Maillé
Le nom de cette commune, située au sud-ouest de Sainte-Maure-de-Touraine, apparaît pour la première fois sous la forme Magittus en 903 dans les Actes de Charles III dit le Simple, puis, en 1088, dans la charte 159 du Cartulaire de Noyers sous la forme Malliacus, signifiant « domaine agricole de Mallius » ; cette commune s’est aussi appelée au 15ème s. Maillé-Laillier, venant de Lalliacus ou « domaine agricole de Lallius ».
Cette commune est tristement célèbre pour le massacre que les soldats allemands y ont perpétré le 25 août 1944 (jour de la libération de Paris) !
Histoire
Préhistoire et antiquité :
Des silex polis du néolithique ont été trouvés à Argenson (voir ci-après), à La Babinière (sud-est), à La Braudière (est), près de La Heurtelière (sud-ouest) et au Moulin (sud-ouest),
Plusieurs mégalithes se dressaient sur le territoire : seul le dolmen de La Pierre-Levée est encore visible, les autres n’existant plus que par des toponymes, comme Le Gros-Chillou, près des Éguets (sud-ouest), Les Palets-de-Gargantua, près du Pérou (au sud) et Le Chillou-Percé, toponyme qui n’apparaît pas sur les cartes et qui désigne peut-être La Pierre-Percée, à la limite entre Maillé et Draché.
Le dolmen de La Pierre-Levée est assez difficile à trouver car il n’en reste qu’un support encore en place et cinq blocs presqu’enterrés, dans un bois, à droite d’une route qui part à gauche de la D 109 (quand on vient de Nouâtre), un peu avant l’autoroute. Ce dolmen se trouvait dans l’alignement avec Les-Palets-de-Gargantua (à l’est) et Le Gros-Chillou (à l’ouest) et, selon Ernest Montrot*, il aurait fait partie d’une allée couverte.
Les fouilles préventives faites par la DRAC en 2012/2013 à l’occasion de la réalisation de la ligne TGV Tours/Bordeaux ont révélé deux sites importants :
Celui de La Borderie (nord-est), où des silex taillés du magdalénien (-16 000/-11 000) ont été trouvés, a également été occupé à l’époque gauloise (-80/-30) puis à l’époque gallo-romaine (1er/3ème s. après JC), comme l’ont montré de nombreux vestiges d’une villa* gallo-romaine : constructions arasées, enclos maçonné, fossés, celliers, céramique sigillée, amphores, enduits peints, meules.
Celui de Villiers (nord-ouest) a été occupé à l’époque gauloise, au 1er s. avant JC (enclos fossoyé rectangulaire) puis à l’époque gallo-romaine, au 1er s. après JC (celliers enterrés, fossés, céramiques).
Des domaines agricoles gallo-romains (villae*), tous au nord-est du bourg, se trouvaient aux Merys, venant de Mariacus ou « domaine de Marius », à Nimbré, venant de Nambariacus ou « domaine de Nambarius », à Pessé, venant de Bettiacus ou « domaine du gaulois Bettius » (voir ci-après), à Villière et à Villiers, venant de villaris ou « domaine rural », ainsi qu’à La Heurtelière (voir ci-après), citée en 1158, dans la charte 581 du Cartulaire de Noyers* sous la forme Villa quae dicitur Harotellaria.
Des vestiges et des photographies aériennes ont indiqué des traces d’un domaine au Godins mais il s’agit probablement une partie du domaine de Nimbré, tout proche.
Histoire du fief d’Argenson :
Il y avait dans la paroisse 8 fiefs nobles, dépendant ou de la châtellenie de Nouâtre ou de l’abbaye de Noyers, le plus important étant celui d’Argenson.
Le premier seigneur connu est Jean Baillou, cité en 1392, également seigneur de Balesmes (voir Descartes) ; le fief appartint ensuite à la famille Gueffault : François Gueffault, cité en 1510, fut le père de Jeanne Gueffault, née vers 1510, qui épousa, en 1538, Jean III de Voyer de Paulmy (1500/1571), seigneur de La Roche-de-Gennes (commune de Vou), petit-fils de Pierre I de Voyer de Paulmy (mort en 1481) (voir Betz-le-Château).
Ce Jean III, qui devint seigneur d’Argenson et l’ancêtre de la célèbre famille Voyer de Paulmy d’Argenson, souvent appelée Voyer d’Argenson, fut le père de Pierre III (mort en 1616), bailli de Touraine, lui-même père de René I (1596/1651), 1er comte d’Argenson, ambassadeur à Venise.
Le pieux René II de Voyer (1634/1700), 2ème comte d’Argenson, ambassadeur à Venise comme son père, qui reconstruisit le château (voir ci-après), fut le père de Marc René (1652/1721), d’Antoinette Catherine (née en 1654), qui épousa en 1667 Louis II de Valory, seigneur de Destilly à Beaumont-en-Véron, et de François Hélie (1656/1728), qui fut archevêque de Bordeaux.
Marc René de Voyer, 1er marquis d’Argenson, lieutenant-général de police à Paris de 1697 à 1718 puis garde des sceaux de 1718 à 1720) fut le père de René Louis de Voyer (1694/1757), 2ème marquis d’Argenson et de Marc Pierre de Voyer (1696/1754), 3ème comte d’Argenson,
René Louis de Voyer, secrétaire d’état aux affaires étrangères de Louis XV de 1744 à 1747, auteur d’œuvres philosophiques et historiques, eut pour fils Antoine René de Voyer (1722/1787), 3ème marquis d’Argenson, éphémère secrétaire d’état à la guerre de 1757 à 1758, ambassadeur en Pologne, à l’origine de la bibliothèque de l’Arsenal.
Marc Pierre de Voyer, secrétaire d’état à la guerre de Louis XV de 1743 à 1757 ; disgracié suite à l’hostilité de Mme de Pompadour, il fut exilé sur ses terres des Ormes (Vienne), qu’il avait achetées en 1729 et où il fit reconstruire le château. Ami des « philosophes », il accueillit Voltaire dans ce château et Diderot lui dédicaça l’Encyclopédie. Il fut le père de Marc René II (1722/1782).
Ce dernier, 4ème comte d’Argenson, lieutenant-général des armées et directeur général des haras, épousa en 1747 Marie Jeanne Constance de Mailly d’Haucourt (1734/1783), fille du Maréchal Augustin Joseph de Mailly d’Haucourt (né en 1708, guillotiné en 1794), petite-nièce de Colbert et épistolière célèbre . Ils eurent notamment pour enfants :
Aline de Voyer (1764/1812), épouse du comte Paul Hippolyte de Murat (voir La Tourballière à La Celle Saint-Avant) et
Marc René III (1771/1842), 4ème marquis d’Argenson, qui prit parti pour la Révolution et fut député de 1815 à 1824 puis de 1830 à 1834 ; il fut le père de Charles Marc René (1796/1862), conseiller général de la Vienne de 1834 à 1840, archéologue et membre de la SAT.
Histoire contemporaine :
La voie ferrée qui allait de Port-Boulet (commune de Chouzé-sur-Loire) à Port-de-Piles (Vienne) (mais dont la gare est à La Celle-Saint-Avant !), utilisée jusqu’en 1992 pour les trains de marchandises, avait une gare à cheval sur Maillé et Nouâtre. La portion finale de cette voie, entre Maillé et Port-de-Piles a été réhabilitée et remise en service pour les besoins de la LGV Paris-Bordeaux.
La vie de ce paisible petit village fut tragiquement bouleversée le 25 août 1944, jour de la Libération de Paris. Ce jour-là, suite à un accrochage avec les résistants, qui avait eu lieu la veille près de Nimbré, au cours duquel un officier allemand avait été blessé, une cinquantaine de soldats, dirigés par le sous-lieutenant Gustav Schlüter, responsable du poste allemand de Sainte-Maure-de-Touraine, investirent le village ; 124 personnes : 48 enfants de moins de 15 ans dont 26 de moins de 5 ans et 2 nouveau-nés, 39 femmes et 37 hommes furent cruellement assassinés, soit par balle, soit à l'arme blanche ou au lance-flammes, soit lors des tirs d'artillerie et des incendies qui suivirent.
En effet après un premier massacre les troupes encerclèrent le village et le bombardèrent systématiquement, en détruisant la quasi-totalité du bourg et plusieurs fermes ; 52 habitations furent brûlées. Les unités allemandes responsables n'ont pas été identifiées avec précision à ce jour et une enquête allemande, menée par le juge Ulrich Maass, procureur général du parquet de Dortmund, a été classée en 2017. (Voir aussi l’église Saint-Martin, ci-après).
Après la guerre, les bâtiments détruits (sauf la ferme du Pressoir) furent reconstruits in situ avec des murs en moellons blancs et des toits, en ardoise pour les maisons et en tuiles pour les édifices communaux.
Plusieurs monuments commémoratifs ont été installés : une plaque sur la Mairie et sur la gare de la ligne SNCF Tours-Poitiers, une stèle dans l’église (voir ci-après), une pierre dans le square du village, un monument sur la D 910, à l’intersection de avec la route allant de Maillé à Draché, un autre monument sur l’aire de Maillé de l’autoroute A 10, et enfin, en 1984, un dernier monument, dans le cimetière, portant tous les noms des victimes, dans lequel une cérémonie se déroule chaque 25 août.
Une Maison du souvenir, inaugurée en 2006, évoque ce tragique épisode ainsi que l’histoire de la Résistance dans la région. Consulter
À voir
Église Saint-Martin (dans le bourg) :
Article https://saint-martindetours.com/eglise-saint-martin-maille/
« Appartenant à un édifice datant probablement du XIè siècle. La façade de l’église Saint-Martin de Maillé fut reconstruite au XIIè siècle et restaurée au XVè siècle. Elle est précédée d’un porche dont le mur nord est roman. Elle est percée d’une porte en plein cintre à double rouleau. La nef a été refaite et son mur septentrional est parementé en petit appareil peu régulier et il est percé de trois petites fenêtres en plein cintre dont la première est condamnée. Au sud, se trouve une chapelle seigneuriale du XVè siècle. Le chœur a presque été entièrement reconstruit au XVè siècle. Des écussons dans la chapelle et dans le chœur, dont les armoiries ont été effacées. Le chevet est plat et ajouré d’une fenêtre à remplage flamboyant.
La nef abrite aujourd’hui le mémorial dédié aux 124 victimes du massacre du 25 août 1944, listées de part et d’autre du Christ en haut d’une croix en pierre. Une plaque rend hommage au curé de la paroisse de l’époque, l’abbé Payon, qui a consigné le témoignage des survivants. »
Volontairement ou non, cette église n’a pas été touchée par le bombardement de 1944. À l’intérieur, outre le mémorial, on peut voir également, une statue de Sainte Barbe, du 18ème siècle, des vitraux de Julien Fournier, une Vierge à l’enfant, œuvre du sculpteur Gaston Clotaire Watkin (1916/2011), qui a réalisé également le mémorial, un autel-tombeau de Guillaume Gillet (1912/1987), architecte, notamment de l’église de Royan.
Pour les sites suivants, à l’extérieur du bourg, voir André Montoux* : Vieux logis à Maillé, in BAVC 7.7, 1973
La Roche anciennement La Roche-Ramé (nord-est du bourg) :
Le fief appartint du 14ème au 16ème siècle à la famille de La Jaille ; Aymar de La Jaille, gouverneur du château de Nouâtre, cité en 1497, fut le père de Françoise de La Jaille (voir Crouzilles), qui épousa en 1527 François d’Allemaigne.
Dimanche Du Raynier, cité en 1600 comme seigneur de La Roche-Ramé (voir Chezelles), fut le père de Marguerite Du Raynier (1610/1684), qui fut mariée, 1642, à Louis II de Tusseau (1610/1684).
Charles Odart, (mort en 1720) cité comme seigneur en 1707 (voir Crouzilles), vendit la Roche-Ramé à la famille de Voyer de Paulmy d’Argenson (voir Histoire du fief d’Argenson), qui la possédait encore en 1789.
Du manoir de La Roche-Ramé, il reste une tour carrée, qui défendait le porche d’entrée, et dont le premier étage servait de pigeonnier, ainsi que quelques vestiges, dont une grande cheminée, dans les dépendances, qui constituent le logis actuel. Ce manoir avait une chapelle, dédiée à Sainte Barbe, fondée en 1527 par Françoise de La Jaille ; cette chapelle, qui n’existe plus, est citée en 1817 sans charpente ni toit.
Pour ce qui est du logis actuel de La Roche, daté du 16ème siècle, on y pénètre par un portail en plein cintre, encadré par deux portes piétonnes, dont l’une a été murée. En ce lieu, on a découvert de nombreux souterrains.
À 700 m. au sud, la Fontaine Sainte-Barbe, dite aussi Fontaine de La Roche, était encore au 19ème siècle, la destination d’un pèlerinage pour obtenir de la pluie.
La Chetallière (nord-est du bourg) :
Le fief appartenait, en 1614, à Renaud de La Fontaine, en 1624, à Aymar de La Fontaine, en 1689, à Jean Daguindeau, prévôt des maréchaux de France (juge) à Chinon. Par la suite, le seigneur du fief fut François René Le Breton, cité en 1728 et 1753, procureur du roi au bailliage* de Chinon, père de Geneviève Agnès La Breton (1736/1818), qui fut l’épouse de Louis René Veau, seigneur de Rivière et qui vendit la propriété, en 1791, à Jean Pager.
Cette ferme est un ancien manoir fortifié, des 15ème et 16ème siècle, entouré de murailles (qui ont disparu) et renforcé à chaque angle par des tours, dont celle du nord-est servait de pigeonnier ; on y entrait par un portail avec machicoulis, dont il ne reste que le pilier droit ; une salle, au rez-de-chaussée, a conservé un sol pavé de larges dalles, une poutre maîtresse, soutenue par 2 supports en saillie et une grande cheminée au manteau rectangulaire.
Pessé ou Bessé (nord-est du bourg) :
Les propriétaires de ce fief furent, en 1663, André de Villeré ou de Villeret, en 1667, Guillaume de Villeré ou de Villeret, en 1768, François Ambroise de Gain, en 1773, Anne Pasquaud, veuve de François Bridonneau (s’agit-il du François Bridonneau, cité en 1687 et en 1714, comme Président au bailliage* de Chinon ?), en 1778, Jean Louis Renault, juge au bailliage* de Chinon, également propriétaire de Beaulieu à Huismes, du chef de son épouse Jeanne Charlotte Harpaillé et enfin, en 1789, Louis Charles de La Chesnaye des Pins, également seigneur de La Chatière à Abilly.
C’est aussi, comme le site précédent, une ferme ayant pris la place d’un manoir fortifié des 16ème et 17ème siècle ; les bâtiments sont regroupés autour d’une cour, fermée par un large portail comprenant une porte charretière encadrée par 2 hauts piliers et une porte piétonne ; la place était défendue par une tour circulaire, plus large à la base qu’au sommet, qui a été arasée et par une tour carrée, servant de pigeonnier.
Argenson (nord-ouest du bourg) (voir Histoire du fief) :
Au 17ème siècle René II de Voyer de Paulmy d’Argenson, reconstruisit le château et obtint que ses terres d’Argenson soient érigées en paroisse malgré l’opposition du prince Charles II de Rohan-Guémené (1633/1699), seigneur de Sainte-Maure et de Nouâtre, dont l’inspecteur-général René Froger de La Carlière se plaignait que le comte d’Argenson eût « usurpé une partie des habitants de Maillé et de Nouâtre pour donner des paroissiens à son chapelain » (voir Michel Bourdérioux* : Épisode de la vie paroissiale en Touraine (Argenson—1768) in BSAT 6.8, 1963/64.
En février 1666, au cours d’une de ses nombreuses retraites, le pieux René II « reçut la grâce de bâtir à Argenson une église dédiée au Père éternel ». La construction de l’église, dans laquelle il fut enterré, commencée en 1667 dura cinq ans.
Cette église, de style classique, présente une façade couronnée par un fronton. Le transept était accompagné de deux chapelles dont ne reste que celle du nord. En 1678 fut ajoutée la chapelle du calvaire ; Un presbytère fut construit en 1736, grâce à un legs d’un fils de René II, François Hélie, archevêque de Bordeaux.
Ce château, classé aux monuments historiques, comprend aussi deux pavillons et un pigeonnier (construit en 1683) ; il est vraisemblable qu’il accueillit l’écrivain Jean-Louis Guez de Balzac (1597/1654) qui était un ami du comte d’Argenson et qui vivait dans son château de Balzac, près d’Angoulême.
À droite de l’entrée actuelle, transformé en bâtiment agricole, se trouvait l’auditoire de justice où l’on distingue encore la trace laissée sur l’entablement par les lettres de la devise : IN JUSTICIA JUDICABO (« je jugerai avec justice »).
La fuye cylindrique date de 1683.
Très délabré, ce château fut progressivement restauré, à partir de 1959, après être entré en possession de Thérèse de Goulaine (1927/1990), descendante par sa mère de Marc René III de Voyer de Paulmy d’Argenson, et de son mari Anne François d’Harcourt (né en 1928) ; après le décès accidentel de Mme d’Harcourt en août 1990, son fils Olivier d’Harcourt continua l’œuvre entreprise pour sauver cette demeure de la ruine.
La Heurtelière (sud- ouest) (voir Préhistoire et antiquité) :
Cette propriété, citée dès le 12ème siècle, appartenait, en 1593, à Jean II d’Armagnac (voir le château de La Motte, à Marcilly-sur-Vienne), qui fut gouverneur de Loudun vers 1627 et qui fut assassiné à Paris en 1635 par Jean Duluc, son ancien valet de chambre, avec qui il était en conflit. Les propriétaires suivants furent Jean III d’Armagnac (1631/1684), fils de Jean II, puis Charles d’Armagnac (1635/1672), autre fils de Jean II, puis Jean Joseph Louis Bernard d’Armagnac (né en 1671), lieutenant des maréchaux de France, fils de Charles, puis Mathieu Pierre d’Armagnac (né en 1675), fils de Jean III. Le dernier seigneur de ce fief fut, en 1789, Charles François Pierre Louis d’Aviau, petit-cousin de Louise d’Aviau (morte en 1677), épouse de Jean II d’Armagnac.
La ferme a été incendié le 25 août 1944 puis reconstruite ; il n’en reste qu’un pigeonnier circulaire, du 16ème siècle, qui a été arasée obliquement.