L'Île-Bouchard
Le nom de cette commune, située au sud-ouest de Tours et sur les deux rives de la Vienne, apparaît pour la première fois sous la forme insula signifiant « île » dans la charte 9, de 1036, du cartulaire de Noyers puis sous la forme Insula Buchardi signifiant « Ile de Bouchard », dans la charte 618, de1182, de ce même cartulaire.
HISTOIRE
Histoire antique :
Comme toute la vallée de la Vienne, la région fut occupée dès le paléolithique, comme le montre le biface découvert à Montet (au nord-est du bourg), qui se trouve à l’écomusée du Véron de Savigny-en-Véron.
Le dolmen du Pavé-Saint-Lazare, qui se trouve, comme son nom l’indique, au lieu-dit Saint-Lazare, après Crouzilles et à 700 mètres avant l’entrée de l’Île-Bouchard, à droite de la route départementale 760, témoigne par ailleurs d’une présence humaine au néolithique.
Ce dolmen, de type angevin, composé de sept blocs en pierre rouge, provient en fait de deux dolmens dont les tables mesurent 6,50 m sur 5 m et 5 m sur 3,20 m. Il s’agissait, certainement, d’une sépulture collective. La coloration rouge, due aux sels ferrugineux, a donné naissance à une légende selon laquelle le sang des victimes sacrifiées par les druides ruissellerait les jours de pluie. On croyait, en effet, au 19ème siècle, que ces mégalithes, datant pour la plupart du 3ème millénaire avant JC, avaient été dressés comme tables de sacrifices par les gaulois ! L’abbé Jean-Jacques Bourassé* y a fait des fouilles en 1865 et y aurait trouvé des ossements humains (ce qui, évidemment, a conforté sa fausse hypothèse !).
On peut aussi voir au Musée du Grand-Pressigny des haches polies du néolithique, provenant des terrasses alluviales de la Vienne.
Gérard Cordier* indique in Aiguisoirs de l’âge du bronze provenant de la Touraine, RACF 3.1, 1964, qu’il y a, dans ce même musée et dans la Collection de Louis Deschand (médecin à L’Île-Bouchard et conseiller général en 1905), contenant des objets récoltés dans les environs de L’Île-Bouchard, un aiguisoir en roche grise. Cet objet, avec une perforation au sommet permettant vraisemblablement de le suspendre par un lien à la ceinture ou autour du cou, en forme de bâtonnet rectangulaire, permettait, comme son nom l’indique, d’aiguiser les outils en bronze.
À l’époque gallo-romaine, des domaines agricoles (villae*) existaient sans doute à Ligny venant de Latiniacus ou « domaine du Latin », toponyme qui n’apparaît pas sur les cartes mais qui est cité comme fief faisant partie de la paroisse de Saint-Maurice, en 1639 ainsi qu’à Marigny, venant de Mariniacus ou « domaine du Marin » (voir ci-après, sur la rive gauche).
La voie gallo-romaine, qui suivait la rive gauche de la Vienne franchissait, au lieu-dit La Planche, la Bourousse, qui sert de limite entre Parçay-sur-Vienne et L’Île-Bouchard puis continuait vers Tavant.
Histoire ancienne et moderne :
Il y avait au Moyen-âge quatre paroisses : Saint-Gilles, Saint-Maurice, Saint-Pierre du château (supprimée en 1465) et Saint-Léonard (supprimée en 1790). Après la Révolution, il y eut deux communes : Saint-Gilles et Saint-Maurice ; elles furent réunies en 1832 sous le nom de L’Île-Bouchard.
En 1976, la commune de Crouzilles céda à L’Île-Bouchard le Cheval-Blanc, le Dolmen, la Folie, la Fougetterie, les Quatre-Vents et Saint-Lazare.
Selon la Chronicon Turonense Magnum, publiée au 18ème siècle par dom Edmond Martène (1654/1739), Bouchard, « seigneur de L’Isle Bouchard », fit partie d’une expédition chargée, au début du 11ème siècle, de ramener en Touraine le corps de Saint Martin*, qui se trouvait à Auxerre, où il avait été mis à l’abri des Normands, et des reliques de ce saint sont conservées dans l’église Saint-Maurice (voir ci-après, rive gauche).
N.B. Il faut noter que la généalogie de la famille de L’Isle Bouchard est peu claire et se confond en partie avec celle de la famille de Bueil ; les informations ci-dessous sont donc données sous toute réserve.
Un acte de mariage de 1020 parle d’un Bouchard (appelé traditionnellement Bouchard II), « Chevalier et maître du château appelé de L’Île, sur le fleuve Vienne » et de ses trois fils : Hugues I, Hubert et Aimery ; il eut ensuite un quatrième fils : Geoffroy, dit Fuel (cité en 1074).
Hugues I hérita de la seigneurie et à sa mort, Aimery devint tuteur de son fils, Bouchard III. Au bout de dix ans, Aimery devint moine à Marmoutier et la tutelle fut confiée à Geoffroy Fuel. Devenue majeur, Bouchard III réclama son héritage à son oncle qui le lui refusa. Bouchard III leva des troupes et finit par reprendre son fief ; après la mort de Bouchard III, en 1070, Geoffroy Fuel, qui s’était réfugié au prieuré de Tavant, devint seigneur de L’Île.
Il y avait, dans l’île, à l’emplacement de la mairie actuelle, un castrum, entouré d’un rempart, dont il ne reste que quelques pierres des fondations ; la charte 143, de 1087, du cartulaire de Noyers*, parle de « l’orme de la place qui se trouve devant la tour de L’Île » et la charte 284, de 1100 indique « en L’Île, entre les deux portes, sous la tour du castrum ». Il y avait aussi, dans le faubourg Saint-Lazare, une léproserie comme on le voit dans la charte 80 de 1080, où un certain Pierre (fils) de Thomas parle de « notre terre à L’Île, près de la léproserie » ; elle était en face du dolmen et il y avait une chapelle dont le bénéfice perdura jusqu’en 1672.
Après le décès de Geoffroy Fuel, la seigneurie passa à Archambaud Borel de Bueil (mort en 1083), alias de L’Isle Bouchard, également seigneur de Langeais et de Saint-Patrice, qui avait épousé Amabilis ou Agnès de L’Isle Bouchard, fille d’Hugues I.
Ces derniers furent les parents de Barthélémy I de Bueil, alias de L’Isle Bouchard (mort vers 1113), lui-même père de Dangereuse de L’Isle Bouchard (voir Faye-la-Vineuse) ainsi que de Péloquin I de L’Isle Bouchard (mort en 1140), dont les héritiers restèrent seigneurs de ce fief jusqu’au 15ème siècle.
On peut noter parmi eux, Bouchard VI (mort en 1276) (voir Bueil-en-Touraine), descendant de Péloquin I, époux d’Anne de Craon, qui se fit religieuse après la mort de son mari, Barthélémy IV (mort en 1335), arrière-petit-fils de Bouchard VI, époux de Jeanne de Sainte-Maure (née vers 1270), fille de Guillaume III de Sainte-Maure (voir Céré-la-Ronde), et enfin Jean de L’Isle Bouchard, petit-fils de Barthélémy IV, cité en 1402 et tué à la bataille d’Azincourt* en 1415.
La commanderie des Templiers de L’Île-Bouchard (domus militiae templi de insula) est connue par une charte de 1255 ; elle était soumise au commandeur de l’Aquitaine et du Poitou, qui y avait une chambre. Vers 1258, le précepteur en était Simon de Nesle ; le dernier précepteur fut le sergent du Temple Jean de Saint-Benoît, qui ne survécut que peu de jours à son interrogatoire, dans lequel il reconnut avoir renié Jésus-Christ et craché sur la croix. Lors de son procès, en 1310, il indiqua qu’il était templier depuis 40 ans. Son neveu Pierre de Saint-Benoît avait été reçu comme templier en 1290.
La commanderie fut occupée ensuite par les chevaliers de Malte jusqu’à Napoléon I. Elle se trouvait au lieu-dit la Commanderie, actuellement sur la commune de Brizay.
Catherine de L’Isle Bouchard (1395/1472), fille de Jean de L’Isle Bouchard, se maria quatre fois, d’abord avec Jean Des Roches, seigneur de Véretz, mort en 1415 à la bataille d’Azincourt* (voir Chédigny), puis avec Hugues de Chalon, comte de Tonnerre, tué en 1424 à la bataille de Verneuil* puis, en 1425, avec Pierre II de Giac, surintendant des finances de Charles VII, qui fut arrêté pour concussion en 1427, condamné à mort et noyé par Georges I de La Trémoille (1384/1446) en 1427, qu’elle épousa peu de temps après la mort de son 3ème mari.
Catherine de L’Isle Bouchard et Georges I de La Trémoille (voir Bléré, Civray-de-Touraine et Cravant-les-Coteaux), grand chambellan de Charles VI puis de Charles VII, furent les parents de Louis I de La Trémoille (1429/1483), lui-même père de Louis II de La Trémoille (1460/1525) (voir Cinq-Mars-la-Pile), tué à la bataille de Pavie*, chambellan de Charles VIII, qui vint deux fois, en 1493 « en sa bonne ville de L’Île-Bouchard », lieutenant-général de François 1er ; c’est ce Louis II qui fit édifier l’église Saint-Maurice (voir ci-après).
Louis III de La Trémoille, arrière-petit-fils de Louis II, mort en 1577 pendant la 5ème guerre de religion, fut le père de Claude de La Trémoille (1566/1604) (voir Crouzilles), dit le duc de La Trémoille, qui se convertit au protestantisme en 1587 et qui fut compagnon d’armes d’Henri IV ; sous son gouvernement, L’Île-Bouchard devint un foyer important de l’église réformée mais son fils Henri de La Trémoille (1598/1674), abjura en 1628 et, l’année suivante, vendit la seigneurie pour 180 000 livres au cardinal de Richelieu ; ce dernier, qui avait fondé sa ville nouvelle non loin de là, entreprit d’extirper ce que les catholiques appelaient la RPR (Religion Prétendue Réformée) et de ruiner systématiquement L’Île-Bouchard. Les protestants trouvèrent alors refuge à Crouzilles.
La seigneurie passa ensuite à Armand Jean Vignerot Vu Plessis, duc de Richelieu et petit-fils de Françoise Du Plessis, la sœur de Richelieu, puis à ses descendants.
André Du Chesne (1584/1640), dit Duchesne et surnommé « le Père de l’histoire de France » né à L’Île-Bouchard, fut nommé historiographe du roi Louis XIII, grâce à l’appui de Richelieu.
Un pont médiéval, en bois, est mentionné dans une charte, datée de 1127, de Foulques V d’Anjou, dit le Jeune. Ce pont fut ensuite remplacé par deux ponts de pierre, en partie détruits par une crue en 1638 et réparés par des parties en bois, comme on le voit sur une gravure du peintre flamand Jan Peeters (1624/1678).
Ces ponts n’existaient plus en 1680 et furent remplacés par un bac, qui fonctionna jusqu’en 1832, date de la création de la commune de L’Île-Bouchard, et qui fut remplacé par des ponts suspendus à péage, dits « les ponts de fil » jusqu’en 1925 ; il y eut ensuite des ponts métalliques de 1926 à 1944, en partie détruits par l’armée allemande le 31 août 1944, puis des ponts provisoires de 1945 à 1959, année de la construction des ponts actuels.
Une crue importante eut lieu dans la nuit du 12 au 13 juillet 1792 ; elle submergea l’île entièrement ; la hauteur de cette crue est indiquée à 1m.16 dans l’église Saint-Gilles.
À voir sur la rive gauche
La Grange et Marigny :
Le fief de la Grange est cité en 1639 et se trouvait alors sur la paroisse de Theneuil, dans un secteur rattaché à L’Île-Bouchard en 1966. Le manoir, des 16ème et 17ème siècles, a été modifié au 18ème siècle, le premier propriétaire connu étant Claude Fournier (mort en 1776), « marchand de Saint-Gilles » ; il appartint au 19ème siècle à la famille de Vautibault (voir Parçay-sur-Vienne), qui possédait aussi le château de Marigny, bâti au 18ème siècle puis remanié au 19ème. Il appartient actuellement à la Communauté de l’Emmanuel (voir Chezelles).
Église Saint-Maurice et Le Manoir :
Cette église, ouverte tous les jours de 15h. à 17h., a été édifiée au 15ème siècle. Elle est caractérisée par un beau portail flamboyant ; on peut voir à l’intérieur, dans le chœur, une cathèdre (chaise pour l’évêque ou le doyen) du sculpteur Victor Aimone (1860/1922) avec une miséricorde (petite console fixée à la partie inférieure du siège pliant d'une stalle de chœur) ainsi que des vitraux du maître-verrier Jean Prosper Florence, successeur des Lobin.
Dans les sacristies se trouvent un reliquaire contenant des reliques de Saint Martin* (voir Histoire ancienne et moderne), une bannière représentant Saint-Maurice et Saint-Martin* et divers objets ou tableaux intéressants ; du haut du clocher, on jouit de belles vues sur les environs et on peut remarquer de curieux graffitis sur les murs de l’escalier montant à ce clocher.
Le Manoir en face de l’église Saint-Maurice, au 36 rue de la République, a été reconstruit au 17ème siècle et a servi de presbytère jusqu’en 1915.
Prieuré Saint-Léonard :
Ce prieuré (ouvert tous les jours), construit au 11ème siècle, dépendait de l’abbaye de Bourg-Dieu en Berry, près de Châteauroux et devint une paroisse au 13ème siècle.
Il ne reste que le chœur de l’église avec son déambulatoire à trois absidioles entourant une abside en hémicycle.
Des travaux récents ont permis de dégager et de protéger les magnifiques sculptures des chapiteaux, qui seraient l’œuvre du sculpteur roman Dionis (Denys), qui a travaillé dans toute la région au 12ème siècle. Un timbre, édité par La Poste en 2010, représente un des chapiteaux.
Couvent des Cordeliers et Couvent des Ursulines :
Le Couvent des Cordeliers (rue des cordeliers) fondé en 1634, engloba le prieuré Saint-Ambroise, du 12ème siècle, dont il reste, en mauvais état, le chœur, le transept et l’abside ; « il y a des pensionnaires par ordre du roi » indique un état de 1766 (c’est-à-dire qu’il servait de prison) ! En 1790, les bâtiments furent vendus comme bien national et ils appartenaient en 1845 à Pierre Sansculotide (sic !) Payen, qui fut maire de L’Île-Bouchard de 1849 à 1866. On ne peut pas visiter cette propriété privée mais on peut encore voir une porte en plein cintre, aménagé dans une arcade du mur de clôture.
Le Couvent des Ursulines (passage entre les n° 12 et 14 de la rue Pasteur) : les Ursulines s’établirent à L’Île-Bouchard en 1644 ; leur couvent, qui abritait une supérieure et huit religieuses en 1780 fut réuni à celui de Loches, à cause de l’extrême pauvreté de la communauté, qui avait été ruinée en 1720 par le système de Law ; les bâtiments actuels, du 18ème siècle, furent successivement transformés en gendarmerie puis en hôpital et enfin en logements HLM. Près de là (rue de l’hôpital) se trouvent une chapelle funéraire élevée au 19ème siècle par M. Hersant de La Rougerie, ancien maire de Saint-Maurice, et une grotte artificielle représentant celle de Lourdes.
Musée du Bouchardais :
Ce musée des arts et traditions locales a été installé dans l’ancienne gare de la ligne ferroviaire Port-Boulet/Port-de-Piles, à proximité du prieuré Saint-Léonard. Outre les collections permanentes, il abrite chaque année une exposition. Il est ouvert du 30 juin au 2 septembre, de 15h. à 18h. Tél. 02 47 95 60 06. Site : http://www.museedubouchardais.fr
Un pigeonnier-porche muré avec un toit à lanternon à deux niveaux octogonaux en ardoises peut être vu à l’entrée de la rue d’Alger, près de la piscine.
À voir rive droite
Église Saint-Gilles :
Un prieuré, dépendant de l’abbaye de Noyers, fut édifié au 11ème siècle à l’initiative de Bouchard III (voir Histoire) et il reste, au nord de l’église actuelle, l’église primitive avec la porte dite porte Jeanne d’arc, près de laquelle se trouvait la pierre d’attente des morts ; l’église actuelle, avec sa porte en plein cintre, à trois voussures décorées de roses, de pommes de pin et de palmette, fut construite au 12ème siècle et modifiée au 15ème siècle puis restaurée en 1880. Sur le mur extérieur du chevet une inscription inachevée indique : « le pénultième jour de mars mil Dc XIIII avant Pasques fut par vénérable … ».
Le chœur est surmonté d’un vitrail de la famille Lobin représentant des épisodes de la vie de Saint Gilles ; au nord (à gauche) se trouve la chapelle dite des Apparitions avec les statues de la Vierge et de l’ange Gabriel, qui seraient apparus à plusieurs reprises, en décembre 1947, à quatre petites filles de la commune : Jacqueline Aubry (1935/2016), Jeannette Aubry (1940/2011), Nicole Robin (1937/2018) et Laura Croizon (1939/1999) ; à droite du chœur, là où chante la chorale, on peut voir (difficilement) des restes d’une peinture murale représentant Saint Christophe et, à 1m.16, la marque de la crue de 1792.
Moulin de Fausset :
Derrière l’église Saint-Gilles un petit pont de bois sur la Manse permet de voir l’ancien moulin de Fausset, qui a conservé son écluse et sa roue à aubes.
Vestiges anciens :
Plusieurs maisons du 16ème siècle existent dans cette commune ; on peut notamment en voir deux : au n°31 de la rue de la Liberté et au n° 37 de la rue Gambetta.
On peut aussi voir, rue Lafayette, un ancien bénitier creusé dans la pierre.
Un pigeonnier carré se trouve dans la rue de la Garnauderie, qui longe la Vienne.