphine, in BSAT 35, 1969 (pages 499/505).
Château de Pavée (cp)
Château des Sablons (sud-est du bourg) : ce château du 17ème siècle appartint à la famille Le Jouteux (ou Lejouteux), qui a joué un rôle important dans l’histoire de Bourgueil, notamment avec Arthur Le Jouteux, sous-préfet de Lorient en 1874 puis préfet de Reims et maire de Bourgueil de 1884 à 1905, qui a donné son nom à une avenue de la ville.
Le château a aussi abrité de 1991 à 2007 le musée du maître d’armes Rudi Van Oeveren (1941/2021).
Chambres d’hôtes. Voir https://www.tripadvisor.fr/Hotel_Review-g1065274-d1157735-Reviews-Chateau_des_Sablons-Bourgeuil_Indre_et_Loire_Centre_Val_de_Loire.html.
Château des Sablons (source site indiqué ci-dessus)