La Roche-Clermault
Le toponyme de cette commune située près de Chinon, apparaît pour la première fois en 1082, dans la charte 98 du cartulaire de Noyers, sous la forme Rupes Claremallis (Les Roches de Clérembault) dans laquelle il est dit que Ganelon, fils de Boson Des Fourneaux donna à l’abbaye de Noyers tout ce qu’il possédait « dans l’église qu’on appelle Champagné à la Roche-Clermault ».
Histoire
Histoire antique :
Le site fut occupé à l’époque néolithique, comme le montre le lieu-dit Le Chillou (au sud-est du bourg), où l’on peut voir un amas de pierres, restes probables d’un dolmen détruit.
À l’époque gallo-romaine, des domaines agricoles* existaient à Contray (au sud-ouest) ou « domaine du germain Cuntherius », à Chargé (voir ci-après) ou « domaine de Carradius », à Poizay (au sud-est) ou « domaine de Posius », à Taligny (au sud-ouest) ou « domaine de Talinius » (voir ci-après), à Villégron ou « domaine du franc Haigro » (voir ci-après) et à Villeneuve (au nord-est), cité dès 994 sous la forme Villa nova ou « le nouveau domaine ».
Un baptistère gallo-romain se trouve devant l’église Saint-Martin (voir ci-après).
En 1949, on découvrit à Poizay (sud-est) des vestiges gallo-romains (et des sarcophages mérovingiens), qui laissent supposer qu’il y avait là une nécropole antique.
Histoire moderne :
Cet ancien fief, appartenait, en 1142, au chevalier Maingot (peut-être Guillaume III Maingot (1120/1177), seigneur de Surgères (Charentes-Maritimes) (voir Azay-sur-Cher).
Les seigneurs suivants furent Bouchard II de Marmande (1230/1278) puis son fils Guillaume III de Marmande (1260/1324) (voir Cravant-les-Coteaux) puis le fils de ce dernier, Pierre de Marmande (1290/1343), également seigneur de Faye-la-Vineuse, La Haye (Descartes) et Saint-Michel-sur-Loire, qui fit construire la Chapelle du Pont à Chinon.
Pierre de Marmande fut le père de Marguerite de Marmande (1335/1371), qui épousa Jean III de Sancerre (1324/1402) et qui fut la mère de Marguerite de Sancerre (1358/1419) (voir Bueil-en-Touraine) ; la seigneurie passa ensuite à la famille de Bueil, Marguerite de Clermont (1377/1413), fille de Marguerite de Sancerre, ayant épousé Jean IV de Bueil (tué en 1415 à Azincourt), frère de Catherine de Bueil, cité en 1430 comme dame de la Roche-Clermault.
Jean IV de Bueil fut le père de Louis III de Bueil, tué dans une joute en 1446, et du bien connu Jean V de Bueil, lui-même père d’Edmond de Bueil (1495), également seigneur de Faye-la-Vineuse.
En 1500, la Roche-Clermault appartenait à Jeanne de Valois (1447/1519), fille naturelle de Louis XI, qui avait épousé en 1466 Louis de Bourbon (1450/1487), fils naturel du duc Charles I de Bourbon et de Jeanne de Bournan (voir Bournan) et qui fut la mère d’Anne de Bourbon (1467/1507), laquelle épousa en 1493 Jean II d’Arpajon (1467/1516), gouverneur du Languedoc, mère de Charlotte d’Arpajon (née en 1500), épouse (en 1518) de Gabriel d’Estaing.
Par la suite, la seigneurie passa à la famille Gillier (voir Chanceaux-près-Loches, Chaumussay, Faye-la-Vineuse, La Celle-Saint-Avant, Ports-sur-Vienne) par l’intermédiaire d’Isabelle de Bueil, fille d’Edmond, qui épousa Joachim Gillier (né en 1482), père de Bonaventure Gillier (mort en 1584) et grand-père de Pierre Gillier (né en 1550).
Ce dernier épousa en 1582 Claude de Laval, fille de Pierre de Laval (mort en 1582) et de Jacqueline de Clérembault (morte en 1602) et fut le père d’Isabelle ou Madeleine Gillier, qui épousa en 1619 Balthazar Le Breton, seigneur de Villandry, père de Simon Le Breton (mort en 1682) (voir Bréhémont), cité en 1643, lui-même père de Balthazar IV Léonard Le Breton, cité en 1680, dont la fille Henriette Marguerite Le Breton (1689/1721) épousa en 1713 Louis François d’Aubigné (1678/1745), cité comme seigneur en 1715.
Le dernier seigneur de La Roche-Clermault fut, de 1772 à 1788, Fortuné Bouin de Noiré (1728/1809, chanoine de Saint-Mexme à Chinon et frère de Jean Louis Bouin de Noiré (1727/1782) (voir Chezelles).
Plusieurs moulins à eau fonctionnaient sur le Negron, que Rabelais appelle la Vède et Boudan la Busse, notamment le Moulin du Pont, dont la roue a tourné jusque dans les années 1970 ; il y avait aussi, sur le coteau, un moulin-cavier du 19ème siècle, qui a perdu sa hucherolle et qui a été transformé en habitation.
La Roche-Clermault dans le Gargantua de Rabelais : ce village, avec Seuilly, à 4 km et Lerné, à 10 km, est très présent dans le roman de Rabelais.
C’est le point culminant de la région avec une colline où un château-fort fut élevé au 12ème siècle (voir ci-après) ; il est donc logique que Picrochole s’y retranche pour en faire le point de départ de ses futures et chimériques conquêtes car « le lieu était fortifié aussi bien par les constructions que par la nature grâce à sa situation et à sa position » (chapitre 28), d’autant plus que ce château fut démantelé au 16ème siècle, ce qui correspondrait à la défaite de Picrochole.
Sur le territoire de cette commune se trouve aussi le stratégique « gué de Vède », où se trouvait un moulin, haut lieu de la guerre picrocholine, (chapitre 30). L’historien Abel Lefranc (1863/1952) a démontré que la « Vède » dont parle Rabelais est, en fait le Négron, qui coule entre La Roche-Clermault et Seuilly, le mot « vède » signifiant en effet « rivière » en ancien français ; on parlait donc du gué de la vède Négron, qui se trouvait sur le chemin allant de Lerné ou de Seuilly à La Roche-Clermault et où fonctionnait le moulin du Pont (voir ci-dessus).
Il y avait d’ailleurs, à cet endroit ; un pont de bois, détruit par les soldats de Picrochole et dont le péage était perçu par « Jean Dodin, receveur du Coudray » (chapitre 23), (voir le château du Coudray-Montpensier à Seuilly). Après cette destruction, Gargantua et ses soldats traversent cette rivière « sur des bateaux et des ponts faits légèrement » (chapitre 48) ; ce n’est en fait qu’un petit cours d’eau que l’on peut franchir en quelques enjambées, mais il ne faut pas oublier que nous sommes dans un roman où les personnages et les lieux sont grossis démesurément.
Non loin se trouvait le « Bois de Vède », où il y avait un château, attaqué par l’armée de Picrochole (chapitre 34) ; sans doute le château de la Raisonnière (voir ci-après), qui se trouve à quelques centaines de mètres du gué.
Enfin, au moment de l’assaut final « le moine (frère Jean) traversa le marais et alla jusqu’au Puy, sur le grand chemin de Loudun » (chapitre 48) ; ce marais, créé par le pissat de la jument de Gargantua (chapitre 36) est sans doute le marais de Taligny et le Puy serait Peu Girard, qui domine toute la plaine et qui se trouve effectivement sur l’ancienne route allant de La Roche-Clermault à Loudun.
À voir dans le bourg
Église Saint-Martin (en bas du bourg) :
Cette église du 11ème ou 12ème siècle a été souvent remaniée : 13ème (voûtes angevines), 15ème (clocher), 18ème (caquetoire).
On peut voir à l’intérieur un christ en bois du 16ème s., une statue de Saint-Martin en dessous du maître-autel et un vitrail représentant dans sa partie inférieure la Messe du Globe de feu et la Charité Saint-Martin.
Au 18ème siècle, on aménagea le long des façades nord et ouest, une galerie latérale, appelée caquetoire (endroit où l’on bavarde). Sous cette galerie, à droite de l’entrée, se trouve un baptistère gallo-romain.
Château de La Roche (en haut du bourg) :
Le château actuel est une construction du 17ème siècle bâtie sur les vestiges de l’ancien château-fort du 12ème siècle, démantelé au 16ème s. Une aquarelle de Louis Boudan (1641/1715), réalisée pour la collection de Roger de Gaignières, datée de 1669, montre ce château et les ruines médiévales ainsi que la chapelle de 1602, l’église du village, le moulin du pont, etc.
Un réseau de souterrains s’étend sous le château ; l’une des salles est décorée de gravures, dont celle d’un personnage énigmatique portant une jupe plissée, appelé « l’orant ».
Il y a aussi dans le bourg plusieurs habitations troglodytiques avec, sur l’une d’elles, un portrait (présumé) de Rabelais.
À voir au nord
La Raisonnière :
Ce manoir du 16ème siècle possède une tourelle polygonale, contenant un escalier à vis et dont la partie supérieure servait de pigeonnier ; sa porte d’entrée, en anse de panier, est surmontée d’un fronton triangulaire ; meurtrière et cadran solaire à côté de la porte ; deux cheminées du 17ème à l’intérieur du manoir.
À voir au sud-est
Villegron (est-sud-est) : du latin Villa Agrum ou « domaine du franc Haigro ».
Habitation du 16ème siècle avec pigeonnier rectangulaire
Nazelles :
Ce fief appartenait, en 1410, à Jean Rabasté (mort en 1444 et inhumé dans l’abbatiale de Seuilly), en 1585, à Louis Dupuy, seigneur de Saint-Médard (Chouzé-sur-Loire), en 1600, à François Le Roy (1519/1606), gouverneur de Chinon, seigneur de Chavigny à Lerné (voir aussi Chaumussay, Cinais, Sonnay à Cravant-les-Coteaux), en 1620, à Charlotte d'Escoubleau (1588/1644) et à Jacques de Rouville (1580/1628), fils de Jean de Rouville (cité en 1607) et de Madeleine Le Roy (morte en 1558), sœur de François.
Les fiefs de Nazelles et de Chavigny furent vendus en 1634 à Claude Bouthillier (1581/1652), secrétaire d’état de 1629 à 1632, puis surintendant des finances de 1632 à 1643, qui fut le père de Léon Bouthillier (1608/1652), secrétaire d’état de 1632 à 1643, lui-même père d’Armand Léon Bouthillier (1628/1684), maître des requêtes, dont le fils, Armand Victor Bouthillier (1659/1729) fut capitaine des vaisseaux du roi.
Pigeonnier circulaire en ruines.
Chargé : du latin Carradiacus ou « domaine de Carradius ».
Le fief appartint, du 15ème au 18ème siècle, à une famille de La Barre ; il passa plus tard à Jean François Doucet (1669/1742), avocat au bailliage de Chinon, qui fut le père de Marie Anne Doucet (1706/1758), laquelle épousa Louis Bouin de Noiré (1691/1758) (père de Fortuné), ainsi que de Pierre Paul Doucet (1702/1771), président du grenier à sel de Chinon, et de Félix Doucet (né en 1708), lui-même père de Marie Françoise Doucet (née en 1740), qui épousa Fortuné Guillon de Rochecot (1729/1790), lequel vendit Chargé, en 1779, à Denis Laurent Thinault, lieutenant des eaux et forêts de Chinon, qui, à son tour le revendit en 1787 à Anne Françoise Lenée (née en 1759), fille de Louis Charles Lenée (voir Danzay à Beaumont-en-Véron), veuve de Charles Pierre Chalumeau, officier de milice à Saint-Domingue, qu’elle avait épousé en 1775.
Le château, du 16ème siècle a remplacé un édifice antérieur, entouré d’une enceinte dont il reste 3 tours cylindriques.
Chambres d’hôtes : voir https://www.charme-traditions.com/fr/locations-de-vacances/org/77233/chateau-de-charge-loire-valley-retreat
Launay :
Le fief de Launay ou l’Aunay est cité en 1437 comme appartenant au prieuré de Pommiers-Aigre (Saint-Benoît-la-Forêt), fut, du 17ème au 18ème s. la propriété de la famille d’Aubert, originaire de Bretagne ; François Charles César d’Aubert (1737/1822) fut membre du Directoire de Mayenne, pendant la Révolution.
Le manoir actuel date du 16ème siècle mais une partie est du 15ème siècle. C’est aujourd’hui une propriété viticole, créée en 1873 et appelée la Grand Maison, appartenant actuellement à Daniel et Nadine Berton. Voir https://www.lagrandmaison-vinsdechinon.fr/
La Bonnelière :
Ce fief est cité dans un acte du 4 juillet 1600 au moment où il est vendu par Gatin Besnard à Jehan I Le Breton (né en 1556), (voir Les Berthaisières à Cravant-les-Coteaux), avocat au grenier à sel de Chinon ; ce dernier fut le père de Jehan II Le Breton (1578/1667), lieutenant au bailliage de Chinon, secrétaire de Marie de Médicis, lui-même père de Jehan III Le Breton (1625/1694), arrière-grand-père du dernier seigneur de ce fief, Jean Charles Le Breton de La Bonnelière (1751/1805), qui émigra en 1791 et fut nommé lieutenant de cavalerie à son retour en France en 1800.
Le château, du 16ème siècle, avec une enceinte, protégée, à l’angle sud-est par une tour couverte d’une toiture en poivrière. Chapelle du 8ème à l’est, avec une porte encadrée par deux pilastres doriques. À l’angle sud-ouest, pigeonnier du 17ème, avec 3 lucarnes, qui a conservé ses boulins* ainsi que son échelle et son arbre tournant.
La propriété fut achetée en 1846 par la famille Plouzeau, qui en fit, à partir de 1929, un domaine viticole appartenant toujours à la même famille.
Voir https://www.plouzeau.com/nos-vins/le-chateau-de-la-bonneliere-4eme-generation/
Chupe : lieu inscrit au 18ème sur la carte de Cassini. Pigeonnier cylindrique.