Trogues
Le nom de cette commune, située sur la rive droite de la Vienne, en amont de L’Île-Bouchard n’apparaît qu’au 13ème siècle, dans le Pouillé de Tours (liste des biens d’une abbaye) sous la forme Trogue, qui pourrait venir de Trogia villa ou « domaine agricole de Trogus » mais le pluriel Trogis, usité au 14ème siècle, viendrait du latin traucum (trou) et signifierait alors « (je vais) aux Trous », faisant référence aux carrières de chaux, qui devaient déjà exister dans l’antiquité et qui feront la richesse de cette commune au 19ème siècle.
Histoire
Préhistoire et antiquité :
Une hache votive polie néolithique a été trouvée dans La Cave-de-La-Roche, qui se trouve à l’ouest de La Motte-du-Donjon (voir ci-après), au nord-est du bourg.
Au sud-est du bourg, en face du Bois-Brûlé, on voit un tertre qui passe pour un ancien tumulus ou un ancien oppidum mais il semble trop naturel pour être un tumulus et bien petit pour être un oppidum.
Une villa gallo-romaine* existait à Lantigny, au sud-est du bourg, toponyme venant de Terra de Lentiniaco ou « Terre de Lentinius ». D’autres domaines devaient se trouver à Boizé, à l’est, venant de Bosiacus ou « domaine du gaulois Bosius » (voir ci-après) et à Nantilly, toponyme qui n’existe plus mais qui apparaît sur la Carte de Cassini*, au sud-est du bourg, venant de Nantiliacus ou « domaine de Nantillius ».
Une agglomération gallo-romaine, dite des Grandes Varennes, a été découverte par Philippe Delauné*, à cheval sur Trogues et Pouzay.
Différentes trouvailles gallo-romaines ont été faites lors de la construction de la voie ferrée Port Boulet/Port de Piles, au 19ème siècle, notamment des morceaux de statues, des têtes grimaçantes, des frises et rinceaux de feuillages ainsi qu’un four de potier.
Plusieurs voies gallo-romaines traversaient le territoire actuel de cette commune :
Venant de Pouzay, la voie Poitiers/Le Mans suivait la limite entre Noyant-de-Touraine et Trogues, puis entre Saint-Épain et Trogues ; elle passait à La Motte-du-Donjon, où un château médiéval sera élevé plus tard ; un peu avant ce lieu, elle était rejointe par une voie secondaire venant de l’agglomération des Grandes Varennes (voir ci-dessus).
Après être passée aux Grandes Varennes, la voie qui longeait la rive droite de la Vienne, reprise par la D 109, traversait la commune d’est en ouest et continuait ensuite, sous le nom de Voie Communale des Rivages de la Vienne, vers Mougon (voir Crouzilles).
Le toponyme Le Pas-de-Saint-Martin, au nord-est du bourg, à droite de la D 208 allant de Trogues à Saint-Épain est expliqué par le fait que, selon la tradition, le cheval de Saint Martin* aurait heurté le sol de son sabot lors des pérégrinations de ce saint et aurait laissé son empreinte sur une pierre cependant, selon Gérard Cordier*, le véritable Pas ne se trouverait pas là où il est indiqué mais sous le revêtement de la départementale.
Histoire du fief :
Le premier seigneur connu de cette châtellenie, qui relevait du château de Sainte-Maure (Sainte-Maure-de-Touraine) fut Guillaume de la Mothe, cité en 1290, également seigneur de Sazilly.
Du 14ème au 16ème siècle le fief fut la propriété de la famille Turpin de Crissé (voir Crissay-sur-Manse), parmi laquelle on peut noter Antoine Turpin (1400/1472), cité en 1430, chambellan des rois Charles VI et Charles VII ; ce dernier fut le grand-père de Jacques II Turpin (1491/1551), cité en 1530, lui-même père de Charles I Turpin (mort vers 1594).
Au 16ème siècle, par l’intermédiaire de Claude Turpin de Crissé, fille de Charles I, la seigneurie passa, en 1580, à Charles René Voyer de Paulmy (1539/1586), également seigneur de la Roche de Gennes, à Vou, bailli de Touraine et gouverneur de Loches, fils de Jean III Voyer de Paulmy (1500/1571) (voir le château d’Argenson à Maillé)
Les seigneurs suivants furent Louis Voyer de Paulmy (1581/1651), fils de Charles René, cité en 1622, puis son fils, François Voyer de Paulmy, mort en 1640 au siège de Turin, puis à un neveu de ce dernier, Jean Armand Voyer de Paulmy (1640/1674) gouverneur de Châtellerault, mort en 1674 après la bataille de Seneffe*. Son fils, Séraphin Jean de Voyer (1673/1688), mourut sans descendance à l’âge de 15 ans, puis sa fille, Marie Françoise Céleste Voyer (1663/1732), dame de Paulmy et de La Celle-Saint-Avant, épousa en 1689 Charles Yves Jacques de La Rivière (1662/1729) et fut la mère de Charles Yves Thibault de La Rivière (mort en 1781), cité en 1732 comme seigneur de Trogues (voir aussi Reignac-sur-Indre).
En 1765, le fief appartenait à Fortuné Guillon de Rochecot (1729/1790), père de Marie Françoise Adélaïde Guillon de Rochecot (1763/1821), qui épousa Auguste Christophe Godde de Varennes (cité comme seigneur en 1790) ainsi qu’un fils, Louis Fortuné Guillon de Rochecot (1765/1798), qui fut fusillé en tant qu’officier de la rébellion vendéenne (voir Saint-Patrice).
Histoire contemporaine :
Plusieurs fours à chaux fonctionnèrent à Trogues de 1857 à 1953
Article https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/IA37000306
« Le 9 mai 1855 André Monjalon reçoit une autorisation préfectorale pour la construction de fours à chaux sur une terre qu'il possédait, au lieu-dit "les Coulées" à Trogues [au sud-ouest du bourg]. Quatre fours sont construits en 1857. En 1858, un autre four est construit et en 1859 à nouveau deux autres, ce qui porte leur nombre à 7 en 1862. En 1888. Testu Théophiles devient le patron de l’usine par son mariage avec Monjalon Louise.
Le 19 août 1912 est constituée la société anonyme des Etablissements Testu, ayant pour objet l'exploitation de la carrière de Trogues, la fabrication et la vente de chaux hydraulique portant la marque le Lion Testu. »
Cette usine fonctionna jusqu’en 1953 et sa haute cheminée, élevée en 1901, visible à gauche de la D 109 quand on arrive à Trogues en venant de Pouzay, est toujours debout malgré son air penché !
À voir dans le bourg
Église Saint-Romain :
Article https://fr.wikipedia.org/wiki/Trogues#Culture_locale_et_patrimoine
« L'ancienne église de Trogues, du xve siècle, étant en ruine au xixe siècle, la décision d'en construire une nouvelle fut prise en 1878. Les plans en furent dessinés par l'architecte Jousset [Abel Jousset est aussi intervenu pour l’église de La Membrolle-sur-Choisille], de Tours, qui explique : « Le style XVe, bien que plus dispendieux dans l'ornementation, nous a été indiqué comme moyen d'utiliser certains ornements de l'église ancienne et comme susceptible d'une plus grande légèreté dans la construction ». L'église, sous le vocable de Saint-Romain, achevée en 1882, est donc de style néo-gothique, caractéristique de l'architecture religieuse du xixe siècle. Le chœur de l'église reçut trois beaux vitraux de l'atelier Lobin, de Tours [voir maîtres-verriers tourangeaux* ; l’un de ces vitraux représente Saint Joseph et l’enfant Jésus]. Ces vitraux ont été remarquablement restaurés par l'atelier Debitus, de Tours [Hervé Debitus est aussi intervenu dans l’église de Marcé-sur-Esves], en 2003-2004, à l'initiative de la municipalité de Trogues, avec l'aide du département d'Indre-et-Loire et du conseil régional du Centre. »
Lavoirs :
Le lavoir du bourg, rue du Ruisseau (bourg sud-ouest), construit en 1883, n’a une margelle que sur un seul côté.
Le lavoir de La Fontaine, au lieu-dit la Fontaine (bourg nord-est), a gardé son alimentation en eau, au contraire du lavoir du bourg.
Manoirs et rues :
À l’ouest de l’église, se trouvent d’importants bâtiments, avec une tour carrée, qui passent pour être les vestiges du logis seigneurial.
Rue du Bourg : au début de la rue, au n° 11, il y avait une ancienne huilerie, qui a cessé son activité en 1959. Un peu plus loin, on remarque un double portail qui vient d’être restauré comme l’ancien logis au fond de la cour ; le logis, à gauche de l’entrée, est plus ancien et date du 15ème siècle ; il s’agit de La Grossinerie, qui était sans doute un bien noble car il fut vendu comme Bien National pendant la Révolution.
Rue du Ruisseau :
Pigeonnier mural comportant 21 trous de boulins*.
Trompe-Coquins, de l’autre côté de la D760, ancien manoir, cité au 18ème siècle, qui n’a gardé que son portail double.
À voir au sud-est du bourg
Boizé (voir Antiquité) :
Le fief est cité en 1094 dans la charte 233 du cartulaire de l’abbaye de Noyers*.
Article https://www.chateau-fort-manoir-chateau.eu/chateaux-indre-loire-chateau-a-trogues-chateau-de-boize.html
« Le château actuel a été bâti en 1832 à l'emplacement d'un autre bâtiment, la ferme date de la même époque. La chapelle a été bâtie peu après le château neuf. L'unique vestige de l'ancien domaine est le moulin transformé en château d'eau pour alimenter le château. Les caves troglodytiques figurent au cadastre de 1831.
Édifice de plan symétrique constitué d'un corps central encadré de deux ailes légèrement débordantes. Les caves voûtées en berceau, très bien appareillées, sont présentes sous tout le bâtiment, certaines sont éclairées par des soupiraux. Le rez-de-chaussée est surmonté d'un étage carré. Les ailes sont percées de huit baies rectangulaires surmontées de larmiers et les pignons sont percés d'un oculus. Le rez-de-chaussée et l'étage sont délimités par un bandeau en pierre de taille ceinturant tout le château. La chapelle à voûtes d'ogives comprend deux travées. Elle est bâtie en pierre de taille de grand appareil et couverte d'un toit en pavillon en ardoise. Le pignon sud est percé également d'un oculus quadrilobé. Présence d'un arc appareillé en plein cintre dans les caves troglodytiques et d'un pressoir à vin. »
La Rolandière :
Le fief appartenait en 1666 à François de Sassay, qui est soit le même, soit le fils du François de Sassay, cité comme seigneur de La Martinière (voir ci-après) en 1639.
Armand Marc de Sassay, cité en 1784, comparut en 1789 à l’assemblée électorale de la noblesse de Touraine. Le fief appartint à cette famille jusqu’en 1791, date à laquelle il fut saisi comme bien national.
De l’ancien château, il ne reste qu’une tour circulaire du 16ème siècle, accolée à la ferme qui a remplacé ce château ; en effet le château actuel a été construit ex nihilo entre 1880 et 1882 par Edmond Wolff (1848/1921).
Ce dernier, originaire d’Alsace et installé en Touraine après l’annexion de ce département par la Prusse car il avait épousé Gabrielle Martin, fille de Mathurin Martin-Tiffeneau, maire de Sainte-Maure de Touraine de 1847 à 1860, fut directeur de l’école de médecine de Tours et maire de Trogues de 1884 à 1919; son petit-fils Jean Wolff (1905/1990), né dans le château de la Rolandière, fut évêque à Madagascar, de 1941 à 1967.
On peut actuellement y louer des chambres d’hôtes situées dans le château ou des bungalows installés dans un camping 4 étoiles. Voir https://www.larolandiere.com/
La Martinière :
Autrefois la Petite Martinière ou la Martinière Verton ou la Martinière Bascle ; ne pas confondre avec la Haute Martinière (voir ci-après).
Ce fief, qui dépendait de Profond Fossé (voir ci-après) appartint de 1485 à 1594 à la famille Le Bascle (voir Crouzilles).
En 1639, le propriétaire était François de Sassay, cité également comme seigneur de La Girardière à Rivière (voir La Rolandière, ci-dessus).
Par la suite, le fief fut la propriété, en 1680, d’Henriette Filhet de La Curée, nièce de Gilbert Filhet de La Curée, qui avait épousé en 1660 François de Thienne, seigneur de La Mardelle à Villedômain, petit-fils d’Edme de Thienne (voir Genillé).
Leur fille, Marie Anne de Thienne épousa en 1686 Pierre d’Argy, seigneur de Manne à Crouzilles, fils de Jean III d’Argy, seigneur de Theneuil.
Le fief fut vendu comme Bien National à la Révolution, après avoir été saisi sur Armand Marc de Sassay (voir La Rolandière, ci-dessus).
Une des tours défensives a été transformée en pigeonnier sans toit
La Haute-Martinière :
Le fief, qui dépendait de Profond Fossé (voir ci-après) appartenait en 1781 à Vincent Loizillon, marchand à L'Île-Bouchard, qui épousa en 1793 Marie-Jeanne Torterüe. Leur fils, Frédéric Loizillon (1798/1869), notaire à L'Île-Bouchard démembra le domaine.
Le manoir est caractérisé par une massive tour défensive, avec des bouches à feu sur les quatre côtés, dont le haut a été transformé en pigeonnier.
La Thibaudelière :
Cette ferme, indiquée sur la carte de Cassini*, possède un petit logis du 17ème siècle, accolé à une maison plus récente, ainsi qu’une grange avec un porche, qui date du 18ème siècle et qui a été partagée en deux au siècle suivant.
Beauvais :
Ancien hameau, où subsistent plusieurs maisons du 15ème siècle, voir par exemple au n°1 et au n° 6 de l’allée de Beauvais.
Le Profond-Fossé :
Le premier seigneur connu de ce fief, qui relevait de Dorée à Parçay-sur-Vienne, fut, en 1377, Jacques de Possé. En 1435, selon la charte 651 du cartulaire de l’abbaye de Noyers*, le seigneur en était alors Jean Pelleteau, dit Caloche, qui fit un don de blé à cette abbaye « sur sa part de la dîme de Pouzay ».
Les seigneurs suivants furent, en 1451, Hector de La Jaille (mort vers 1499), propriétaire également des Montains à Loches, puis, en 1672, Pierre de Betz, qui, cette année-là, vendit le domaine au chapitre de la chapelle collégiale du château de Plessis-lèz-Tours (il s’agit peut-ùetre du Pierre de Betz, dit de La Harteloire (mort en 1709), lieutenant de vaisseau sur l’Achille, tué à l’ennemi).
En 1791, la propriété fut vendue comme bien national à Pierre François Jacques Le Breton (1732/1801), « ci-devant trésorier de France à Chinon », qui posséda également, entre autres biens, Nueil à Cravant-les-Coteaux, Vonnes à Pont-de-Ruan et La Chevrière à Saché ; ce dernier fut le père de François Joseph Le Breton (1761/1812), maire de Saché de 1801 à 1812 ainsi que de Louise Cécile Le Breton (née en 1758), laquelle épousa en 1782 Daniel Abel Marie de Pierres (né en 1749), propriétaire de Narçay à Cravant-les-Coteaux.
Article https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/IA37000299
« Le manoir de Profond Fossé est mentionné à partir de 1435 mais des analyses dendrochronologiques ont mis en évidence que le premier état de la construction remonte à environ 1410, ce qui en fait le plus ancien manoir du canton. L'analyse dendrochronologique d'éléments de sous-faîtage déposés ainsi que celle de plusieurs poutres en place indiquent que des remaniements ont eu lieu vers 1536. Le corps de bâtiment initial a été agrandi au nord vraisemblablement à cette date. Les ouvertures ont également été remaniées mais peut-être plus tardivement. Le corps de bâtiment qui correspondait à cet agrandissement figurait encore sur le cadastre de 1831 mais il a aujourd'hui disparu. »
Il reste deux murs de l’ancien pigeonnier, englobés dans une grange ainsi que des éléments du 16ème et du 7ème siècle, époque où ce manoir servait de grenier à sel.